01. Don't turn you back on me [Isaac and Allie]

Sujet: 01. Don't turn you back on me [Isaac and Allie] Jeu 12 Nov 2009, 15:45

« Merde ! »

« Isaac... je dois te dire quelque chose. »

Allie s'était dégagée de mes bras alors que les garçons avaient les yeux inexorablement rivés sur la télévision. Je la suivais un instant du regard, elle montait à l'étage. Elle devait être fatiguée, ou s'ennuyer à mourir devant ce film qui ne constituait pas un grand intérêt. J'attendis quelques minutes puis me relevai à mon tour, annonçant aux frangins que nous nous reverrions demain.
Les marches grincèrent sous mes pas, on aurait dit que quelques unes d'entre elles s'apprêtaient à céder au prochain passage un peu trop brusque de l'un de nous. Je passai rapidement par la case salle de bain, puis pénétrai dans la chambre en esquissant un petit sourire à Allie qui devait certainement m'attendre. D'un geste ample, je fis passer mon T-shirt par dessus ma tête, le mis en boule distraitement puis le balançai dans un coin. Je m'approchai ensuite du lit, tandis qu'Allie me sonnait qu'il fallait qu'on parle. De quoi ? De son attitude bizarre ces temps-ci ? Du fait qu'elle me cachait quelque chose ? Il était temps ! Je ne lui montrai cependant pas mon impatience, de peur qu'elle se rétracte au dernier moment.

Indifféremment mais attentif, je m'assis sur le bord du lit, posant une main sur un de mes genoux et me tournai légèrement vers elle.

« D'accord...Vas-y. »

dis-je d'un ton l'invitant clairement à ne pas laisser tomber maintenant.

Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre. Que pouvait-il y avoir de si important pour qu'elle me le cache si bien et si longtemps ? Elle ne voulait plus se marier ? Pour quelle raison, car elle m'avait affirmée ne pas avoir de liaison. Je ne pouvais pas la laisser s'éloigner encore, la laisser avoir des doutes sur le bien fondé de cette relation ou sur tout autre question dont j'avais la réponse.
J'attendis patiemment la suite, une petite appréhension qui me martelait la poitrine mais rien qui ne m'empêchait de ne pas vouloir entendre ce qu'elle avait à dire.

« Il s'avère que je suis enceinte... »

« Isaac... »

« J'ai fait un test positif ce matin et j'avais du retard depuis deux semaines, mais je ne voulais pas t'en parler tant que je n'étais pas sûre. Tu comprends ?? »

Le temps s'arrêta lorsque les mots franchirent sa bouche. Allie était enceinte. Elle attendait un bébé, notre bébé, ici, maintenant ? J'entrouvris mes lèvres comme pour répondre quelque chose, mais rien ne vint. Je savais pourtant qu'elle espérait une réaction, positive de préférence. J'étais très heureux, cela faisait parti du plan évidemment. A l'heure qu'il est nous aurions dû être mariés, probablement en train de rechercher une maison pour nous. Loin de Grayson, loin de l'abominable vérité que cachaient ses habitants.

Mes yeux perdus dans le vague se relevèrent alors vers elle. Je n'avais même pas senti sa main se poser sur la mienne pour tenter de me faire réagir. Je repris peu à peu contenance, serrant ses doigts pour lui montrer que j'étais là.

« Alors c'était ça... »

dis-je en tentant d'esquisser un sourire.

« C'est une bonne nouvelle, Allie... »

Néanmoins, elle pouvait très bien se douter que ma phrase n'était pas terminé. Le « mais » risquait d'arriver si fulgurant que je ne savais même pas si elle pourrait me le pardonner.

« ...mais c'est pas vraiment le bon moment. »

Je doutais qu'elle apprécie cette vision des choses. Et à vrai dire, je ne m'exprimai pas vraiment comme je l'aurais voulu. Je voulais qu'elle voit combien cette nouvelle me réjouissait au fond, mais aussi ô combien j'étais terrifié à l'idée qu'ils leur arrivent quelque chose. Nous n'étions pas à Cleveland, Grayson était une zone hostile, ou du moins c'est l'impression de plus en plus écrasante qui s'installait en moi de manière permanente.
Je devais me reprendre, lui expliquer.

« C'est pas ce que je voulais dire. Je voulais ça pour nous deux. J'ai juste...»

Je m'arrêtai, incapable de prononcer un mot de plus. Mes yeux se baissèrent sur nos mains encore liées.

