Nathaniel poussa un soupir las et s’écarta du son bureau en roulant sur son vieux fauteuil en cuir noir. Il frotta négligemment son front barré d’un pli contrarié et se redressa avant de refermer la petite chemise cartonnée devant lui. Depuis une dizaine de jours à présent, n’ayant aucune autre occupation indispensable sur laquelle se concentrer, il s’attelait à revoir tous ses dossiers. En réalité, le garagiste ne les revoyait pas tous, simplement ceux concernant les « accidents » survenus à Grayson ces douze dernières années, depuis l’époque où il avait repris le garage, quelques mois avant le décès de ses parents.
Logan était chargé de mettre de l’ordre dans toute cette paperasse mais évidemment, il n’en avait rien fait. Il le lui avait déjà reproché à plusieurs reprises par le passé et chaque fois, Logan avait prit cet air insupportable pour lui rétorquer qu’il n’était pas sa secrétaire et que de toute manière, personne ne viendrait jamais mettre le nez là-dedans. Autrement dit : fais-le toi-même, Nath, moi, j’ai la flemme. Et c’était ce qu’il avait fait. Et si dans son jeune temps Nathaniel avait été consciencieux, il réalisait qu’il avait de nombreuses fois été négligeant, se laissant aller à croire que son cousin avait raison. Personne ne mettait jamais le nez dans leurs affaires.
Personne à part les Donnelly.
Ces quatre abrutis trop curieux lui avait exigé de pouvoir jeter un œil sur le dossier de leurs parents. Nathaniel l’avait déjà retravaillé pour qu’il soit parfaitement crédible et qu’il ne puisse rien y redire. Mais s’ils ouvraient une enquête et que la totalité de ses dossiers étaient examinés, ils allaient avoir un problème… L’absence de fiches sur les automobiles des habitants du village attirerait certainement la curiosité de certains. Et ils avaient largement assez de ces quatre trous du cul arrogants dans les pattes sans que la police ou des journalistes s’en mêlent.

Nath se détourna de son bureau, laissant la chemise trainer sur son bureau ordonné qui n’était d’ailleurs pas le sien. Il s’agissait de celui de Logan, officiellement comptable du garage et officieusement persona non grata en son enceinte. Ce sale rat, ce traitre infâme avait jeté la honte sur leur famille en détériorant grossièrement le domicile des Donnelly pour les faire fuir… ce qui les avait poussés à s’incruster un peu mieux. Ce qui l’agaçait le plus, c’était tout de même qu’il ne lui ait pas fait part de son plan.
Mais Nath avait eu sa vengeance. Il y avait d’abord eu ce cafard, placardé sur sa porte et puis le coup des carnets. Logan en avait abandonné certains derrière lui au garage et avait été incapable de les récupérer. Décidé à jouer les bon samaritain, le trentenaire s’était rendu au domicile de son cousin, avait attiré son attention et brûlé tous ses carnets près de sa fenêtre, dans un tonneau. Il avait longuement hésité sur le fait qu’il doive ou non chier à l’intérieur au préalable et avait finit par abandonner cette idée finalement dégradante pour sa personne.
Mais ça n’aurai assurément pas plu à son cousin que ses précieuses Kathleen de papier viennent se déposer sur ses excréments avant de partir en fumée…

Après avoir soigneusement refermé le garage, Nath remonta la rue principale pour retourner chez lui, adressant quelques sourires et signe de main à ses voisins qui les lui rendirent avec quelques crispations. Une fois chez lui, il poussa la porte de sa propriété et laissa tomber ses clés dans le plat prévu à cet effet dans l’entrée.
Lucy était vraisemblablement aux fourneaux et une odeur délicate s’en échappait.

« Je suis rentré, mon amour » minauda Nathaniel en se surprenant à avoir envie de vomir

Il se dirigea ensuite vers la cuisine pour l’y rejoindre. Dans une poignée de minutes maintenant, Clyde débarquerait pour l’habituel repas en famille du jeudi, instauré par sa femme il y a plus de dix ans de cela. Si au départ, Nathaniel avait été enchanté de cette idée, aujourd’hui il la trouvait ridicule.
D’autant que depuis leur dernière réunion à la maison abandonnée, Logan n’était plus le bienvenu ici non plus et que Clyde était d’une compagnie encore moins agréable qu’avant peut-être. Mais c’était sans doute lié au fait que son ainé n’ait pas pris sa défense ce soir-là…

« Qu’est-ce que tu nous concoctes ? »

Son épouse et lui s’étaient depuis longtemps habitués à ces échanges dénués d’intérêts, cruellement badins. Les conversations d’un couple englué dans la routine, même si leurs vies étaient loin d’être ordinaires. Nathaniel détestait jouer la comédie avec elle et endosser ce rôle de mari aimant et dévoué lorsqu’ils étaient seuls.
Parfois, il se replongeait dans ses souvenirs et se revoyait discuter avec la rousse jusqu’au levé du soleil ; jouer avec elle en été dans les endroits les plus sombres de Grayson ; se revoyait embrasser ses lèvres pour la première fois alors qu’ils étaient adolescents. Tout le monde se moquait de lui et de son histoire avec la grenouille de bénitier maboule du village paumé d’à côté au lycée. Il avait dû casser quelques bras et dents avant qu’on leur fiche enfin la paix… Ils étaient devenus le couple de maboules bizarroïdes à éviter à tout prix et ça lui plaisait.
Lucy lui plaisait. Elle était jolie, inaccessible, froide, obstinée, patiente et ne reculait jamais devant rien. Et il y avait cette histoire d’abstinence avant le mariage aussi.

Il repensait à toutes ces choses en la voyant de tourner vers lui pour lui annoncer ce qu’ils allaient manger. Son sourire était radieux, son regard glacial. Une beauté froide. Une main de fer dans un gant de cuisine en velours. Cette pensée arracha un sourire à Nathaniel tandis qu’il se rapprochait encore pour faire mine de rôder près de son plat.
Elle l’avait toujours à l’œil et rien ne lui échappait quand il s’agissait de cuisine.

« Il faudrait être fou pour cracher sur ta cuisine, allons » minauda-t-il avant de venir s’appuyer au meuble près de la cuisinière

Il la regarda continuer de s’agiter, les bras croisés sur sa poitrine. Il l’observa longuement de ses yeux bruns légèrement plissés, sans un mot. Le trentenaire se demandait parfois comment les choses avaient pu à se point dégénérer entre eux. Après tout, ils raisonnaient de la même façon, avaient des caractères similaires, n’avaient pas peur de se salir les mains.
Ils avaient simplement cessé de se supporter, sans véritable raison, cessés de s’apprécier du jour au lendemain, sans signes avant coureur.
Par moment, Nathaniel le regrettait… et c’était un de ces moments.

Sans vraiment y penser, le garagiste se redressa et passa son bras autour de la taille de Lucy alors qu’elle passait près de lui pour aller chercher il ne savait quoi dans un placard à proximité. Il l’attira à lui et plongea son regard dans le sien.

« Il faudrait être fou pour cracher sur un morceau d’une telle qualité… »

Le compliment n’était peut-être pas évident à percevoir, mais Lucy le connaissait assez bien pour le sentir. La main de Nathaniel abandonna rapidement la hanche de sa femme pour se glisser vers son postérieur.

