Aidan referma la porte en poussant un lourd soupir, évacuant ainsi toute la tension. Il venait de passer la dernière heure à tenter de réconforter sa belle-sœur et cette tâche l’avait lessivé. Si Aahron n’avait pas insisté pour avoir accès à la salle de bain, il serait probablement encore assis sur le sol froid et inconfortable en train de consoler la jeune femme.
Il n’était pas peu fier de lui à ce propos d’ailleurs et trouvait qu’il avait gérer cette situation comme un prince de bout en bout. Sauf qu’assurer était indéniablement fatiguant et qu’il ne pouvait pas se permettre de se reposer pour recharger ses batteries.
Pas après la conversation qu’il avait eu à Allie et durant laquelle il n’avait pu échapper au souvenir de ce qu’il avait fait quelques temps plus tôt, juste avant qu’elle ne lui annonce qu’elle était enceinte. Ou plutôt, ce qu’il aurait pu faire…
Dormir n’était pas une option envisageable. Pas tant qu’il ne se maitriserait pas mieux. Et puisqu’il en était incapable, alors il ne dormirait jamais plus, voilà !
Si seulement les choses pouvaient être aussi simples.

Poussant un nouveau soupir las, Aidan descendit les escaliers de la maisonnette avec lenteur, laissant sa main glisser sur le bois poli de la vieille rambarde branlante. Une fois au rez-de-chaussée, il traina des pieds jusqu’au salon et se laissa lourdement tomber sur le canapé où dormait Aahron depuis leur arrivée. Il envisageait de plus en plus sérieusement de lui proposer qu’ils échangent leur place.
Ils doutaient que son ainé accepte cette offre et partage une chambre avec Samuel (qui lui ferait sûrement la tête pour avoir eu cette idée) mais il ne perdrait rien à essayer de le convaincre.
Priver son frère du confort d’un lit à peu près confortable que lui-même n’utilisait pas était cruel. Sans compter que les aller et venus de Samuel empêchaient le plus âge des Donnelly de vraiment trouver le repos.
Non, décidemment, ils ne pouvaient pas continuer comme ça. Il allait falloir qu’Aidan prenne son rôle de frère attentionné plus à cœur et agisse. Il lui en parlerait dès qu’il sortirait de sa douche.
Maintenant, il ne restait plus qu’à se trouver une excuse autre que : je ne veux plus assister au massacre d’innocents ou risquer de tuer ma propre famille pendant mon sommeil alors tu peux prendre mon lit frérot.
Ça allait être coton, d’autant que son cerveau était en mode automatique et semblait avoir perdu les fonctions : réflexion intense et recherche de bonnes idées et autres plans tordus pour duper mes frères.

Laissant échapper un grognement agacé, le jeune homme se saisit de la télécommande et alluma le poste de télévision auquel il faisait face. Il fit défiler les programmes et, comme il l’imaginait, n’en trouva aucun qui lui convienne vraiment. Son cerveau fatigué ne le laissait de toute manière pas vraiment se concentrer sur quoi que ce soit assez longtemps pour qu’il puisse comprendre ce qu’il voyait.
Il se contenta donc de laisser le poste tourner et de simplement observer des tâches se mouvoir sans vraiment y faire attention.
Il fallut un long moment à Aidan pour réaliser qu’il n’avait pas allumé la lampe du salon et que l’absence d’un bon éclairage fatiguait ses yeux et le plongeait lentement mais sûrement dans un état apathique plutôt risqué.
Mais c’était trop tard. Ses jambes refusaient de le porter. Son esprit avait beau lui hurler de se bouger, d’arrêter de jouer les fillettes et de remuer ses fesses, il restait cloué sur le sofa dans lequel il s’enfonçait un peu plus à chaque seconde. Sa tête n’était d’ailleurs plus alignée avec le reste de son corps mais penchait dangereusement vers l’accoudoir qui lui paraissait extrêmement confortable tout à coup…
Ses paupières brûlantes se fermèrent malgré lui et, après avoir lutté pour les rouvrir durant un long moment, il capitula.
Juste un instant. Aidan n’allait pas dormir évidemment ! Juste fermer les yeux un petit moment et laisser sa tête entrer en contact avec l’accoudoir.
Et c’est ce qu’il fit. Sans vraiment s’en rendre compte, il bascula.
Il s’évanouit plus qu’il ne s’endormit. Il pouvait encore vaguement capter les voix s’élevant de la télévision, sans en avoir réellement conscience. Il était désormais incapable d’ouvrir les yeux ou de formuler la moindre pensée cohérente, pourtant, le jeune homme était encore à demi-éveiller.