J'aurais tant voulu qu'elle comprenne, mais ce n'était pas facile. A dire, mais surtout à faire. J'étais inquiet pour elle à chaque fois que nous nous retrouvions séparés ici, le temps s'échappait et les mauvais pressentiments gagnaient du terrain. Je n'étais plus tranquille, je me demandai même comment j'allais faire pour dormir la nuit. Et maintenant voilà que ce n'était plus seulement elle, mais elle et le bébé. Je le voulais, je voulais cette vie avec elle à Cleveland, mais ici c'était bien trop dangereux.

« Tu devrais rentrer à Cleveland. »

« Rentrer à Cleveland ? »

« Tu te fous de moi ? »

« Tu m'as presque supplié de venir avec vous quatre tu te souviens ? Tu me demandes de partir parce que je suis enceinte d'un bébé que tu ne veux même pas ? Tu aurais pû carrément me dire que c'est de ma faute aussi ! Tu sais ce que j'aurais voulu ? J'aurais voulu que tu me dises que tu étais ravi pour nous même si tu ne le penses pas ! Tu aurais dû te forcer à sourire pour moi ! C'est ce que je fais depuis plus de deux mois ! Deux mois que suis devenue la personne qui la ferme pour que vous fassiez votre deuil tranquille ! D'abord notre mariage, MON mariage est annulé, ensuite je deviens soudainement la figure féminine de trois d'entre vous, ensuite tu tue presque ce pauvre patient ! Ah oui, là bravo, t'as bien fait de pas m'écouter et de te mettre en vacances ! Niveau professionnel, t'as bien joué mon cœur ! Ça fait deux mois, deux mois, Isaac, que je supporte tout et aucun, aucun d'entre vous ne m'a demandé comment MOI j'allais ! Et pour une fois que j'ai besoin de toi, tu me tournes le dos ! C'est facile de me demander de partir hein ? »

J'étais resté silencieux face à son discours de représailles. Elle avait raison, aucun de nous ne lui avait demandé si elle allait bien. Trop préoccupé à faire notre propre deuil, nous nous étions renfermés sur nous-mêmes. Je m'étais replié dans ma douleur sans penser aux conséquences. Je n'osais même pas relever les yeux vers son visage pour voir cette colère envers moi dans ses traits. Mais dire que c'était facile, non, elle ne comprenait pas les raisons qui me poussaient à l'éloigner de moi, d'ici. Je me relevai, légèrement agacé à mon tour mais ne voulant pas faire plus de dégâts encore.

« Ne me mets pas tout sur le dos ! C'est de toi et moi qu'on parle, pas du fait que j'ai tué un patient ! »

Mais les mots sortaient sur ce ton accusateur et fort sans que je ne puisse les contenir. J'étais sous pression depuis la mort de mes parents, tout ça n'arrangeait rien.
Je passai une main sur mon visage, la situation s'empirait de minute en minute et ce n'était pas comme ça que ça aurait dû se passer. J'avais intérêt à radoucir mes paroles. Peut-être qu'il était temps d'être sincère.

« Allie...chérie... »

Je m'approchais d'elle et posai mes mains sur ses épaules pour tenter de la calmer

« Je veux de ce bébé avec toi, tu le sais. On aurait dû être marier à l'heure qu'il est, peut-être qu'on serait en train d'acheter une maison maintenant...Mais ça s'est pas passé comme ça. Et ça j'y suis pour rien. Et je suis désolée, de ne pas avoir fait plus attention à toi, mais c'est facile pour personne. »

Je baissai légèrement la tête pour essayer d'accrocher son regard, lui prouver ma sincérité. Elle ne partirait pas d'ici, j'en étais conscient. Même si j'aurais préféré la savoir en sécurité le temps qu'on résolve cette affaire. Je ne pouvais pas non plus retourner à Cleveland avec elle et laisser mes frères derrière moi. Mes frères et mes parents...Je savais au fond qu'ils n'étaient certainement plus de ce monde, mais ils méritaient bien une vengeance, pas dans le sens illégale du terme bien évidemment, mais au moins que l'on déterre la vérité aussi atroce soit-elle.

« J'ai peur pour toi, Allie. »

dis-je difficilement, comme si cette vérité là m'avait coûté.

« Tu sais te débrouiller et tu mettrais une branlée à n'importe quel plouc d'ici, je sais. Mais t'es plus seule maintenant, y a le bébé. Je m'en voudrais toute ma vie s'ils vous arrivaient quelque chose. Et si je dois sauter dans un avion pour Las Vegas ce soir et t'épouser, pour te prouver que je te veux toi et ce bébé, j'y réfléchirai même pas, je le ferais. Mais j'ai envie de te donner le meilleur, que tu ais un beau mariage, avec tout ce qui était prévu. »

Je ne sais pas si elle allait me croire, mais pourtant c'était bien véridique.

