Cela faisait déjà dix minutes environs qu’elle était arrivée à destination et pourtant, Casey n’avait toujours pas frappé à la porte de la maison des Donnelly. Elle n’avait même pas vraiment encore osé rentrer dans le jardin et se contentait d’angoisser à l’angle que formait la haie de la maison voisine.
Après ce qui s’était passé dans le parc un peu plus tôt dans la semaine, c’était normal après tout. Rien que d’y repenser, elle se retrouvait aux prises d’un côté avec une impression étouffante et malsaine, de l’autre avec une espèce de culpabilité agacée.
Ce qui s’était passé durant cette stupide séance de spiritisme ne trouvait toujours pas d’explication à ses yeux, et elle en voulait à Demi et sa méchante chienne agressive d’avoir de nouveau été les instigateurs de tout ça. Chaque fois que l’un d’eux quatre avait affaire à eux, ils se retrouvaient sous une montagne d’ennuis.

Les mains dans les poches de son petit short en jean, Casey esquissa un très vague sourire presque attendrit tandis que ses yeux verts se portaient instinctivement vers la maison. Elle venait de réaliser qu’elle incluait Aidan dans leur groupe maintenant. Ils avaient toujours été trois : Suz, Joshua et elle. Pourtant, depuis qu’Aidan avait débarqué au village, les choses avaient changé.

Et puis de toute façon elle devait bien au jeune homme de prendre son courage à deux mains pour remontée l’allée de son jardin et au moins essayer de frapper à cette maudite porte. Leur dernière aventure avec le journal flottait encore dans toutes les têtes et malgré ça, Aidan avait traversé le village et avait surtout trouvé le courage de venir frapper à sa porte pour s’excuser en personne. Il était même le seul qui l’ait aidé à rédiger les lettres d’excuse aux habitants.
C’était son tour cette fois-ci, et elle ne comptait pas se dégonfler d’ailleurs. Elle avait simplement besoin de quelques minutes pour se donner du cœur au ventre.

Le souci dans cette histoire, c’est qu’Aidan avait trois grands frères qu’elle connaissait à peine, et toutes les histoires qui circulaient sur eux n’étaient pas pour la rassurer. Ils étaient du genre à faire beaucoup d’histoires et beaucoup de problèmes et tout un plat du moindre détail. Enfin, c’était tout du moins l’image qu’ils véhiculaient et sa courte entrevue avec Aahron dans le parc n’était pas pour l’en dissuader. Refuser un médecin alors que son petit frère était inconscient c’était… eh bien c’était inconscient ! Pire que des témoins de Jehova.

Enfin bref, après d’innombrables soupirs et quelques nouvelles minutes d’hésitation inquiètes, la jeune femme fini par se lancer et quitta enfin sa planque pour s’engagée dans l’allée qui menait au perron de la vieille bâtisse à la sinistre réputation.
Le cœur battant à tout rompre et la gorge serrée d’appréhension, elle se posta face à la porte et piétina quelques instants encore avant d’enfin frapper quelques coups discrets.

Triturant ses doigts rendus un peu moites par la chaleur aussi étouffante que d’habitude, elle patienta un petit moment en essayant de ne pas prendre garde aux pointes de trac presque douloureuses qui lui traversaient le ventre.
Elle s’apprêtait à frapper une seconde et dernière fois avant de prendre la fuite lorsque des pas se firent entendre dans le hall.

Immédiatement, une expression coupable et angoissée vint s’agglutiner à son visage sans qu’elle ne puisse rien faire pour s’en débarrasser. Un petit vent de panique l’assaillit l’espace de quelques secondes ou elle fut presque tentée de sautée en bas du perron pour se planquer, mais trop tard. La porte venait de s’ouvrir…

« Bon-bonjour je suis hem… j’suis Casey Ferguson la fille du… de William Ferguson et en fait je me suis dis que, enfin je viens voir si Aidan va bien à cause de c’qui s’est passé… l’autre jour au parc »

Elle avait le souffle terriblement court, comme si elle avait couru pour venir, plus chaud que dans un four et les joues aussi rouge que si elle avait prit un coup de soleil, mais au moins, c’était dit…

Elle devait certainement être pivoine. Quelle couleur était encore plus rouge que la pivoine ? Heureusement qu’elle n’avait pas de miroir sous la main pour jeter un œil à son reflet car elle n’avait vraiment pas envie de savoir à quel genre de gros légume visqueux elle pouvait bien ressembler pour le moment.

