Charlie avait éclaté de rire à l’évocation du mot ‘strip tease’, surtout dans la bouche d’Aidan. Il était un spécialiste des allusions grivoises et pourtant, la jeune caissière en était étonnée à chaque fois. Elle avait tendance à le voit plus jeune que son âge, surtout lorsqu’il était en présence de ses frères. Du coup c’était chaque fois la même histoire, elle tombait des nues et se rappelait qu’il aurait bientôt la 20ène et que finalement ça n’avait rien d’étonnant. C’était sa faute aussi, à force de faire le mariolle elle oubliait que la différence d’âge était certes importantes, mais pas si énorme que ça. Aidan était un grand garçon et elle allait devoir le cottoyer encore un moment avant de capter toutes les facettes de sa personnalité.

Il fallait avouer que question personnalité, cette famille n’avait pas été des plus chanceuses. Charlie ne se rappelait pas des parents Donnelly, n’était même pas certaine de les avoir croisé avant qu’ils décèdent, et n’en n’avait pas non plus beaucoup entendu parler. Mis à part qu’ils étaient mort elle ne savait pas grand-chose en gros. Mais ils avaient eut quatre gamins au tempérament de feu. Soit ils avaient hérité ça de leur parents, soit ils avaient simplement eut des parents très courageux.
C’est qu’ils avaient leur lot de problème. En peu de temps, Charlie s’était retrouvé deux fois de suite avec toute la bande, cette fois-ci elle avait même droit à un bonus avec la présence de Trisha, et il était évident que les Donnelly avaient un souci. Ils dégageaient à eux tous une ambiance dense et électrique. Une ambiance qui venait plutôt des plus âgés d’ailleurs. Les deux aînés semblaient être de vrais spécialistes du tirage de tronche. Charlie en venait même à se dire qu’Allie devait sacrément s’ennuyer avec son médecin de temps en temps. Tant de sérieux et d’angoisse qui émanaient à cette table, alors qu’ils étaient là pour oublier leurs problèmes et prendre un peu de bon temps. Cela dit, Sam et Aidan n’étaient pas en reste côtés densité. La leur s’était juste fourrée dans un autre recoin sombre de leurs personnalités complexes.

Bref, après l’incendie, toute cette tension palpable l’avait énormément affectée. Il était tard, elle avait eut une journée agitée, de fortes émotions, puis elle s’était retrouvé en leur présence pour la première fois au pire moment imaginable. Depuis, elle avait dormit dessus et s’était remise de ses émotions. Elle sentait parfaitement toutes les énergies négatives qui véhiculaient entre les différents protagonistes, mais la petite caissière les niais tant bien que mal en essayant de s’amuser un maximum avec ceux qui se montraient plus engageant. Aidan bien entendu, Samuel évidemment, mais aussi Allie qui paraissait être une jeune femme plus raisonnable et douce que sa moitié.
Son impression la plus mauvaise venait certainement de Trisha. Pas qu’elle soit vraiment responsable, c’était juste qu’elle lui rappelait un souvenir franchement bizarre et désagréable qu’elle avait mit un bon moment à occulter. Puis l’avocate ne s’était pas montrée des plus agréables cette fois-là. Alors soit c’était vraiment une vipère, soit elle avait ses raisons pour être austère. Quoi qu’il en fût, Charlie n’avait pas échangé un seul mot avec elle de tout ce début de soirée.

Soirée qui avait commencée plutôt normalement. Aidan l’avait pratiquement enrôlée de force pour organiser ce double anniversaire. Pas qu’elle aurait dit non si elle avait eut le choix, évidemment pas, mais l’enthousiasme d’Aidan avait toujours un petit quelque chose d’envahissant. Il s’était mit en tête une sortie dans un bar, alors Charlie avait bien entendu pensé à cet endroit, le Susan’s Coffee. L’endroit de son tout premier rendez-vous avec Samuel, qui était accessoirement l’unique bar vraiment cool de la région. Un bar où ils ne jouaient pas que de la country. Elle s’était chargée de réserver la table et ce soir, ils s’étaient entassés dans deux voitures pour quitter Grayson et camper à Westbridge pour la soirée. Normal en sommes. C’était lorsque tout le monde s’était posé autour de la table que Charlie avait capté qu’ils ne comptaient pas prendre de pause ce soir non plus. Mais comme dit précédemment, la caissière avait choisi de nier cette partie de l’histoire. S’ils ne voulaient pas s’amuser et préféraient être aigri, c’était leur problème après tout.