« J'ai juste besoin d'un peu de temps encore... »

« Un peu de temps ? Un peu de temps pour quoi ? Je suis là, ce bébé est là, y'a pas de temps, y'a plus de temps du tout ! Et pour le mariage...on a pas choisi et je sais plus si j'ai vraiment envie de ça pour le moment alors tu n'as pas besoin de t'envoler pour Vegas. »

« Le fait est, Donnelly, que tu ferais bien de te souvenir à partir d'aujourd'hui que je suis là, que je reste là, que je suis enceinte et que moi AUSSI j'ai des sentiments et que tu ferais bien de t'occuper de moi un peu plus. Et si y'a des embrouilles dans cette ville dont je ne suis pas au courant, tu ferais bien de cracher le morceau. J'ai été là quand tes parents sont morts, j'ai été là pour vous tous, alors je suis autant concernée que vous, que ça déplaise à Aarhon je m'en fou complètement.

« T'as intérêt à prendre soin de moi Donnelly, je compte pas faire un bébé toute seule, et si t'en veux pas, tu dois me le dire tout de suite. »

Toutes ses accusations me mettaient mal à l'aise, des tonnes d'émotions contraires s'insurgeaient en moi. De la colère, de la peur, mais aussi le bonheur que la nouvelle suscitait en moi. Si seulement ce n'était pas si compliqué...Si seulement le mariage n'avait pas été annulé, si seulement nous étions à Cleveland et que tout se passait selon nos plans. Cela faisait beaucoup trop de "et si...". Ce n'était pas la réalité, ces chimères ne devaient pas me faire oublier le plus important : nous n'étions pas en sécurité ici. Je ne pouvais pas passer chaque minute à la surveiller, pas avec l'enquête en cours. Nous étions bien quatre, mais avais-je assez confiance en eux pour leur confier la vie d'Allie et de notre bébé ? C'était mes frères après tout, il n'y avait aucune raison qu'il me laisse tomber. Et il aimait Allie, peut-être pas autant que moi, mais elle faisait partie de la famille. J'avais beau creuser les idées, je ne voyais pas le bout de ce tunnel de questions.
Un petit pincement au coeur me prit lorsqu'elle avoua ne plus réellement avoir envie de se marier à l'heure qu'il est. Je ne savais pas ce qu'elle sous-entendait par là, trop de choses passaient par ma tête à cette seconde, mais la mauvaise interprétation était peut-être la seule à laquelle j'avais été réceptif.

« Tu ne me crois peut-être pas là tout de suite, mais j't'aime Allie. »

Cracher le morceau sur les embrouilles de cette ville ? Lui confier des informations pouvaient s'avérer plus dangereux que de ne rien lui dire. Ce n'est pas que ma confiance en elle était défaillante, mais les habitants de ce bled ne m'inspiraient aucune bonne foi. C'est eux qui avaient un problème, et l'idée qu'ils puissent lui -leur- faire du mal était omniprésente et insupportable.

Elle posa sa tête sur mon épaule et mes bras vinrent instinctivement autour d'elle dans un soucis de réconfort et de protection.

« Tu n'auras pas à faire un bébé toute seule. Il est là, on le garde. Je te le promets. J'aurais juste aimé...qu'ont soit pas dans tout ce merdier. »

J'avalai difficilement ma salive, les yeux fixant un point imaginaire sur le mur supportant la porte de sortie.

« J'ai besoin de réfléchir. J'suis désolé. »

Je dé-serrai mon étreinte autour de son corps, déposai un baiser sur sa tempe et attrapai mon T-shirt et ma veste. J'ouvris la porte de la chambre et sortis sans un seul regard en arrière. J'avais peur que ça lui fasse encore plus mal de voir ce schéma incompréhensible dans mes yeux. Elle ne comprenait pas mon inquiétude. Comment pouvait-elle, elle n'avait pas rencontré Nathaniel Redd, elle n'avait pas vu les êtres étranges et potentiellement malsains qui grouillaient à Grayson. Dans l'hypothèse où ces gens avaient quelque chose à voir avec la disparition de mes parents, ils s'attaquaient à des innocents touristes, que se passeraient-ils si des inconnus venaient fouiller plus près dans leurs affaires ? ...Je ne donnais pas cher de nos peaux. Un frisson me parcourut l'échine alors que je descendais les marches de la vieille bâtisse, enfilant mon T-shirt, puis ma veste. Les garçons étaient toujours affalés sur le canapé dans un mutisme total, peut-être un peu forcé tout de même. Je n'étais pas dupe, ils avaient dû entendre la majeure partie de notre conversation.

Je quittai la maison, empruntant le chemin de pavés et m'éloignai dans les rues de Grayson, sans un seul mot de plus.

to be continued (Isaac) / to be continued (Allie)

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