05. Trouble is my friend and she's back again [Allie, Donnellys & Julie]

Dernière édition par Aahron Donnelly le Mer 23 Nov 2011, 20:22, édité 1 fois

Aahron ouvrit les yeux dans un sursaut. Le décor tomba brutalement autour de lui et, le cœur battant, il referma sa main sur le cuir élimé de l’accoudoir du fauteuil où il s’était assoupi pour cauchemarder. Son regard se posa presque immédiatement sur Aidan, assis sur le canapé près de lui. Assis, les yeux ouverts sur le vide, mais ouvert tout de même.
Reprenant ses esprits, l’ainé poussa un long soupir et passa ses mains sur son visage en fermant les yeux quelques instants pour calmer son affolement.

Comment tu t’sens ?

Mais son frère ne répondit rien, se contentant de fixer le mur en face de lui, sans ciller. Aahron fronça les sourcils, l’observant plus attentivement. Il était aussi pâle que la veille, des cernes mauves encerclait ses yeux clairs, gonflés par la fatigue et injectés de sang. Sa tête était légèrement penchée, ses épaules affaissées et ses bras reposaient mollement de chaque côté de ses cuisses.

Aidan ?

Son jean était crasseux et ses genoux couverts de terre séchée, au même titre que ses chaussures parsemées d’infimes traces sombres. De l’herbe sèche s’était accroché à ses convers également et ses mains…

Putain, Aidan ! Tu saignes !

Aahron bondit sur ses jambes et attrapa les poignets de son frère qui n’opposa aucune résistance, laissant simplement pendre ses deux mains au bout de ses bras. Quelques uns de ses ongles étaient cassés, la peau était à vif et du sang les maculait. Mais pas seulement. De fines gouttes semblaient avoir giclées sur ses avants bras.
Les yeux écarquillés, Aahron recula d’un pas, lâchant les mains de son cadet qui retombèrent sans que ce dernier ne cherche à amortir leur chute.
Le souffle court, le cœur battant, l’ainé des Donnelly fixa son frère avec dégoût et angoisse alors que le silence s’épaississait entre eux.

Il laissa échapper près de deux longues minutes dans cette position, avant d’enfin réagir et reprendre la parole d’une voix blanche.

Qu’est-ce que tu as fais, Aidan ?

Aidan ! OH ! J’te parle !

Comme le petit blond ne réagissait pas, Aahron finit par se rapprocher pour l’attraper par les épaules et le secouer sans douceur en répétant sa question encore et encore. La tête d’Aidan dodelina simplement entre ses deux épaules, donnant au plus vieux l’impression qu’il n’était plus qu’une poupée de chiffon inerte entre ses mains destructrices. Cette vision de la scène qu’il vivait actuellement l’écoeura plus encore que la présence de sang sur les mains du garçon et il s’arrêta de le malmener avec autant d’empressement qu’il en avait eu pour commencer. Aidan s’enfonça de nouveau dans le canapé, le regard toujours aussi vide.
Se sentant impuissant, Aahron laissa son regard se porter sur le salon, à la recherche d’une solution inexistante, d’une illumination. Mais il n’y avait rien. Rien d’autre que les traces de boues sur le sol de la pièce. Elle venait de l’extérieur évidemment, et disparaissaient dans l’entrée, du côté de la buanderie…et de la cave.

Abandonnant son pantin désarticulé de frère dans le salon, l’estomac noué, Aahron se dirigea d’un pas rapide dans cette direction, s’assurant auparavant qu’aucune trace ne menait à l’étage. Aidan n’avait pas du croiser Julie pendant sa crise de somnambulisme. Parce qu’il s’agissait forcément de ça. Forcément. Une autre crise.
Chassant les pensées morbides qui lui étaient venues en associant l’étage, Julie et le sang sur les mains de son frère, il s’arrêta devant la porte fermée de la cave.
Les traces de pas s’arrêtaient devant. Et un autre jeu d’empreinte en repartait, menant au canapé du salon où Aidan se trouvait toujours. Aidan n’avait pas fait demi tour devant la porte de la cave. Il y était rentré.
La tâche de sang apparaissant près de la poignée ronde de la porte en bois blanc le lui prouvait, son frère l’avait faite tourner.

Lentement, Aahron tendit sa main vers la poignée, hésita, puis se fit violence et la referma sur la clenche. Il eut l’impression de recevoir une décharge, que ce contact l’avait brûlé, mais l’impression ne dura qu’une seconde et était certainement dû à la pression qu’il s’était mis.
Expirant l’air contenu dans ses poumons, il fit lentement pivoter la poignée mais rencontra une résistance presque aussitôt. La porte était verrouillée. Elle l’avait toujours été et Doris Jefferson, la postière qui leur avait loué la maison, avait égaré la clé il y a des années.

Aahron réitéra son geste deux ou trois fois, tenta de pousser sur la porte, de tirer, mais rien n’y fit. Tiquant d’agacement, le trentenaire finit par revenir sur ses pas, suivant ceux d’Aidan pour retourner au salon et se rasseoir prudemment sur le fauteuil qu’il avait occupé toute la nuit. L’adolescent n’avait pas bougé d’un poil en son absence.

Tu m’entends ? Aidan ? …Est-ce que tu te souviens de ce que tu as fais cette nuit ? …Tu as été dans la cave ? … Qu’est-il arrivé à tes mains ? …Aidan ?...

Mais il n’y avait rien à faire, le petit blond restait désespérément silencieux. Tendu, il laissa encore quelques minutes s’écouler, fixant son frère dans l’espoir de le voir enfin effectuer le moindre mouvement. Il avait l’air en état de choc. Quel choc ? Etait-ce lié à la séance de spiritisme à laquelle il s’était adonné ? Certainement… Mais dans quelle mesure, ça c’était encore un mystère.
Et putain, d’où venait ce sang ? C’était le sien ? Il en doutait… Mais cette idée était moins dérangeante.
Aahron soupira.

Viens, on va te débarbouiller un peu

Il s’était attendu à devoir porter Aidan jusqu’en haut mais, même s’il dû le soulever du canapé, une fois sur ses pieds, l’adolescent ne vacilla pas et se contenta d’être planté là où on l’avait installé.

Tu peux marcher ?

Et pour la première fois depuis le début de la matinée (Aahron n’avai aucune idée de l’heure qu’il était en réalité, il pouvait aussi bien être midi que huit heures…), son frère réagit et tourna la tête dans sa direction. Il n’ouvrit pas la bouche mais au moins, il lui prouvait qu’il pouvait l’entendre.
Aahron en fut un peu rassuré et il alla même jusqu’à se forcer à lui adresser un sourire avant de passer un bras autour de sa taille pour le guider jusqu’à la salle de bain de l’étage.

Une fois sur place, il le déshabilla juste ce qu’il faut pour être capable de le regarder en face, puis l’incita à grimper dans la baignoire. Il le laissa s’asseoir dans le fond avant d’allumer l’eau puis de proposer un gant à son frère qui se contenta de le fixer.

Comment il va ?

Aahron sursauta et se tourna vers Julie. La jeune fille l’observait, les yeux gonflés par les larmes qu’elle avait du verser avant de sombrer dans le sommeil. Elle ne portait qu’un short en tissu et un débardeur devant lequel elle avait croisé ses bras menus.

Pas bien

Il a l’air… bizarre

Il va s’en remettre ?