« Tu sais, je travaillais dans un café-théâtre en Caroline du Sud quand j’avais ton âge. Le plus souvent j’étais au bar, mais en début de soirée je devais monter sur scène avec deux autres filles et jouer de la guitare en bikini, avec des oreilles de lapin. Si on enlevait le haut on avait une prime de 30 dollars » expliqua-t-elle en se remettant à rire « Moi je l’enlevais à chaque fois parce que je pouvais me cacher derrière ma guitare! Mes deux collègues étaient jalouses. La première jouait du synthé et la seconde de la flûte, alors tu pense ! » elle continua de rire quelques instants et agrippa son verre d’alcool qui reposait sur la table « Enfin c’est pas le pire job que j’ai eut cela dit. Et puis je faisais n’importe quoi à cette époque-là »

Quelques gorgées brûlantes plus tard, la jeune caissière reprit.

« Enfin, j’ai quand même réservé une place sur scène… pour plus tard. Quand j’aurai assez bu » gloussa la jeune femme en échangeant un regard malicieux avec son petit ami avant de reporter son attention sur le plus jeune « Je te préviens Aidan que je garde mes vêtements »

La caissière n’avait pas vraiment répondu à Sam lorsqu’il lui avait demandé des précisions sur ce qu’elle comptait faire ce soir, elle s’était contentée d’un regard amusé, puis elle s’était plongée dans son verre d’alcool pour s’empêcher de rigoler. Au fond ils n’avaient rien prévu d’exceptionnel, mais c’était drôle de faire tirer le petit mystère en longueur. Surtout qu’Aidan avait tout prévu à la seconde près et qu’au final, ça n’était pas vraiment sa surprise, mais plutôt la sienne, pratiquement toutes les idées venaient de lui. Il tenait à ce que la soirée soit parfaite et elle ne voulait pas gâcher sa surprise. Cela dit jusque là, c’était plutôt misérable comme ambiance. Et plus ça allait plus cette misérable ambiance gonflait Charlie.
D’accord, leur passage à Grayson n’était pas sans douleur. D’accord les circonstances n’étaient pas les meilleurs. Cela dit selon Charlie, la moindre des choses aurait été de prendre une pause de tout ça l’espace d’une toute petite soirée.
En fin de compte, c’était plutôt égoïste comme comportement. Être incapable de mettre ses petits tracas de côtés pour accorder ne serait-ce qu’une soirée à quelqu’un d’autre que son petit nombril tout rempli de larmes salées d’autosuffisance.

Et pourtant elle n’osait pas vraiment s’en mêler, et encore moins faire de remarques. De quel droit ? Elle ne les connaissait pas encore tant que ça et ils étaient toujours en deuil. Difficile de se faire entendre dans ce genre de conditions. Peut-être les jugeait-elle mal et sans réels fondements, comment en être certaine ? Et en tenant compte de tout ça, comment faire pour essayer d’arranger les choses ? Surtout lorsqu’on essayait de la prendre à témoin comme le faisait Aahron. Pourquoi lui demander à elle ce que buvait son frère ? Si il espérait sérieusement qu’elle réponde à cette question il allait devoir lui fournir un salaire de nounou.

« Comment ça ‘des types de notre âge’ ? » sourit la brunette en se penchant au centre de la table pour attraper quelques chips « J’ai 26 ans je te signal, et ton frère en à 25 ce soir, on est plus proche de l’âge de ton frère que du tiens. Alors fais gaffe à ce que tu dis Aidan ! » lança-t-elle en le menaçant d’un chips au paprika.

Et c’était valable dans tous les sens du terme parce que Charlie avait bien entendu remarquer que la langue du cadet avait fourchée. Elle ne savait pas vraiment ce que ça cachait, mais c’était représentatif de l’ambiance. Les non-dits pleuvaient à leur tables.

« S’agit juste de ne pas oublier comment on fait pour s’amuser » ajouta donc la caissière avant de terminer son verre d’alcool de quelques dernières gorgées.

