03.2. Stop breathing if I don't see you anymore [Aahron & Julie]

Après toutes ces heures, ce voyage, elle y était enfin. Grayson. Ce nom résonnait dans sa tête, au rythme des battements de son cœur qui ne s'était pas calmé depuis qu'elle avait passé le panneau de la ville. Et voilà, après son long trajet de près de 15 heures de voiture, elle y était. Et maintenant, elle paniquait. Maintenant qu'elle était si près du but, elle était totalement terrifiée. Comment réagirait-il ? Qu'allait-elle lui dire en arrivant ? Et surtout... Qu'allait-il lui répondre ? Elle se mordit la lèvre, pour se concentrer de nouveau sur la route, et observer la ville dans laquelle elle venait juste d'entrer. De ses mains tremblantes, elle se gara finalement. Elle resta quelques instants dans sa voiture, le moteur coupé. Elle n'osait pas sortir. Elle n'était là que depuis quelques minutes, mais elle ne se sentait déjà pas à sa place, ici. Et finalement, elle se décida à se bouger un peu. Elle sortit finalement de sa voiture, et manqua de tomber. Ses jambes étaient encore tout engourdies, et le peu qu'elle avait dormi cette nuit, dans cet affreux motel, se faisait ressentir. Sa tête lui tournait, s'étant levée trop vite après tout ce temps assise.

Lorsqu'elle reprit correctement ses esprits, elle jeta un coup d'œil circulaire autours d'elle. Elle ne savait pas trop dans quelle partie de la ville elle se trouvait. Tout ce qu'elle voyait, c'était des maisons, la plupart étant plutôt en mauvais états, ayant certainement du vécu derrière elle, et une petite épicerie. Sur le chemin elle avait vu d'autres commerces, mais Grayson semblait tout de même un petit village perdu. Mais malgré cela, elle ne savait pas trop où trouver Aidan. Il y avait bien quelques personnes dans les rues, mais elle n'osait pas vraiment aller leur demander. Ce sentiment de ne pas être à sa place ici ressurgit dans son esprit, et l'idée de remonter dans sa voiture et de faire demi-tour le plus vite possible effleura quelques secondes ses esprits. Cependant elle se ressaisit presque aussitôt, et se résigna à traverser la rue pour demander son chemin à quelqu'un. Elle accosta une vieille femme, essayant d'afficher un grand sourire poli. Cette dernière ne lui rendit pas, la lorgnant d'un regard étrange, que Julie interpréta comme un regard agacé. Elle devait la déranger... Mais tant pis. C'était un petit village, alors avec un peu de chance, l'inconnue saurait répondre à sa question :

Excusez-moi... Est-ce que vous savez où logent actuellement les Donnelly ? Aidan Donnelly...?

Malgré l'air confiant qu'elle tentait de garder, la voix de la jeune fille flancha sur ses derniers mots. La femme semblait encore plus agacée maintenant, un peu gêné, peut-être, aussi. Julie tâcha de ne pas en tenir compte, et écouta ses indications. La maison qu'Aidan et ses frères habitait pour le moment n'était pas loin. Elle remercia l'inconnue, qui repartit en marmonnant quelque chose, et s'engagea dans la rue qu'on lui avait indiquée.

C'est ainsi qu'elle se retrouva devant la porte de la fameuse maison. Elle était tout près du but maintenant ! Elle n'avait finalement pas abandonnée, malgré toutes ses hésitations, et était allée au bout. Et maintenant, elle allait enfin revoir son blond, et savoir ce qu'il devenait. Avant de frapper, elle tenta de se rendre un peu plus présentable. Elle avait bien tenté tant bien que mal de se remaquiller un minimum dans la salle d’eau de ce motel en Illinois où elle avait passé la nuit.Mais les heures passées dans la voiture, et la fatigue avait laissé des marques sur son visage. Ses yeux cernées, ses cheveux blonds attachés maladroitement, et son visage blême ne la mettait pas forcément à son avantage. Elle passa quand même une main dans ses cheveux et remit sa veste comme il faut. Puis, inspirant profondément, elle se décida finalement, et levant sa main, frappa trois petits coups timides à la porte, et attendit, le cœur battant à tout rompre, et les jambes tremblantes, que quelqu'un se décide à lui ouvrir.

Le grand blond était occupé à mordre à pleine bouche dans un sandwich à la gelé et au beurre de cacahuète lorsque des coups s’élevèrent timidement à la porte. S’il avait été dans une autre pièce que le salon, il ne les aurait probablement pas entendus tant ils avaient été discrets. L’ainé de la fratrie Donnelly poussa un soupir las et reposa sa préparation dans l’assiette ébréchée qu’il s’était sorti. Même si Allie ne savait pas cuisiner, elle était toujours plus douée que lui ou savait du moins dresser une table... Il était célibataire depuis trop longtemps, ce repas très peu équilibré le lui prouvait.

En temps normal, Aidan se serait déjà précipité pour ouvrir, mais son jeune frère n’était pas là. Il était parti quelques temps plus tôt pour aller récupérer son job à la ferme des Ferguson et l’avait joint quelques temps plus tôt pour lui annoncer qu’il resterait manger chez le maire. Aahron n’aimait pas vraiment cette perspective mais il s’était gardé de tout commentaire. Après tout, l’idée d’envoyer Aidan sur place venait de lui à la base…
Samuel et lui aurait probablement échangé un regard pour savoir lequel des deux allaient se dévouer, et Aahron aurait gagné, par droit d’ainesse, sauf que lui aussi était absent. Il était une fois encore avec Charlie ce midi. Isaac ou Allie auraient été ouvrir sans trop de cérémonie, mais eux non plus n’était pas là. Ou peut-être que si, il ne les avait pas encore croisé en tout cas.
Il allait donc devoir se résoudre à abandonner son sandwich et sa bière pour ouvrir la porte et prendre du temps sur sa pause déjeuné qu’il ne passait pas avec David pour la première fois depuis longtemps. En effet, ce dernier était passé à la ferme aujourd’hui pour donner un coup de main à William sur il ne savait quel projet.