J’en sais rien. Isaac l’examinera dès qu… Merde, Isaac ! J’suis censé aller le chercher à l’aéroport !

Ils doivent arriver que vers onze heures, il est à peine neuf heure

Tu…tu veux que j’m’en charge ? On a… déjà pris notre douche ensemble plusieurs fois alors… Ca me dérange pas

Aahron les observa tour à tour quelques secondes avant de capituler. Il n’avait vraiment pas envie de s’imposer ça de toute manière.

Ok. Moi je vais aller tirer Samuel du lit d'Charlie et lui demander de rappliquer ici. T’es sûre que ça va aller ?

Il va pas… me faire de mal ?

Non. Non, je crois pas… Je vais rester dans le coin de toute manière, s’il y a quoi que ce soit… laisse la porte ouverte, ok ?

Elle acquiesça vivement et il su qu’elle tiendrait parole. Elle était terrifiée…
Aahron réalisa alors enfin que lui aussi, était terrifié.

Dernière édition par Allie S. Newton le Lun 21 Nov 2011, 12:37, édité 1 fois

« Home sweet home... »

Lorsque Samuel leur avait expliqué que ‘Aidan était bizarre’ il avait juste eu envie de répondre ‘mais Aidan est toujours bizarre’. Il s’était abstenu. Mieux valait s’abstenir de tout foutu commentaire de toute manière. Il ne s’était même pas foulé à poser la moindre question durant le voyage. Il était resté muet, les yeux rivés sur le décor qui défilait et qu’il n’avait même pas envie de voir. Il était écœuré de ce décor de campagnard, de tout ce vert, des vaches et de tous ces plouques aux mines louches. Il était surtout terriblement contrarié qu’à peine ils posent le pied dans le Missouri, une tuile leur tombe déjà sur le coin du museau. Pas alors qu’il avait passé les dix derniers jours à la rassurer, à lui promettre que tout se passerait bien, qu’ils seraient en sécurité, que tout allait rouler comme sur des putains de roulettes. Il s’était montré tellement sûr de lui, tellement persuasif qu’Allie avait presque eu l’air de le croire. Maintenant, à peine arrivé il avait tout juste l’air d’un con et d’un beau parleur. Et d’un naïf aussi ! Non, pas vraiment naïf, c’était plutôt de la lâcheté ça, il se voilait la face et obligeait presque Allie à faire de même. Ca le rendait malade.

Maintenant qu’ils étaient là, devant le fait accompli, très sincèrement il s’était douté depuis le début que tout ça n’était qu’un tissu de connerie. Tout au fond il avait su dés le début que les choses allaient de nouveau dégénérer, et il se sentait stupide d’avoir nié cette évidence. Il s’en voulait surtout de lui avoir fait espérer le contraire. Le pire là-dedans, c’est qu’il sentait bien qu’elle n’avait pas gobé son blabla, du moins pas vraiment. Elle était juste enceinte et amoureuse, alors elle avait suivit, qu’est-ce qu’elle pouvait faire d’autre ? Quel autre choix avait-elle ? Rester là-bas toute seule, enceinte jusqu’aux yeux ? Bonjour le choix. Là-bas seule ou dans ce trou rempli de pourris avec lui…

Il avait très envie de blâmer Aidan. Vraiment très envie. C’était toujours par lui que les conneries arrivaient. Systématiquement ! Pourtant ça aussi, il allait s’en abstenir, parce que c’était juste une histoire de culpabilité qu’il essayait de refourguer sur le dos de quelqu’un d’autre. Si en plus d’un grand naïf et d’un lâche il se montrait hypocrite, …

Bref, tout ce qu’il avait laissé échapper durant la route, c’était des remarques discrètes à son cadet pour le presser à appuyer sur le champignon. Il voulait rejoindre la maison rapidement et constater ce qui se passait par lui-même. Il bloquait tous les scenarios catastrophe qui lui venait à l’esprit et se concentrait sur ses nerfs. Il les sentait vibrer et bouillir de frustration mais faisait terre la bête à coup de sang froid et de lourds soupirs pour évacuer la tension. Pas de pétage de plomb cette fois, ça c’était hors de question.

Il fut le premier hors de la voiture à peine Sam avait-il garé celle-ci devant la maison. D’un pas rapide et soutenu mais pas précipité, il remonta la courte allée et ouvrit la porte en grand. La mine complètement fermée, les mâchoires tendues par l’appréhension, peut-être même par une espèce de très vague intuition malsaine, il s’empressa de jeter un œil à la cuisine d’un côté puis au salon de l’autre.

« Aahron ? » appela-t-il d’un ton neutre « On est rentré. Vous êtes là ? »

Julie sursauta quand la porte d’entrée de la maison s’ouvrit. Elle s’était laissé absorber par ses pensées, en oubliant de surveiller sa casserole de riz qui moussait lamentablement et vomissait son contenu sur les plaques de cuisson.

« Merde ! » pesta-t-elle à voix basse, alors que celle d’Isaac s’élevait « J’suis là ! »

Evidemment, ce n’était pas elle que le médecin cherchait mais un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal. Elle le vit pénétrer dans la pièce du coin de l’œil et il constata rapidement qu’elle était seule.
Une fois le gaz baissé, la petite blonde se tourna vers le grand blond et sa fiancée qui venait de pénétrer dans la cuisine.

Julie tenta de garder la tête froide et de se maitriser mais elle ne fut incapable. Sans prévenir, elle s’avança vers eux à grands pas et passa ses bras fins autours des épaules de la future maman pour venir se blottir contre son ventre rond et se laisser aller à pleurer à chaudes larmes sur son épaule.

« J’suis trop contente que vous soyez revenus ! C’était horrible ! C’était juste trop complètement HORRIBLE ! » sanglota-t-elle avant de s’écarter de la métisse pour essuyer vaguement ses yeux déjà rougis avant de renifler bruyamment pendant que Samuel les rejoignait, une valise à la main « Ils sont là haut. Aahron et Aidan. Je crois qu’il dort maintenant, j’ai pas trop osé aller voir. J’ai fait à manger mais… je crois que tout est trop cuit… »

Elle plongea son regard tourmenté dans celui d’Allie une fois encore et l’étreignit à nouveau. Sa propre mère lui manquait plus cruellement que jamais à cette seconde et elle fut soulager que la métisse lui rende son étreinte.

« Je fais tout le temps tout trop cuire, on va réussir à en faire quelque chose, t'inquiète pas pour ça d'accord. On va aller prendre un thé dans la cuisine et tu vas m'expliquer ce qui s'est passé. D'accord ? »

« Et Aidan va se remettre, il a la tête dure et tu le sais donc ce n'est pas la peine de te mettre dans des états pareils, on est là et tout va bien aller. C'est d'accord ? »

J’ai pris votre piaule pendant votre absence, je dégagerais mes affaires dans la journée

Et à Cleveland, ça roule, t’as eu le temps d’aller voir oncle Joey?