Après tout, elle aussi avait bien le droit aux insinuations. La sienne n’avait pas été lancée sur un ton agressif mais elle espérait que ceux qui l’avaient entendus méditeraient un peu sur la question et veilleraient et se dégourdirent. L’avocate blonde de l’épicerie n’avait pas encore desserré les dents depuis le début de la soirée, quant aux deux aînés, ça n’était pas beaucoup plus glorieux. Charlie était toujours sans avis sur Isaac, (et ce malgré les histoires de cul à l’air racontées par la jeune métisse) quant à Aahron, il ne l’ouvrait que pour jouer au flic.

« Bon, je paye la prochaine tournée » reprit Charlie un ton plus fort.

Elle se leva de la banquette où elle était assise en compagnie d’Aidan a qui elle adressa un bref clin d’œil.

« Est-ce que l’une de ces demoiselles se joindra à moi pour faire le service ? » lança-t-elle à l’intention de Trish et Allie.

Des enfants ? Oula, Charlie n’en n’était pas encore là. Elle en était même loin ! Dans l’absolu bien entendu, l’idée lui plaisait. Mais si elle avait du dessiner une petite ligne du temps de ce qu’elle espérait pour sa vie future, elle n’aurait pas placé la reproduction avant ses 35 ans minimum. Et encore ! Des jumeaux c’était hors de questions. Deux d’un coup c’était du suicide. En même temps, Allie n’avait pas exactement choisi de tomber enceinte de jumelles, c’était la nature qui décidait de ce genre de chose. Et justement, Charlie ne faisait pas du tout confiance à mère nature. Surtout si elle transmettait à son bébé les gènes de la famille Doyle. Le petit n’était pas sortit d’affaire.
Sa grand-mère avait été une mère assez pitoyable pour faire de sa fille une mère encore plus pitoyable, si l’on prenait en compte le facteur exponentielles de cette constatation, il valait mieux pour Charlie être vraiment sûre de son coup. Pour l’instant c’était loin d’être le cas. Elle ne se sentait pas prête pour un sous à se lancer dans ce genre d’aventure, de toute manière il n’y avait même pas de potentiel papa en vue.
Elle avait Sam bien sûr, mais il y avait tout un monde entre Sam et le papa d’une éventuelle progéniture. Surtout coupler l’ADN des Doyle avec celui des Donnelly semblait relever d’une chimie à haut risque. Bref, les bébés, c’était bien mieux chez les autres.
Non le pied ça aurait été que Colleen tombe enceinte la première. Ca allait sûrement arriver d’ailleurs vu de quelle manière sa meilleure amie semblait laisser trainer ses fesses dans tout Grayson.
Oui elle exagérait un peu la situation, mais si peu…

Seulement elle trouvait son avis un rien trop catégorique pour l’exposer de cette manière à deux mamans. L’une avait un fils de 7 ans et la seconde aurait bientôt des jumelles. Si elle leur lançait un « je veux faire le tour du monde et monter un groupe de rock avant de tomber en cloque », elle n’allait pas franchement se faire des amies. Et même si elle n’envisageait pas encore vraiment Sam comme le futur papa de son éventuelle future progéniture, elle avait tout de même bien envie de se faire une petite place. Et ce malgré que cette famille soit étrange et en perpétuel conflit…
Charlie ne connaissait pas encore assez ni Allie ni Trisha et elle était surtout portée sur l’idée de faire bonne impression.

« Hum… sans doute un jour oui. Un ou deux peut-être. Mais pas pour le moment » répliqua la jeune femme en haussant nonchalamment les épaules « Pour l’instant je préfère les gosses des autres » sourit-elle « D’ailleurs Petey est un chouette gamin. Il est vachement calme. A mon avis il tiens plutôt ça de sa maman » blagua encore la caissière tandis que les différents verres de leurs commandes s’amoncelaient devant son nez sur le comptoir.

Sûr qu’Aahron n’avait pas l’air d’un homme dont la plus grande qualité était la patience. Loin de là même. Trisha avait l’air plus tempérée que son ex-mari et Petey était un petit garçon calme et intelligent. Du moins c’est ce qui lui avait semblé lorsqu’il était venu passer une après-midi chez elle.
Le mieux aurait été que Sam et elle aient un exemplaire pratiquement identique d’ici une dizaine d’année. Cette idée là branchait pas mal Charlie qui s’autorisa l’espace de quelques secondes à imaginer la bouille que pourrait avoir un mélange entre elle et son grand blond.
Cela dit, elle se reprit bien vite et se tourna vers la serveuse qui s’agitait derrière le bar, haussant le ton pour passer par-dessus la musique.

