Logan ouvrit prudemment un œil. Lorsqu’il tenta d’ouvrir l’autre, ce ne fut pas aussi concluant, il y voyait à peine du côté droit. Il voyait tout de même qu’il était toujours couché près du parc. Les quelques arbres qui l’avaient garnit si longtemps et qui étaient maintenant morts calcinés s’élevaient quelque part dans son champ de vision réduit, flou et hagard.
Le jeune garagiste ne se souvenait plus du moment où il s’était assoupi, ou évanoui, peu importe. Il se rappelait le départ d’Aahron, puis il se rappelait être resté vautré là avec l’idée fixe de se relever pour partir à son tour. Seulement ça n’avait pas du être très concluant parce qu’il n’avait pas vraiment bougé, et il pouvait voir aux lueurs bleutées du ciel que l’aube commençait doucement à se lever. Il devait être quatre heures du matin tout au plus.
D’ailleurs Logan avait froid. Un froid désagréable qui semblait émaner de son squelette lui-même. Il tenta de faire bouger sa carcasse et eut bien du mal à retrouver les connexions de son cerveau qui lui permettait d’articuler son corps. Il avait dormit par terre, sur son bras gauche, après une cuite et une bagarre plutôt féroce, il lui semblait maintenant que son corps s’était comme statufié. Chaque muscle semblait raidi et crispé, douloureux surtout.
Il réussit tout de même à se rouler sur le dos, histoire de reprendre ses esprits, de faire l’inventaire des dégâts, et d’envisager les possibilités à partir de ça.

Même si il venait de se réveiller de l’une des nuits les plus rudes de toute sa vie, son esprit restait raisonnablement alerte. Certainement pour compenser du corps qui ne répondait plus du tout.
Et pour cause, l’inventaire lui semblait interminable. Ses genoux avaient morflés durant la chute, jusqu'à en déchirer son jean et lui incruster des graviers sous la peau. Son entre jambe, mieux valait ne pas en parler. Il avait aussi des élancements dans la hanche, dans les côtes et des brûlures sur les coudes. Le plus inquiétant restait son cou et son visage. Il arrivait à peine à déglutir, chaque mouvement de sa pomme d’Adam lui faisait un mal de chien. Sa bouche lui semblait engourdie, sa langue aussi. Et le goût du sang s’était comme incrusté sur sa langue et au fond de sa gorge. Sa respiration faisait un bruit rauque, et lorsqu’il respirait par le nez ça n’était pas mieux. Un sifflement désagréable le brulait de l’intérieur. Il avait passé ses mains tremblantes sur son visage pour tâter les dégâts. En plus du nez qui s’était ouvert au niveau de l’arrête, ses lèvres étaient fendues, son œil amoché, son sourcils aussi, et pour littéralement couronner le tout, il avait une énorme bosse a l’arrière du crâne.

Tant bien que mal, il essayait de ne pas laissé la panique venir lui tirailler les entrailles en plus du reste. Il se voyait mal rentrer chez lui dans cet état, et il se voyait plus mal encore aller sonner chez ses parents où chez Nathaniel, pas avec cette gueule-là. Non, dans ce genre de cas, il n’y avait qu’un seul chez qui il faisait bon se réfugier.
Encore fallait-il qu’il arrive à marcher jusqu’à l’entrée de la ville…

Après de très longues minutes donc, Logan entreprit d’essayer se relever. Il roula à nouveau sur l’un de ses côtés et fit de son mieux pour se mettre en position assise.
Sa tête semblait peser une tonne et pendait encore sur sa poitrine. Sos oreilles bourdonnaient désagréablement et une chute de tension oppressante venait bouiller sa vue encore un peu plus. Ses cheveux aussi semblaient s’être statufiés. Le sang maintenant séché qui recouvrait la moitié de son visage et de son maillot autre fois blanc avait d’abord prit la peine de couler et de lui focaliser le crâne. Dans sa nuque aussi il y avait du sang agrémenté de brin d’herbe et autre grain de terre qui s’y étaient collés.