La réaction de Julie à leur arrivée était loin d’être encourageante et il fut reconnaissant à Allie de prendre la petite blondinette en charge car il n’était franchement pas d’humeur à supporter la moindre adolescente larmoyante pour le moment. D’ailleurs au fond, il n’avait pas vraiment envie de voir Aidan non plus. Pendant plus d’une semaine il avait été de retour chez eux et très franchement, à plusieurs reprise il avait farouchement eut envie d’y rester. Pas vraiment de laisser tomber ses frères et l’enquête non, plutôt de faire comme si rien de tout ça n’existait. Reprendre son job, épouser Allie, avoir ses bébés, et rien d’autre. Rien de plus angoissant qu’un petit quotidien paisible avec sa famille, sans être sans cesse tourmentés par toute cette affaire merdique.
Heureusement qu’il était du genre à assumer. Ca ne l’empêchait pas d’avoir été isolé de Grayson pendant dix jours et maintenant qu’il était de retour, il avait le retour de manivelle, tout lui revenait en pleine face et le frappait de plein fouet.
Pourquoi ce petit con d’Aidan s’obstinait sans arrêt à se fourrer dans les pires ennuis ? Qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez lui à la fin ?!

Isaac ne prêta qu’une oreille distraite à Sam qui était venu se poster à côté de lui. Il lui lança un regard mais ne le regarda pas vraiment, trop préoccupé et trop contrarié qu’il était.

« Hm ?... ah oui Oncle Joey oui. Oui j’suis passé voir rapidement. Il t’embrasse. Enfin… il ne l’a pas dit comme ça » avoua-t-il, ce qui lui arracha tout de même un faible rictus amusé « Il a dit qu’il avait appelé plusieurs fois mais que personne ne décrochait jamais. J’lui ai expliqué qu’on n’avait jamais de réseau dans ce trou » expliqua-t-il rapidement « Bon, j’vais voir ce qui se trame en haut tu viens ? »

Inutile de retarder l’échéance plus longtemps. Il adressa un regard plutôt sombre à son cadet avant de se diriger vers l’escalier pour gagner l’étage et chercher Aahron des yeux. Son regard tomba sur l’entrebâillement de la chambre que partageaient Aidan et Sam d’habitude et il s’y glissa sans bruit pour éviter de réveiller le plus jeune au cas où il dormait effectivement. Ce qui n’était pas le cas d’ailleurs.

« Hey » salua-t-il.

Assis au bord du lit le plus proche de la porte, Aahron fixait le visage impassible d’Aidan, installé dans l’exacte même position juste en face, sur son propre matelas. Le silence s’était épaissit autour d’eux tandis qu’ils se scrutaient l’un l’autre, le plus jeune avec indifférence ou lassitude, l’ainé avec un mélangé d’inquiétude et de frustration.
La scène semblait figée depuis une éternité tant le malaise entre eux était grand et l'atmosphère électrique, mais en réalité, deux petites minutes avant l’arrivée du reste de la fratrie, ils avaient échangés quelques mots. Rien de bien transcendant, mais suffisamment pour qu’Aahron soit certain que son frère n’avait pas totalement disparu et se trouvait bien quelque part au fond de ses yeux bleus présentement éteints.

L’ouvrier avait été à deux doigts de craquer et d’appeler le médecin du village pour qu’il vienne examiner son cadet, mais il avait pris son mal en patience, comptant sur l’arrivée d’Isaac. Il s’était désespérément cramponné à l’idée que son frère trouverait une solution, avec l’aide de son infirmière de fiancée, et qu’à eux deux, ils remettraient Aidan d’aplomb.
Il ne comprenait absolument rien à ce qu’il se passait. La dernière fois qu’il avait vu son frère dans un tel état d’apathie, il avait quatre ans. Même à l’annonce de la disparition de leurs parents, Aidan ne lui avait pas parut si… absent. Il se trainait chez Isaac comme une âme en peine, se morfondant dans un coin en pleurant discrètement la plupart du temps, mais jamais il n’était tombé aussi bas.

Aahron s’était demandé si tout ça était à nouveau lié au manque de sommeil de son frère. Peut-être était-il simplement en train de dormir debout, quelque chose comme ça. Mais il en doutait fortement. Si ça avait été le cas, il aurait fini par se réveiller avec tout ce qu’il lui avait fait faire dans la matinée, non ?
Il l’avait secoué, lui avait crié dessus, l’avait mis debout, lui avait fait monter des escaliers. Il l’avait installé dans la baignoire, sous un jet d’eau d’abord glacé. Julie lui avait parlé et l’avait savonné pendant de longues minutes avant de l’aider à s’habiller.
L’eau l’aurait forcément tiré du sommeil ! Il ne pouvait pas être simplement en train de dormir.
Son petit frère était bel et bien éveillé quand il l’avait contraint à manger quelque chose après sa douche forcée. Il avait bu quand Aahron avait renversé sa tête en arrière en lui ordonnant d’avaler ce qu’il faisait couler dans sa bouche, mais avait été incapable de porter le verre à ses lèvres lui-même. Il avait mâché les tranches de bacon que son ainé lui avait préparées et mises dans les mains, mais de lui-même, l’adolescent n’avait pas semblé pensé à les attraper pour les mettre dans sa bouche malgré les protestations de son estomac vide qui prouvait clairement qu’il était affamé.
Non, c’était certain, Aidan avait été éveillé tout du long. Sauf qu’il n’avait pas vraiment été Aidan…

Et puis soudain, quelque chose avait changé et il était sorti de sa léthargie. Aahron l’avait obligé à s’allonger dans son lit et il s’agitait dans la chambre, rangeant les affaires des deux adolescents tout en parlant du retour des fiancés quand son frère avait pris la parole. Le plus naturellement du monde, comme s’ils avaient tenu une conversation tout du long. Il lui avait simplement demandé pourquoi Isaac et Allie rentraient plus tôt. Quand l’ainé s’était retourné, il avait trouvé le petit blond assis au bord de son lit.

Aahron lui avait posé tout un tas de questions qui avait affolé son frère n’ayant aucun souvenir de sa soirée de la veille, de sa nuit ou même de la matinée… Aidan s’était simplement figuré en ouvrant les yeux qu’il s’était assoupi quelques minutes tout au plus et eut beaucoup de mal à assimiler qu’une journée complète s’était écoulée.

Tu veux dormir ?

Lentement, Aidan agita sa tête de droite à gauche.

T’as l’air fatigué

J’suis fatigué

Alors dors

Mais Aidan ne bougea pas, gardant son regard obstinément plongé dans le sien, et les secondes continuèrent à s’écouler, jusqu’à ce qu’Isaac se manifeste.
Aahron se redressa dans un sursaut, alors que son cadet se contenta de lever le nez pour observer le nouveau venu.

J’t’ai pas entendu rentrer

Le trentenaire piétina quelques secondes avant de s’avancer pour venir étreindre Isaac un instant et lui asséner quelques tapes dans le dos. Il aurait voulu lui faire comprendre à quel point il était soulagé de le savoir ici, mais il ne voulait pas en remettre une couche devant Aidan en se lançant dans un discours désespéré.

Ça va ? Ça s’est bien passé ?

Oui oui ça s’est bien passé

Et… vous ?

Qu’est-ce qui s’est passé ?

Le répit d’Aahron avait été de courte durée et Isaac ne s’appesantit pas sur son retour à Cleveland, préférant rentrer directement dans le vif du sujet. Avait-il seulement s’agit d’un répit de toute manière ?

Aahron poussa un lourd soupir, échangea un bref regard avec Samuel qui s’adossait au mur d’un air un peu blasé, puis passa une main dans ses cheveux trop longs à son goût. Il était temps qu’Allie revienne pour les lui raser.