En plus de ça elle se sentait minuscule. Pourtant elle avait une taille normale, dans la moyenne, ni petite, ni grande. Pour le coup elle se sentait tout de même comme étrangement ratatinée. Surtout que le soleil pesait tellement lourd sur sa nuque, ses épaules nues, elle avait l’impression de cuir. Elle allait certainement finir comme l’une de ces pauvres petites grenouilles d’étang qui pour une raison étrange décide de traversé la route et finie momifiée dans la rigole…

Casey s’était bien entendu imaginée être mal reçue mais le vivre pour de bon, c’était toujours terriblement oppressant. Quelle famille désagréable décidemment. Il n’y avait vraiment qu’Aidan pour lui sembler sympathique et abordable. Les trois autres étaient sombres et toujours tellement distant et belliqueux. S’ils ne s’étaient pas tous ressemblés autant, Casey aurait certainement commencé à croire que le petit dernier avait été adopté.

Déglutissant avec peine, Casey encaissa le lourd silence qui s’étira quelques instants après la réplique acerbe du jeune homme. Le quel était-ce celui là ? Elle savait à quoi ressemblait Aahron, le plus vieux, restait celui qui était très grand et celui qu’elle avait devant elle qui devait être le second de la fratrie. Elle n’était même pas vraiment sûre de son prénom.

« C’est bien… tant mieux » finit-elle par répliquer d’une petite voix.

Fallait-il attendre qu’il lui propose d’entrer où est-ce qu’elle allait devoir lancer l’idée toute seule ? Quelle horreur si jamais il le lui refusait… Et d’un autre côté il ne risquait vraiment pas de le lui proposer tout seul vu la tête qu’il tirait. Comme si elle s’était rendue responsable d’un truc affreux et grave. Très honteux en tout cas. Elle commençait à se demander ce qu’Aidan et Julie avaient racontés sur la soirée. La manière dont il la regardait lui donnait en tout cas envie de se justifier et de s’expliquer sur ce qui c’était passé l’autre soir. Puis d’un autre côté elle ne devait rien à ce type et elle n’avait rien fait de mal à Aidan !

« … est-ce que… est-ce qu’il est là ? Est-ce que je peux le voir ? » se risqua l’adolescente en esquissant quelques coups d’œil dans le dos du médecin.

Elle aurait certainement opté pour la fuite et les larmes si la tête aux cheveux ras du plus vieux des Donnelly n’était pas apparue dans l’embrasure de la porte. Elle avait été à deux doigts de céder à ses pulsions qui lui hurlaient de se dérober à ce regard méprisant que dardait sur elle le frère d’Aidan. Elle les avait trouvés déplaisant depuis le début mais elle ne s’était tout de même pas attendue à une confirmation aussi radicale. Et elle qui s’était retrouvée les jambes sciées l’autre soir après avoir été témoin du comportement buté et revêche d’Aahron, aujourd’hui, debout comme une idiote sous leur porche, elle constatait qu’il avait presque l’air d’un bout en train sympathique à côté de l’autre…

Avait-il mentit simplement pour se montrer plus désagréable encore avec elle ou est-ce qu’Aidan lui faisait réellement la tête ? Il n’avait pas dit ça comme ça, il avait simplement sous entendu que son cadet n’avait pas très envie de la voir. Était-ce seulement elle qu’il n’avait pas envie de voir ou bien à peu près tout le monde ? Qu’avait-elle fait de particulier ? Casey ignorait à quoi s’en tenir, surtout qu’Aahron venait de la faire rentrer dans le hall comme si de rien n’était.
Déconcertée par ce manque d’harmonie dans leurs propos, l’adolescente consentit tout de même à rentrer à l’intérieur, les joues toujours aussi rouges et le regard fuyant.

Dieu soit loué, Isaac n’était pas resté pour ‘lui faire la conversation’. Elle préférait l’indécision et la solitude au milieu du hall plutôt que la compagnie du médecin. C’était certainement là leur unique point commun à tous les deux d’ailleurs : il n’avait pas l’air d’avoir envie de se frotter à elle plus longtemps et la délaissa presque aussi tôt.

Ces quelques instants de battement ne lui déplurent pas. Ca lui laissait le temps de se demander ce qu’elle fichait-là et de prier pour que cette entrevue affreuse se termine au plus vite. Ca lui laissait aussi le temps d’essayer de se raisonner, de calmer les battements affolés de son cœur et de s’éventer un peu avec les mains dans le vain espoir de faire dérougir son visage.
Avec un peu de chance, si Aidan consentait à la voir, il penserait que ça n’était que la chaleur qui la mettait dans un état pareil… avec un peu de chance donc…

Quelques pas lourds résonnèrent à l’étage, des bruits de voix masculines étouffées et quelques grincements de portes, pour finalement les voir apparaitre tous les deux au sommet des marches de l’escalier qui lui faisait face. Sans trop savoir quelle attitude adopter ni comment se tenir, elle opta pour le comportement le plus neutre possible et grima tout de même son visage d’un petit rictus accueillant. Ne manquait plus qu’il pense que c’était elle qui lui faisait la tête. Pour éviter que ça n’arrive, elle leva la main pour saluer discrètement le plus jeune qui fini par la rejoindre dans le hall.