Aahron se leva dans un soupir puis essuya vaguement ses mains sur l’arrière de son jean sale avant d’apposer sa main sur la poignet de la vieille porte d’entrée. Il l’ouvrit dans un mouvement ample et vif, un petit vent chaud venant lui balayer le visage. Le trentenaire se retrouva alors face à un beau brin de fille à l’air cela dit un peu fatigué.
Blonde, plutôt petite, un visage juvénile aux traits harmonieux, elle semblait piétiner nerveusement leur paillasson, comme si elle était gênée de se trouver là. Il était déjà arrivé que des voisins viennent leur demander quelque chose et arborent cette attitude anxieuse… L’ouvrier ignorait quelles rumeurs circulaient à leur sujet, mais ça ne devait pas être très beau.
Il y a quelques mois encore, Aahron aurait tenté de la mettre en confiance, lui adressant un large sourire aimable et prenant un ton léger. Mais depuis que ses parents étaient morts dans un accident pour le moins étrange, dans ce village, il était incapable de se montrer aimable ou ouvert aux autres. Surtout envers les habitants de Grayson…
Ainsi, l’inconnue aux yeux singuliers n’eut droit qu’à un regard plein de méfiance tandis qu’il levait son bras vers le chambranle pour s’y appuyer d’un air décontracté. En réalité, il tentait plutôt de lui masquer la vue, faisant obstacle de son corps pour lui montrer qu’elle n’était pas la bienvenue ici, qui qu’elle puisse être…

C’est pour quoi ?

Il se faisait l’impression d’être devenu un de ces mecs peu bavard, cynique et cassant qu’on voyait dans les westerns. Le type casanier qui en a vu de toutes les couleurs et vit seul dans sa vieille cabane au milieu de nulle part…

Des pas se firent entendre, à l'intérieur de la maison. Son cœur battait toujours trop fort, et lorsqu'enfin la porte s'ouvrit, elle crut mourir tellement il résonnait à une vitesse affolante dans tout son corps. Mais, à sa grande déception – ou grand soulagement, en fait, elle ne savait pas trop – ce ne fut pas son Aidan qui apparut dans l'embrasure de la porte, mais un homme, de carrure nettement plus imposante que son petit-ami, et plus âgé, aussi. Son regard empli de méfiance, et son ton peu aimable faisaient clairement comprendre à la jeune fille qu'elle dérangeait, n'était pas la bienvenue. Ce qui fit piquer un far à la demoiselle, plus que gênée. Une fois de plus, dans cette ville, elle ne se sentait pas bien. Elle contempla ses chaussures quelques instants, n'osant pas faire face à l'inconnu mitigée entre l'idée de partir aussitôt, le laissant en plan et sa question en suspens, ou de lui répondre et savoir si elle s'était trompé de maison ou si... Elle était enfin face à quelqu'un de sa famille.

A cette pensée, elle releva aussitôt ses grands yeux noisette vers le visage de l'homme, à la recherche d'une quelconque ressemblance entre lui et Aidan. Ces cheveux blonds, peut-être... Un peu de la couleur de ses yeux aussi, peut-être... Mais elle n'était pas sûre, son esprit était un peu trop chamboulé, à vrai dire. Réalisant que de fixer quelqu'un comme cela, et de ne pas répondre à sa question était peut-être un peu impoli, elle ravala sa salive, et se décida à demander finalement :

« Excusez-moi de vous déranger... Je... Est-ce que je suis bien chez les Donnelly...? »

Sa voix tremblait alors qu'elle prononçait cette première question, mais elle arborait tout de même un sourire poli. Autant le savoir de suite. Puisqu'elle ne connaissait pas la famille Donnelly, elle ne pouvait pas vraiment déterminée si cet homme en faisait parti, ou non. Mais elle espérait tellement qu'elle soit vraiment en train de parler à un membre de cette famille qu'elle avait tant voulu rencontrer, bien qu'il ne lui paraisse pas vraiment aimable...

« Est-ce que... Aidan est là ? »

Qu'elle se borna à demander sans attendre la réponse à la première question, celle là lui brûlant trop les lèvres pour qu'elle la contienne. Elle voulait savoir de suite, si la raison de son voyage improvisé était dans cette maison, oui ou non.

Face à lui, la petite blonde se fit rougissante. Une pointe de culpabilité se mêla à l’agacement qui jusque là avait dominé les sentiments d’Aahron. Il détestait ce que ce village lui faisait, leur faisait à tous. Isaac se mettait à cogner son frère, Aidan pétait tout bonnement les plombs, Petey imaginait des choses, Trisha se faisait agresser par une force invisible, Allie se mettait à agir curieusement et lui devenait complètement paranoïaque, imbuvable, ce qui ne lui ressemblait pas vraiment... Contrairement à une idée reçue. Il n’avait jamais été un modèle d’amabilité mais tout de même, le trentenaire sentait bien qu’il dépassait certaines limites. Son récent face à face avec Logan Redd le prouvait bien.
En réalité, il n’y avait que Samuel qui avait connu une évolution positive à Grayson. Son cadet semblait en effet plus serein, plus mur que jamais. Il était temps.

Prenant donc sur lui, toujours appuyé à la porte de l’entrée, Aahron fronça légèrement les sourcils en attendant la réponse de l’adolescente. Celle-ci l’intrigua un peu. Se moquait-elle de lui ou ignorait-elle réellement si elle était ou non au bon endroit ?
Tout le monde à Grayson savait qui ils étaient, où ils vivaient et sûrement quelles étaient leurs habitudes. Il n’y avait donc que deux explications possibles : ou bien elle n’était pas d’ici ou alors elle tentait de le ménager et trouvait plus poli de faire comme si elle ne connaissait pas tout de sa vie.
Avant qu’il ait pu lui confirmer quoi que ce soit, la petite blonde reprit, sans prendre la peine de se présenter.

Est-ce que... Aidan est là ?