« Tu pourrais rajouter un peu de whisky dans le coca s’il te plait ? »

Aidan comptait sur elle pour ce détail, quel genre d’anniversaire célébrerait-on avec du coca ? Les anniversaires nuls. Celui-là n’avait pas intérêt de l’être.

A la suite des deux autres jeunes femmes, les mains chargées du plateau rempli de liquide, Charlie avait regagné la table où les attendaient les mâles assoiffés tout en songeant encore à toutes ces histoires de bébé, de famille, d’enfants, de jumeaux et de grossesse.
Dans le principe, ça restait quelque chose qu’elle aurait aimé pour son futur. Fonder une famille et blablabla. Pour le moment ? Ca la faisait plutôt chier qu’on parle de ça à vrai dire. Ca n’était pas le genre d’idée qu’elle avait envie d’avoir en tête un soir de fête. Ca lui évoquait trop de doute par rapport à son futur, et par rapport à Samuel. Un coup d’œil sur lui suffisait à balayer toute idée de bébé. Elle ne voulait pas que les deux mamans présentes lui créent des envies qu’elle n’allait certainement pas pouvoir assouvir avant très, très longtemps. Ni avec Sam, ni avec personne d’ailleurs. Avant ça, elle devait d’abord apprendre à vivre toute seule. Et vu ses précédentes expériences, ça ne présageait rien de bon.

Bref, une fois de retour à la table, la jolie caissière ne manqua pas de remarquer qu’il y faisait bien calme. Seigneur, mais allaient-ils finir par se dérider un peu où est-ce qu’elle allait devoir mettre un peu d’ecstasy dans leurs verres à la prochaine tournée ?!
Le pire, en réalité, ça n’était pas qu’elle déplorait le manque de réaction des Donnelly. Elle commençait à avoir des doutes sur la capacité à sourire des deux plus vieux. Ce qui l’embêtait c’était surtout qu’elle savait à quel point Aidan tenait à cette soirée.
Il ne lui avait pas expliqué tel quel, mais elle sentait qu’il espérait que cette petite fête en famille les rapproche. Il voulait retrouver ses grands frères, ça n’était pourtant pas si compliqué que ça ! Pourtant aucun n’était très réactif. Même pas Sam qui arborait son air un peu blasé habituel. Du genre « j’suis content d’être là … mais où somme-nous en fait ? ».

Et comme Charlie s’en était douté, il allait maintenant falloir tenter le tout pour le tout, en priant pour que les balais qui pourrissaient à l’intérieur des fesses de cette bande de blondinet disparaissent mystérieusement pour la soirée. Le cadet de la fratrie venait de sonner le coup d’envoi. Et même si Charlie n’avait pas exactement envie de se pavaner maintenant, elle avait juré à Aidan de le soutenir. En tout cas, elle se l’était juré intérieurement, mais le résultat était le même.
Si elle ne rêvait pas encore d’être maman et de pouponner des mini-humains, elle avait pourtant toujours rêvé d’avoir un frère.
La brunette laissa ses lèvres s’étirer en un large sourire et tourna ses yeux noisette vers Aidan tout en distribuant les boissons autour de la table.

« Si MOI je suis prête ? » minauda-t-elle en lui adressant un clin d’œil enflammé.

Bon. Maintenant elle ne pouvait plus reculer, il fallait qu’elle trouve son courage, de l’inspiration et un tout petit peu de motivation. Ca, c’était facile de savoir où la trouver.
Elle agrippa son verre, toujours debout alors que tous les autres s’étaient déjà rassit, et le porta à sa bouche. Elle ne reposa le verre que lorsqu’il fut complètement vidé de son contenu pourtant bien fort. Elle laissa un frisson la traverser et soupira un grand coup pour calmer la brûlure dans sa gorge. Puis d’un bloc, elle se retourna vers Sam pour agripper son menton à pleine main et l’embrasser bruyamment avant de se reculer et de s’éloigner de la table sans se retourner.
Elle retourna vers le bar et fit un petit signe à Déborah. Celle-ci lui sourit faiblement et leva le pouce avant de se diriger vers le fond de la salle, là où se trouvaient la scène, la sono, et leur dernière chance de salut.
La musique d’ambiance se tut et le calme tomba dans la grande salle éclairée de néons colorés. Les conversations mirent quelques instants à s’estomper, et la serveuse aux longs cheveux bruns grimpa sur scène, son air un peu morne gravé sur le visage. Quelques sifflements impatients, quelques rires et des encouragements fusèrent. Apparemment le reste de la salle était plus en fête que les Donnelly. Pas difficile, même sa grand-mère amnésique et sénile était plus en fête qu’eux.