Logan cracha sur le sol un mélange liquide/solide brunâtre parfaitement immonde, puis après une nouvelle poignée de minutes, se remit debout en évitant de prêter attention à son estomac fragile qui protestait déjà. Une fois sur ses jambes, il lutta pour garder son équilibre, et une fois cela fait, mit un pied devant l’autre. De toute façon, il fallait qu’il déguerpisse avant que le soleil ne soit totalement lever. Déjà le ciel éclaircissait à vu d’œil et bientôt il ferait jour et les premiers témoins potentiels se réveilleraient de leur sommeil innocent. Il ne voulait surtout pas qu’on le voit avec cette tête-là. Pas encore du moins… parce qu’il allait avoir du mal à y échapper.

Il lui fallut ce qui lui sembla comme une éternité avant d’enfin arriver au cottage où vivait Clyde. Sa vieille bagnole était garée juste devant, comme d’habitude, et lorsque le jeune comptable passa devant l’engin, il prit la peine de lancer un coup d’œil à son reflet.

C’est toi ça ? …

… Apparemment.
Il avait l’air de porter une écharpe tellement sa gorge était mauve.
Un nouveau cracha et il était reprit son chemin. Les trois marches de bois usé qui menait au porche furent les quelques secondes les plus difficile du trajet, et c’est à bout de souffle qu’il se posta devant la porte. Il se sentait nauséeux et passé au mixeur. Il avait hâte d’entrer et de s’affaler quelque part.
Logan leva une main lourde et l’abattit mollement sur la porte d’entrée à trois reprises. Il priait pour que Clyde soit effectivement chez lui et viendrait lui ouvrir d’ici peu en robe de chambre, et pas dans les bois à vagabonder avec les oiseaux…

Ca avait été tout juste, Clyde avait ouvert la porte juste à temps pour lui éviter de la percuter la tête la première. Il avait eut son compte de coups, de bosses et de bleus pour le reste de l’année à venir. Tout du moins pour la semaine en tout cas. Une chute en plus l’aurait achevé.
Mais heureusement, son cousin était arrivé au bon moment et désormais il se trouvait allonger dans le cabinet propre et réconfortant de Clyde, et une odeur de café chaud flottait dans toute la maison.
Le jeune homme avait presque du mal à croire qu’il avait réussi à se trainer jusqu’ici. Dans le parc à son réveil, il lui avait semblé de jamais pouvoir être capable de marcher sur toute cette distance. Sobre et indemne, ça ne lui aurait pas prit plus de 10 minutes sans même se sentir essouffler. Grayson n’était pas bien grande. Seulement à son réveil, son corps s’était mit à lentement se réveiller lui aussi, et maintenant qu’il avait atteint son but, toutes ses blessures, tous les coups et les bleus, les égratignures et les courbatures lui donnaient l’impression que son corps tout entier irradiait de douleur. Ca lui rappelait un bon nombre de souvenirs particulièrement déplaisants de belles raclées qu’il s’était prises. La soirée de la veille ne serait pas le pire souvenir de sa vie, mais elle promettait tout de même d’atteindre une place des plus respectables dans le panthéon des souvenirs odieux de Logan.

Qu’il lui dise où il avait mal ? Bordel, est-ce que ça n’était pas évident qu’il avait à peu près mal partout ? Les énorme hématomes d’un mauve criard n’étaient-ils pas de très sérieux indices ? Sans oublier le sang qui recouvrait à peu près 40 % de son corps. Lorsqu’on voyait la chaire, c’était aussi un indice assez probant. Clyde avait de quoi faire sans qu’il ait ne serait-ce qu’a ouvrir la bouche. Parce que de toute manière il doutait d’être capable de savoir articuler une phrase dépassant la paire de mots. C’était sa gorge qui avait morflé le plus durant la bagarre et il ne s’était pas encore essayé à la parole depuis son réveil. Respirer était douloureux, il osait à peine faire vibrer la moindre corde vocale. S’il avait pu, il aurait certainement répliqué quelque chose du genre « Putain Clyde, je meurs d’une hémorragie interne ! Termines ton café et vérifie que mes organes n’essaient pas de s’échapper par mon trou d’bal ! Et sois efficace ! Merci ! »
Seulement il était coincé de l’intérieur avec sa réplique et tout ce qu’il pouvait faire, s’était respirer un peu plus vite. Même froncer les sourcils lui donnait mal au crâne.
Avec difficulté, le jeune homme déglutit et leva ses yeux sombres au plafond pour grimacer presque malgré lui. Ce qu’il voulait c’était quelque chose du genre valium, ou de la morphine. La même qu’il refilait aux chevaux.