Cette fois, les sourcils de l’ainé des frères se haussèrent tandis qu’un « oh » incertain s’échappait de ses lèvres. Alors c’était ça, elle cherchait son petit frère. Pour quelles raisons au juste ? Il y avait fort à parier qu’il y avait une histoire de cœur là-dessous...
Et il fallait évidemment qu’il soit l’intermédiaire !

Il n’est pas là

Il mange chez les Ferguson ce midi

Voyant un voile de déception passer sur le visage juvénile de son interlocutrice, Aahron cru bon de reprendre la parole, essayant de se plonger dans ses souvenirs pour réconforter un minimum la jeune femme.

Tu est Sacha, non ? Aidan m'a parlé de toi

C'était faux évidemment, il l'avait juste entendu citer ce nom et celui de Casey et Suzanna sans vraiment y prêter plus d’attention. Il avait aperçue la fille du maire et celle du shérif lors de la soirée cinéma et il ne pouvait décemment pas s'agir d'elles, en revanche, elle pouvait tout à fait être la fille que son plus jeune frère avait rencontrée récemment et venait d’une des villes alentours...

Ainsi, elle était donc bel et bien dans la bonne maison, c'était déjà ça. Mais son bellâtre ne s'y trouvait pas. Il mangeait chez une famille dont le nom lui était inconnu... Cette nouvelle fit un peu un choc à la demoiselle. Il avait déjà commencé une nouvelle vie ici, il s’y était fait des amis. Déçue, elle baissa la tête. Bah, il fallait s'en douter qu'il ne l'attendrait pas les bras ouverts, en même temps... Peut-être qu'elle aurait dut lui envoyer un message finalement, au moins, il l'aurait peut-être attendu, et elle aurait put avoir des réponses rapidement. Mais elle l'avait déjà prévenu, de toutes façons, dans sa lettre. Il n'avait pas dut la prendre au sérieux. Elle poussa un petit soupir discret, avant de relever son regard vers l'homme qui lui faisait face. Il s'agissait donc bel et bien de quelqu'un de sa famille ?

Elle n'eût pas vraiment le temps de s'attarder plus sur la question, en fait, car l'inconnu reprit la parole, pour lui demander si elle était... Sacha ? Elle fut d'abord surprise de cette question, mais lorsqu'il lui annonça qu'Aidan parlait souvent d'elle, enfin de cette Sacha, la surprise se mua en... colère. Jalousie, quand tu nous tiens. Julie resta quelques instants sans rien dire, trop hébétée et choquée par cette confusion de l'homme. Alors, ainsi, elle, elle n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer sa famille, qui ignorait peut-être même son existence, mais son ami parlait « beaucoup » d'une autre à son supposé frère ? Alors, secouant la tête – à la fois pour chasser ses pensées négatives de son esprit, et pour répondre négativement à la question de l'homme – elle se décida enfin à se présenter :

« Non, je suis Julie. Cela ne m'étonnerait même pas qu'Aidan ne vous est jamais parlé
de moi... »

Elle poussa un soupir, ne sachant plus trop quoi dire. Elle avait volontairement omit de préciser qu'elle venait de Cleveland. Avec sa chance, l'homme la forcerait à rentrer chez elle sans qu'elle n'aie le temps de mettre les choses au clair. Cette Sacha hantait trop son esprit pour en rester là. Qui était-elle ? Juste une amie, ou plus ? Elle fronça les sourcils, soucieuse. Ses doutes étaient peut-être bien fondés après tout ? Il l'avait peut-être trompé une seconde fois. Enfin, si ça se trouvait, il ne la considérait même plus comme petite amie. Coupant court à toutes ses pensées, en demandant soudainement à « celui-qui-était-possiblement-son-beau-frère » :

« Quand est-ce qu'il rentrera ? Et... Euh, sans vouloir être trop indiscrète... Qui est Sacha ? Enfin, pour Aidan, je veux dire ? »

Bon, la deuxième question lui avait échappée. Mais il fallait la comprendre, la jalousie ressortait rapidement lorsqu'il s'agissait d'Aidan, forcément. Et puis, vis à vis de la première, c'était histoire de se faire une idée de combien de temps elle aurait à attendre pour voir enfin la raison de sa venue ici. Elle guetta les réponses à ces questions en trépignant sur place – oui, la patience n'était pas franchement le fort de la demoiselle-.

Sa mère lui avait toujours dit de tourner sept fois sa bouche avant de parler, et de chanter l’hymne national Irlandais avant de cogner... Il n’avait jamais suivi ses conseils malheureusement et venait une fois de plus de commettre une terrible méprise. Non seulement la jeune femme à qui il faisait face n’était pas Sacha mais en prime, elle semblait être proche d’Aidan. Assez pour qu’il sente une pointe de colère percée dans sa voix lorsqu’elle lui répondit.
Une prétendante peut-être ? Une petite amie sinon ?
Non, Aidan en aurait forcément parlé à longueur de journée, ne serait-ce que pour démentir la rumeur que ses frères et lui aimaient faire circuler sur son homosexualité… Et puis c’était un affreux vantard et il se serait très certainement gaussé d’avoir une copine aussi mignonne que cette dénommé Julie !

Julie… Ce prénom lui était vaguement familier mais il n’arrivait pas à se souvenir d’où il l’avait entendu. Maintenant qu’il y regardait de plus près, il lui semblait avoir déjà croisé la miss qui piétinait anxieusement son pallier… Il essaya de l’imaginer un peu plus décontractée, un peu plus maquillé peut-être, sans doute mieux apprêtée et coiffée. Mais non, rien ne lui revenait. C’était terriblement frustrant, d’autant qu’il s’était vraisemblablement mis dans de sales draps en citant cette Sacha.
Si Aidan avait un jour parlé d’une Julie en tout cas, il l’avait fait il y a fort longtemps, à l’époque où ils étaient encore à Cleveland. Et mon Dieu, que cette époque semblait lointaine…

Eh bien…

Il rentrera en fin d’après-midi je suppose. Avant, il aimait bien passer par l’épicerie pour saluer Charlie après son boulot et il faisait la fermeture avec elle

*Idiot ! Arrête de lui citer le nom de toutes les filles qu’il fréquente ! …Il faut dire qu’il ne fréquente quasiment que des nanas ce bourreau des cœurs *

C’est la petite amie de Samuel

Il avait emprunté assez de pentes glissantes avec elle comme cela. Et puis c’n’était pas à lui de gérer ça bon sang ! C’était à Aidan de calmer les nerfs de la blonde clairement jalouse qui se tenait toujours sur le perron de leur maison de location. A lui de gérer cette histoire et de lui expliquer qui étaient Charlie et Sacha.