Est-ce que Julie était là ? Cette pensée lui fit jeter un coup d’œil rapide vers l’escalier. Personne d’autre ne descendait à leur suite, Casey n’entendait pas non plus sa voix un peu criarde dans les environs, elle espérait d’ailleurs que ça ne change pas.

« Salut »

Pour l’instant c’est tout ce qu’elle pouvait faire de mieux, en attendant de savoir dans quel état d’esprit se trouvait le jeune homme aux cheveux d’or qui se trouvait maintenant à ses côtés.

Une fois dans le jardin le soulagement avait été de taille. Comme beaucoup d’habitant du village, elle n’appréciait pas particulièrement de se retrouver enfermée à l’intérieur de cette maison en particulier, qu’elle soit habitée par une bande de gros mal-élevés ou pas. Si l’on rajoutait à cela ces fameux mal-élevés, le terrain devenait pour ainsi dire impraticable. Quelqu’un avec un peu plus d’épaule qu’elle aurait sans doute fait face à la situation avec un peu plus de courage et de cran mais Casey quant à elle avait déjà épuisé tout son quota pour la journée en arrivant à se persuader de venir jusqu’ici.
Et elle l’avait fait dans l’optique d’une discussion seule à seul avec Aidan, pas pour converser devant tout un auditoire particulièrement peu réceptif et méfiant…

Elle le suivit jusqu’à la petite table de jardin, non sans lancer quelques regards en arrière vers la baie vitrée. Elle s’attendait presque à voir les deux aînés d’Aidan se dresser derrière et les observer fixement durant toute leur discussion. Heureusement ce ne fut pas le cas et elle s’installa devant Aidan avec un léger poids en moins sur les épaules.

Et elle lui fut aussi reconnaissante de reprendre directement la conversation. Elle était très mauvaise lorsqu’il s’agissait de briser les silences gênés et ne savait jamais quoi dire ou comment enchainer dans ce genre de discussions sérieuses. La panique lui bouchait généralement tous les synapses…

L’adolescente laissa le jeune homme s’exprimer jusqu’au bout mais ne se priva pas d’afficher ses avis muet pour autant. A l’évocation de Suz elle avait haussé les sourcils bien hauts par exemple. Elle était un peu étonnée qu’il pense à elle en premier et ne les savait pas si proche…
Elle avait aussi esquissé un vague rictus lorsqu’il avait précisé qu’il était content de la voir là tout de même. C’était toujours ça de prit par rapport à l’accueille en grande pompe que lui avait réservé son frère…

Pour tout le reste, elle n’avait plus eu besoin d’afficher qu’une moue sinistre comme seul les jumeaux Ferguson en avaient le secret. Il était même superflux de parler pour exprimer son avis sur le sujet, il était inscrit sur son front, mais rien que pour le fun elle allait le faire quand même.

« A vrai dire je n’ai pas vraiment de questions à te poser » lança-t-elle de but en blanc, soudainement bien moins rose et bien moins timide.

L’agacement profond avait tendance à dissiper tout le reste chez elle. Donc après tout c’était presque un service que lui rendait Aidan de se montrer aussi borné et parano.
Surtout que dans le fond c’était faux, elle avait des questions sur ce qui s’était passé l’autre soir mais n’aurait jamais osé les lui poser comme ça de but en blanc, surtout dans un cadre pareil.

« Je venais juste pour voir si tu n’étais pas mort parce que la dernière fois qu’on t’as vu tu étais dans un genre de coma… ce qui explique tu n’te souviennes de rien, à propos » précisa-t-elle un ton plus bas, avec tout le cynisme qu’elle avait en stock.