Un sourire carnassier étira les lèvres fines du grand brun tandis que Lucy le fixait intensément de ses yeux aux reflets métalliques. Sa rose épineuse… Tous ceux qui ne connaissaient sa femme que de vue le jalousait, se demandant comment un type dans son genre avait pu courtiser une si belle jeune fille. Dès qu’ils la connaissaient un peu mieux cela dit, ils étaient bien contents de ne pas avoir été pris dans ses filets, de ne pas avoir été envoûté par sa beauté sirénienne et avoir couru à leur perte.
Et quand ils les connaissaient tous deux, ils ne savaient plus lequel était le plus à plaindre…

« Oh mais tu sais, il y a des rumeurs en ville » murmura-t-il, son regard un peu fou brillant d’un éclat étrange « Il paraitrait que je suis un fou. Un malade mentale sadique et incontrôlable… »

Nath attira sa femme vers lui puis ôta sa main de son dos pour la porter à son vêtement d’un rouge sanguin. Il n’aimait pas cette couleur sur elle. Elle réveillait généralement ses bas instincts, comme s’il avait été un de ces taureaux ridicules bon à abattre publiquement. Il voulait arracher ce sang de son corps diaphane, sans savoir réellement pour quelles raisons.
Le garagiste fit glisser son index sur la croix qu’elle portait et le fit glisser le long du col échancré de sa femme, caressant sa peau délicate du bout du doigt. Il la sentit frissonner et son sourire dément s’élargit un peu plus encore.
Il en avait envie. Maintenant. Clyde pourrait bien attendre, ce n’serait pas la première fois.
Il la voulait et il l’aurait. Dans sa précieuse petite cuisine impeccable…

« Il y a des rumeurs sur toi aussi… » chuchota-t-il en apposant sa seconde main sur la taille de Lucy « Il parait que tu es une petite catin,… une chienne sauvage et arrogante qui mériterait d’être dressée par son malade de mari »

Il y avait certainement d’autres manières d’obtenir l’entrée dans la petite culotte de sa propre femme, mais Nathaniel n’en avait pour ainsi dire rien à branler. Il voulait la prendre, la souiller, arracher ces vêtements rouge sournois qui le narguaient depuis son arrivée.
Elle savait à quoi s’en tenir de toute manière.

Le sourire de Nathaniel s’estompa légèrement pour laisser place à une grimace de rancune lorsqu’elle répliqua à sa remarque. Il s’y attendait pourtant, mais elle parvenait toujours à appuyer juste là où ça faisait mal. Le tenir en laisse… Qu’ils aillent tous se faire foutre ! Il était le seul digne de la confiance de l’Homme, le seul qui pouvait se vanter de respecter ses consignes à la lettre sans jamais broncher, sans états d’âmes, mais pas sans se poser de questions. Nathaniel avait pleinement conscience de ce qu’il faisait, le souci étant qu’il aimait ça. Il aimait les lui livrer, il aimait se sentir en grande partie responsable du sort des étrangers. C’était encore plus jouissif que baiser sa femme et lui arracher ses vêtements… Encore plus jouissif que cogner n’importe quel trou du cul qui insultait sa copine, mieux que d’éventrer une innocente portée de chatons débiles et remuants dans le fond des bois derrière chez lui ou que de se branler jusqu’à l’évanouissement dans son grenier poussiéreux.

Mais il oublia bien vite sa rancœur, ou plutôt, la garda précieusement pour lui. Il pourrait la déverser en elle dans quelques instants, mais pour le moment, il devait la mettre un minimum en confiance. Son sourire reparu, brillant à présent de mystère, de promesse et d’excitation.
Face à lui, Lucy venait de défaire ses longs cheveux qui lui paraissaient bien ternes, comme le reste de sa personne. Malgré le soin qu’elle prenait à se pouponner les jeudis midis, elle restait éteinte à ses yeux. Elle n’avait brillé qu’une fois dans son cœur. Une seule et unique fois, il s’était imaginé que l’aimer d’amour lui était possible. Ce jour-là, il l’avait demandée en mariage, sur un coup de tête. Il l’avait regrette dès le lendemain et son sentiment n’avait fait qu’empirer, se transformant en un mépris teinté de dégoût, une rage sourde qui n’attendait qu’un geste de sa part pour se déverser.
Et toujours cette bonne vieille culpabilité. Elle était la seule capable de lui faire éprouver ce genre de sentiment et il la maudissait pour cela.

Sa femme laissa ensuite retomber son tablier et vint caresser sa joue. Le ticket gagnant ? C’était à voir… Mais si elle entrait dans son jeu et qu’il obtenait ce qu’il voulait : pourquoi pas après tout ?
Si elle s’attendait à de la délicatesse, à être traitée comme une princesse cela dit, sa femme se trompait lourdement. Elle minauda un moment devant lui, ses lèvres délicatement peintes tournées vers lui, offertes, et il la laissa approcher.
Il avait l’impression d’être en chasse, d’appâter sa proie pour mieux refermer son piège sur sa gueule béante… L’attirant toujours plus à lui, il sentit son bassin contre son propre corps et fit glisser ses mains dans le dos de Lucy, une vers son fessier ferme, l’autre vers sa nuque. Il se pencha vers elle et déposa un unique baiser mordant dans sa nuque, l’enserrant avec un peu plus de force.

Son regard lubrique s’éclaira soudain alors que ses pupilles se dilataient. Avant que Lucy ait pu réagir, il l’attrapa soudain en se redressant pour s’écarter du meuble. Il l’obligea et faire volte face et à échanger leurs places avec une poigne de fer de laquelle elle ne pourrait se tirer. Il la plaqua sans douceur contre le plan de travail, dos à lui, et de sa main qu’il avait gardée dans sa nuque, l’obligea à se pencher. De l’autre il s’attela à défaire sa ceinture, maintenant fermement Lucy pour l’empêcher de fuir. Elle ne le faisait cela dit que rarement et préférait jouer les poissons morts pendant qu’il la baisait.

Le pire dans cette histoire, c’était certainement que le nouvel élément que Lucy apportait à leur scène l’excitait terriblement. Une arme blanche. Elle menaçait de le tuer s’il tentait de la toucher, alors qu’elle l’avait elle-même allumé. A quoi s’attendait-elle au juste ? A ce qu’il la porte comme une putain de princesse jusqu’à leur chambre pour lui faire l’amour ? La bonne blague.
Elle n’avait rien d’une princesse et il ne partageait plus la même chambre depuis des lustres. C’était le mieux qu’il puisse lui offrir ; le mieux qu’ils puissent s’offrir.

« Th, th, th, attention avec ça, mon aimée, tu pourrais te blesser » fit-il remarquer d’un ton réprobateur et moqueur

Il la maintenant toujours fermement, face contre le meuble sur lequel elle passait tant de temps à lui préparer des petits-plats parfaits en tout point. Sur lequel elle concoctait ses pâtisseries exquises et autres mets délicieux qui par moment, devenaient mortels…
Un voile de colère passa soudain sur son visage et sa main se referma autour de la nuque fine de son épouse, telle une serre. D’un geste vif, il plongea son autre main en direction du poignet de la rousse et le lui saisit au moment où elle amorçait un mouvement pour mettre ses menaces à exécution.

Cette putain ne perdait rien pour attendre ! Le menacer, lui, son propre époux de le tuer parce qu’il lui demandait de remplir ses devoirs conjugaux ?
Sa propre voix scandalisée dans le fond de son crâne agrandit un peu plus son sourire. Il savait qu’il avait tort, qu’il agissait comme un lamentable connard mais ça lui était égal. Tout ça n’était qu’un jeu. Un jeu dont il était le créateur, dont il avait établit les règles il y a bien longtemps et Lucy les avait acceptée. Mais essayer de tricher donner un peu de piment à tout cela et il lui en était reconnaissant en un sens.
Elle avait raison, ils avaient tous raison : il était complètement tordu. Tordu mais bien plus intelligent et réactif qu’eux tous… Et c’était pour cette raison qu’elle était immobilisée et qu’il la dominait de toute sa hauteur sans grandes difficultés. Elle pouvait bien se débattre, il était plus fort qu’elle, plus agile, plus rapide. Il faut dire que son père l’avait bien dressé et lui avait appris à se défendre très tôt… Sans quoi il ne serait probablement plus de ce monde à l’heure qu’il était.

Poussant un grognement agacé, il saisit plus fermement le poignet de Lucy qui s’agitait sous lui pour se défaire de son étreinte et le lui tordit pour ramener son bras dans son dos. Elle émit un petit gémissement plaintif tout à fait amusant alors qu’il faisait remonter son bras toujours armé vers la nuque de la jeune femme qu’il maintenait toujours de l’autre main.

« Je t’ai déjà dis que menacer était stupide. Passe à l’attaque directement, Lucy, sans quoi ton agresseur aura tout le temps de faire ce genre de chose » la critiqua-t-il avec patience « A présent, tu vas lâcher ça et arrêter de faire tant d’histoire… Me suis-je bien fait comprendre, chérie ? »

La moquerie était clairement présente, mais son ton était sec, chargé de sous-entendus.
Amusé par cette situation mais prenant tout de même les précautions nécessaires en enserrant mieux sa prises, Nathaniel vint se coller un peu plus à Lucy, histoire qu'elle sente son sexe, à présent en érection contre elle...
Ce jeu ne l'amusait certainement pas autant que lui, mais c'était son problème.