« Aahron Donnelly » furent pourtant la fameuse paire de mots qu’il choisi de prononcer en premier, faisant abstraction des lames de rasoirs qui s’agitaient dans sa gorge, et de sa bouche engourdie, encore pâteuse de sang.

Il voulu enchainer, mais se dégonfla comme un ballon et fini par lever une main molle et lourde pour désigner sa gorge avec toute la détresse qu’il était capable d’exprimer sans trop se faire mal.

« D’la glace » articula-t-il sans émettre un son.

Son cousin s’éloigna, le laissant seul et désespéré. Si jamais il lui ramenait une coupe de glace vanille avec deux fraises, le jeune comptable trouverait tout de même la force et la volonté de se relever pour lui en coller une dans le bide.

Après la piqure magique que lui avait faite Clyde et tout ce temps sans échanger un seul mot, Logan s’était laissé aller à rêvasser. Malheureusement, ses pensées n’étaient pas peuplées de bonnes vibrations, et encore moins après une nuit pareille. A moitié conscient, son esprit s’était laissé allé à quelques vagues flaches plus ou moins construits et systématiquement angoissants entre une flopée de pensées abstraites contrariées et mornes.
Cela dit, la douleur sournoise qu’il ressentait encore au niveau de la poitrine le préservait du sommeil. Même la piqure magique que son cousin lui avait faite ne suffisait pas à l’anesthésier complètement.
Cela dit il se sentait flottant. Comme une sensation de soulagement permanant qui provoquait quelque part dans son cerveau une sorte d’euphorie teintée et ternie de mauvaise humeur. La douleur fluctuait mais l’effet du produit agitait ses pensées sans qu’il puisse y mettre de l’ordre. Ou alors c’était la lampe électrique qu’il s’était prit à l’arrière du crâne qui faisait de son cerveau une sorte de ragoût sanguinolent.
Il fut presque content que son cousin ouvre enfin la bouche pour l’aider à émerger de ce marasme intérieur. Il fallut à Logan toute sa concentration pour se sortir du brouillard épais dans le quel il se noyait presque, mais une partie de lui restait branché en pilot automatique, et il fut presque étonné d’entendre sa propre voix – et part là même, de se souvenir de son estomac nauséeux…

« J’sais pas trop » grinça-t-il dans un lourd soupir, son souffle rendu froid par la glace posée sur sa gorge.

D’ailleurs il sentit la différence et déglutit en grimaçant à peine.
Logan se concentra sur la soirée d’hier qui lui paraissait lointaine, comme si quatre jours au moins étaient passés depuis qu’il avait quitté le drugstore.

« Je voulais rentrer à la maison et Aahron Donnelly était là. Il m’attendait, moi j’ai couru parce que j’étais saoul et il m’a jeté sa lampe alors je suis tombé et puis… » le jeune homme fronça les sourcils, du moins celui qui pouvait encore se froncer.

La suite était floue mais il se souvenait tout de même très bien de ce que lui avait dit Aahron. Ils n’avaient pas beaucoup parlé, mais ça avait suffit.

« C’est pas ma faute, c’est cet enfoiré de gamin… Aidan, qui s’est jeté sur Nath ! Qu’est-ce qu’il voulait que je fasse ? » grogna Logan en retenant une quinte de toux afin de préserver sa poitrine douloureuse « J’allais pas le… je l’ai juste… c’était pour qu’il arrête de frapper Nath, mais c’est ce sale môme qui à commencé. Et j’lui ais pas fais trop mal, t’es pas d’accords ? »

En tout cas Aidan avait été parfaitement capable de marcher jusque chez lui et il ne lui avait cassé aucun os. Aahron n’avait pas été aussi clément, loin de là. Logan avait l’impression d’être passé sous une moissonneuse. Mais évidemment, il fallait rajouter à ça cette foutue histoire, celle du mois dernier et du saccage de leur maison dont il était soit disant responsable.