Elle aurait aimé argumenter encore plus mais sa fierté lui soufflait de ne pas le faire. Après tout merde elle n’avait pas à se justifier ! Il voulait se la jouer agent secret persécuté tant pis pour lui. Elle était venue voir comment il allait pour être gentille, c’était fait, mission accomplie. Elle se sentait trop mal à l’aise pour insister. Il était évident qu’elle n’était pas la bienvenue…

« Enfin bref… c’était juste… c’était p’tètre pas une bonne idée. J’vais te laisser »

Si après un discours pareil, Casey affirmait à Aidan qu’elle ne savait pas quoi lui répondre il allait forcément l’accuser de le faire exprès pour prouver ce qu’elle avait affirmé concernant son manque de conversation était vrai. Hors c’était faux. Ce qui était vrai en revanche c’est que sérieusement, elle ne savait pas quoi répondre à tout ça…
A quelle partie répondre de toute façon? La partie sur la confiance ? La parano évidente de ses frères ? Sa soi-disant peur d’être jugée ? Les bagarres en ville ? L’alcool ? Les discours bizarres dans le parc en pleine nuit ? La danse ? Les fœtus ? Les films de culs ? Elle avait le choix ! Trop de choix !

Et pendant tout son petit discours elle était resté là, immobile et muette, à se demander quant est-ce qu’il allait s’arrêter de parler tout en souhaitant que ça n’arrive en fait jamais puisque ça voudrait dire que c’était son tour. Et maintenant que c’était le cas, le silence reprenait ses droits, sauf que c’était trop gênant et détestable pour qu’elle le laisse s’allonger plus longtemps.

« En fait… j’suis quelqu’un de plutôt calme » expliqua-t-elle avec hésitation « Chez moi on est tous plutôt calmes. Ouais enfin… la plus part du temps »

Ce qui résumait bien les choses. Du moins ça la résumait bien elle.
Les Donnelly étaient manifestement une famille de sanguins, des gens démonstratifs qui n’avaient pas la langue dans leurs poches. C’était quelque chose qu’ils avaient tous en commun en tout cas.
Chez les Ferguson, c’était un peu la même chose mais dans l’autre sens. Les cris, les coups de sangs, les colères, les crises, tout ça c’était quelque chose d’extrêmement rare chez eux. Lorsqu’il fallait résoudre un conflit, ça se passait généralement sans effusion. Ca ne voulait pas dire qu’ils vivaient dans l’harmonie, loin, très loin de là ! William était quelqu’un de stricte, souvent sévère, et sa mère était une vraie mêle-tout trop collante et dirigiste, mais des gens calmes. Et sobre aussi. Qui ne chantaient pas sous la douche ou en faisant la cuisine.

« Mais j’aime écouter de la musique quand même ! Comme par exemple hem… Jennifer Lopez, elle est cool. Justin Timberlake, j’ai tous ses albums. Puff Daddy aussi… »

L’adolescente garde son sérieux quelques secondes de plus avant de s’esclaffer.

« Nan, c’est une blague. J’déteste. Suz adore par contre. Moi j’écoute Norah Jones… tu connais p’tètre pas, c’est d’la musique de fille » sourit-elle en essayant bravement de se détendre.

Après tout c’est vrai, avoir une conversation normale n’était pas si difficile, et bien sûr qu’elle savait le faire. C’était surtout qu’avec lui, elle ne savait jamais vraiment comment se comporter. Peut-être qu’en fin de compte la solution était d’arrêter de se poser trop de question…

Casey commence à se détendre un peu finalement. Ses mains jusque là soit coincées sous ses cuisses soit croisées sous ses bras étaient maintenant posées sur les accoudoirs de la chaise de jardin sur la quelle elle était installée. Le problème c’est qu’elle se montait trop la tête et se faisait une montagne de presque rien. Ca n’était pas si difficile que ça de dialoguer, et pas si difficile que ça de le faire avec Aidan. Le tout s’était de se détendre et de laisser la conversation couler de source.
Enfin ! C’est ce qu’elle se répétait en boucle, tellement qu’elle finissait par y croire.

« Le Dieu Grec du vin c’est Bacchus » précisa-t-elle d’un sourire.

Elle savait bien que c’était très chiant lorsqu’elle jouait aux intellos littéraires qui connaissaient tous les noms d’antiques Dieux disparus et has been du passé mais c’était plus fort qu’elle puisque ça l’avait toujours intéressé et qu’elle adorait l’Histoire. La dernière fois qu’elle avait évoqué le sujet on lui avait répondu en lui parlant de World of Warcraft… du coup elle sautait sur l’occasion puisqu’Aidan semblait en avoir déjà entendu parler.