Et soudain, le bruit d’une porte que l’on ouvre s’éleva dans son dos, dans l’entrée. L’attention de Nathaniel fut détourner et il relâcha sa pression sur le poignet de son épouse. Il s’écarta immédiatement, pour être hors de portée d’un éventuel mauvais coup de couteau, ne sachant pas si Lucy avait elle aussi entendu du bruit et retrouverait son impassibilité naturelle ou si elle allait tenter de saisir cette occasion pour l’émasculer. Nathaniel ne la quitta pas des yeux lorsque Clyde fit son entrée dans les cuisines.
Loin de se douter de ce qui venait de se passer et de ce qu'il avait interrompu, il prit la parole d'un ton aussi enjoué que pouvait l'être le ton de Clyde...

« Lucy, tu nous as encore préparé quelque chose de délicieux, j'en suis certain. L’odeur est alléchante… »

Légèrement essoufflé, il soutint le regard de sa femme qui avait vraisemblablement renoncé à l’idée de le charcuter en présence d’un témoin…

« Elle a passé tellement de temps en cuisine qu’elle en a négligée sa toilette » répliqua Nathaniel à travers ses mâchoires crispées par la frustration « Clyde et moi allons terminer ici, ma douce, va donc te changer… »

Sans faire d’histoire, petite sotte. L’insinuation était claire.

Une fois Lucy disparue en direction de l’étage, Nathaniel posa son regard noir sur Clyde. Ce dernier lui tournait le dos, occupé à fouiner dans leurs placards pour trouver le service qu’ils utilisaient habituellement les jeudis midis. Le plus jeune le regarda faire en se retenant de s’approcher pour attraper son visage entre ses mains et le lui écraser avec force contre la vitre de la petite porte du meuble boisé.
Il se sentait toujours un peu coupable quand il avait ce genre de pensées. Plus jeune, il avait toujours été celui qui défendait Clyde et prenait les coups à sa place. Nath s’était toujours senti responsable de sa santé mais depuis quelques années, il commençait à se lasser de tout cela. Le rôle de chef de famille était difficile à assumer par moment et il aurait voulu pouvoir ne serait-ce qu’une fois être l’irresponsable, celui qui demandait conseil et se laissait guider… mais il ne l’avouerait bien entendu jamais.

Le trentenaire se retourna vers le four pour s’occuper du poulet et des pommes de terre et accessoirement, occuper ses mains à autre chose qu’étrangler son grand frère. Ce dernier pris la parole alors qu’il versait négligemment les patates finement coupées dans le plat qui terminerait dans le four préchauffé.

« Logan nous rejoint pour le déjeuner ? »
« Non, Clyde, Logan ne vient pas manger » articula-t-il en essayant de dissimuler sa colère sourde à son ainé
« Oh... très bien, oui. Je comprends... C'est à cause... Est-ce que tu es encore fâché à propos de la décision qui a été prise au cours de la réunion ? »

La naïveté de Clyde et sa capacité incroyable à aborder les sujets fâcheux l’avaient toujours étonné autant qu’elle l’agaçait. Comment faisait-il pour constamment mettre les pieds dans le plat et avoir l’air aussi naturel ? Nath venait à penser qu’il le faisait exprès…
Le garagiste referma sèchement la porte du four et ne chercha plus à masquer son agacement.

« Oh, alors à présent tu te soucies de mon avis, mh ? » ironisa-t-il dans un sourire forcé « Mais rassure-toi, je suis comme ces putains d’chats que tu aimes récupérer et remettre d’aplomb… Je retombe toujours sur mes pattes et je m'accommoderai de leur plan stupide… »

Le sous-entendu était clair : Nathaniel avait un plan.
Un plan dont il ne lui avait pas parlé ces quinze derniers jours et dont il ne lui parlerait pas. Mais Clyde le connaissait sans doute assez bien pour comprendre que ça ne donnerait rien de bon. Pour les Donnelly et tous ceux qui se dresseraient au travers de sa route du moins.

« Et sinon,… quoi de neuf Docteur ? » le taquina Nath en se dirigeant vers le salon afin de se servir un verre de Scotch
«R-rien de bien intéressant pour toi, Nathaniel...Tu sais, il faut qu’on reste soudé. J’ai peur qu’en agissant en solo, des clans se créés. Ça serait un vrai problème pour continuer à gérer Grayson »

Nathaniel leva les yeux au ciel d’un air passablement irrité. Des clans ! Bon Dieu, aussi intelligent que soit son frère, il pouvait fréquemment se révéler être le dernier des imbéciles !

« Pitié, Clyde ! » s’agaça son jeune frère « Rester souder ? Tu as vu de quelle manière Declan et son partenaire de baise m’ont traité ? Pour eux, nous ne sommes que des figurants, réfléchis un peu. Il y a bien longtemps que nous ne sommes plus soudés et qu’ils se gaussent d’être deux à gérer Grayson » cracha-t-il avec colère « Willy m’a bien fait comprendre que je devais rester à ma place et me contenter des basses besognes lors de la soirée cinéma. Ils prennent les grandes décisions foireuses, sont les têtes pensantes et nous leurs employés dans le monde utopique qu’ils se sont créés. Et si qui que ce soit essaie de s’immiscer dans leurs affaires, ils tentent de l'humilier publiquement. Ne me dis pas que tu n’l’avais pas encore réalisé, frérot… » ajouta Nath en plongeant son regard brillant de fiel dans celui de son interlocuteur, son verre à la main « Le fait qu’il nous faille suivre un nouveau plan du Seigneur Ferguson ne te met-il pas la puce à l’oreille ? C’est lui qui avait voulu précipiter les choses la dernière fois, avec les Donnelly. J’étais contre et regarde où nous en sommes à présent ? Il y a déjà des clans, Clyde, il y a eux et il y a moi… reste à savoir dans quel clan TU te places… »

Ses deux billes sombres et pleines de menaces étaient figées dans celles de son ainé. Il n’attendait pas de réponse immédiate. De toute manière, il ne voulait pas de mots, il voulait des actes, c’était tout ce qui importait. Clyde devait lui prouver qu’il pouvait avoir confiance en lui. Même s’il était de sa famille, Nath ne pouvait se permettre de lui faire aveuglément confiance. C’était la meilleure façon d’aller droit dans le mur…

C’est ça, espèce de petite larve, va donc te trainer aux pieds bouseux de ce porc. Va donc lui suçoter les orteils comme le sale clébard que t’es. Bouhou, pauvre de moi, pauvre Logan, pauvre petite loque sans amour propre. T’aime ça, l’humiliation publique ? Ca te manque d’être trainer dans la boue, une journée sans se faire rabaisser n’est pas une bonne journée pour Logan Redd ! Si j’avais une bouche, je te gerberai dans la tronche tellement tu me dégoute !

La même rengaine depuis des heures. Une colère continue qui ne cessait de lui vriller le cerveau sans qu’il n’ait aucun contrôle là dessus. Il avait beau essayé de se convaincre que ce n’était pas de la faiblesse, il avait du mal à se croire lui-même.
Et pourtant, depuis deux bonnes heures maintenant, peut-être même plus, il était planqué non loin de chez son cousin, derrière un arbre ou deux, et observait la maison et ses allées et venues réduites.
Il n’avait pas dormi après le départ de Colleen, il avait passé sa nuit à tergiversé, à cultiver son angoisse quant à la décision qu’il avait à prendre.
Nathaniel ne reviendrait jamais vers lui, quoi qu’il arrive. Tout n’était pas perdu, mais l’effort ne viendrai assurément pas de son cousin, ni d’aucun autre Redd d’ailleurs. C’était Nathaniel qui décidait de ce genre de chose au sein du clan. Il avait prit les reines de la famille depuis des années déjà, et ce même si Patrick, son père et doyen des Redd était encore en vie.
Logan n’avait pas d’autres choix en gros. Il fallait qu’il confronte son cousin. D’aucun auraient pu dirent de laisser tomber, de couper définitivement les ponts. Certains auraient pu lui dire que c’était une bonne chose de ne plus fréquenter son cousin. Pourtant Logan avait fait l’expérience d’un peu plus de deux semaines sans avoir contacte avec les siens, et la dite expérience s’était montrée peu concluante. Il avait essayé de se tranché la gorge la veille au soir, et Colleen était arrivée à point nommé pour le distraire et lui remettre les idées en place.
L’isolement complet ne lui réussissait pas. Il savait qu’il n’avait pas d’autre choix, alors pourquoi hésitait-il à se point ?