« Salut tout le monde » lança Deborah au micro une fois sous les projecteurs « Le karaoké est maintenant ouvert alors… vous savez ce que ça veut dire. Pour l’instant, je laisse la place à Charlie, qui à un message à faire passer » la jeune barmaid se tourna vers la caissière et lui fit signe de la rejoindre.
Charlie s’exécuta et de nouveaux sifflements enthousiastes se firent entendre, Aidan n’y étant certainement pas pour rien.
« Merci Deb’ »

Elle attendit que la serveuse soit redescendue avant de se placer bien en face du micro. Elle observa un peu la populace à ses pieds et sourit de toutes ses dents, le rouge lui montant déjà aux joues.

« Wouw, généralement j’suis beaucoup plus saoule quand je me retrouve ici » dit-elle dans un rire un peu nerveux.

Quelques exclamations amusées virent confirmer son affirmation. Les clients du Susan’s étaient un peu plus huppés que ceux qu’on trouvait au drugstore de Grayson, cela dit, c’était très souvent les mêmes têtes qui se trouvait au bar et dans les fauteuils, elle connaissait la plus part des clients présent ce soir.

« Bon alors hem… »
« Chante-nous I Love Rock’n’Roll Charlie !! » s’écria un grand type déjà bien imbibé juste devant la scène. Celui-là par exemple, avant assisté à sa dernière cuite en date, avec Colleen, bien sûr.
« La ferme Martin, il est bien trop tôt pour du Joan Jett. File-moi plutôt ta bière » rit Charlie.
Le grand blond la lui apporta dans un sourire chaleureux et elle en bu quelques gorgées avant de reprendre.
« Ca va mieux » blagua-t-elle en se raclant la gorge « OK ! Donc ! Hem… j’vous rassure, j’vais pas chanter tout de suite » elle sourit aux quelques exclamations déçues qui s’élevèrent « C’est mignon, mais n’vous inquiétez pas, je finirai bien par y passer parce que ce soir, c’n’est pas un soir comme les autres. Ce soir c’est l’anniversaire de deux amis à moi ! »
Elle patienta qu’ils aient fini d’hurler, puisqu’ils semblaient vouloir ponctuer chacune de ses phrases.
« Ne te cache pas Allie, fais coucou pour que tout le monde te vois bien » s’amusa Charlie qui commençait à doucement se détendre.
Elle pointa du doigt la jeune black et incita les gens à applaudir. Martin y mettait bien du cœur.
« Et oui Messieurs, elle est jeune, elle est belle comme du caramel mais elle est prise par le grand blond très sérieux juste à côté. Croyez-moi, c’est pas un rigolo. Alors si j’étais toi Martin, je n’applaudirais pas aussi fort parce c’est complètement râpé pour toi étant donné que la demoiselle sera maman de jumelle dans quelques mois. Félicitation Allie, bon anniversaire »

L’ovation fut plus soutenue, ponctué de nouveaux sifflements. Charlie dut donc attendre un peu plus longtemps avant de pouvoir poursuivre.

« Et le second Roi de la soirée n’est autre que son beau-frère. Un big Hurray pour Sam ! Le grand blond juste là-bas… non pas celui-là, l’autre… ils sont quatre alors je vous donne un indice. C’est celui qui se cache sous la table » blagua encore la brunette « Désolée Martin, c’est pas ce soir que tu rentrera accompagné, parce que celui-là aussi il est prit » lança-t-elle en prenant un air coquin et coupable exagéré.

Quelques secondes encore avant que les gens ne laissent le silence reprendre ses droits.