C’est… une assez longue histoire en fait et j’suis pas au courant de tout

C’était stupide et Isaac avait posé la question sans détour, juste devant lui. L’ainé des Donnelly jeta un rapide coup d’œil dans sa direction mais son jeune frère faisait mine de ne pas les entendre et préféra enlever des poussières imaginaires sur son bermuda.

On devrait pt’être descendre en parler autour d’une bonne plâtrée. Julie cuisine je crois et j’commence à avoir les crocs

Tu veux manger ?

Il hocha négativement la tête.

Dors un peu. J’reviens tout à l’heure, ok ?

Aidan acquiesça doucement, sans pourtant faire mine de se coucher, restant simplement assis au milieu du lit, les pieds dans le vide.
Le trentenaire entraina alors ses frères vers l’escalier, refermant la porte derrière eux. Mais il s’immobilisa au milieu du couloir, attrapant le coude d’Isaac pour qu’il l’imite. Samuel, qui lesdevançait, s’arrêta aussi et revint sur ses pas.

Écoute, j’voulais pas t’accueillir avec ce genre d’histoires mais… ça va vraiment pas fort. J’veux pas qu’on parle de ça devant Allie et j’suppose que toi non plus, elle a pas besoin de ça. J’ai essayé de tirer les vers du nez de Julie mais tout ce que j’obtiens, ce sont des larmes et sérieusement, si je dois l’entendre chialer une fois encore, je vais pas pouvoir m’empêcher de lui mettre la tête dans un mur

Cette idiote a trainé Aidan à un genre de soirée de spiritisme que les jeunes avait organisés dans le parc hier soir. Ils y sont allés et ça a mal tourné. D’après Julie, Aidan est devenu bizarre et il a commencé à parler à un des jeunes en… se prenant pour son père. Apparemment, il a parlé de choses qu’il n’était pas censé savoir, que très peu de gens savaient sur place. Il mettait le jeune en garde et parlait d’une enquête où je ne sais quoi

Après ça, il s’est évanouit et personne n’a été capable de le ramener à lui. Le fils du maire est venu m’chercher, j’suis allé au parc le récupérer et j’l’ai ramené ici. Je savais pas quoi faire d’autre !

Il avait passé sous silence la partie où Clyde Redd était censé intervenir pour ausculter leur frère et s’assurer qu’il allait bien. Il regrettait d’avoir pris la mouche ce soir là et refusé en bloc qu'il le voit, mais avait agit sous le coup de la panique. Si c’était à refaire, avec le recule et après la matinée qu’il venait de passer, il aurait laissé le médecin s’occuper d’Aidan à sa place… Il aurait laissé n'importe qui gérer ça à sa place.

Tu ne pouvais pas faire grand-chose de plus que ce que tu as déjà fait

On ne peut quand même pas le surveiller à chaque instant bordel! Et d’un autre côté, à chaque fois qu’on le laisse seul, on s’inquiète tous de savoir ce qui peut lui arriver. Toute cette histoire est en train d’aller en crescendo

C’est vrai quoi! Un tag sur le mur du salon, ça pouvait encore passer, on était pas les bienvenus, point barre. Mais il y a eu cette histoire de photo avec Petey, mon empoisonnement toujours inexpliqué et maintenant ça! La prochaine étape c’est quoi putain? Parce que y’a forcément une explication logique, j’veux dire vous pensez quand même pas qu’il a communiqué avec les esprits?

Enfin c’est pas possible hin?

Communiquer avec les esprits…

…c’est peut-être un peu exagérer la chose. Non je ne crois pas qu’il ait vraiment communiqué avec les ‘esprits’. Je pense par contre que… que la science n’a pas encore tout découvert sur ce qui nous entours et qu’il ya sûrement des gens sur terre doté de… d’un … d’une…

Oui, bon peu importe de quoi sont dotés ces gens ok ? C’est sûr qu’il y a des évènements qui surviennent dans ce village, et sur terre en générale, qu’il est difficile d’expliquer. Et je crois… je crois bien qu’Aidan pourrait être doté d'une de ces ... de…

…d’un … truc particulier ?

Samuel avait raison. Être derrière Aidan toute la sainte journée était une tâche impossible à réaliser. D’une part parce qu’ils avaient autre chose à faire et d’autre part, parce que leur petit frère détesterait être fliqué de la sorte et ferait tout pour échapper à leur vigilance, quitte à prendre des risques. D’ailleurs, c’était déjà un peu ce qui se passait… Ils se relayaient pour veiller sur lui depuis des mois et avaient bêtement pensé que Julie était de leur côté. Mais la petite blonde, lorsqu’elle était seule avec le benjamin de la fratrie, semblait toujours vouloir l’attirer dans des traquenards… Il y avait d’abord eu la soulerie qui avait terminée au bar de Calvin et avait faillit faire perdre sa place à Sam au drugstore, les moments où ils disparaissaient tous les deux et où Aidan revenait, épuisé et à deux doigts de tourner de l’œil, et maintenant, cette soirée au parc…
Mais Aahron ne pouvait pas la blâmer pour tous leurs problèmes cela dit. Leur petit frère avait ses torts lui aussi. Jouer les gros durs ne lui réussissait pas et tous ses mensonges étaient en train d’avoir sa peau.
Eux aussi étaient en partie responsables de tout ce qui arrivait. Aahron avait envisagé d’abandonner Aidan à son sort à plusieurs reprises rien qu’aujourd’hui. Il avait eu envie de se décharger sur les autres, même sur une gamine qui, il le savait, n’apportait rien de bon à son frère…
Ils avaient tous merdé…

Mais le sujet changea avant qu’il ait pu rebondir sur la question. Encore que, lorsqu’on y réfléchissait un peu, peut-être que le sujet restait le même. Peut-être même que le point soulevé par Sammy et contrasté par l’intervention d’Isaac était essentiel.
Et si jamais, une force qui les dépassait était à l’œuvre ? Si jamais, malgré tous leurs efforts et leur bonne volonté, peu importe ce qu’il tenterait, tout était voué à l’échec et déjà perdu d’avance ?
Peut-être que ‘quelque chose’ de plus grand ne voulait pas qu’Aidan aille mieux.

Les mains sur les hanches, Aahron secoua la tête d’un air perdu, ne sachant pas vraiment quoi répondre à ses frères. Il avait espéré qu’aborder le sujet avec eux lui permettrait de démêler tout ça, que tout prendrait subitement un sens et que la solution lui apparaitrait comme une évidence.
Mais ça n’était pas le cas. Ses frères partageaient ses doutes, ses questions, et apportait les leurs sur une balance déjà déséquilibrée.

C’est possible…

C’était plus que possible. Cette idée, bien que dérangeante, avait germé il y a un moment déjà dans l’esprit du plus vieux des Donnelly et ce qu’il voyait depuis leur arrivée à Grayson ne faisait qu’étayer cette étrange théorie.
Les cauchemars, les absences, et surtout, ses souvenirs. Mais il n’était toujours pas certain que le moment soit bien choisi pour faire part de ses thèses à ses cadets. Ce ne serait jamais le bon moment de toute manière…
Le silence s’étira quelques secondes, tandis qu’il méditait. Aurait-il un jour une meilleure opportunité ? Il rechignait à mettre le sujet sur la table, de peur de passer pour un fou ou pire, de justement avoir l’air tout à fait censé avec ses histoires… Mais là, c’était Isaac qui l’abordait et lui tendait une perche.