C’était une question rhétorique, la réponse était en réalité évidente : Nathaniel.
Comme prévoir sa réaction ? Comment savoir si il tombait au bon moment et si son cousin allait essayer de l’égorger ou allait l’accueillir en lui servant un ‘c’est pas trop tôt !’
C’était ça, le plus flippant chez Nath, impossible de savoir de quelle manière il allait réagir, puisqu’il était fou. Ca Logan l’avait compris depuis longtemps. Nathaniel était malade, et pourtant, il imaginait mal la vie sans lui. Il avait beau être fou, il était de loin le plus intelligent d’entre eux, increvable, ingénieux, charismatique et organisé. Le jeune homme s’était habitué à le laisser mener la barque, et maintenant qu’il refusait de lui adressé la parole, sa petite barque coulait à pique.

Et si le jeune garagiste avait choisi un jeudi midi pour réapparaitre parmi les vivants, c’était surtout parcequ’ainsi, si Nathaniel devenait fou et incontrôlable, si il se mettait en tête de le tabasser, il y aurait au moins deux personnes pour éventuellement tenter de l’en empêcher.
Il appréciait beaucoup Clyde, qui n’était pas tout net non plus mais qui n’était pas inquiétant pour un sous et toujours avenant. Pourtant il doutait que celui-ci s’interpose de manière décidée si son frérot pétait les plombs. En réalité c’était plus sur Lucy et ses légendaires ‘Nathaniel ! Cela suffit je te prie !’ qu’il comptait…

Si c’est pas pathétique…

Un peu, mais tant pis, autant ravaler le peu de fièrté qu’il avait.
Oui, Nathaniel allait sûrement prendre un malin plaisir à l’humilier le plus possible puisque la confrontation se ferait devant témoins, mais tant pis. Il allait subir, encaisser quelques très mauvais moments, mais ensuite, tout redeviendrait enfin comme avant. Du moins il priait pour que ça soit le cas.

Le jeune homme prit une profonde inspiration, passa ses deux mains dans ses cheveux, à la fois pour les ôter de sa vue, et pour essayer de se sortir la tête du cul…
Puis il traversa enfin la rue qui le séparait du perron de la maison de Lucy et Nath. Une fois ses deux baskets trouées sur le pas de la porte, il s’accorda quelques secondes pour paniquer en toute quiétude.

Juste un mauvais moment à passer, rien de plus. Serrer les dents, c’est tout ce qu’il avait à faire.

Il du s’y reprendre à trois fois avant d’avoir enfin la force de frapper contre la porte. De petits coups à peine audibles, avec un vague relant d’espoir que personne ne vienne jamais lui ouvrir et que d’énormes météorites s’écrasent sans prévenir sur la terre pour mettre un terme à tout ça.

Un terme au mauvais moment.

Un soupir de soulagement. Alors qu'elle descendait les escaliers en espionnant les deux frères, elle entendit frapper à la porte. Peu importe qui ça pouvait être, il était forcément bienvenu. Si Nathaniel lui avait demandé de se changer, elle n'allait en aucun cas lui obéir de cette manière, les yeux fermés. Elle arrangea simplement sa robe et son petit haut ainsi que sa coiffure. Elle refusait d'entrer dans le débat des frères alors elle s'était protégée dans les escaliers en les écoutant parler. Elle vouait une haine quasi meurtrière envers Nathan mais elle devait reconnaître que sur certains points, il lui arrivait d'avoir raison. Cependant, elle ne lui dirait pas. Surtout pas maintenant.

Alors elle épousseta son haut et sa jupe, se pinça les joues avant de sourire, magnanime avant d'ouvrir la porte comme une parfaite petite femme de maison. Au visage de Logan, elle eut les yeux ronds. Bien sûr que c'était le jour où il devait venir à la maison mais elle n'avait pas envie de le refuser, elle avait juste peur que Nathan pète encore plus un cable... et finisse ce qu'il avait commencé plus tôt... plus tard ! Légèrement désarçonnée, elle le regarda et s'écarta pour le laisser entrer, la surprise s'affichant sur son visage. Peu importe qui avait saccagé cette fichue épicerie, Logan restait de la famille et jouer les délinquants pour protéger quiconque que ce soit ne lui retirait pas le privilège de venir déjeuner en famille, même réduite.

_ Entre, dit-elle en regardant en direction du salon, méfiante.

La réaction de Nathan ne tarderait pas à se faire entendre et elle allait avoir besoin de concentration et de poigne pour le retenir. Elle sentait toute cette rage qu'il avait accumulée quelques minutes plus tôt et il allait devoir la déverser sur quelqu'un. Que ce soit elle ou Logan, l'un des deux prendrait. Et elle s'arrangerait pour que ce ne soit pas Logan. Elle avait de meilleurs mobiles pour tuer son mari que Logan son frère !

Quelques coups à la porte rompirent le charme. Du moins, permirent à Clyde de détourner ses yeux à l’éclat un peu fou de se défaire de l’emprise de ceux de son frère. Une veine vint saillir un instant sur le cou du plus jeune, agacé qu’une fois encore, on vienne l’interrompre. Cette matinée était décidément affreusement frustrante et s’il n’évacuait pas bientôt, il allait devenir fou ou commettre un crime.

« Quoi encore » marmonna-t-il en dirigeant ses pas coléreux vers le hall

Mais son épouse lui passa devant et le devança. Il s’immobilisa et observa sa tenue à nouveau impeccable, allant de pair avec le soin qu’elle avait mis à se coiffer. Son parfum délicat flotta dans l’air sur son passage, donnant la nausée à Nathaniel qui retroussa ses lèvres dans un rictus contrarié.
Il jeta un rapide coup d’œil en direction de Clyde qui, pour ne pas changer, se mit à fuir son regard, un pli soucieux barrant son front. Son frère se doutait qu’il était soulagé d’avoir échappé à son emprise, mais intrigué par cette intrusion. Partagé entre l’envie de voir qui était là et celle de ne surtout pas regarder dans sa direction, il avait l’air d’un malade à faire voyager son regard d’un point à l’autre de la pièce sans jamais le faire se poser plus d’une poignée de secondes. Le benjamin leva les yeux au ciel puis recentra son attention sur l’entrée au moment où l’homme pénétrait l’habitation.
Logan. Qui d’autre ! A quoi s’était-il attendu alors que depuis ce matin, les éléments semblaient se liguer pour le mettre en rage !?

Le poing de Nath se referma avec vigueur sur la surface lisse de son verre de scotch quasiment vide. Il allait le lui écraser contre le visage. Lui briser le nez avec et puis lui en faire avaler les morceaux tranchant un par un. Il s’amuserait de lui couper la langue et de voir sa bouche s’emplir de son propre sang pâteux et aussi noir que son âme. Ce sale traitre, ce bâtard infâme ne perdait rine pour attendre !!

« Comment oses-tu » cracha-t-il en s’avançant vers lui

Comme il s’y était attendu, Logan eut un mouvement de recule. Il aurait même certainement fait demi-tour et serait reparti d’où il venait si son dos n’avait pas rencontré le mur et si Lucy ne lui avait pas bouché la route.
Cette dernière posait à présent sur son époux un regard intransigeant, plein de menaces. Vraisemblablement elle lui tenait toujours rigueur pour le petit incident de tout à l’heure. Alors que c’était elle qui avait menacé de le tuer avec un couteau de boucher ! Misérable garce.