Cela dit, je suppose que ça ne le dérangera pas que tu ailles le trouver maintenant à la ferme. Il passe plus de temps à s’amuser avec Casey et Joshua qu’à travailler de toute manière

Un doute l’assaillit pourtant soudain et les sourcils de l’homme se froncèrent.

Tu…tu les connaîs non ? Tu es bien de Grayson ?

L'homme répondit à sa première question, omettant peut-être volontairement de répondre ainsi à la seconde. Malgré le doute qui ne lâchait pas la demoiselle à propos de cette Sacha, elle tâcha de se concentrer sur la réponse que lui donnait l'inconnu. Aidan ne rentrerait que le soir donc... Mais passerais sûrement avant voir... Charlie ? Julie commença à froncer les sourcils, l'entente de ce deuxième prénom féminin la faisant tiquer. Mais mettant fin aussitôt à ce mini-début de crise de jalousie, l'inconnu prit soin d'indiquer qu'il s'agissait de la petite amie de Samuel. La blondinette hocha donc docilement la tête, un peu plus rassurée. Elle en déduisait que Samuel était un autre des frère Donnelly. Ce prénom lui était familier, Aidan lui ayant déjà parlé un peu de ses frères, à défaut de lui avoir présenté.

La proposition que l'homme lui énonça ensuite la laissa pensive.Hum, allé le voir directement dans cette ferme... Hum... Pourquoi pas. Cela lui ferait la surprise au moins... Mais elle aurait moins de temps pour se préparer psychologiquement à le revoir, et à devoir assumer sa réaction, si elle s'avérait négative en la voyant. Et puis qui était cette Casey. Encore un nom de fille qui lui était inconnu. Elle resta ainsi silencieuse, réfléchissant entre la possibilité d'attendre sagement son retour, notamment après son passage chez la Charlie, sur qui elle n'était pas censée avoir de doutes puisqu'elle sortait avec son frère... Ou l'idée d'aller le retrouver maintenant à la ferme où il travaillait ou plutôt la ferme ou il s’amusait avec cette Casey et ce Joshua. Elle aurait tout de suite ses réponses à ses interrogations... Cette idée se faisait tentante... Si seulement elle savait où se trouvait cette fameuse ferme. Et, brisant ses interrogations silencieuses, et tombant pile en accord avec cette réflexion personnelle qui trottait dans la tête de la demoiselle, le grand blond lui demanda en fronçant les sourcils si elle était bien de Grayson. Julie reporta immédiatement son attention sur ses chaussures, baissant la tête, gênée, telle une gamine prise en train de faire une bêtise. Bon, là, elle ne pourrait pas vraiment cacher plus longtemps son "secret", autrement dit ses quelques... Milliers de Kilomètres qu'elle venait de parcourir juste pour venir voir Aidan. Finalement, après quelques secondes de silence, elle se décida finalement à répondre, d'une voix timide :

« Euh... Pas vraiment en fait... Je viens de... Cleveland. »

Sa voix se perdit un peu sur le dernier mot, qui fut presque murmuré, tant elle avait eu du mal à le lâcher. Bah, comme cela c'était fait au moins. Elle releva le regard vers l'homme, lui adressant un grand sourire quelque peu gêné. Avant de prendre une grande inspiration, et de continuer dans sa lancée, le rouge lui montant aux joues :

« Je suis... La petite amie d'Aidan, en fait. Enfin, si c'est toujours le cas. »

Bon, voilà, tout était dit, là, au moins. Elle poussa un soupir, en ne quittant pas des yeux l'homme, guettant sa réaction. Autant pour l'annonce d'où elle venait, que pour celle de la raison pour laquelle elle était là, en quelque sorte. Il n'avait pas réagi à l'entente son prénom, donc peut-être qu'Aidan ne lui avait jamais révélé son existence. C'était l'occasion de voir à quel point il l'avait cachée aux yeux de sa famille.

Le malaise d’Aahron augmenta d’un cran encore lorsque Julie lui apprit qu’elle était de Cleveland… Qu’est-ce qu’elle fichait là !? La réponse était évidente, elle l’avait énoncée très clairement : elle venait voir Aidan. Elle avait fait des milliers de kilomètres pour voir son jeune frère qui, lui, n’avait jamais parlé d’elle...
Le grand blond se sentait coupable, même s’il s’avait que rien de toute cela n’était sa faute et qu’il n’avait absolument rien à se reprocher sur ce point. Aidan ne lui en avait pas parlé, c’était lui le fautif… Il n’avait pas à se sentir gêné pour elle ou parce qu’il ignorait tout de sa personne. Mais la suite du discours de la petite blonde souriante réussit tout de mêmeà le faire sentir stupide et à le mettre extrêmement mal à l’aise. La petite amie d’Aidan, sa petite amie de Cleveland qu’ils avaient quitté il y a des semaines de cela et se tenait sur le seuil de leur porte, réussissait même carrément à le faire rougir de honte.