Je veux qu’il voit quelqu’un

Un professionnel. Je vais rappeler le médecin qu’on a vu à l’hôpital l’autre fois et lui demander les coordonnées du psy dont il nous avait parlé. On aurait dû faire ça dès le début. On aurait dû forcer la main d’Aidan dès qu’il a commencé à faire de la merde. On aurait dû l’envoyer dès que papa et maman ont disparus. C’est ça qu’on aurait dû faire

Parce que s’il communique pas avec les esprits comme tu dis, alors ça veut dire que le problème est ailleurs et…et personnellement je me sens pas capable de gérer ça tout seul

Il se maudissait de préférer imaginer son petit frère fou à lier plutôt que d’envisager une seconde que ses doutes puissent être fondés et que, comme le disait Samuel, Aidan soit capable de ‘communiquer avec les esprits’…

Donc en résumé, soit notre petit frère communique avec les esprits, soit il est schizophrène à tendance paranoïaque?

Putain les mecs si vous avez une troisième option, c’est vraiment le moment de l’ouvrir en grand, parce que l’une ou l’autre, c’est vraiment flippant, mais du genre vraiment flippant

Je sais qu’on n’a plus beaucoup de solution mais tu crois vraiment que le forcer à aller voir un psy soit la meilleure des choses à faire? On sait tous que c’est mieux quand le patient est volontaire pour que l’échange opère. Maman m’avait conseillé d’aller en voir un y’a longtemps, pour essayer d’extérioriser tout ce qui se tramait là-dedans

J’y suis allé juste pour lui faire plaisir et le seul truc que le toubib a noté sur la feuille blanche c’est mon nom, et encore, je lui ai dit que je m’appelais Dorian Gray

Ouais un psy c’est pas une si mauvaise idée que ça en fait

Pas une si mauvaise idée pour qui ? Pour nous ou pour Aidan ?

Il m’a déjà confié des choses sur ses rêves… des choses troublantes. Je me suis posés quelques questions à l’époque, au lieu de creuser j’ai préféré l’envoyer passer des examens à l’hôpital et ils ont diagnostiqué des terreurs nocturnes. Je suis désolé, mais aujourd’hui ce diagnostique ne colle absolument plus

Je crois qu’on a effectivement besoin d’aide, mais pas forcément de celui d’un psychologue. Peut-être… je ne sais pas, une séance d’hypnotisme ? Certains praticiens obtiennent d’étonnants résultats et même si c’est encore difficilement accepté par le monde médical, j’ai entendu parler de quelques histoires assez… étranges. Pas aussi étrange que la nôtre malheureusement

Aahron s’était effectivement posé la question de l’intérêt pour leur jeune frère de voir un psy et, clairement, il y en avait un. Parce que, même (surtout) si la solution totalement délirante qui consistait à penser qu’Aidan avait des prédispositions à entrer en communication avec l’au-delà s’avérait juste… l’adolescent aurait besoin de tout le soutien possible et imaginable. Clairement, aucun d’entre eux ne serait capable de gérer ça correctement, voire tout court.
Dans quelle mesure un médecin pourrait lui venir en aide, il n’en avait aucune idée, n’étant jamais allé consulter lui-même et ignorant tout des mesures à prendre dans de telles circonstances. Mais après tout, Aidan ne serait sûrement pas le premier médium à consulter, non ? Les journaux pullulaient de petite annonce de voyance et même les séries télévisées s’y mettaient…
Sauf que pour Aahron, tous les voyants étaient des charlatans et que les séries… eh bien c’était de la fiction ! Tout ce qu’ils vivaient en ce moment était malheureusement bel et bien réel et, même si son petit frère était bon comédien et se destinait à une carrière artistique, il n’était pas manipulateur et aurait préféré se couper un bras plutôt que de les faire autant souffrir.
Il y avait donc forcément autre chose. Quelque chose qui les dépassait tous largement et les obligeaient à sortir des sentiers battus.

Son regard passant de Samuel à Isaac, l’ainé des quatre frères se sentit plus las à chaque parole sortant de leur bouche. Aahron se sentait totalement démuni face à la situation, presque idiot avec voire cruel avec ses idées. Toutes ses répliques sonnaient creux et ses espoirs de les voir trouver LA solution disparaissaient peu à peu. Pour une fois, il aurait adoré se faire rabattre le caquet une bonne fois pour toute par son génie de frangin, mais visiblement, ses frères étaient au moins aussi largués que lui. Tout ce qu’ils pouvaient faire pour l’instant, c’était improviser et espérer prendre les bonnes décisions pour Aidan

En fait, c’est aussi à ça que j’pensais. Une séance d’hypnose pour essayer de déméler ces histoires d'absences

Il s’était arrêté à sa découverte du corps inerte d’Aidan et n’avait même pas toutes les cartes en mains concernant ce qui s’était passé dans le parc. Tout ce qu’il avait pu obtenir, c’était les bribes d’informations de Joshua et le discours décousu et sans queue ni tête de Julie qui n’avait eu de cesse de rajouter les mots « comme dans l’exorciste » à la fin de chacune de ses phrases, ou presque…
Aahron prit une longue inspiration avant de reprendre, passant une main dans sa nuque nouée.

J’aurai bien aimé n’avoir que cet épisode à vous raconter, mais il y a eu d’autres rebondissements dans le Aidan show cette nuit…

Quand Julie est enfin allé se coucher, j’suis resté avec lui en bas. J’l’avais installé dans le canapé et il avait l’air de faire un cauchemar. Le médecin nous avait dit de pas le réveiller quand il avait une crise et je pensais que c’était ce qu’il avait, alors… j’ai juste attendu en m’assurant que ça allait à peu près quand même. Sauf que j’ai fini par m’endormir aussi

Quand j’me suis réveillé, Aidan était d'bout. J’ai tout d'suite remarqué que quelque chose clochait. Il était… comme absent. Ses yeux étaient ouverts, il était assis et pas couché, mais à part ça, on avait l’impression qu’il dormait. Il réagissait à rien, i' parlait pas, on aurait dit qu’il était en état de choc ou quelque chose comme ça. Pas que j’m’y connaisse vraiment en état de choc mais c’est l’impression que j’ai eue. Enfin bref, du coup j’ai essayé d’le secouer un peu et c’est là que j’ai remarqué du sang. Ses ongles étaient… Il s’est abimé les mains en creusant quelque part pendant la nuit. Il a creusé je ne sais où jusqu’à s’en faire saigner les doigts

Je lui ai demandé comment il avait fait ça et il ne répondait rien ! Rien du tout !

Alors finalement je l’ai obligé à se lever et à monter dans la salle de bain pour le débarbouiller un peu et Julie m’a aidé. Il n’a même pas bougé quand on l’a fichu sous la douche ! C'est pas normal ! J’l’ai fait manger, je l’ai couché et puis d’un coup, il était de nouveau Aidan. J’ai rien fait de spécial, c’est comme s’il était simplement passé du mode veille au mode de fonctionnement standard ! Et il ne se souvient de rien ! Il ne se souvient pas d’être allé au parc et avoir fait ce dont parle Julie, il ne se souvient pas s’être levé cette nuit, avoir creusé ou avoir pris une douche ce matin, rien du tout ! Pourtant il était réveillé, j’en suis certain !