« Tu as une seconde pour me convaincre de ne pas t’occire, vile pourceau » tonna Nathaniel, son regard le plus menaçant tourné vers son cousin qui ne savait plus où se mettre. Avant qu’il ait pu ne serait-ce qu’ouvrir la bouche, le garagiste reprit a parole « Ton temps est écoulé, tu n’seras donc pas pardonné. Retourne dans tes chiottes, cafard, avant que je ne change d'avis et ne balance ton cadavre an pâture aux porcs de ce cher Willy ! »

Logan avait d’abord ressentit un certain soulagement lorsqu’il était tombé nez-à-nez avec Lucy et que celle-ci lui avait ouvert la porte. Elle était présente, comme il s’en doutait, mais le constater de visu était rassurant.
La grande rousse ne lui avait pas fait la moindre remarque. Il avait tout de même lu sur ses traits hautains une once de surprise. Peut-être même de l’appréhension.
Son soulagement avait cela dit été de très courte durée. Nathaniel était apparu immédiatement, un verre d’alcool à la main et sur son visage froid, une expression d’haine éhontée.
Le plus jeune déglutit péniblement en voyant son cousin se diriger vers lui à grand pas. L’horreur le fit reculer d’un pas et se plaquer dos contre le mur, non loin de la porte.

Cette conne de Lucy avait déjà refermé derrière lui. Logan détestait se sentir coincer comme un connard de poulet dans son stupide poulailler, enfermé avec un renard transgénique.
Si jamais Nathaniel n’arrivait pas à se contrôler, alors il était fait comme un rat, sans moyen de l’esquiver rapidement. Et Dieu seul savait comme il était plus probable qu’il ne sache effectivement pas se contrôler. Il aimait ça perdre les pédales. Ca lui plaisait de se laisser submergé par ses colères violentes. Et cette certitude contre la quel il essayait vainement de luter était loin de le rassurer.
Et comme d’habitude, Nathaniel lui sortait quelque chose de particulièrement perturbant auquel il n’eut même pas l’occasion de répondre.
C’était tant mieux, parce que chaque mot qu’il allait devoir prononcer au court de cet horrible entretient allaient déterminer l’issue de sa journée. Elle pouvait finir mal, comme finir atrocement mal. On n’était jamais sûr de rien avec Nathaniel…

Pourtant Logan avait besoin de croire qu’il était possible qu’il ressorte de cette baraque sans une côte cassée… Il voulait croire qu’il y avait moyen de régler ce conflit qui n’avait même pas lieu d’être comme les gens normaux. Pourquoi ne pas essayer ? De toute façon qu’avait-il à perdre ? Rien. C’était bien là tout son problème.
Il savait dans quel genre de moment il s’embarquait en se pointant jusqu’ici de toute manière. Maintenant il allait falloir qu’il assume…

« Attends Nathaniel » réussi-t-il à articuler de sa voix rauque « T’énerve pas… ok ? J’suis venu pour m’expliquer... » Il chercha donc à expliquer sa fameuse explication, avant de se rendre compte qu’il n’en avait aucune « Je… enfin voilà… j’suis désolé » expliqua-t-il donc...

C'était typique de Logan : il n'avait aucune explication à fournir, il était simplement désolé. Malheureusement, il l'était un peu trop souvent au goût de son cousin qui avait de nombreuses fois été confronté à la bêtises congénitale de son cadet.
Comme toujours, ce grand benêt avait agi sans mesurer les conséquences de ses actes et tous en avait souffert, Grayson la première. Le saccage de la maison des Donnelly les avais conduis à s'y incruster un peu plus encore et ils avaient enfoncés leurs griffes dans le ventre fertile de leur village et n'allaient pas se laisser déloger si facilement. Ils étaient comme ces putains de tiques qui pompent le sang des animaux et vous empoisonne si vous en les dégager pas avec subtilité. Nathaniel avait une méthode bien à lui pour se débarrasser des frères, mais personne ne voulait en entendre parler.
Attendaient-ils que Grayson les chassent elle-même... ?

Le menton levé, le garagiste posa un regard hautain et chargé de reproche à son jeune cousin. Il avait ainsi des allures princières, effrayante, l'air de celui qui va rendre un jugement dans peu de temps. Une sentence de mort ? Une remise de peine ?
Nathaniel préféra entretenir cet intenable suspense un peu plus longtemps, conscient d'être au centre de toutes les attentions. Une voix lui soufflait d'abattre son poing sur le visage grimaçant de Logan puis de le mettre dehors à coup de pieds aux fesses. Sauf que ni Lucy ni Clyde ne le laisserait se défouler et il n'en sortirait que plus frustré encore. Mauvaise idée donc.
Il connaissait la meilleure stratégie à adopter malheureusement, elle ne comprenait pas le passage à tabac de cet idiot, c'était très décevant.
Il allait le pardonner. Parce que c'était ce qu'on attendait de lui et qu'éviter Logan jusqu'à la fin de ses jours lui serait impossible. Ce crétin était de sa famille et un peu de son sang circulait dans ses veines. Malgré tout ce qu'on pouvait dire et penser, la famille avait toujours été sa faiblesse. Il se serait probablement arraché un bras à coup de dents pour sauver la vie de l'un ou de l'autre ; il était responsable d'eux.
Mais bien sûr, il y aurait des conditions. Il y en avait toujours avec lui et son cousin le savait aussi bien que le reste d'entre eux. On n'obtenait pas les grâces de Nathaniel Wilmott Redd en se contentant de demander pardon. Il avait déjà brûlé ses carnet et placardé un cafard encore vivant sur sa porte, mais ce n'était pas suffisant. C'était lui qui avait fait tous les efforts dans cette histoire, Logan devait suer un peu lui aussi.

« Excuses acceptées ! » s'exclama-t-il soudain, son visage singulier s'éclairant d'un sourire « Lucy a préparé du poulet, tu nous en donneras des nouvelles »

Il fit mine de se détourner mais s'immobilisa, arborant l'air de celui qui a oublié quelque chose mais ne sait pas exactement quoi. Son index sous son menton, il fit lentement demi-tour pour poser un regard aigu sur Logan.

« Ah oui ! » fit-il mine de se souvenir avant d'abattre sèchement sa main sur la joue du garçon dans une gifle magistrale « Pour que tu n'oublies pas tout de suite à quel point je suis bon pour toi » ajouta-t-il en désignant sa joue qui rougirait bientôt et s'attarderait un moment vu la force qu'il avait mis dans son coup cinglant « Tu sais, je m'inquiète beaucoup pour toi, mon p'tit Logan... Je m'interroge sur ton avenir et quand j'essaie d'entrapercevoir un peu de lumière, je réalise que je contemple le trou du cul d'un putain d'chat crevé ! C'est noir et ça sent vraiment mauvais... Bon, je meurs de faim, passons à table si vous l'voulez bien ! »

La vengeance était un plat qui se mangeait froid et Logan le découvrirait bientôt. Mais avant ça, il lui fallait prendre des forces... le combat pour regagner sa confiance serait rude et il ne comptait pas l'épargner. Tous ici le savait...

La tension était palpable et Lucy la sentait d'autant plus que Nathan se trouvait dans l'entrée à côté d'elle. Son odeur et celle de l'alcool qu'il dégageait l'enivrait et l'envie de vomir lui monta à la gorge, néanmoins, elle ne se départit pas de son sourire même si ce dernier pouvait sembler faux. Elle avait peur que Nathan ne fasse des siennes et ne se défoule sur son cousin. Il était chez lui, tout de même. Mais la surprise pu très vite se lire sur le visage de la maîtresse de maison. Pendant tout ce temps où il resta silencieux, Lucy déglutit, qu'allait-il donc dire/faire ?

Si Logan suait, elle également discrètement. Tous les muscles prêts, elle se tenait en alerte pour empêcher Nathan de cogner son parent. Elle n'avait que peu de force mais bizarrement, malgré tout, il n'avait jamais levé la main sur elle [HRP : Il me semble !]. Il en avait pourtant déjà eu l'occasion, non ? Alors quand son époux accepta les excuses, elle fut soufflée, presque fière de lui. Elle l'imita et sourit également en invitant Logan à la suivre telle une parfaite maîtresse de maison qu'elle était.

Elle revenait donc au salon lorsqu'elle entendit un bruit sourd comme la violente gifle qu'elle s'était retenue de donner à son mari quelques minutes plus tôt. Elle se retourna pour écouter ce que Nathan avait à dire. Bien évidemment qu'il n'avait pu rester aussi calme longtemps, elle en aurait été bien trop étonnée. Elle soupira discrètement avant de retourner à la cuisine, laissant les hommes entre eux.

Le temps de finir d'arranger la table en y ajoutant une assiette et couverts pour Logan, qu'elle ne s'était pas attendu à venir malgré l'habitude, et d'apporter le poulet, Lucy servit un verre d'eau chacun et un verre de vin. Pas d'autre alcool accepté à table. Elle s'illumina de son plus joli sourire à côté de sa jolie table de famille et elle leva une main pour inviter les hommes à se joindre à elle.