C’est surtout parce que quelqu’un t’as balancé, Monsieur le Dindon de la farce.

« C’est ce gros porc de Declan, Shérif de mes deux, y’ peut pas m’sentir, j’suis sûr qu’il a été moucharder ce sale traître. Il a été leur balancer mon nom et maintenant j’suis sûr que ces enfants d’putain pensent que j’ai découpé leurs foutus parent à moi tout seul comme un fêlé ! » s’étrangla Logan, un nœud angoissé s’ajoutant à la douleur qui lui étreignait le cou.

Il en avait la rage au ventre. S’il avait su à l’époque que tout ça le mènerait là où il en était aujourd’hui, il aurait laissé Kathleen assumer ses conneries et il se serait contenté de la soutenir moralement par après.

Puis-je me permettre un ‘je t’avais prévenu’ ?

« Et comment j’aurai pu prévoir qu’elle allait se barrer pendant trois semaines sans même me prévenir avant, hein ? » conclut le jeune homme, les dents serrées par la frustration et la rancœur.

Si Clyde continuait comme ça, Logan allait déverser toute son « impulsivité familiale » sur lui c’était certain ! Lui dire que ça n’était pas de sa faute, que ça venait plutôt des gènes, c’était tout de même comme lui dire qu’il l’avait cherché au fond ! Comme si chercher la merde était inscrit dans son ADN ou une connerie comme ça. Clyde était le premier à crier au scandale (il ne criait jamais, m’enfin bref) lorsqu’on faisait une généralité sur leur famille, sur le comportement des Redd, mais apparemment ça n’était valable que le concernant. Avec Logan, faire une généralité n’était pas grave.
Et bien Logan emmerdait sa généralité, il n’avait hérité de rien, c’était Donnelly le malade, point !

Logan lui aurait volontiers envoyé ça à la figure, agrémenté de quelques « va t’faire foutre », mais il n’en n’avait pas la force, et les idées qui lui traversaient l’esprit étaient trop confuses et trop hargneuses pour qu’il envisage de les dire tout haut. C’était frustrant, mais il n’était même pas certain de se comprendre lui-même alors il doutait sincèrement que Clyde puisse déchiffrer le moindre discours un peu long vu l’état dans le quel ce salopard d’Aahron l’avait mit.

Pourtant la douleur et la fatigues ne furent pas suffisantes pour que le jeune comptable se retienne de réagir à la suite. Dans quel monde vivait son cousin exactement ?!

« Putain, beh j’aimerai bien moi qu’ils règlent le problème façon western ! » s’exclama Logan de sa voix enrouée « C’est tout c’qu’il mérite ce gros con. I’ ferait moins le fier devant Nathaniel et mon père. Façon, à partir de maintenant j’vais me balader avec une lame, j’le laisserai plus m’avoir »

Evidemment, il n’avait aucune intention de planter qui que ce soit au fond, il espérait juste avoir l’air assez dissuasif si jamais Donnelly voulait s’y reprendre à deux fois avec lui. Mais ça lui faisait vachement plaisir de s’imaginer en être capable, et plus encore de s’imaginer réduire ce gros enfoiré d’Aahron en charpie !

De toute manière, il savait bien que Nathaniel allait s’en foutre. Ca ne serait pas le cas de son père qui allait certainement lui casser les burnes pendant des semaines et le traiter de lopette et de minable à la première occasion, sans pour autant se bouger le cul pour régler le problème lui-même. « Quand on se bat c’est pour gagner, fils ! ».

« Pi’ t’es sérieux ? » reprit Logan, dubitatif et irrité « porter plainte ?! Ce gros naze de Declan va certainement vouloir refiler une médaille à Aahron, il rêve de me briser une côte depuis des plombes… j’te parle même pas de Grifith... J’oses plus trop le croiser à cause de Colleen. Si j’y vais, j’ressortirai jamais vivant de là »

Et il exagérait à peine !