Il marqua une pause et Isaac ouvrit la bouche pour rebondir, mais Aahron le coupa. Il avait encore un sujet à aborder. Deux en réalité, mais il avait choisi de passer le second sous silence, préférant ne pas alarmer ses frères en parlant des éclaboussures de sang sur les avants bras d’Aidan et sur le bas de son tee-shirt. Du sang qui n’était certainement pas à lui…

C’est pas tout… Quand je me suis réveillé, j’ai remarqué des traces de boues sur le sol. J’les ai pas nettoyées, j'comptais essayer de voir jusqu'où mène la piste quand vous seriez rentrés pour pas laisser Aidan seul avec Julie. Vous avez dû les remarquer dans l'entrée et le salon, non ?

Aidan venait de dehors, c’était plutôt évident vu l’état de ses fringues, mais j’en ai eu la confirmation en suivant les empreintes. Elles commencent à la porte fenêtre et vont directement dans la cave. Et j’ai bien dis DANS la cave

Sauf que quand j’ai essayé d’ouvrir la porte, elle était verrouillée, comme à chaque fois. Mais je suis sûr qu’il a réussi à y rentrer ! Il y a une trace de sang sur le bois qui prouve qu’il a réussi à faire tourner la poignée jusqu’au bout et qu’elle ne s’est pas bloquée. J’ai fouillé ses poches et les endroits à proximité des traces de pas, mais je n’ai pas trouvé de clé. Il n’a pas pu la faire disparaitre mais il n’a pas pu entrer là-dedans sans clé non plus, on est d’accord ? Et là encore, il ne se souvient absolument de rien. Tout ce qu’il a su me dire à ce sujet, c’est que même s’il pouvait le faire, il ne descendrait jamais dans cette cave et qu’elle lui fichait les jetons. Quand je lui ai demandé pourquoi, Aidan m’a répondu que c’était la chambre de Francis et n’a plus voulu ajouter un mot sur le sujet… Est-ce que l’un de vous sait QUI est ce Francis ?

Je crois savoir qui est Francis, mais ça ne va pas vous plaire les mecs, pas vous plaire du tout

Charlie m’a raconté une histoire une fois, au sujet de cette maison, qui explique qu’on n’ait pu la louer et qu’elle soit en si piteuse état. Elle ne se sentait jamais à l’aise ici alors j’ai voulu savoir pourquoi…bref. Je pensais que cette histoire faisait partie du folklore local, ça faisait un peu trop penser à Amityville dans le scénario.

Y’avait une famille qui vivait ici avant, les Mercer. Et il y a eu un drame ici même

Dans les années 70, toute la famille s’est faite assassinée sauvagement à coup de hache, en plein jour sans que personne ne s’en rende compte. Un seul membre de la famille a réchappé au massacre et pour cause, il en était le meurtrier. Il avait dix-sept ans je crois et je vous laisse deviner comment il s’appelait….

Mais c’est pas terminé

L’un de vous s’est déjà penché sur le journal de ce mois-ci? Celui que les gamins du village ont écrit et qui a fait tant parler de lui? Il y avait un article très précis du massacre de la famille Mercer et c’est Aidan qui a rédigé l’article.

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et y'a surtout une phrase qui me fait flipper, je cite 'Comment un jeune homme aussi discret et serviable que Francis a pu du jour au lendemain se transformer en monstre sanguinaire et pervers

Le récit de l’état catatonique dont avait été victime son frère cette nuit lui glaça le sang. Quel genre d’évènement avait bien pu provoquer cet état chez lui ? Que s’était-il réellement passé durant cette séance de spiritisme complètement débile ? En plus d’un malaise profond il sentait bouillir quelques relent de colère et il avait envie de les laisser s’exprimer contre quelqu’un, mais qui ? Qui donc avait eu cette idée au départ ? Il avait envie de poser la question, juste pour pouvoir rager contre l’instigateur de cette grosse farce qui avait viré au cauchemar. Pourtant il savait aussi que c’était totalement inutile et que ça n’aiderait pas Aidan à aller mieux. Isaac détestait se sentir dépassé, exposé et vulnérable de cette manière. Pas avec deux jeunes frères et surtout pas avec une femme enceinte à charge.

Cette histoire de cave ne lui inspirait rien de bon non plus. C’était complètement dingue cette histoire. Il avait bien envie de tourner le dos à ses frères et de dévaler les escaliers pour rejoindre la fameuse porte et essayer de la défoncer sur le champ pour découvrir ce qui se cachait derrière.
C’est vrai, ils étaient tous les trois plutôt costaud dans leur genre ils n’allaient tout de même pas se laisser arrêter par une simple porte ?

Il allait proposer à ses frères de crocheter la serrure ou d’en casser la serrure, mais le doigt levé de Sam l’interrompit. Il n’en fut pas mécontent car c’était au moins une question qui trouvait un semblant de réponse. Une réponse qui ne lui plaisait absolument pas…
L’idée qu’un massacre à la hache ait pu être perpétrer dans l’endroit où sa famille et lui dormaient… la seule chose que ça déclenchait chez lui c’était une envie furieuse de plier bagage et d’aller voir ailleurs une bonne fois pour toute.

D’un geste certainement un peu sec, sourcils froncés, il agrippa le journal tendu par son cadet et se rapprocha un peu d’Aahron pour qu’ils puissent parcourir l’article en même temps. Quelques secondes de silence s’écoulèrent tandis que ses yeux clairs bondissaient d’une ligne à l’autre à toute vitesse. L’une d’elle l’arrêta tout net dans sa lecture.

« D’après la déposition du coupable présumé, il aurait commencé par tuer ses belles sœurs, Maggie et Ruth. Cette dernière, épouse de son … second frère, était alors enceinte de sept mois… » lut-il à voix haute…

Il déglutit péniblement et resta figé quelques secondes encore sans réussir à continuer sa lecture.

« Ok c’est bon j’en ai assez lu » souffla-t-il en fourrant le journal dans les mains d’Aahron.

Des idées noirs et des scénarios glauques lui venaient à l’esprit. Des idées de maison maudite et d’histoire qui se répète, et une espèce d’affreuse impression de fatalité pesante, gluante, malsaine.

Mais l’instant d’après il balayait toutes ces pensées d’un simple clignement de paupière. Son rationalisme l’empêchait de laisser libre court à ce genre d’angoisse totalement puérile. Se laisser mystifier de la sorte c’était bon pour les plouques du coin.

« Ca ne sert à rien de s’alarmer avec cette vieille histoire. Je pense… j’pense qu’on devrait essayer d’ouvrir cette porte et… constater par nous même ce qui se cache derrière. Tout simplement »

C’était ce qui était le plus logique et le plus raisonnable pour le moment en tout cas.