Un bruit en provenance de la cuisine le tira soudain de sa torpeur sans qu’il ne comprenne ce qui venait de se passer. Le cœur battant, les yeux écarquillés, il se redressa dans un sursaut pour poser son regard hagard sur le décor qui venait de retomber brusquement. Le souffle court, la tête lourde et bourdonnante, il resta longuement prostré, incapable de se rappeler ce qu’il fabriquait ici, ni même où il était.
Une voix familière s’éleva soudain près de lui et la lumière bleutée d’un téléviseur lui permis de reconnaitre Isaac. Isaac qui était sorti après s’être disputé avec Allie qui lui avait annoncé qu’ils allaient devenir parents. Voilà, les choses reprenaient leur place.
Passant une main alourdie par la fatigue dans ses cheveux blonds, le jeune homme soupira.

« Bah j’suis couché là » répondit-il mollement, frottant ensuite ses yeux gonflés par la fatigue « Et toi, pourquoi t’pas 'vec Allie ? »

Confortablement adossé dans le canapé, une jambe relevée et le coussin de son ainé contre lui, Aidan toisa longuement Isaac. Ses lèvres se pincèrent et son regard se fit curieux avant qu’il ne reprenne la parole.

« A d’autre, trou d’cul ! » fit-il mine de s’énerver « J’te rappelle que je suis encore un sale adolescent révolté, tu m’la fera pas à l’envers mon p’tit père ! Moi aussi je sors souvent "manger des trucs" avec Samuel ! » ajouta le jeune homme en mimant ses guillemets « C’que tu vas manger, c’est la main d’Allie dans la tronche, maintenant c’est certain… »

Il laissa passer un silence pour renforcer un peu l’effet dramatique de sa menace, souriant avec malveillance.
Même s’il aurait préféré que les choses s’arrangent entre le jeune couple dès le retour au bercail de son frère, Aidan trouvait cette situation très amusante. Il fallait avouer qu’il était rare pour son frère de passer la porte d’un bar, surtout seul.
La première chose à laquelle Aidan et Sam avaient pensé lorsque leur frère avait décidé de s’orienter vers une carrière de médecin, c’était qu’ils allaient avoir accès à toutes sortes de pilules et autres drogues – auxquels aucun d’eux n’aurait sans doute touché mais c’était toujours super cool à savoir.
Mais son frère, au lieu de profiter de toutes ces belles choses, était devenu le jeune home sérieux, responsable et assommant qu’il était aujourd’hui. Un garçon qui avait refusé de boire plus d’une bière un Noël parce qu’il devait reconduire sa belle dans sa voiture pourrie…
Il n’y avait plus eu de virée dans le café de leur oncle où Aidan, encore très jeune à l’époque, l’observait avec fierté saluer tous les piliers de bar et beugler des insanités lorsqu’il avait trop bu. Il se rappelait encore les bagarres mémorables durant lesquelles sont ainé lui donnait l’ordre de se planquer sous la table en vitesse. Il se rappelait même d’une fois où il avait refusé et où Isaac, alors âgé de dix-sept ans, c’était fait casser une bouteille sur la tête par sa faute.
D’ailleurs, cet évènement avait marqué sa dernière tournée… C’était la belle époque.
Après ça, les bières avaient été remplacées par de vieux livres énormes, des pattes de cochon mort et d’autres trucs visqueux et dégoutants.
De toute façon, du point de vu de tous (ou presque) le seul point positif dans cette histoire avait été sa rencontre avec Allie à l’hôpital universitaire.
Et ce grand crétin venait de compromettre tout ça pour un verre de…

Aidan fronça les sourcils et se leva avec prudence, poussant un soupir rauque sous l’effort que ce simple mouvement lui demandait. Isaac l’observa faire, d’abord intrigué, puis inquiet. Il eut un mouvement de recule lorsque son jeune frère s’approcha de lu, le scrutant avec une grande attention. Alors qu’il était à quelques centimètres de son visage le plus jeune renifla bruyamment.
Un large sourire éclair le visage d’Aidan lors qu’il se recula de quelques pas.