« Bon, je suppose que vous savez à peu près tous ce qui va suivre… et si… si, si. Vous avez bien compris, j’attends votre aide pour le Happy Birthday traditionnel, et j’espère que vous allez tous… j’ai bien dis TOUS… y mettre du cœur. Surtout les principaux concernés » ajouta la jeune femme en braquant ses yeux en amande vers leur table.

Oui, surtout eux. Charlie détourna son regard et le posa sur le plus jeune.

« Aidan ? C’est quand tu veux mon chou »

A première vue, l’idée d’Aidan avait été la bonne, et surtout, avait eu l’effet escompté. Charlie restait tout de même sur ses gardes. Afficher un sourire ne voulait pas forcément dire qu’on avait envie de rire. Pourtant l’ambiance semblait s’être réellement détendue. C’était un vrai soulagement. Allie surtout, avait fait preuve d’une évidente spontanéité de bonne humeur qui avait fait plaisir à la jeune caissière.
Elle lui avait même dit qu’elle sauvait la soirée. Charlie n’avait pas eut le temps de répondre qu’il s’agissait en fait des idées d’Aidan. M’enfin elle était tout de même montée sur scène pour ses beaux yeux, alors elle avait accepté le compliment en songeant qu’elle n’en n’aurait certainement pas beaucoup d’autres. Ca n’était pas non plus comme si c’était ce que Charlie attendait d’eux. Ce qu’elle attendait, c’était surtout la preuve qu’elle était la bienvenue. Son côté un peu paranoïaque venait sans arrêt lui murmurer sournoisement qu’ils la détestaient parce qu’elle venait de Grayson. Surtout que le matin même, elle avait eut une longue discussion avec Colleen qui ne l’avait pas aidé à dépasser ce genre de pensées. Elles avaient tout passé en revue, et maintenant la jeune femme avait du mal à se débarrasser de cette impression suspicieuse.
Sans doute que les Donnelly commençaient à déteindre sur elle !

Cela dit, même si un petit côté d’elle continuait d’être sur ses gardes, le reste suivait l’ambiance générale. La brunette ne dépeignait pas de son sourire et de son sentiment de soulagement. Et même si la blague d’Aahron était d’un mauvais goût bien particulier, ça avait tout de même fait rire Charlie de constater que l’aîné était capable de faire de l’humour. Elle préférait ça à cet air de cow boy taciturne revenu se venger.

Une fois qu’il se fut éloigné, Charlie profita d’un petit moment où elle et Sam étaient à l’écart du reste de la famille pour se tourner vers lui et pousser un gros soupir.

« Et moi j’en connais un ou deux qui auraient tout intérêt à faire extraire un peu du surplus de plomb qu’ils ont dans la tête » commenta-t-elle à mi-voix en toquant de son poing sur son crâne « J’avais oublié jusqu’au son de sa voix » dit-elle en faisant référence à l’aîné de la bande. Elle haussa les sourcils et laissa échapper un bref éclat de rire.
« Désolée pour le cirque, j’ai essayé de faire comprendre à Aidan que tu seras pas forcément fan de la dédicace public au micro, mais… il avait son idée plutôt bien accrochée alors… » elle haussa une épaule « J’ai marché. J’ai bien fait finalement, Allie à vraiment l’air contente. Elle est cool. »

Elle fit mine de se détourner mais se ravisa, mordillant sa lèvre d’un air amusé. Aidan chassait déjà tout le monde pour prendre entière possession de la scène. Une vraie starlette. Difficile à croire qu’il était le frère des trois autres qui adoraient jouer les gros mâles très sérieux. Surtout les deux plus vieux, comme d’habitude.

« Mon chéri, quelque chose me dit que tu n’es pas au bout de tes surprises » minauda-t-elle d’un air coquin à l’adresse du grand blond avant de venir déposer un baiser sur ses lèvres.

Charlie plongea ensuite une main dans la sienne pour l’entrainer vers leur table pratiquement désertée. Bientôt, ils furent tous de retour à leur place, et sur les visages des Donnelly, au lieu de l’ennui et la rigidité, on pouvait désormais lire de la bonne humeur, de la curiosité, quelques regards de connivences, ou un simple air intrigué pour les derniers à se dérider. Ca n’était pas encore le nirvana, mais ils étaient en bon chemin. Aidan avait beau être différent, plus extraverti, il savait cela dit comment faire pour brosser ses frangins dans le sens du poil et leur faire retrouver le sourire. Et le petit show man n’avait pas encore sortit tous les lapins de son chapeau haute forme. La jeune caissière enfonça deux doigts entre ses lèvres pour siffler bruyamment ses encouragements au cadet de la troupe.