Et soudain, la mémoire lui revint. Aahron se revit à l’enterrement de ses parents (enfin cette mascarade d’enterrement puisqu’il n’y avait pas de corps à mettre en terre), occupé à discuter avec quelques collègues et amis de son père. Au loin, il avait aperçu la jeune fille entrer, portant une robe bleue qui lui allait tout à fait. Le trentenaire avait vu Aidan venir à sa rencontre et la faire sortir presque subtilement alors qu’elle venait à peine de pénétrer dans la bâtisse laissée ouverte pour les convives. Lui et Samuel qui avait également été témoin de la scène, avaient échangés un rapide regard intrigué mais ça avait été tout. Il ne l’avait pas revue après ça, mais Aidan était retourné s’asseoir sur le fauteuil de leur père pour ne plus en bouger quelques minutes après. Il l’avait fichue dehors comme une malpropre…

Oh oui, cette Julie, bien sûr !

Enfin j’dis pas qu’il y a d’autres Julie c’est juste… Enfin tu es LA Julie

J’ai beaucoup de choses en tête en ce moment, excuse-moi si je ne t’ai pas remise tout de suite, Aidan parle…souvent de toi…

Il lui adressa son sourire le plus accueillant, même si intérieurement, il se maudissait et en faisant autant avec son jeune frère. Dans quelle situation le mettait-il encore ? Il n’en ratait décidément pas une !
Mais le sentiment qui dominait pourtant à présent restait cette bonne vieille culpabilité… Pourquoi Aidan ne leur avait-il pas parlé de Julie ? Par manque de confiance ? Pourquoi leur avoir caché son existence ? A moins qu’il soit le seul à ne pas être au courant… Aahron n’arrivait pas à se souvenir s’il lui avait un jour posé cette question horriblement gênante : et alors, tu as une petite amie ? Non, il ne l’avait jamais fait. Pas que ça ne l’intéresse pas, c’n’était juste pas le genre de conversations qu’ils avaient. Et c’était dommage.
Ce qui l’intriguait surtout, c’était que son jeune frère n’ait jamais cherché à se défendre d’être gay en utilisant la petite blonde comme preuve irréfutable.
S’arrachant à ses questions, le trentenaire se reconnecta à la réalité.

Tu…veux boire ou manger quelque chose ? Tu n’es quand même pas venue seule en voiture jusqu’ici

Elle avait fait tout ça pour un garçon qui ne l’avait même jamais mentionnée à sa famille…
A moins que… et si jamais elle n’était PAS la petite amie de son frère ? Si jamais il ne leur avait pas parlé d’elle parce qu’ils n’avaient rien à faire ensemble ? Il ne connaissait pas grand-chose au monde de la musique mais les groupies existaient… On entendait souvent parler de malades mentaux obsédés par leur artiste préféré. Aidan n’était pas VRAIMENT un artiste, du moins pas encore, mais c’était plausible à ça expliquerait beaucoup de choses.
Et si jamais Julie était dangereuse ?
Elle n’en avait pas l’air et en même temps, Grayson était un petit village sympathique de prime abord...

L'homme sembla pensif, quelques instants, suite à la « révélation » de Julie. Cette dernière commençait à se rendre à l'évidence. Aidan avait vraiment caché son existence à sa famille. Mais alors qu'elle commençait à baisser la tête, déçue, l'inconnu sembla avoir une illumination, et s'exclama finalement qu'elle était « LA Julie ». Ainsi, il la connaissait ? Il lui en avait parlé ?! Elle releva la tête aussitôt, affichant un grand sourire. Il lui adressait lui aussi un sourire, déjà plus chaleureux par rapport à son attitude précédemment, en s'excusant car il avait beaucoup de choses en tête, en ce moment. La blondinette souffla simplement un

« Pas grave... »

, trop heureuse à ce moment-là. Il avait donc parlé d'elle au moins un peu à sa famille ? Cette pensée la réconfortait un peu, au moins. Peut-être avait-elle trop douté de lui ? Elle ne savait pas trop, car même s'il avait parlé d'elle à sa famille, il ne lui avait jamais présentée...Il l’avait même éjectée comme une malpropre le jour de l’enterrement de ses parents. Alors qu’elle n’était là que dans l’intention de le soutenir. Elle ignora quand même ses quelques pensées. Elle verrait en temps et en heures si tous ses doutes étaient fondés.

Son sourire se mua en moue gênée lorsque l'homme lui demanda si elle voulait boire ou manger quelque chose... Et si elle était venue toute seule en voiture, jusqu'ici. Elle jeta bien malgré elle un regard vers sa voiture garée au coin de la rue, avant de reporter son regard vers ses chaussures, honteuse. Bah... Elle n'aurait peut-être pas dut lui dire qu'elle venait de Cleveland, en fait. Mais bon, de toute façon, même si il essayait de la persuader de rentrer chez elle, ou la sermonnait sur les risques qu'elle avait pris, elle s'en ficherait... Elle ne partirait pas tant qu'elle n'aurait pas des explications de Aidan, nah. Malgré qu'elle n'avait rien mangé depuis la veille au soir, et bu quelques heures auparavant, elle refusait tout de même poliment la proposition du jeune homme :

« Non merci, je n'ai pas vraiment soif ni faim... Et oui je suis venue de Cleveland toute seule en voiture, mais je n'ai connu aucun problème en chemin, j'ai été très prudente.

Ajouta-t-elle finalement. »

Elle affichait à présent un grand sourire d'enfant sage, bien qu'elle devinait très bien qu'il devait la prendre pour une idiote, d'avoir fait tout ce voyage, d'avoir pris des risques comme cela, pour un garçon, qui était déjà peut-être avec une autre à l'heure qui l'était, et qui n'en avait certainement plus rien à faire d'elle. Ces pensées la rendaient furieuse, certes, mais un peu triste aussi. Elle espérait vraiment que son petit voyage amadoue son petit-ami et le fasse revenir vers elle, vraiment. Mais elle le connaissait, et il y avait certainement de fortes chances qu'il ne trouve pas cela mignon ou romantique du tout, mais plutôt agaçant. Elle poussa un énième soupir, mais se reconcentra bien vite sur le grand blond qui lui faisait face. Pas question de montrer des signes de faiblesse, elle devait se montrer pleine de confiance, devant lui !