« T’es mort. T’es tellement mort, Isaac » pouffa-t-il, doucement, la fatigue l’empêchant de s’esclaffer plus que le désir de ne réveiller personne « Allie va te crucifier quand elle va comprendre que t’as été boire. …Et moi je devrai t’abattre d’un coup d’un seul pour avoir été boire sans moi… Espèce d’ingrat ! Je défends ton honneur face à la tigresse que t’as abandonnée dans sa cage et comment j’suis remercié, hm ? »

ne fois encore, il laissa un silence passer, plein de suspense.
Non, en réalité, il attendait une réponse de la part de son frère qui tardait à venir.

« Bah ! Vas-y ! Dis-moi comment tu comptes me remercier, gros benêt »

Aidan grimaça au passage de l’alcool et reposa sèchement son verre déjà vide sur la table basse près de lui. Il se perdit ensuite dans la contemplation de la silhouette familière de son frère, installé à ses côtés sur le canapé.
Vraisemblablement, l’Isaac qu’il connaissait et auquel il avait fini par s’habituer, celui qui était chiant come la pluie, refaisait peu à peu surface. Le simple fait qu’il utilise les termes « taux d’alcoolémie » et « prendre à la légère » dans une seule et même phrase le prouvait.
Mais le plus jeune des frères ne s’attarda que peu de temps sur ce point de sa réplique.
Une question venait de lui être posée. Une question plutôt vaste et qui pouvait couvrir un bon nombre de sujet. Aidan pensa d’ailleurs un instant à lui demander de préciser sa pensée, mais y renonça.
Il savait parfaitement à quoi son ainé faisait allusion ici. Tout le monde lui avait posée cette question cette semaine. D’abord Aahron au salon, puis Sam dans leur chambre après l’avoir amadoué avec un peu de vodka, et maintenant Isaac s’y mettait, joignant le salon et la vodka.
Ils étaient forts. Très forts ! Sans doute avaient-ils organisé une réunion à son propos pendant son absence et s’étaient-ils fait passer le mot. Chacun ayant presque réussi à lui tirer les verres du nez, ils avaient décidé de joindre les deux idées pour le coincer.
Mais ça ne prendrait pas.

Aidan poussa un lourd soupir et rejeta un instant sa tête en arrière d’un air blasé. Celui qu’il utilisait en général quand il demandait à Dieu de le foudroyer dans l’instant.
Il se redressa ensuite et refit face à son frère qui attendait toujours sa réponse, faisant tourner son verre encore bien plein entre ses mains.
Lui qui avait prévu de ne pas boire venait finalement de s’enfiler tout le contenu de son verre avant Isaac…

« Bon… puisque c’est toi qui lance le sujet et que tu passes une sale journée, j’accepte de répondre » exposa Aidan dans un nouveau soupir, plus discret cette fois « Voilà… tu avais vu juste… c’est bien moi qui ai détruit ta maquette d'avion de la Seconde Guerre Mondiale quand j’avais six ans et j'm'en veux même pas d'avoir fait accuser ton meilleur ami dont j'ai oublié le nom et qui n'a plus été ton meilleur ami après ça ! » débita-t-il très rapidement avant de lever ses mains devant son visage pour faire mine de se protéger

Il resta immobile une poignée de secondes puis écarta les doigts de sa main valide pour observer la réaction de son frère. Comme il s’y attendait, sa blague douteuse et prévisible n’avait amusé que lui. Mais c’était toujours une personne sur deux ; une bonne moyenne à son sens.
Laissant échapper un petit gloussement peu convaincu et convainquant, il se pencha en avant pour attraper le restant de vodka abandonnée par son frère.