Effectivement, Samuel en s’était pas trompé, apprendre qui était Francis Mercer ne plaisait absolument pas à l’ainé de la fratrie. Sa première idée fut d’interrompre son frère pour lui demander s’il n’était pas en train de se foutre de sa gueule, mais il savait que ça n’était pas le cas. Cette histoire aussi terrifiante qu’abracadabrante était belle et bien vraie, preuve à l’appuie. Enfin Aahron n’avait pas vraiment l’habitude de croire tout ce qu’il lisait dans la presse, surtout une presse de ce genre puisque les rumeurs qualifiaient le Journal des jeunes comme un torchon à scandales, mais il sentait au fond de lui que tout était vrai.
Sinon, pourquoi une maison de cette taille leur aurait été louée à un prix aussi dérisoire ? Il avait senti le coup fourré mais Doris Jefferson, la tenante de la poste, lui avait simplement expliqué que des travaux de rénovation étaient à faire, ce qui expliquait ceci et cela. Aahron s’était proposé d’exécuter quelques travaux lui-même en échange d’une petite réduction et la femme s’était empressée d’accepter.
Aujourd’hui, Aahron réalisait à quel point il s’était fait avoir…
La maison avait été le théâtre d’un véritable massacre. Il n’était pas spécialement superstitieux avant d’arriver dans le Missouri et aurait sans doute accepté de prendre la maison tout de même, mais à présent, après tout ce qu’il avait vécu, le trentenaire n’était pas certain de vouloir prolonger son séjour ici.
Il avait envie de revenir sur ses pas, d’ouvrir la porte de la chambre pour fourrer Aidan sur son épaule et redescendre chercher les filles pour fourrer toute sa petite famille dans la voiture et partir loin d’ici. Mais il n’ne ferait rien. Aucun d’eux ne le ferait, même si c’était certainement la solution la plus saine et qu’ils le savaient tous. Ils n’étaient pas encore prêts à renoncer.

Parcourir l’article fut compliqué pour Aahron qui réalisa rapidement qu’il lisait et relisait les mêmes lignes encore et encore, incapable de ne pas capter lui aussi les similitudes entre sa famille et celle du monstre fratricide qui avait vécu ici dans les années 70.
Isaac renonça avant lui, mais le trentenaire se força à aller au bout de l’article, rédigé par Aidan lui-même. Pourquoi est-ce qu’il ne leur en avait pas parlé ? Pour ne pas les alarmer ? Pour ne pas faire peur à Allie ou Julie, qui venait de les rejoindre ?
Mais ce qui l’agaçait surtout, c’était de ne rien avoir trouvé au sujet de la cave dans cet article.
Comment Aidan avait-il su que la cave était le repère de ce fameux Francis ? Qui avait pu le renseigner à ce sujet ? Qui lui avait donné l’idée de fouiller dans le passé et de déterrer cette sordide histoire, alors même qu’il vivait dans cette maison ?

Tu crois que j’ai pas essayé ?

J’ai essayé de l’ouvrir, de l’enfoncer et de forcer la serrure aussi : elle ne bouge pas. Pas d’un poil ! C’qu’il nous faudrait justement, c’est une hache pour la défoncer une bonne fois pour toute ! Et en même temps, si c’était la chambre de ce type là, ce Francis, j’suis pas vraiment certain d’avoir envie d’y descendre et de constater ce qui se cache derrière

Un silence s’étira quelques secondes, permettant à Aahron de relâcher un peu la pression et d’évacuer le trop plein de colère et de frustration qu’il ne savait pas comment orienter.

Peu importe ce qu’on fera, et je pense qu’on sera d’accord là-dessus, je ne veux pas y mêler les filles

Et je ne veux pas mêler Aidan à tout ça non plus

On est tous d’accord. La dernière chose dont on ait besoin c’est de deux femmes contrôlées par leurs hormones. La première parce qu’elle n’est pas encore sortie de l’adolescence et la seconde parce qu’elle le profil qui s’allonge au niveau du nombril

Me regarde pas comme si la subtilité avait un jour fait partie de ma personnalité

Non pas que je ne sois pas d’accord avec toi sur le fait de ne pas mêler Aidan mais tu es conscient qu’il va nous accuser de traîtrise et de trahison dès qu’il sera au courant, parce qu’il sera forcément au courant à un moment ou un autre

Ah ok! T’en es parfaitement conscient

Aahron roula des yeux avant de poser sur son cadet un regard exaspéré. C’était tellement typique ce genre de remarques de la part de Samuel… Mais au moins, ça remettait les choses à leur juste place. Isaac et lui redevenaient les preneurs de décisions et se chamaillaient pour savoir lequel avait raison, Samuel y allait de son petit commentaire cynique, arborant son habituelle tête à claque, et Aidan… restait au centre de toutes les attentions.
Le trentenaire en aurait presque sourit si la situation n’avait pas été celle qu’elle était justement.

Ce sera pas la première fois qu’il montra sur les planches pour faire son show

Je préfère le gérer à ce moment-là. Ses crises de nerfs parce qu’il se sent exclu, je les connais, on en a tous soupé un millier de fois. Par contre, je sais pas comment il pourrait réagir si on lui explique qu’on veut descendre dans cette cave, ni ce qu’on trouvera en bas si on arrive à passer la porte. Y a trop d’inconnus et je préfère pas prendre de risque avec lui. Tu serais du même avis si, au lieu d’avoir passé la nuit avec ta caissière, t’étais resté à ta place ici pour m’aider à gérer le problème et si tu l’avais vu ce matin

Il échangea un rapide regard avec Isaac qui préféra rester en dehors de cet échange et Samuel ne chercha pas à répliquer, par fierté ou simplement parce qu’il ne voulait pas provoquer une dispute superflue. Pour le coup, il se sentit un peu merdeux et tenta de se moucher lamentablement

Bon,… pour une fois, ça sent pas trop mauvais, on va p’têtre avoir droit à un repas potable ! J’ai rien avalé de consistant depuis une éternité et j’ai les crocs

Viens donc faire honneur à la cuisine de tes belles-sœurs, au lieu d’tirer la tronche, voyou

En réalité, il n’avait absolument pas faim, mais les filles avaient attendu assez longtemps et il ne voulait pas qu’elles finissent par sortir de la cuisine pour les trouver en train de comploter à l’étage. Si Julie aurait fait mine de ne pas comprendre ce qui se tramait, Allie, elle, se serait lancé dans un interrogatoire. D’ailleurs, à un moment ou un autre, ils y auraient droit. Enfin Isaac tout du moins… Mais il avait les épaules pour gérer ça, et la cervelle assez remplie pour la baratiner bien comme il fallait. Et surtout, il tenait assez à elle pour parvenir à lui mentir convenablement et l’épargner.
Terminant de passer son bras autour des épaules de son jeune frère, Aahron l’entraina dans l’escalier et mit un moment à remarquer qu’Isaac ne suivait pas le mouvement. Il s’immobilisa, contraignant Sam à faire de même, et tous deux levèrent les yeux en direction du troisième larron.

Tu viens pas ?

Garder les filles un maximum en dehors de toute cette histoire ça n’était pas une mauvaise idée.
Au contraire ! Il était tellement d’accord qu’en vérité il aurait préféré qu’elles ne soient pas là du tout. Pour Julie, ça ne risquait pas d’être compliqué. De toute manière avec ce qui venait de se passer il allait proposer un peu plus tard à ses frères qu’ils la mettent dans un taxi et la réexpédient simplement de là où elle venait avec la mention « désolé on a d’autres chats à fouetter, merci d’être passé ». Après tout merde, qu’est-ce que cette gamine fichait là tout court ?
Bref, cette Julie ça n’était qu’une poussière au milieu de la benne à ordure et elle ne serait pas bien compliquée à contenir.

