Comme Sam était enfin sortit de l’hôpital la veille, il avait paru presque logique à Charlie de débarquer dés le lendemain matin chez lui. Franchement, elle aurait préféré que ça soit le contraire et que ce soit Sam qui vienne chez elle. M’enfin après ce qui s’était passé, elle doutait que ses frères soient très emballés à l’idée qu’il s’éloigne un peu trop. Pas d’autres choix donc que de passer tout son samedi ici, dans cette baraque surpeuplée où il était parfaitement impossible d’avoir plus de deux secondes d’intimité d’affilées. Surtout qu’en tant que petite-amie, elle avait l’impression que la responsabilité de prendre soin du malade lui incombait à elle. C’était le principe de la petite-amie après tout, elle était la pour reprendre le flambeau de la famille. Sauf qu’avec cette famille-là, ça n’était tout simplement pas possible. Ils étaient quatre pour s’occuper de lui, dont un médecin et une infirmière, alors franchement ça ne lui laissait pas grand-chose à faire. Surtout que Sam n’était pas trop du genre à aimer se faire materner dans tous les sens et qu’il en avait vite marre qu’on soit derrière lui comme s’il avait 12 ans et les oreillons.
Du coup, pour ne pas changer avec les Donnelly, la caissière avait tendance à se sentir un peu de trop, même si dans l’ensemble, elle se sentait de moins en moins invisible pour eux.

Par exemple, on l’incluait dans les conversations maintenant. Malheureusement, la discussion qui avait court pour l’instant ne l’intéressait pas. Les assurances, elle n’y connaissait absolument rien et elle n’en n’avait entendu parler que par la télé avant de quitter Grayson pour la première fois.
Ce fut donc avec le cœur bien plus léger qu’elle accueilli Aidan qui était enfin levé. Elle espérait qu’il les rejoigne depuis un moment déjà, histoire de pouvoir discuter de sujets plus intéressants avec au moins une personne.

Au lieu de ça, il s’avéra que Sallander était sur le pas de la porte pour parler tentative de meurtre. Ca n’était pas beaucoup plus positif que les assurances, mais ça avait le mérite d’être un rien plus palpitant. Quelques instants plus tard, ils se dirigeaient tous vers le salon, Charlie pour fermer la marche tandis qu’elle se demandait ce qu’elle était sensée faire. Est-ce qu’elle devait les suivre ou pas ? Est-ce qu’elle était sensée entendre ce qui allait se dire ou est-ce qu’ils allaient attendre d’elle qu’elle s’éclipse dans la cuisine ou même qu’elle parte ?
Les yeux noisettes de la caissière cherchèrent un autre regard pour essayer de savoir ce qu’elle était sensée faire d’elle-même, mais le seuls qu’elle réussi à croiser dut celui de l’inspectrice elle-même pour la saluer. Sans instructions, Charlie resta donc planté là, au dernier rang, bras croisés.

Elle avait été là lorsque le médecin de l’hôpital avait annoncé à Sam qu’ils n’avaient rien trouvé dans son sang. Maintenant c’était la police qui ne trouvait rien dans les muffins. La première nouvelle avait contrarié son petit-ami, nul doute que ça serait le cas une fois de plus.

« Mais et… les poisons indétectables alors ? J’ai entendu dire que… que par exemple l’or ça pouvait être difficile à voir mais que c’était du poison quand on en mangeait et… aussi parfois, du verre pilé vraiment très fin et ça lacère les… » elle désigna sa poitrine et son ventre d’un geste vague, se sentant rougir tandis que tous les regards convergeaient vers elle « et comme il a beaucoup saigné… j’me suis dis que voilà … »

Elle eut presque envie de s’excuser d’être intervenue mais se contenta d’hausser une épaule l’air de dire « j’dis ça comme ça ».
En réalité, elle avait carrément prit sa voiture et avait conduit jusqu’en ville pour aller dans un cybercafé, elle s’était prit une heure et avait passé tout son temps à faire des recherches sur la question. Conclusion de son étude sur le sujet : presque rien. Apparemment les poisons indétectables existaient vraiment mais comme ils étaient indétectables, on n’en savait pas grand-chose…
Evidemment, elle n’y connaissait rien en plante et en combinaison chimique mortelle, mais ce qu’elle avait retenu, c’est que c’était possible. Ca suffisait pour qu’un doute subsiste quand à la culpabilité de Lucy…