« Je sais, je sais, je suis un crétin puéril et minable. Mais j’le vis bien, j’t’assure. Tu m’excuseras mais finalement, je vais en reprendre une goutte pour faires passer celles d’avant et noyer ma honte » ajouta-t-il en levant la bouteille « Puis j’ai pas de souci avec l’hygiène moi, j’suis en phase avec mon corps, il me l’rend bien j’peux lui faire ce que je veux » assura Aidan en frappant dignement sur son torse de son bras plâtré, avant de laisser échapper un petit ‘ouch’ discret « Puis j’voudrai pas avoir fait tout ça pour rien ! T’imagine pas les risques que j’viens de prendre pour aller chercher cette petite bouteille apparemment quelconque ! Parce que, si tu veux tout savoir, Sammy dormait avec ! Il ronflait dessus tel l’ogre du… Petit Poucet, en plus velu, bruyant et odorant encore ! J’ai du usé de stratagèmes incroyables pour la récupérer ! Et tu voudrais que je n’en boive qu’une gorgée ? Et bien non monsieur, il faut la finir ! Sinon Samuel ne se rendra pas compte qu’il s’est fait avoir et je ne saurai vivre avec ce poids » déclara-t-il solennellement avant d’avaler une gorgée du liquide incolore « Si j’dois me faire abattre pour lui avoir encore piquée une bouteille de sa réserve, autant l’avoir effectivement bu, t’es pas d’accord ? L’autre fois déjà, Charlie - c’est la caissière de l’épicerie mais j’crois que tu l’as jamais rencontrée toi - avait vidée ma Tequila dans l’parc. Les gens de Grayson sont de sales gaspilleurs capitalistes, moi j’te l’dis ! » jura Aidan en portant une nouvelle fois la bouteille à ses lèvres, mettant un moment à réaliser que l’alcool ne désaltérait pas, au contraire « Si j’suis à demi-bourré seulement, j’peux pas dormir. J’ai remarqué ça l’autre fois ! Quand j’ai bu avec Sam et qu’on s’est disputés,… bah on buvait dans cette bouteille d’ailleurs ! Oh et sans verres, j’suis désolé – et bref, il me l’a confisquée ! Du coup j’avais pas eu ma dose et j’me suis endormi puis réveillé au milieu de la nuit » expliqua-t-il avant d’enchainer, ne laissant toujours pas à son frère l’occasion de participer à la conversation qui était devenu un interminable monologue… « Mais le lendemain, avec la Tequila et Charlie, c’était mieux. Quand j’me suis réveillé, même si c’était toujours la nuit et que j’étais malade comme un chien, beh j’avais pas fais de rêve, tu vois ? C’est pour ça que j’dois finir la bouteille ce soir et que tu n’y toucheras plus » annonça Aidan dans un sourire, avant d’avaler une rapide gorgée et de reprendre « Parce que j’suis pas stupide, j’le sens bien que ça va être foireux ce soir. Quand j’pense que j’voulais pas boire… heureusement que t’es là pour me dépraver ! Tu sais, j’t’aime mieux comme ça, enfin pas quand t’as un peu bu, parce que j’trouve que ça craint d’aller boire tout seul comme tu l’as fais, mais t’es cool. J’crois qu’Allie aimerait bien qu’tu sois comme ça plus souvent… D’ailleurs, tu devrais monter maintenant, allumer toutes les lumières et crier : femme ! il faut qu’on parle ! » s’exclama-t-il en prenant une voix grave et en bombant le torse dans une imitation assez lamentable d’Isaac « Et puis tu lui balances deux trois répliques pleines de bon sentiments, tu t’approches et vous vous envoyez sauvagement en l’air ! …Merde… c’est moi qui est dit ça ? » grimace de dégoût et nouvelle gorgée

Depuis quelques instants maintenant, son frère ne semblait même plus essayer d’ouvrir la bouche pour l’interrompre. Il paraissait perdu dans ses pensées et ne prenait même plus la peine de le regarder. Aidan était habitué à ce genre de comportement. Il avait toujours été un bavard invétéré et les ses interlocuteurs se lassaient fréquemment de ses longs discours.
Etendant son bras valide, il lui donna un petit coup avec sa bouteille.

« Hey, fais pas semblant de t’ennuyer, c’est très intéressant ce que je raconte et c’est toi qui m’a lancé sur le sujet avec ta question débile ! Pas celui du sexe hein, ça j'y suis arrivé tout seul comme un grand, mais quand même… Puis j’suis en train de sauver ton couple, mec ! Allie allait se tirer ! Tu t’rends compte ? Se ti-rer » articula-t-il en plongeant son regard azuré dans celui de son ainé « J’ai dû user de tout mon charme pour qu’elle accepte de te revoir un jour ! Enfin non, pas vraiment… m’enfin tu lui a fais de la peine ! J’ai dû assurer comme une bête et c’était super fatiguant… D’un côté, ça renforce l’admiration que j’ai pour toi » réalisa le jeune homme en se perdant un instant dans ses pensées « Et d’un autre côté, ça me donne envie de te mettre mon poing sur la tronche, mais j’sais pas encore trop pourquoi… »

Et pour conclure, Aidan avala une nouvelle longue gorgée de vodka.