Aidan, grand maître de l’improvisation, venait de frapper à nouveau. Franchement ? Il aurait facilement put se lancer dans une carrière d’humoriste et tenir une scène en haleine pendant une heure et demi sans même se froisser un muscle. Le seul muscle qu’il mettait à contribution de toute manière, c’était celui de sa langue. Voilà qu’il vendait son frère aux enchères maintenant.
Au départ, Charlie avait cru à une farce, une boutade avant d’enchainer. Puis le cadet de fratrie avait demandé à Sam de lui amener sa victime de la demi-heure et ce grand dadet l’avait fait sans rechigner. Il s’était levé et avait trainé son aîné jusque sur la scène.
Et si Charlie riait déjà avant cela, la tête d’Aahron l’avait plongé dans l’hilarité complète. Ca, et l’alcool qui commençait à faire son effet. Normal, elle avait commencé la journée en ingurgitant de la tequila à 11 heures du matin en compagnie de Colleen. Maintenant qu’elle en remettait une couche immodérée, elle allait rapidement en sentir les effets.
Quant bien même, elle était là pour ça, alors elle n’y apportait pas grande attention. Celle-ci était plutôt portée sur son petit ami qui revenait vers elle, le visage fendu d’un large sourire qui le rendait terriblement mignon.

Si elle était dans le coup ? Non, absolument pas, c’était bel et bien de l’improvisation de la part d’Aidan. Et de l’improvisation qui sont succès parce que toutes les demoiselles de la salle, même les mieux pensante, sifflaient leur approbation. Il fallait dire qu’ils manquaient cruellement de spécimens comme Aahron dans le coin. Une vie de gros plouque ne vous laissait pas indemne, et même si Aahron était du genre ouvrier bien bâti, il n’en était pas moins un morceau de choix comparés aux types que l’on croisait le plus souvent dans les environs. C’était le cas des quatre frères. C’était surtout le cas de Sam, mais elle lui avait déjà mit le grappin dessus, alors il n’y avait pas d’enchère possible. Si Aidan avait essayé, elle serait elle-même montée sur scène pour le mordre !
Mais Aahron était célibataire, alors pourquoi pas !?

« Quand comprendras-tu que je ne suis qu’une victime, tout comme toi ! L’instrument d’un dictateur d’Opérette ! Aidan est machiavélique » lança-t-elle avec une bonne humeur non feinte au jeune barman.

Elle se releva ensuite de son siège pour venir s’affaler sur les jambes de Sam, tandis que de l’autre côté de la table, Trisha, qu’elle avait presque oublié tant elle était discrète, la questionnait à propos de l’issue de toute cette mise en scène.

« J’en sais rien » rit la caissière sans relever la moindre animosité chez l’avocate « Si ça marche et qu’on nous file de l’argent, ça servira certainement à payer une tournée supplémentaire. M’enfin comme le proxénétisme et l’esclavagisme sont abolis par la constitution, j’pense pas qu’il soit réellement entrain de vendre son frère ! »

Durant quelques instants étranges, elle eut une sorte de doute. Aidan était cinglé, il aurait été capable de vendre son frère ! Mais ça n’était pas possible car Aahron ne se serait pas laissé faire, du coup, ça ne pouvait vraisemblablement pas dégénérer à ce point.

« J’suis étonnée que personne ait encore crié ‘à poile’ » fit remarquer la brunette en oubliant déjà la grande blonde pour reporter toute son attention sur Samuel.
« A POIL ! » hurla alors Martin de sa grosse voix alcoolisée.

Charlie explosa de rire et vint enfuir son visage dans le cou de son petit. Elle remarqua qu’il sentait bon, mais ne jugea pas utile de partager cette idée. Au lieu de cela, elle se redressa un peu et passa ses bras fin autour du cou de Sam. Il avait l’air de s’amuser, et c’était principalement pour ça qu’elle les avait accompagnés ce soir. Pour être certaine qu’il s’amuse. Alors en ce qui la concernait, c’était mission accomplie et le reste n’avait plus vraiment d’importance.