Lucinda continua d’afficher un air accablé, et ôta sa main glacée du bras de la jeune infirmière installée dans sa cuisine. Elle tâcha de ne pas ciller face à ses remarques plutôt franches, se faisant la remarque que, décidemment, les Donnelly et leurs proches ne savaient pas rester à leur place…
Malgré les nombreux avertissements et aiguillages des habitants, ils continuaient à parler ouvertement de sujets fâcheux et continuaient de se plaindre inlassablement. Alors qu’au fond, c’étaient eux qui venaient troubler la paix d’un petit village du Missouri, eux qui mettaient leur avenir en péril avec leur enquête stupide et inutile.
Les parents des quatre garçons ne réapparaitraient jamais et la thèse de l’accident avait été appuyée par les autorités locales, que leur fallait-il de plus ? C’était la première fois que des étrangers venaient ainsi perturber leur train-train et remettre tout en question.
Et Lucinda n’était pas certaine qu’elle et ses voisins agissent pour le mieux.
Si seulement Il avait été là pour les éclairer...

« C’est tout naturel vous savez » s’empressa-t-elle de répondre face à la dernière tirade de la métisse « J’ai parfois un peu honte que vous découvriez nos voisins sous un jour peut favorable, mais je puis vous assurer qu’ils ne vous souhaitent aucun mal, vraiment ! Ils ont simplement peur, il faut vous mettre à leur place. Vous et les vôtres avez toutes les raisons du monde d’être en colère et de vouloir des réponses, mais menacer les habitants d’une communauté aussi soudée que la nôtre et accuser ses membres les plus éminents d’un acte aussi odieux que le meurtre… Mademoiselle, il fallait vous douter que certains habitants réagiraient ! » glissa-t-elle sur un ton quelque peu critique « Nous ne sommes pas habitués à ce genre de traitement, surtout après vous avoir ouvert les bras et l’avoir fait avec les parents de votre fiancé. Des gens charmant, de bonne éducation et pour lesquels nous avons tous priés pendant des jours. Pour lesquels nous prions encore d’ailleurs… Vous n’avez pas eu l’occasion de voir l’avancé des recherches mais nous nous étions tous mobilisés. Tous les habitants de ce village et quelques amis venus des villes alentours. Nous avons marché des kilomètres à travers bois, piétiné les champs de nos voisins dans l’espoir de retrouver Sean et Margaret, en vain » reprit Lucinda en prenant une voix affectée, laissant même ses yeux s’humidifier légèrement au fur et à mesure qu’elle discourait « Je suis navrée si mes propos sont un peu blessant mais j’ai moi-même été très chagrinée par les propos que votre fiancé et ses frères ont tenus à mon époux qui s’est montré si aimable avec leurs parents… Il a passé une partie de la nuit à travailler sur leur voiture pour qu’ils puissent reprendre la route, nous avons partagé leur dernier repas et… Je suis désolée, cette histoire me bouleverse encore » soupira-t-elle en se levant pour venir tamponner ses yeux à l’aide de l’essuie de vaisselle dans son dos « Nous sommes tous accablés par cette tragédie ici et vous voir remuer le couteau dans la plaie nous est pénible, même si beaucoup, comme moi, comprennent votre chagrin et votre colère et acceptent que vous vous déchargiez sur nous »

Lucinda n’était pas là pour provoquer Allie, elle préférait laisser la tâche de remuer les Donnelly à son époux. Et il n’avait absolument pas besoin de ses services pour les pousser à bouts et aborder de fâcheux sujets en leur présence pour les faire sortir de leurs gonds. Aujourd’hui, Lucy était là pour mettre son invitée à l’aise, même si pour cela, elle devait supporter sa compagnie.
C’était ce que le conseil avait décidé et il en serait donc ainsi. Jusqu’à nouvel ordre.

« Alors allons-y ma chère ! » s’exclama la rousse avec un entrain mitigé qui laissa à penser qu’elle était encore affectée par leur conversation précédente « J’ai sorti tout ce dont nous aurons besoin pour la préparation des muffins. Vous verrez, ce n’est pas aussi compliqué qu’il y parait ! La préparation est plutôt rapide et le résultat garantie ! » enchaina-t-elle en se mettant debout, adressant un sourire faussement complice à la métisse « Bien. Pour commencer, il vous faut préchauffer votre four. Je suis presque certaine que vous disposez d’un four dans l’ancienne maison des Mercer »

Allie approuva d’un hochement de tête et Lucinda pu reprendre ses explications.

« Je vous préviens, vous allez devoir vous salir un peu les mains, je préfère la bonne vieille méthode et n'utilise que très peu tous ces appareils électroniques capable de malaxer, broyer et faire Dieu sait quoi encore à notre place. Des mains nous ont été données, autant les utiliser ! Et puis c’est pour la bonne cause, n'est-ce pas ? » pouffa Lucinda en commençant à s’agiter « Oh et, rassurez-vous, j’ai déjà noté la recette et la marche à suivre sur un papier que je vous confierai lorsque nous en aurons terminé ici. Vous n’aurez donc pas à essayez de tout retenir et pourrez vous concentrer à 100% sur ce que nous feront ici ! »

Elle marqua une pause et termina de relever les manches de sa chemises avec soin, avant d’enfiler un tablier et d’en fournir un à Allie qui avait vraiment l’air gourde, plantée sans trop savoir quoi faire d’elle-même au milieu de sa cuisine.

« Parfait. Nous commencerons par le topping, dès que nous aurons passé nos mains sous l’eau. Nous ne voudrions pas contaminer les ingrédients » fit-elle remarquer en servant son plus beau sourire faux à Allie qui ne semblait y voir que du feu « Nous allons nous amuser comme deux petites folles ! »