_ C'est prêt !

Et bien entendu qu'elle attendrait que chacun se soit installé pour servir, elle en dernier et s'asseoir... enfin.

Avec du recule, et lorsqu’on prenait en compte qu’il avait envisagé les pires scénarios en venant ici, on pouvait affirmer avec plus ou moins d’assurance qu’il s’en sortait raisonnablement bien.
Aucune argumentation à fournir, pas de longues discussions douloureuses, pas de coups de poings, de coups de genoux, il ne lui avait pas non plus écrasé son verre d’alcool en pleine tête, il avait juste reçu une claque –fameuse, cela dit, et une invitation à manger.
Logan savait que Nathaniel le surprendrait toujours, pourtant il ne pouvait s’empêcher d’être toujours aussi surpris d’être surpris !

Et tandis que tous s’éloignaient pour prendre le repas que Lucy leur avait fait, Logan s’autorisa quelques secondes pour souffler. Il resta en arrière, le dos toujours collé au mur, la tête comme la claque de son cousin l’avait laissée, et des cheveux plein le visage.
C’était surtout sur son rythme cardiaque qu’il était concentré. Et sa respiration aussi. L’adrénaline avait du mal à retomber, et il voulait retrouver un minimum de contenance avant de les suivre et de s’installer à t bale comme si de rien n’était.
Puis surtout, il devait digérer sa colère. Un minimum.

Il était depuis longtemps terminé le temps où Logan laissait Nathaniel le frapper sans broncher, sans esquisser le moindre mouvement, sans essayer de se défendre, sans lui sauter dessus pour lui rendre la pareille avec les intérêts. Lorsqu’il était gamin, il n’avait pas vraiment le choix.
Puis heureusement, la nature, si bien faite, l’avait fait grandir, puis devenir plus grand que son aîné, et c’était à ce moment là que le jeune homme avait réalisé qu’il pouvait se défendre. Ca avait fait tout drôle à Nathaniel au début. Pas longtemps cela dit. Nath restait un vrai vicieux, vif, rapide, évidemment bien plus malin que lui, qui réussissait toujours, ou presque, à avoir le dessus.

Peu importait cela dit. Qu’il gagne ou pas, Logan s’en fichait pas mal, il était juste important qu’il se défende. Pourtant là, il avait mordu sur sa chic, il s’était empêché de répliqué, et n’avait pas bougé.
Et il savait qu’il devrait s’écraser encore un long moment avant que Nathaniel ne lui pardonne.
Parce qu’il savait qu’au fond, Nath lui en voulait toujours à mort et qu’il préparait certainement une pelletée de sale coup à lui jouer pour le faire payer, et payer encore, et encore.
Ca serait un passage obligatoire, il le savait depuis le début, et il y allait de sa propre volonté, parce que ne pas le faire serait plus insupportable encore.
Un Redd n’était valable qu’avec d’autre Redd, et ne valait pas grand-chose tout seul.

C’est pourquoi, sans broncher, et sans essayer d’arracher les yeux de son cousin avec l’argenterie de Lucy, Logan prit une longue inspiration, pour enfin rejoindre les autres dans la salle à manger.
Son couvert avait déjà été ajouté par la maîtresse de maison, à sa place habituelle, et il n’eut plus qu’à glisser les pieds sous la table sans lever les yeux sur les trois autres, comme d’habitude.

Et malgré sa honte, sa colère et tous les ressentiments qui le rongeaient, ce fut le soulagement qui prit le dessus. Le soulagement de retrouver enfin ceux qu’il préférait détester.
Les mains sous la table et les épaules basse, il observa la rouquine remplir les assiettes, tout ça dans le plus grand silence, comme tous les jeudis midis.
Il avait détesté cet endroit, et il le détestait toujours, mais devait se rendre à l’évidence, il ne pouvait pas faire sans, ni sans les gens autour de lui. Et au fond il s’en voulait pour ça, comme d’habitude.

Avant que tous ne commencent à manger, ils restèrent quelques instants immobiles. Comme si tous attendaient que l’un ou l’autre dise quelque chose. Mais personne ne souffla mot, et ils entamèrent leur repas, Logan en dernier, qui n’avait pas vraiment faim, mais qui comptait bien terminer son assiette jusqu’à la dernière miette pour ne contrarier plus personne, et aussi longtemps qu’il ne pouvait.

Nathaniel s’installa à table, essayant de ne prêter aucune attention à ses voisins qui l’observaient pour la plupart avec méfiance et surprise. Il venait de s’installer et s’apprêtait à coincer sa serviette à son col lorsque Logan les rejoignit enfin. Un sourire satisfait aux lèvres, il allongea ses bras sur la table, de chaque côté de ses couverts et leva son regard vers sa tendre moitié.
Il n’en avait pas terminé avec elle et tous deux le savaient. Elle allait très certainement éviter de croiser son regard pendant le restant du repas pour ne pas croiser ses yeux brillants de rancœur. Elle était la seule à le connaître assez pour savoir qu’il allait falloir qu’il évacue ses frustrations à un moment ou un autre. Elle avait même sûrement espéré en secret qu’il le fasse sur son cousin pour être épargnée…
Mais Nath avait d’autres projets.

Lucy réclama leurs assiettes pour les servir et Nathaniel attrapa celle de Logan pour la lui tendre avant qu’il ait pu faire quoi que ce soit. Lucy s’exécuta, ne se défaisant pas de ce sourire avenant et enthousiaste qui charmait les étrangers. Plus aucun d’eux n’était dupé cela dit…
Il reposa ensuite l’assiette fumante de Logan devant lui puis fit de même avec celle de Clyde et finalement la sienne.
Le silence uniquement rompu par les bruits de couverts était oppressant. Du moins, pour ceux qui partageaient la table de Nathaniel. Pour sa part, il se réjouissait d’avance de l’ambiance chargée d’attente qu’il avait réussi à créer.

« Bon appétit ! » lança-t-il gaiement lorsque tout le monde fut servit

Clyde et Lucy lui répondirent mais Logan demeura silencieux, le nez sur son assiette. Bien entendu, Nath attendit que Lucy est enfournée sa première bouché pour se lancer à son tour. Une fois la première fournée avalée, il se décida à prendre la parole, essuyant ses lèvres d’un coin de sa serviette.

« J’ai appris que Kathleen Wood était partie s’installer à New York. Tu sais quelque chose à ce sujet, Logan ? » le questionna-t-il

Les hostilités étaient ouvertes. Nathaniel n’ignorait évidemment pas que son cousin était éperdument amoureux de la conne de standardiste du bureau du shérif et il était certain que son départ le chagrinait. Bien entendu, elle ne s’était pas réellement installée là-bas, il s’agissait simplement de vacances (très peu méritées selon lui) mais remuer le couteau dans la plaie était si agréable !

On pouvait dire que Nathaniel ne perdait pas de temps. Logan se doutait qu’il allait en chier, mais il avait naïvement espéré que son cousin laisserait passer un peu d’eau sous les ponts avant de lui planter le moindre couteau dans le dos.
Apparemment Nath n’avait même pas envie de l’attaquer en sournois comme il le faisait le plus souvent, il y allait franchement. Il attaquait immédiatement là où ça faisait le plus mal pour son cadet. Et celui-ci du péniblement déglutir et serrer les mâchoires pour éviter de se laisser submerger par l’angoisse et la colère qu’avait déclenché l’innocent sujet de conversation de son enfoiré de cousin.