Aahron aussi allait faire preuve de prudence. La jeune femme avait l'air tout ce qu'il y a de plus innocent, mais il savait qu'il fallait se méfier de l'eau dormante. Aidan ne était une preuve vivante ! Sous ses airs angélique se dissimulait un véritable petit démon qui leur avait causé pas mal d'ennuis depuis sa naissance... et ces derniers temps, les choses ne s'étaient pas arrangées, au contraire. Si physiquement il avait l'air d'un mort vivant plus qu'autre chose avec ses yeux cerclés de mauve, son teint aussi pâle que ses lèvres et sa peau sur les os, personne ne savait ce qu'il avait en tête. Mais tous le craignait d’une certaine manière et appréhendait ses remarques ou ses actions.
Il avait vu Allie avoir des mouvements de recule quand il tendait le bras vers elle il y a quelques temps, captait le regard scrutateur de Samuel de temps à autres et lui-même n'était jamais tranquille lorsqu'il se retrouvait seul à devoir partager la maison avec lui. Quant à Isaac, depuis qu’il avait passé la nuit à l’hôpital avec lui, il semblait le seul à tolérer sa présence sans mal… Mais pour combien de temps ? Combien de temps avant qu’Aidan ne recommence à faire ces bizarreries et qu’Isaac recommence à le cogner ?

Julie allait-elle seulement le reconnaître ? Physiquement c'était certain, même si elle le trouverait changé, mais qu'en était-il du reste ? A quel point Grayson et la perte de leurs parents l'avaient-ils transformé au juste ? Aahron ne l’avait pas assez connu avant le drame pour le savoir. En réalité, il réalisait grâce à la présence de la petite amie du benjamin de la famille qu’il ne le connaissait pas du tout.
Mais Aahron ne se laissa pas aller à réfléchir à tout cela bien longtemps. Décidant de rester méfiant mais de se montrer courtois au cas où Julie soit vraiment celle qu'elle disait être, il s'écarta enfin de la porte.

Entre

La jeune femme s'exécuta, visiblement toujours aussi intimidée mais essayant de faire des efforts pour le lui dissimuler. Elle avait l'air un peu éprouvée par toute cette route, ce qu'il comprenait tout à fait. Ses frères et lui avaient mis trois jours pour arriver jusqu'à Grayson. Il faut dire qu'ils avaient pris leur temps puisqu'ils n'étaient pas vraiment pressés d'arriver dans le village qui avait vu mourir leurs deux parents... Ils avaient donc fait plusieurs pauses et avaient passés des nuits complètes à l’hôtel.
Aahron referma la porte derrière la petite blonde et se rapprocha d'elle en croisant les bras sur sa poitrine.

C'est un peu en désordre, on a du faire des travaux

Il ne connaissait pas Julie mais n'avait pas vraiment envie de donner l'impression d'être un grand enfant incapable de se cuisiner un plat... L'assiette à-demi dissimulée dans son dos.

Aidan t'as peut-être parlé de ce qui s'est passé ici, non ? On a été vandalisé il y a un mois alors...

Il ne termina pas sa phrase. Elle voyait le tableau. A moins qu'Aidan lui ait caché des choses à elle aussi...

Elle entra dans la maison derrière Aahron. Elle était intimidé et mal à l’aise mais essayait de le montrer le moins possible. Elle n’avait pas envie qu’ensuite ce dernier raconte à son petit frère à quel point sa petite amie lui avait semblé stupide. Elle regarda l’intérieur de la maison. Ce n’est pas ainsi qu’elle avait imaginé le lieu où vivait son Aidan. L’ainé des Donnelly lui parlait des travaux qu’ils avaient dû faire. Julie n’osait imaginer à quoi devait ressembler la maison auparavant. Mais une chose était claire. Elle y était mal à l’aise.

« Aidan t'as peut-être parlé de ce qui s'est passé ici, non ? On a été vandalisé il y a un mois alors... »

La jeune fille se tourna vers le grand blond. Elle rougissait. Elle releva les yeux qu’elle avait baissé puis s’adressa à Aahron.

« Non, Aidan ne m’a rien dit. Je n’ai pas de ses nouvelles depuis son départ. »

Elle soupira légèrement et ajouta :

« Je lui ai envoyé une lettre mais n’ai eu aucune réponse. Je suis venue car je m’inquiétais de son silence. »

Et voilà, là elle passait pour une véritable idiote. Parfait, que demandez de plus qui l'enfoncerais davantage...

L’assiette toujours dissimulée dans son dos, à mi-chemin entre le hall et le salon, Aahron fronça les sourcils d’incompréhension. Les réactions d’Aidan lui paraissaient de plus en plus étranges. Il ne leur parlait pas de la jeune femme avec qui il avait une relation depuis il ne savait même pas combien de temps (et il était hors de question qu’il interroge Julie a ce sujet) et ne lui donnait plus de nouvelles à elle.
En réalité, ces agissements étaient censé s’il on envisageait que son plus jeune frère se servait de la mignonne petite blonde face à lui. Mais ça ne lui ressemblait tellement pas… Margaret aurait été scandalisée d’apprendre une telle chose. Elle lui en aurait assurément collé une bonne derrière la tête avant de lui faire la leçon pendant des heures, de convoquer une réunion de famille pour le recadrer et l’humilier publiquement… Par amour bien entendu.

Hem… Ouais…

On a des soucis avec les téléphones en fait. Aidan a dû emprunter le fixe des Ferguson pour me prévenir qu’il restait manger là-bas. Pour le courrier j’en sais rien

Avant y avait une connexion Internet pas très stable à la bibliothèque mais depuis l’explosion et l’incendie, la bibliothèque est condamnée… Tu…n’es pas au courant pour l’incendie non plus du coup

Julie ouvrit de grands yeux. Elle devait sûrement être un peu agacé également par toutes les cachoteries de son petit ami, mais elle paraissait surtout surprise et inquiète pour le moment.