« J’ai appelé mon cheval comme ça parce que quand il était jeune il était plutôt farouche. Et parce qu’il a une robe orange aussi »

Voilà. Inintéressant au possible mais au moins c’était dit et on ne pourrait pas lui reprocher d’être aussi apathique et anti sociale que son jumeau…

La proposition du jeune homme par contre lui arracha un sourire plus franc et spontané. Pas si inintéressant que ça au final il semblerait. L’idée d’emmener quelqu’un faire du cheval lui plaisait. Surtout l’idée d’avoir quelqu’un avec qui balader pour renouveler un peu le plaisir des parcours et des décors qu’elle connaissait complètement par cœur. Quelqu’un d’autre que sa mère ou que Suz qui se laissait trainer de temps en temps mais qui répétait sans cesse « Il va pas me manger au moins ? Il est gentil t’es sûre ? Pourquoi il me regarde comme ça ? », ce qui l’agaçait au plus haut point et qui transformait la promenade en épreuve pour les nerfs plutôt qu’en plaisir.

« Oui d’accord. Ca serait cool » acquiesça l’adolescente « … quand ? … Demain ? »

Après tout pourquoi attendre ? C’était les vacances aussi bien pour lui que pour elle. De plus, elle était plutôt certaine de son coup en affirmant qu’il devait au moins s’emmerder autant qu’elle.
L’ambiance de cet été n’était pas la même que d’habitude. C’était comme si la tonalité de leurs vies avait changée sans qu’elle ne détermine trop pourquoi.

Elle commençait à peine à se détendre, à se relaxer dans ce milieu qui lui semblait parfois tellement hostile, et face à Aidan qui pouvait parfois se montrer si intimidant et spontané, voir vexant. Elle commençait à peine à ne plus devoir se forcer pour le moindre rire ou sourire, à réellement avoir envie de discuter, et qu’ils passent un de ces jours une après-midi à gratter les cordes d’une guitare à l’ombre de son jardin assis dans l’herbe…
Et alors même que ça ne faisait que commencer c’était déjà terminé.

Elle s’était sentie se rétracter de l’intérieur sans pouvoir rien y faire. Dès que la voix claire de Julie s’était élevée dans le dos d’Aidan, dès qu’elle avait posé ses yeux verts sur son minois suspicieux, son sourire s’était figé et elle s’était refermée comme une huitre. Un peu comme les yeux d’un escargot lorsqu’on approchait un doigt de trop de près.

L’espace de quelques secondes, alors que la blondinette se penchait sur son petit ami pour lui rouler un patin d’enfer et se poser sur ses genoux, Casey s’interrogea sur le but de la manœuvre. Est-ce que c’était pour la narguer ? Est-ce que Julie le faisait exprès ? Si c’était le cas cela voulait dire qu’elle était jalouse d’elle et franchement c’était totalement ridicule. Casey n’avait aucune intention de ce genre avec Aidan, c’était hors de question, même s’ils s’étaient embrassés. D’ailleurs Casey aurait aimé le lui dire, juste pour la voir s’écarquiller et pleurer. Mais c’était cruel et jamais l’adolescente n’aurait osé faire une chose aussi mesquine. Elle y pensait juste pour se défouler intérieurement, faute d’avoir assez de toupet pour être aussi démonstrative que Julie !

D’ailleurs ça n’était pas de la paranoïa, Julie était réellement entrain de la narguer, c’était plutôt clair. Même Aidan semblait s’en rendre un peu compte. La preuve en était le silence lourd et un peu gênant qui suivi le baiser. Julie la toisait, posée sur lui comme pour dire « ceci est ma propriété ».
Eh bien qu’elle se le garde ! Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire à elle leurs petites histoires de couples ? Ce genre de délire c’était bon pour Suz, pas pour elle, elle elle n’était pas ce genre de fille et méprisait d’ailleurs ce genre de filles en général. Les petites prétentieuses dans le genre de Julie surtout. Et il ne fallait pas non plus compter sur elle pour se laisser ridiculiser de la sorte sans rien faire.

Tant pis si Julie pensait avoir gagné, elle valait mieux que ça et ne cautionnerait pas ce genre de petit jeu crétin de cours de récréation. Mine fermée, elle haussa donc très légèrement ses sourcils pour faire comprendre qu’elle les trouvait soudainement très idiots et immatures. Elle replaça ensuite une mèche de cheveux derrière ses oreilles avant d’afficher un petit sourire poli.

« Bien. Je suis contente que tu aille bien Aidan. J’allais plus tarder de toute façon… donc j’y vais » annonça-t-elle de son ton redevenu monocorde.

Une fois debout, elle se tourna vers Aidan et ouvrit la bouche pour lui lancer une banalité très digne du genre « merci pour la limonade » mais en fait ce goujat ne lui avait même pas offert à boire ...

« A un de ces jours alors. Bye… » se rectifia donc la jeune fille avant de tourner les talons la tête haute.