Le pire était sans doute qu’il ne pouvait pas s’empêcher de le croire. Il savait que Nathaniel était sans doute entrain de le faire maronner exprès en lui racontant n’importe quoi et en même temps il ne pouvait s’empêcher de se mettre à paniquer. L’idée du déménagement de Kathleen était l’un de ses pires cauchemars. Il redoutait la chose depuis des lustres.
Puis elle était partie depuis si longtemps déjà. Trois semaines bientôt, qui semblaient comme une éternité au garçon.
Et si c’était vrai ? Et si Kathleen, trop morte de honte à cause de son geste, avait décidé de fuir Grayson pour de bon en prétextant des vacances mais en n’ayant en fait pas du tout l’intention de revenir au village ?
Après tout, Logan se terrai chez lui depuis qu’il s’était fait accusé à sa place, peut-être que Nathaniel, qui ne se coupait pas du monde lui, avait entendu d’autres rumeurs, avait obtenus plus de détails que lui ?
Peut-être que c’était pour ça que Kathleen n’était pas venu lui dire au revoir avant de s’en aller, ne l’avait même pas averti. Parce qu’elle s’en allait en fait pour toujours et n’osait pas le lui avouer…

Mortifié par cette idée, le jeune homme observa le contenu se son assiette sensé être appétissant mais qui lui filait plutôt la nausée pour le moment, tant son estomac était contracté par la peur.
Il tentait de ne rien montrer de son trouble pour éviter de faire plaisir à ce porc qui trônait à sa gauche, mais il ignorait si il était vraiment discret ou pas.

Rassemblant son courage, il prit enfin la parole, contrôlant sa voix pour ne pas la rendre trop blanche :

« Grifith m’a dit que… il m’a dit qu’elle était juste en vacances »

Malgré tout, on sentait une pointe de doute dans son ton. Du doute et de l'amertume. Et même si il évitait tout particulièrement de croiser le regard de son cousin, il avait furtivement relevé les yeux vers lui, pour les faire dériver son Clyde, puis sur Lucy. Il attendait le moindre signe de confirmation ou de négation. Il espérait qu’ils lui répondent avoir entendu la même chose, qu’ils aillent dans son sens.
Il espérait aussi que son cousin le laisserait ensuite manger tranquillement. Après tout, pourquoi devait-il en baver de la sorte. Il n’avait rien fait de si grave. Il n’avait même rien fait du tout d’ailleurs, mais même si l’on prenait en compte sa culpabilité, ça n’était pas une montagne. Les Donnelly seraient restés à Grayson de toute manière.

Ca t’apprendras à te faire accuser pour les autres, tarlouse.

« J’ai entendu dire que c’était simplement des vacances moi aussi » intervint Clyde, imaginant que Nathaniel abordait ce sujet pour changer les idées de tout le monde

Il était vrai qu’aborder le thème des vacances était une excellente idée pour retrouver sa bonne humeur. Lui-même avait toujours voulu s’évader de Grayson, ne serait-ce qu’une poignée de jour pour découvrir le monde. Cela dit, son choix ne se serait certainement pas porté sur une ville telle que New York. C’était trop grand, trop gris et dangereux et sans doute trop mouvementé pour lui là-bas.

« Son père se plaignait de son dos alors je suis allé le visiter chez lui. Nous avons pris le thé ensemble… ce sont vraiment des gens charmants » ajouta-t-il en avalant une longue gorgée de son verre d’eau, la tête basse

Nathaniel le fixa longuement, d’un air presque écœuré. Des gens charmants ? C’était un trou du cul de première, violent et non instruis, et sa pute de femme était une mégère pleurnicharde. C’était à se demander comment Kathleen avait pu tourner aussi bien. Enfin façon de parler puisque c’était une potiche de première catégorie.

« Charmant, en effet » sourit-il faussement « C’est d’ailleurs exactement ce qu’on se disait Logan et moi la fois où ce couillon d’enculé a voulu nous plomber le cul parce qu’on marchait sur sa pelouse pour venir lui porter du courrier. Pas vrai, Logan ? »

Son cousin remua vaguement la tête dans un geste qui pouvait aussi bien dire : « bien entendu, mon cher cousin » ou « va t’faire foutre, connard ».
Le silence retomba dans la pièce, bientôt à nouveau rompu par les bruits de fourchettes.
Nathaniel porta une nouvelle fois la sienne à sa bouche mais la reposa ensuite sur le bord de son assiette avec son couteau. Il n’avait pas faim. C’était d’autre chose que de la nourriture qu’il voulait se remplir.
Le garagiste croisa ses mains au dessus de son assiette et observa ses convives tour à tour. Il se doutait qu’ils avaient remarqué son petit manège, mais tous continuaient de manger en silence.

Son regard aiguisé se posa bientôt sur Logan qu’il ne quitta plus des yeux. Il l’étudia un moment, partagé entre colère et pitié. Au fond, pourquoi voulait-il le faire payer ?
Après tout, rien ne leur indiquait que les Donnelly avaient l’intention de partir avant qu’il ne s’en prenne à l’ancienne maison des Mercer. Et puis si ça avait marché, il l’aurait encensé. Bon bien entendu, il lui aurait fait le reproche de ne pas l’avoir mis au courant de son plan mais…
C’était ça le souci. Ne pas avoir été mis dans la confidence. Voir son gauche de cousin s’être pris en main de la sorte, seul. Il avait certes pris une mauvaise décision, mais il l’avait pris seul. C’n’était pas la première fois, bien sûr, mais la première fois qu’il s’agissait d’une question de cette importance, concernant Grayson tout entière.
Nathaniel en était venu à se demander si ce n’était pas un coup monté. Si Declan et William ne lui avait pas demandé de le faire… Est-ce que Logan l’avait trahi ? Il aurait toutes les raisons du monde de le faire. Ils avaient tous toutes les raisons du monde de le faire…
Et c’était une pensée effrayante. Même pour lui.
Supporter tous les idiots du village et les voir s’enfoncer dans leur bêtise était une chose, qu’il entraine sa famille là-dedans en était une autre. Si Lucy, Clyde et Logan se retournaient contre lui… Il ne le supporterait pas.

L’espace d’une seconde, il envisagea de simplement pardonner Logan. D’en rester là. Comme lui l’avait fait, il y a des années de ça.

****

Nathaniel frappa à la porte de la maison d’un geste assuré. Il avait laissé passer trois jours mais Patrick n’était pas venu lui casser la figure ou réclamer sa statuette. Avait-il remarquée son absence ? Logan l’avait-il couvert ?
Si ce gros porc n’avait rien remarqué, alors il le tuerait. Il lui avait volé son bien le plus précieux et son oncle avait plutôt intérêt à être furieux de sa disparition. Lui avait souffert d’en être privé, il devait en aller de même pour ce connard.
N’ayant toujours pas de réponse, Nathaniel frappa à nouveau, en vain.
Tiquant d’agacement, il s’approcha d’une fenêtre et observa l’intérieur silencieux de la bâtisse, les mains en porte voix. Après quelques instants de fouille, il finit par repérer son cousin dans le reflet de la télévision. Ce dernier était vraisemblablement tassé dans le fauteuil, espérant ainsi ne pas être vu. Quel crétin.

Nathaniel frappa au carreau avec force.

« Ouvre, imbécile ! Je sais que tu es là, je peux te voir d'ici » le sermonna-t-il

Recroquevillé dans le divan, Logan attendait que les coups cessent, cette angoisse permanente lui rongeant toujours un peu plus l’estomac. Il n’avait même pas réfléchi, dès que les coups avaient résonnés à la porte, il s’était planqué, il avait refermé sèchement le bouquin qu’il était en train de lire pour concentrer toute son attention sur son cousin qui attendait sur le pallier.
Il savait que c’était lui sans avoir eut à traverser le salon et le hall pour jeter un œil au judas. Il reconnaissait sa manière de frapper. Des coups secs, qui transpiraient l’agacement profond pour tout et n’importe qui.
Et il ne cachait pas parce qu’il ne voulait pas voir Nathaniel. Il se cachait pour que Nathaniel ne le voie pas. Il y avait une nuance non négligeable. Une nuance bien douloureuse aussi.

Trois jours auparavant, lorsqu’il était rentré de l’école, il avait trouvé son cousin chez lui. Il avait bien vite compris pourquoi il était là. Il était là pour récupérer cette affreuse statuette qui avait appartenu à sa mère avant que celle-ci ne meurt. Etrangement c’était son père qui avait récupéré l’objet. Ce brave Patrick aurait récupéré n’importe quoi qui avait un jour été entreposée dans la maison de son frère. De toute sa vie, c’était la seule et unique personne que Patrick avait jamais aimé.
Il se souvenait encore du jour où la nouvelle avait éclatée. Son père avait passé des heures dans son bureau. Il avait passé des heures entières à hurler et à pleurer, à balancer les meubles avec rage.
C’était lui et sa mère qui s’étaient chargé de tout remettre en ordre durant les deux jours suivants. Et le troisième ils l’avaient passé à l’enterrement.
Logan n’avait pas été triste de la mort de son oncle. Le frère de son père était bien plus supportable froid que chaud. Il avait un peu regretté sa tante par contre. Mais juste un peu.
Il avait pourtant du subir la tristesse des autres. De ses cousins, et celle de son père. Le drame familial dans toute sa putain de splendeur.