Y a pas eu de blessé et c’était juste une explosion de feux d’artifice en fait, mais… enfin c’était assez intense

Je…je vais quand même te préparer quelque chose à grignoter. Tu n’as qu’à t’installer là, j’arrive

Il se rendit donc dans la cuisine, déposa son assiette sur le comptoir et entreprit de préparer un plateau repas à Julie. Plus pour ne pas avoir à être avec elle que par réel souci de la voir s’alimenter après un tel trajet. D’ailleurs, il ne comptait pas vraiment se fatiguer, il allait simplement changer le sandwich déjà prêt d’assiette et lui apporter une cannette de soda.

Que fabriquait les autres quand on avait besoin d’eux ?
Qu’avait fabriqué Aidan ?

« Oh le boudin... »

« Euh... salut... »

« C'est qui cette blondinette ? Une cousine que je connais pas ou une minette de Grayson ?

« Aahron ! »

Aahron sursauta lorsqu’Allie apparut soudain dans la cuisine pour lui sauter dessus. Il avait failli laisser échapper l’assiette qu’il avait tiré du placard pour la remplacer par celle qui contenait son sandwich gelé/beurre de cacahuète. Il s’en sentait coupable et, pendant quelques secondes, il pensa que sa belle-sœur venait lui reprocher sa fainéantise et réprimander sa conduite. Mais il apparut très vite évident que ce n’était pas la raison de sa présence peu matinale dans la cuisine.
Elle venait vraisemblablement de se lever et avait dû croiser Julie sur son trajet de la chambre à coucher qu’elle partageait avec Isaac jusqu’à la cuisine où il se trouvait…
Et visiblement, la petite blonde ne s’était pas présentée, lui laissant cette tâche bien délicate. C’était typique ! Aidan ne perdait décidément rien pour attendre.

Agacé, Aahron poussa un soupir et s’appuya au plan de travail dans son dos, apposant ses mains sur le meuble, l’air morne.

Elle passe pas inaperçue hein

Julie n’était pas dans son champ de vision mais il y avait de grande chance pour qu’elle soit en train d’écouter leur conversation. L’ainé des Donnelly aurait agit de la même manière après tout, il ne pouvait pas la blâmer.
Il fit signe à la métisse de s’approcher et reprit sur le ton de la confidence.

Apparemment elle vient d’Cleveland… Elle s’appelle Julie et dit qu’elle est la petite amie d’Aidan. Tu savais qu’il avait une petite amie toi ?

Et à en croire l’expression d’Allie, il y avait fort à parier que ce n’était absolument pas le cas. Elle paraissait aussi surprise qu’il avait dû l’être quand Julie s’était présenté à lui quelques minutes plus tôt. Sauf qu’il avait été obligé de masquer sa réaction pour ne pas la vexer… Allie, elle, pouvait laisser libre court à sa surprise et laisser sa mâchoire se décrocher et ses yeux s’exorbiter comme bon lui semblait, la veinarde.
Au fond, Aahron aurait préféré qu’elle soit au courant. Si ça avait été le cas, il aurait pu se faire une raison. Il n’avait jamais vraiment posé de question à son frère à propos d’une petite amie et n’avait jamais été très proche de lui, même s’il avait conscience d’être resté le « héros » de son petit frère et de l’importance de son approbation pour Aidan.
Mais là, il n’en avait pas parlé à Allie et si c’était le cas, il y avait fort à parié qu’il n’en ait pas non plus parlé à Sammy et c’était une perspective assez inquiétante. Pourquoi faire tant de secrets ? Aidan avait-il si peu confiance en eux en fin de compte ? Qu’est-ce qui lui passait par la tête ?

T’en as jamais entendu parler toi non plus ?

Étrange. J'étais à Grayson, mais bizarrement devant moi se tenait la maison de mes rêves, celle que j'avais vu dans les prospectus de l'agence immobilière auprès de laquelle j'avais démarché en cachette. Je n'avais fait que me renseigner, car Allie n'avait pas voulu m'accompagner. En fait, à ce niveau, c'était moi le plus impatient, comme pour tout ce qui touchait à notre future vie ensemble. Comme si j'avais peur qu'elle allait m'échapper si tout ne se passait pas comme il fallait. Avec les jumelles en route, je ne devrais pourtant pas avoir de mouron à me faire. Donc, j'étais là devant la maison. Mais quelque chose ne tournait pas rond, le ciel était en train de s'assombrir mystérieusement. J'entrai par la porte principale après avoir monté les quelques marches du perron. À l'intérieur, tout était vide, pas un seul meuble n'occupait la pièce. Du bruit à l'étage attira cependant mon attention, on aurait dit des sons de lutte. Je décidai de monter les marches prudemment, jusqu'à ce que j'entende ma fiancée pousser un cri déchirant. Les dernières marches furent gravies en quatrième vitesse, et je débarquai dans la chambre avec fracas pour voir Nathaniel Redd planté en plein milieu, comme à attendre quelque chose. Je lui demandai ce qu'il avait fait d'elle, mais il ne me répondit pas, se contentant de sourire de cette façon malsaine qu'on lui connaissait si bien... Je l'attrapai par le col et le secouai fermement en répétant ma question de manière plus énergique. Il se mit alors à rire, à rire beaucoup, et me repoussa enfin. J'atterris en fin de compte à l'autre bout de la pièce, presque encastré dans le mur. Personne n'avait une telle force... Je me relevai après avoir vérifié l'arrière de mon crâne qui me faisait un mal de chien, et fonçai à présent sur mon opposant. Au fur et à mesure des coups échangés, je me rendis compte que je n'avais absolument pas l'avantage, malgré la carrure plus frêle de mon adversaire.

J'ouvris les yeux en inspirant un grand coup. Un mauvais rêve, ce n'était que ça. J'avais très soif cela dit, la salive me faisait défaut. Allie s'était apparemment levée depuis peu, puisque le lit était encore tiède. Je m'extirpai du lit à mon tour, et revêtis une tenue de sport. Dehors le soleil brillait déjà, encore une belle journée en perspective. La température cela dit, ne baissait pas elle, et l'air était probablement déjà étouffant. Ce n'était pas ce qui allait m'arrêter pourtant, ce rêve m'aura au moins donner une idée viable. J'allais m'entraîner, reprendre un peu d'exercice. Cela me serait utile pour reprendre mon job une fois à Cleveland, et aussi pour m'aérer la tête.
Je quittai notre chambre conjugale et passai dans celle de mes cadets. Des écouteurs et un iPod traînaient là, je m'en saisis et m'équipai, dévalant les marches vers le rez-de-chaussée tout en zappant les musiques afin de voir ce que la playlist réservait comme surprise.