Entre la flic qui affirmait qu’il n’y avait rien dans ces muffins, l’infirmière qui jurait ne jamais avoir vu un cas pareil et assurait qu’il y avait forcément quelque chose de louche à l’intérieur des pâtisseries alors que quelqu’un d’autre en avait mangé sans être malade, Isaac qui confirmait qu’il n’y avait rien de spécial dans les analyses et pour finir, Aidan qui tirait sa révérence et Sam qui insinuait clairement qu’il n’avait pas confiance en Dakota, il y avait Charlie qui ne savait absolument pas quelle tête faire ni quoi rajouter de plus à ce qu’elle avait déjà dit.

Est-ce qu’elle devait avoir l’air compatissant ? Suspicieux ? En colère ? Aucune idée et pas vraiment le temps de le déterminer. Quand ça ne marchait pas comme le voulait les Donnelly, les Donnelly n’étaient pas contents. Et lorsque les Donnelly n’étaient pas content ça partait un peu dans tous les sens et ça n’était pas très poli avec les gens, du genre « Inspecteur Sallander, les Donnelly n’ont pas envie d’entendre ce que vous avez à dire, vous êtes donc congédiée ! Estampillé ‘louche et pas digne de confiance’ en prime, merci du déplacement »
A la place de Dakota, Charlie aurait demandé que les quatre frères lui remboursent l’essence du trajet.

M’enfin c’était comme d’habitude, ils n’étaient pas d’ici et ne se sentaient pas obligé d’entretenir une relation de bon voisinage avec qui que ce soit puisqu’ils allaient rentrer chez eux une fois la fête terminée. Sauf que pour Charlie, c’était ici chez elle, et qu’elle n’avait pas envie d’être plus mal vue encore par les gens de la région. Surtout les gens qui représentaient l’autorité.
Cela dit, ça n’était que son petit avis personnel et elle était presque certaine que les Donnelly n’avaient pas envie d’entendre parler de ce genre de chose. Elle était déjà bien contente d’être tolérée dans un moment pareil, elle voulait éviter de pousser sa chance.

Du coup, lorsque Sam l’entraina vers le jardin, elle ne fit aucun commentaire et se contenta d’un petit « … hum… au revoir Inspecteur », d’un mini sourire poli et d’une petit signe de la main avant de se détourner pour emboité le pas au grand blond qui fulminait.

Cette situation était vraiment insupportable. Ca n’était pas le premier « accident » au quel les Donnelly avaient droit, mais pour Charlie, c’était la première fois qu’elle y était mêlée d’aussi près puisque ça concernait directement Sam cette fois, et pas l’un des autres membres de la famille. Elle avait subit l’impacte de toutes leurs aventures jusque là, mais indirectement. Maintenant qu’elle était dans le vif du sujet, les choses prenaient tout de même un autre aspect.

Quant au fin mot de cette histoire d’empoisonnement… et bien à vrai dire, Charlie avait bien sa petite idée. A vrai dire, ça ne concernait pas que l’empoisonnement mais la situation en générale. Ca n’était qu’une vague idée, une idée qu’elle avait en vain essayé d’expliquer à Colleen, qui ne l’avait pas prise au sérieux du tout. Elle avait vaguement tenté avec Elizabeth aussi, mais le résultat n’avait pas été meilleur. Tout ça ne l’encourageait guère à en parler à Sam ou a qui que ce soit d’autre.

« J’pense pas que ça soit un accident… j’pense que c’est probablement Lucy parce que… par exemple, c’est elle qui aide Clyde dans son cabinet… donc j’sais pas… elle peut avoir accès à des produits et à d’autres trucs et… tout le monde sait bien au village qu’elle s’y connait super bien en… plantes et tout ça. J’me souviens y’a quelques années, Louise avait choppé un genre d’allergie à je-sais-plus-quoi, et Lucy lui a fait un genre de… d’infusion je crois. Elle devait boire ça midi et soir pendant une semaine. Après ça, ma grand-mère a plus jamais eu de problème… peut-être que j’aurai du dire ça à l’inspectrice, qu’est-ce que t’en pense ? » réalisa-t-elle soudain avec angoisse.