L’adolescent ne comprenait pas qu’une statuette aussi laide puisse compter autant pour eux. C’était un objet quelconque. Et pourtant, c’était lui, lui qui se fichait de ce stupide objet, qui avait du trinquer pour sa disparition.

Pourquoi avait-il fallut qu’il laisse Nathaniel s’en aller avec ce truc, trois jours plus tôt ? Pourquoi avait-il fallut qu’il reste muet ? Il revoyait encore la scène très nettement et ne comprenait toujours pas sa propre réaction. Il se fichait de ce machin, il se fichait de son oncle et de sa tante qui pourrissaient dans leurs cercueils, il se fichait pas mal de son père.
Son problème c’était qu’il ne se fichait pas de Nathaniel. Son cousin n’était pas comme les autres habitants de Grayson. Il était plus intelligent. Son problème c’est qu’il le savait un peu trop.
Et puis il avait eut un père pire que le sien. Mais une mère mieux que la sienne…

Alors quand un peu plus tard dans la journée, lorsque son père avait constaté la disparition de la statuette et s’était mit à l’interrogé, il s’était contenté de resté muet.
Son père haïssait lorsqu’il faisait ça. ‘Lorsqu’un adulte te pose une question, tu réponds bordel de merde, par qui t’as été élevé, espèce de sauvage’.
Et obstinément, Logan avait gardé les lèvres closes, et il n’avait pas plus desserré les dents lorsque son père avait perdu son calme. Ni même lorsqu’il l’avait agrippé pour le secouer et lui hurler au visage. Et il n’avait pas émit un son lorsque Patrick avait empoigné son tee-shirt trop grand pour le trainer vers son foutu bureau. Mais Logan avait tenu bon. Il avait simplement fermé toute les portes et toutes les fenêtres dans sa tête, et avait attendu que sa passe. Dans le silence.
Il ne s’estimait pas malchanceux. Son oncle était bien pire lui. Et il avait fait pire à Clyde et Nathaniel.
Patrick lui, ne faisait pas dans la violence soudaine et terriblement brutale. Il y avait toujours au moins une raison.
Lorsqu’il pensait qu’il fallait punir son fils pour un acte qu’il jugeait mauvais, alors il suivait toujours certaines règles. Il l’obligeait à le suivre jusque dans son atroce petit bureau, l’un des deux endroits que Logan haïssait le plus au monde, et lui filait des coups de bâtons dans le dos. Il était rare qu’il se montre plus imaginatif, c’était toujours le même schéma.
Parfois seulement 10 ou 15 coups. Parfois, il y avait des bonus, selon la gravité des faits à punir.

Cette fois-ci, il lui en avait donné plus. Bien plus. Mais lorsqu’il s’agissait de son frère, son père perdait ses repères, et se laissait aveugler par sa peine.
Cette fois, il n’y était vraiment pas allé de main morte et depuis, Logan n’avait pas mit un pied à l’école. Ca n’était même pas un plaisir de rater les cours. Il aurait préféré ne pas avoir aussi mal au dos et aux côtes. Ne pas avoir à se cacher plus encore que d’habitude.

Et comme dit précédemment, Nathaniel était intelligent. C’était pour ça que Logan ne voulait vraiment pas lui ouvrir. Il était trop perspicace, et Logan pas assez.
Tellement perspicace qu’il savait désormais qu’il était là et jouait au mort…
Poussant un faible soupir angoissé, le jeune homme se redressa doucement pour jeter dans son dos un coup d’œil à la fenêtre. Son cousin l’avait vu. Ils échangèrent un regard où le plus jeune pu lire qu’il avait intérêt de se bouger les fesses de ce divan.
Nathaniel détestait attendre et être prit pour un con. Pourtant Logan ne devait pas se laissé avoir, il ne devait pas se laissé impressionner. Il devait le laisser dehors. Il n’avait cas lui dire qu’il était malade… non ça n’était pas plausible, personne n’était malade dans cette famille. Jamais.

La peur au ventre, Logan se décolla enfin du divan du salon pour quitter la pièce et se diriger vers la porte d’entrée ou poireautait son cousin. Il se sentait fébrile, ses mains tremblant légèrement à l’intérieur des manches trop longues de son grand pull.
Il agrippa la poignée de porte et entrouvrit celle-ci, se casant dans l’espace pour faire face à Nath sans donné à celui-ci l’occasion de pénétrer à l’intérieur.

« Quoi ? » grogna-t-il en lançant un regard sombre au plus vieux.

Il ne lui en voulait pas pour ce qui s’était passé. Nathaniel ne lui avait rien demandé. Mais faire semblant de lui en vouloir le chasserait peut-être, parce qu’une chose était certaine, son cousin serait très en colère sur son père si il apprenait comment les choses avaient tournées…
Un seul drame par famille, et ils avaient déjà eu le leur, pas besoin d’en rajouter.

Evidemment, il avait fallut qu’il force l’entrée. Evidemment, il avait fallut qu’il joue au plus malin, puisque c’est ce qu’il était, et qu’il le savait un peu trop bien. Il en était tellement fier qui plus est.
Logan n’avait même pas essayé de vraiment le retenir. On ne pouvait pas retenir un Nathaniel lorsqu’il avait une idée dans la tête. C’était dangereux de le contrarier, surtout pour lui, parce que Nathaniel ne prenait jamais de gants avec son ‘puceau dégénéré’ de cousin.
C’était un peu pour ça que Patrick son père n’avait jamais pu supporter le plus jeune de ses neveux. Trop malin. Une trop grande gueule. Un air supérieur. Alors qu’il avait été un temps où c’était lui, le plus malin des Redd.
« C’est au moins ça que j’ai pas à te reprocher à toi » qu’il lui disait souvent « Toi au moins tu baisse les yeux »
On ne pouvait pas vraiment appeler ça une qualité pourtant. Mais avec une famille pareil, il avait opté pour la méthode ‘Clyde’, baisser les yeux, serrer les dents et fermer sa gueule.
Ca avait été le cas toute sa vie avec son père, avec son oncle, et avec son cousin. Peut-être qu’un jour il pourrait dire merde aux deux de ces trois enfoirés qui respiraient encore, mais pour le moment, il était trop jeune, et pas assez fort. Mais un jour ça serait lui qui les frapperait.
Du moins, ça le défoulait de s’imaginer pouvoir leur rendre la pareil, coup pour coup. Et il y en avait eu pas mal. Au fond il doutait que ça arrive un jour cela dit.

« Nan ils sont pas là. Ils ont été invités à dîner chez la vieille Hofgood… mais ils ne devraient pas tarder à revenir et… il va pas aimer si il te trouve ici »

Ca n’était pas totalement faux, mais ça n’était pas totalement vrai. Ses parents n’étaient pas vraiment sur le point de revenir. A vrai dire il ignorait complètement lorsqu’ils reviendraient, et espérait que ça soit le plus tard possible. Pourtant il était vrai que Patrick n’aimait pas Nathaniel, et qu’il n’aimait pas que celui-ci pénètre sous son toit en son absence. Il n’avait jamais vraiment eu confiance en lui, n’avait jamais aimé son attitude, et pour couronner le tout, l’avait toujours soupçonné d’être le responsable de la mort de ses parents, et donc de son très cher frère aîné.
Logan ne savait pas si c’était le cas, ne voulait pas le savoir, et s’en fichait d’ailleurs pas mal. Son oncle mort, c’était surtout un souci en moins à gérer pour lui.

Pour Patrick, c’était l’évènement numéro 1 de sa vie, et il ne se passait pas un seul jour sans qu’il n’évoque son bien aimé frère disparu et les innombrables vertus de celui-ci. Vertus dont ses deux rejetons n’avaient malheureusement pas hérités selon lui.
Tant mieux pour eux cela dit.

« … tu veux quoi Nath’? » questionna tout de même Logan

Il espérait qu’en le faisant accoucher rapidement, il s’en débarrasse donc tout aussi rapidement.