Chérie, j'viens d'faire le plus étrange des rêves. J'étais en train d'me battre, mais j'arrivai pas à mettre une raclée à un pauv' type comme Nathaniel Redd. Donc j'me suis dis, si ça s'trouve c'est mon inconscient qui me parle et me dit d'reprendre l'exercice. J'vais aller courir un peu, tu veux pas v'nir j'suppose ?

dis-je en relevant enfin la tête, à présent dans le salon.

Mon regard tomba sur un petit brin de femme, mais pas du tout celle à laquelle je m'attendais. Se tenait devant moi, une adolescente, environ l'âge d'Aidan... Je ne la reconnus pas, pourtant à Grayson, je pensais avoir croisé tout le monde au moins une fois, notamment à la séance de cinéma plein air organisée depuis deux fois maintenant.

Euh... Salut.

m'exprimai-je sans trop savoir quoi ajouter.

En vrai, j'lui mettrai une raclée, faut pas croire.

affirmai-je avec conviction, un peu embêté tout de même d'avoir été surpris ainsi.

Je restais planté là un moment, sans trop savoir si je bafouerai les règles de politesse en m'éclipsant dans la cuisine. Mon corps pivota plusieurs fois vers la porte, pour revenir sur l'inconnue. J'esquissai un sourire indécis, plus pour me rassurer moi qu'elle en fait. Je finis par me décider pour la cuisine, et m'exprimai maladroitement avec mes mains pour lui montrer ce que je faisais. Je roulai des yeux une fois dos à elle, et poussai la porte de la cuisine pour trouver cette fois-ci Allie et Aahron en pleine discussion.

Quelqu'un m'explique là ?

demandai-je en pointant mon pouce par dessus mon épaule.

« Alors en fait, elle serait la copine de Aidan à Cleveland ! Oui je sais, c'est dingue ! Il habitait à la maison et il ne l'a jamais ramené. Je me demande si c'est vraiment sa copine ou c'est une genre de groupie psychopathe, ce serait pas la première hein... Y'avait eu cette brunette qui avait laissé des tas de lettres dans la boîte aux lettres tu te souviens ? Quel idiot d'avoir filé notre adresse... Bref ! »

« Bonjour mon amour, tu es vraiment trop sexy ce matin. Vous voulez plus de café ? »

« Je suis enceinte, mes besoins passent avant ceux des autres, c'est la nouvelle règle ici. Pas vrai chéri ? »

« Ah oui, donc elle est venue ici en voiture de Cleveland ! C'est trop romantique et elle serai sa petite amie, pas un coup d'un soir je pense. Enfin je ne sais pas quoi penser mais j'ai vraiment envie de réveiller Aidan... »

Allie n’avait même pas fait semblant d’être ennuyée par cette histoire. Elle s’était jetée sur le scoop comme un vautour et répandait déjà la rumeur auprès de tous. Enfin Isaac n’était pas le monde entier mais tout de même… Aidan avait intérêt à se méfier le jour où il serait une superstar. Allie était une bavarde invétérée et dès qu’il s’agissait d’amour ou de romantisme, on ne la tenait plus. Sauf que du côté d’Aahron, rien dans la situation de Julie ne lui apparaissait très romantique…
Son jeune frère avait gardé leur relation secrète et il avait apparemment fallut qu’elle se traine jusqu’ici parce qu’il refusait de lui donner de nouvelles. Sans doute s’était-il figuré que s’il partait assez loin pendant suffisamment longtemps, elle lui lâcherait la grappe et considérerait leur histoire comme finie. Oui, c’était sûrement ça en réalité.
Terrassé par la perte de ses parents, son jeune frère s’interdisait tout bonheur, il n’avait pas envie d’une relation stable maintenant mais était trop fragile pour supporter les larmes d’une rupture. Alors il avait coupé le cordon à sa façon… Et en même temps, Aahron n’y croyait pas trop.
Son frère était un tombeur. Un briseur de cœur ambulant et ça ne lui avait jamais posé problème jusque là. Du moins pas à la connaissance de son ainé qui finalement savait peu de choses sur la vie amoureuse du petit angelot de sa défunte mère.

Aahron tiqua quand Allie eut terminé son monologue, et il jeta un énième regard du côté du salon où se trouvait toujours Julie. Allie avait une voix qui portait et il n’était pas certain que ses remarque aient échappées à l’adolescente. Surtout si elle les espionnait, ce qui, encore une fois, était très probable.

Parle moins fort

Elle est apparemment pas au courant qu’Aidan nous a jamais parlé d’elle. J’ai fais comme si il en parlait à tous els repas ou presque alors… enfin faites pas de gaffe, ok ?

Son regard se tourna une énième fois vers le salon, puis il refit face à Allie, les sourcils toujours un peu crispé par l’agacement.

J’suis censé être ici pour lui préparer quelque chose à manger alors… Rendez-vous utile au lieu de jacasser comme deux commères. On dirait Mme Pietsky

Celle-ci était pour Isaac. Ca lui apprendrait à… Se lever aussi tard.

Et pour ton information, Allie, Aidan s’est levé il y a des heures. Je crois même qu’il n’a pas dormi cette nuit encore

Il est allé chez les Ferguson voir s’il pouvait pas récupérer son job. Il a mangé là-bas. Et il est presque 14h… Alors au boulot maintenant. Allie, toi t’as qu’à aller… lui faire la conversation

Comme ça tu pourras lui poser toutes les questions que tu veux

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03.2. Stop breathing if I don't see you anymore [Aahron & Julie]

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