« … la seule qu’est gentille là-bas, c’est Kathleen » ajouta le garçon d’un ton plus doux, les yeux et un petit sourire vagues « j’veux pas quelle me voit comme ça c’est la honte… »

Ca le déprimait d’avance d’imaginer la tête de sa Kathleen en le voyant avec cette gueule ravagée à boiter comme un miséreux. Elle allait lui servir un grand « olalala oh mais Logan mon Dieuuu !! » avec de la pitié au fond de ses magnifiques yeux brillants d’inquiétude, et l’idée même lui était insupportable.

« J’veux bien aller à l’hôpital, mais j’veux pas aller au bureau du shérif, c’est mort » conclut-il en revenant un peu sur terre.

Kathleen Wood ? Une amie ?
Rah… si seulement…
Depuis qu’il s’était évanoui au parc le mois dernier, ils s’étaient un peu rapprochés effectivement… aussi étrange que cela puisse paraitre d’ailleurs. Elle l’avait invité au Leo’s Deli et c’est à ce moment-là qu’il lui avait demandé l’autorisation de la dessiner. Au début, poser pour lui ne l’avait vraiment pas emballé. Elle avait fait comme d’habitude, et elle s’était mise à rougir. Elle avait commencé par refuser son offre en piétinant son cœur sans le savoir, puis sans qu’il ne sache trop pourquoi, elle avait changé d’avis, et le soir même, elle lui servait de modèle.
C’était le jour du dernier cinéma plein air. Pas celui de l’incendie, celui où il avait soit disant réduit leur mobilier en gommettes. Drôle de soirée que celle-là.
Il avait été désigné volontaire forcé pour se charger de la projection, passant sa soirée dans cette même petite cabane aujourd’hui partie en fumée. Kathleen l’y avait rejoins discrètement et ils n’avaient pas tellement parlé que ça. Ils avaient passé de nombreuses minutes dans un silence délicieux, juste tous les deux. Elle, immobile et terriblement belle, et lui, afféré sur son dessin.

Ce soir-là il avait dessiné le plus beau portrait d’elle qu’il ait jamais fait. Pourtant il en avait fait des centaines depuis le temps. Il ne savait même plus où les mettre et il y en avait un peu partout chez lui, et même au garage. Il n’était jamais satisfait du résultat, elle n’était jamais aussi belle qu’en vrai sur ses dessins.

Bref, la soirée du cinéma plein air avait été absolument merveilleuse. Il s’était un peu demandé d’où lui venait cette chance subite, en droite ligne tombée du ciel. Tout d’un coup, sans raison apparente, il s’était mis à exister pour elle alors que jusque là, c’est à peine si elle lui avait jamais réellement adressé la parole. Il se souvenait même avoir pensé « c’est trop beau, je vais forcément devoir le payer ».
Il ne croyait franchement pas si bien dire. En réalité, même s’ils n’avaient pas discuté tant que ça durant le dessin, il avait tout de même trouvé le moyen d’un peu trop l’ouvrir. Comme le crétin dégénéré qu’il était, Logan avait été lui raconter que les Donnelly risquaient d’avoir des problèmes s’ils restaient ici à Grayson. Il avait été un rien trop alarmiste pour elle puisqu’une fois sortie du cabanon, elle s’était précipité chez eux pour tout casser. L’idée était saugrenue et terriblement naïve, mais pas les conséquences malheureusement.

Quelques jours plus tard, il lui était tombé dessus dans le parc, et elle lui avait confié ce qu’elle avait fait, en larme. L’idée avait rapidement germé dans son esprit. Elle était bien trop fragile pour assumer quelque chose comme ça, alors il s’était accusé. Et depuis, sa vie merdique avait carrément prit des allures de diarrhée… tout ça l’avait mené ici, sur cette table, la tête à l’envers, l’estomac retourné, et une côte en compote.

« Mais ça valait la peine quand même parce que… » baragouina Logan qui ne répondait plus vraiment à son cousin mais plutôt à ses propres pensées « … elle m’a embrassé une fois » souffla-t-il en étirant ses lèvres meurtries en un sourire vague et rêveur.