Allie ?
Hm… alors ça c’était une toute autre paire de manches. Un sujet pointu et coupant au quel il allait bien se garder de faire le moindre commentaire car… Sam et Aahron avaient apparemment envie de se voiler la face. Pourtant ils connaissaient Allie. Ils ne la connaissaient pas comme lui la connaissait, mais il était tout de même très naïf de penser qu’elle allait se laisser mettre sur le côté. Elle n’était pas revenue avec lui jusque dans ce trou maudit pour faire papier peint. Elle était revenue par amour pour lui, pour la famille, la famille des bébés qu’elle portait dans son ventre.
Mais c’était un débat qui aurait lieu plus tard et qui pouvait attendre pour le moment.

La priorité était à Aidan. Comme souvent oui, trop souvent.
La fin de cet aparté arrivait enfin et ça n’était pas trop tôt. Il avait besoin de réfléchir et de se triturer les méninges, d’explorer mentalement toutes les ramifications de cette histoire. En gros il avait besoin de ressasser. Il débectait cette sensation d’être perdu, paumé. Cette perte totale de contrôle au sein même de leur maison. C’était comme avoir peur de ses propres entrailles et c’était haïssable comme sensation.

Il avait besoin de faits concrets. Pouls, tension, température, réflexes rétiniens et articulatoires, palpation de la gorge et l’abdomen. Du quantifiable.

« Je vais d’abord allez examiner Aidan… j’vous rejoins » lança-t-il simplement, déjà dos aux deux autres avant de disparaitre dans la chambre.

Ses larmes enfin séchées mais le cœur lourd, Julie avait tenté de se concentrer sur ce que lui expliquait Allie. A peine rentrée de son petit congé à Cleveland, la jeune femme devait déjà être sur tous les fronts ! Ça n’était sûrement pas bon pour les deux princesses qui grandissaient dans son ventre déjà bien rebondi…
Cela dit, loin de partager l’avis d’Aidan qui trouvait qu’elle s’empâtait, la petite blonde trouvait la métisse resplendissante et s’était même essayée à glisser un oreiller sous son teeshirt pour voir à quoi elle-même ressemblerait. Ça n’avait pas du tout plu à son artiste de petit ami qui avait fui ses caresses tout le restant de la soirée. Comme si quelques bisous risquaient de la mettre enceinte ! C’qu’il pouvait être idiot parfois…
En tout cas, elle ne pouvait qu’admirer la future maman qui s’acharnait à sauver les meubles ou en tout cas, le riz trop cuit qu’elle avait entre les mains.
La jeune femme lui avait assuré que ce n’était rien du tout et que rater ses plats était pratiquement inné chez elle. Du coup, Allie avait tout un tas de recette de secours à utiliser.
Aujourd’hui, elles transformeraient donc le riz destiné à accompagner les haricots et la viande en dessert sucré…

Julie avait fait mine de s’intéresser à tout ça durant quelques instants, mais son attention était constamment attirée vers l’étage. Elle aurait voulu voir ce qui se passait, entendre ce qui se disait entre les frères, certainement au chevet de son petit ami. L’adolescente avait déjà très mal pris d’être congédiée par Aahron après l’aide qu’elle lui avait apporté dans la salle de bain, mais maintenant que le reste de la fratrie était là, sa frustration était plus grande encore.
Et même si Allie ne soufflait mot à ce sujet, sa cadette sentait sa colère irradier.

D’un autre côté, Julie ne supportait la présence d’Aidan qu’à petite dose depuis la veille et la scène de ce matin n’avait rien arrangé. Son pauvre petit ami était complètement déréglé et elle ne savait pas par où commencer pour l’aider à aller mieux.
Et si personne ne la laissait faire en prime, ça ne risquait pas d’arriver de si tôt. Il avait besoin d’elle, c’était assez évident ! L’adolescente l’aimait inconditionnellement, lui aussi (malgré quelques petits doutes qu’il avait eus) ce qui faisait d’elle la plus à même à le sauver ! Logique !

Alors qu’elle en était encore à ruminer tout cela, la gorge aussi serrée que pouvait l’être son estomac, elle entendit des pas dans l’escalier. Allie et elle firent volt face d’un même mouvement, pour voir Aahron et Samuel débarquer dans la cuisine. L’ainé se rapprocha de sa belle sœur alors que Sam venait se laisser tomber sur l’une des chaises.

« Alors ? Comment il va ? » demanda la petite blonde avec angoisse
« Aidan ? Mieux, je crois. Isaac est avec lui » la renseigna Aahron, se tournant cela dit vers Allie « C’est prêt ? »

Qui pouvait avoir faim dans un moment pareil ? Aidan était presque en train de mourir enfin !!

« Isaac va trouver ce qu’il a. Il est docteur alors il saura forcément ce qu’Aidan a eu et il pourra faire en sorte que ça ne recommence jamais, pas vrai ? » demanda-t-elle encore, se tournant cette fois vers Samuel, de qui elle espérait obtenir un peu plus d’informations et de réconfort

« Tout d'abord, bonjour Aahron, je vais bien, merci de t'en inquiéter... »

« Mais c'est prêt... ne t'inquiète pas va... »

Et voilà, une fois encore, Aahron était à l’origine d’un incident diplomatique et Allie lui tombait dessus comme la misère sur le monde, ou presque. Contrarier une femme enceinte jusqu’aux yeux était une mauvaise chose pour vous, et possiblement pour la mère à en devenir censée se ménager. Au moins Isaac n’avait pas assisté à ça…

Le trentenaire adressa un regard agacé à Sam, le défiant de lui faire la moindre réflexion sur le sujet de son manque de tact. Mais son frère resta à sa place et semblait au moins aussi penaud que lui.
Poussant un soupir, l’ainé des Donnelly se rapprocha de sa belle-sœur (ou presque), ne sachant pas vraiment q’il était trop tard pour lui dire bonjour dans les règles de l’art. En même temps, il ne se voyait pas la prendre dans ses bras après ce qu’elle venait de lui dire. Non, assurément, il aurait l’air d’un gros idiot, et plus encore si elle le repoussait.
Il resta donc planté devant elle, piétinant sur place, les sourcils froncés dans une expression butée.

Désolé

Nuit difficile. Semaine difficile...

Abandonnant l’idée de se faire pardonner, il tira une des chaises de cuisine et se laissa tomber dessus. Du coin de l’œil, il vit Julie essuyer ses yeux dans sa serviette de table, avant d’attraper une des assiettes pour se charger de faire le service en silence.
D’ailleurs, personne n’osa plus vraiment rompre la quiétude de la pièce pendant un moment. Aahron avait bien envie de blâmer la métisse pour avoir plombé l’ambiance, mais il savait au fond que c’était en grande partie sa faute. Ou leur faute à tous peut-être… Quelle importance de toute manière ?

Alors que tout le monde prenait place, le regard du plus vieux se posa sur la table et il finit par se relever dans un soupir. Il s’approcha du bout de la table et déposa couverts, serviettes et verre dans l’assiette qu’il débarrassa.

Aidan mangera pas avec nous

Il retourna s’asseoir, attrapa l’assiette que Julie lui tendait et commença à donner quelques coups de fourchette dedans sans jamais la porter à ses lèvres.

Alors tu…ta famille va bien ? Ils étaient contents de vous voir toi et les...enfin ton ventre ?

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05. Trouble is my friend and she's back again [Allie, Donnellys & Julie]

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