Un large sourire aux lèvres, Aidan fit mine de dégager la main de son frère de ses cheveux avant de les recoiffer. Il n’avait plus eu droit à de telles marques d’affection depuis… et bien depuis un bon nombre d’années maintenant. Même après l’annonce de la mort de leurs parents, Isaac ne s’était pas permis ce genre de débordements. D’après lui et les autres, c’était bien trop « gay » comme attitude et leur fierté était plus précieuse que tout. Le cadet était le seul à ne pas vraiment se soucier de ce genre de détail, ou du moins, à s’en vanter.
Il avait d’ailleurs été le seul à prolonger indéfiniment son étreinte avec sa mère la veille de leur départ.
Il l’avait d’abord suivie toute la journée en lui réclamant fréquemment de le prendre dans ses bras, avant de la nier et de bougonner durant les deux heures qu’ils avaient passées à l’appartement d’Isaac et Allie où ses parents l’avaient déposés. Il regrettait maintenant amèrement sa réaction et aurait voulu profiter davantage de ses parents. Il n’avait réalisé que trop tard à quel point il avait été stupide de jouer les gamins capricieux. Il s’était rattrapé sur le pas de la porte, refusant de relâcher sa mère et menaçant de l’enfermer dans un placard jusqu’à la fin de ses jours. Elle avait ri puis l’avait écarté avant de l’embrasser une dernière fois et de prendre la voiture.
Cette nuit là, Aidan avait eu son premier cauchemar et s’était réveillé quelques minutes avant l’aube.
Lorsqu’il avait appelé sa mère pour lui en parler, il était trop tard ; son père et elle étaient déjà en voiture. Elle l’avait rassuré et il avait renoncé à la convaincre de rester.
Comme il regrettait…

« Vermine toi-même ! J’espère que tu devras ramper à ses pieds comme un chien » s’exclama-t-il en le pointant de son index pendant qu’il lui tournait déjà le dos

L’instant d’après, Aahron apparu dans son champ de vision. Il avait l’air particulièrement agacé pour il ne savait quelle raison –son air de tous les jours en somme- et Aidan lui adressa un sourire, prenant grand soin de dissimuler sa bouteille sous son sweater. Il la dissimula vaguement derrière son bras plâtré qu’il laissa reposer contre sa poitrine. Avec un peu de chance, son ainé serait trop perdu dans ses pensées pour songer à vraiment faire attention à lui.
Aidan sauta sur ses pieds se hâta de diriger ses pas vers l’escalier que son frère venait de quitter.

« J’t’ai chauffé la place, on a pas bu du tout et même si on l'a fait c'est la faute d'Isaac et c'est lui qui fera la vaisselle et je vais me coucher à demain » débita-t-il rapidement avant de se détourner pour grimper les marches quatre à quatre

La salle de bain qui était devenue son refuge depuis leur arrivée étant présentement occupée par Isaac, Aidan se dirigea d’un pas devenu trainant vers le cagibi encombré. Ils s’étaient promis de le vider pour permettre à Aahron d’avoir lui aussi sa chambre, mais jusque là, personne n’avait eu le courage de s’y atteler.
De ses nombreux sourires il ne restait plus la moindre trace.
Jetant un regard par-dessus son épaule pour s’assurer que personne ne le voyait faire, il ouvrit la porte du réduit et s’y engouffra, refermant doucement la porte sur son passage. Poussant un long soupir et ne prenant pas la peine d’allumer l’ampoule nue de la pièce, il se laissa tomber, appuyant son dos à la porte. Il n’avait même pas la place d’étendre ses jambes et les fit donc remonter vers sa poitrine pendant qu’il sortait la bouteille de sous son vêtements.
Il s’attela ensuite à dévisser le bouchon de sa bouteille avec lenteur, son regard azuré perdu dans le vague.
Après un long moment, il la porta à ses lèvres et en avala une longue gorgée avant de chasser d’un geste rageur les quelques larmes qui venaient sans raison apparentes perler à ses yeux fatigués.