Lorsqu’elle avait apprit ce qu’il avait fait pour elle, elle s’était pointée chez lui pour crier au scandale, et c’est à ce moment-là qu’elle lui avait donné un baiser. Il avait tellement eu du mal à réaliser, qu’aujourd’hui encore, le contacte de ses lèvres sur les siennes lui semblait irréel.

« Elle goûte comme les cerises » confia le plus jeune à son aîné, tournant son regard vitreux vers lui sans plus se soucier du reste.

Le sourire rêveur encore vaguement accroché à ses lèvres s’était lentement effacé lorsque son cousin lui avait répondu. Une commotion ?
Piqué au vif, Logan essaya de froncer les sourcils, exercice difficile lorsqu’on avait une arcade comme la sienne. Qu’est ce que Clyde ne comprenait pas là-dedans ? Qu’est-ce qui le faisait penser qu’il divaguait ? Il n’avait pas dit grand-chose et tout ce qu’il avait dit avait du sens !

« Quoi ? Tu pense que c’est tellement incroyable qu’elle m’embrasse que c’est forcément moi qui dit n’importe quoi c’est ça ? » grogna-t-il, blessé « Tu crois que Kathleen voudrait jamais de moi ? Je mens pas ok ? J’ai pas rêvé, elle m’a embrassé et… si elle m’a pas dit qu’elle partait pour New York c’est juste… c’est sûrement parce qu’elle était paniquée et… et qu’elle se sentait coupable ou… tu vois ? C’est pas elle qui veut pas de moi, c’est moi qui veut pas d’elle parce que… j’pourrai pas l’épouser à cause… tu sais… elle pourrait pas avoir une vie comme nous, elle est trop fragile. Elle pourrait pas comprendre c’qu’on fait… »

Il avait commencé d’un ton agacé et acerbe et avait terminé d’un ton vague et hésitant. Ce qu’il venait de confier à son cousin, c’est ce qu’il s’était répété à peu près la moitié de sa vie. Il s’était toujours persuadé lui-même que la seule barrière entre lui et Kathleen, c’était leur petit secret et ce qu’ils étaient obligés de faire pour Grayson.
Epouser une femme, c’était la mettre dans le secret, et il voyait vraiment très mal Kathleen se mettre docilement à kidnapper des gens pour les vouer à une mort certaine et absolument affreuse, même si c’était se mettre en danger elle-même de s’y refuser. Elle était trop douce, trop gentille, trop bien pour se plier à ce genre de vie. Où alors, elle s’y serait plié tout de même par peur, et aurait dépéri dans le dégoût d’elle-même et des autres.
La raison était suffisante pour ne même pas tenter quoi que ce soit avec elle.

Cela dit, très honnêtement, si demain, le pacte qu’ils avaient passé s’envolait comme par magie, il doutait d’être capable d’essayer d’en faire sa petite-amie…
Parce qu’il y avait toujours cette peur terriblement angoissante d’être repoussé. Si jamais un jour il lui révélait ses sentiments et qu’elle lui disait non, il se passait la corde au cou.
Ou non, il se tirait une balle, c’était plus sûr. Aahron l’avait étranglé à deux reprises hier soir et il avait bien failli en crever, Logan préférait se finir autrement.

D’ailleurs maintenant qu’il repensait à ça, c’est vrai qu’Aahron lui avait aussi jeté une lampe électrique assez lourde en pleine tête, juste avant qu’il ne s’écroule au sol et ne se cogne à nouveau le crâne. Et il se l’était cogné plusieurs fois après ça pendant le reste de la bagarre. Peut-être que son cousin avait raison en fait…

« Oh nan… j’veux pas avoir une commotion Clyde… ça fait gerber » gémit-il en posant ses deux mains sur son ventre.

D’ailleurs, le simple fait de le dire lui soulevait déjà l’estomac. Il sentait quelques sueurs moites venir se coller désagréablement à sa peau et son cœur se remettre à s’affoler d’appréhension chaque fois que son estomac se tordait et que sa gorge se contractait.