Il s’agissait d’une soirée spéciale ce soir. Seuls les fidèles clients, quasiment des membres à part entière de ce bar en fait, avaient été préalablement invités à l’évènement. Etrangement, Logan n'était pas présent. Non, ce n’était pas la vente aux enchères dont le clampin moyen avait entendu parler. C’était un soir de compétition et pour l’occasion, la disposition des tables avait été revue. Cela semblait désormais presque un rite, une tradition qui s’effectuait de préférence en comité restreint pour éviter de croiser ceux qui étaient en mesure de perturber cette soirée festive.

Une lumière tamisée éclairait le mobilier en bois ancien. Toute la troupe était réunie autour de Buster qui venait d’accomplir un nouvel exploit. Calvin vit cet homme robuste, enquiller la girafe à bière en un temps record. Des cris et des rires assez gras, il faut le dire, retentirent de l’établissement lorsque l’homme au crâne chauve absorba la dernière gorgée de cette boisson.

«Putain Buster, tu l’as fait !»
«Ouais…va…écrire mon…nom….sur le tableau…»

Evidemment, vu son état, il ne pouvait prononcer plus de trois mots. Il devait être rempli de ce liquide de l’œsophage jusqu’à la vessie. Cependant, il avait réussi et comme le voulait la coutume, son nom allait être inscrit sur le tableau des records. C’est le barman lui-même qui lui fit cet honneur en grimpant sur le comptoir, après avoir attrapé la craie qui trainait au bas du tableau. Il y avait différentes compétitions bien sur pour ravir tout le monde. Des épreuves pour ceux qui préféraient la quantité à la rapidité et l’inverse. Et tout cela pour chaque boisson digne de ce nom. Calvin était bel et bien dessus lui aussi, ses initiales ‘CD’ trônant dans la partie ‘Whisky’.

Le barman descendit de son comptoir ensuite et annonça à ses compagnons de beuverie qu’il sortait prendre l’air trente secondes et fumer sa clope. L’air frais fit son effet une fois la porte d’entrée passée mais au vu de la saison, il ne pouvait avoir froid, même en débardeur. Calvin jeta son mégot ensuite et attrapa un chewing-gum dans sa poche qu’il ne tarda pas à malaxer entre ses dents. C’est à cet instant qu’il entendit des bruits de pas et des voix de plus en plus audible. Amusé, il vit la postière emmerdée par deux de ces gamins qui pullulent les rues. Surement des rejetons de Pietzsky. Calvin s’avança un peu pour aller à leur rencontre.

«Hey ! Vous savez qu’un jour vous allez tomber sur le mec que vous n’auriez certainement pas dû rencontrer ? Ce type, c’est moi. Dégagez si vous ne voulez pas savoir ce que ça fait d’avoir la queue coincée dans l’anneau d’ouverture d’une canette de bière !»

Colleen était une assez bonne cliente de l’établissement. En plus de ça, il reconnaissait que cette dernière était une des rares personnes qui avait un soupçon de quelque chose en commun avec lui. C’était toujours ça. Une fois le ménage réalisé, le barman se tourna vers la brune, l’air moqueur et fit volte face pour marcher en direction de son bar.

«Je n’ai pas besoin d’être devin pour m’apercevoir que tu as passé une journée de merde, t’as autant le sourire qu’une vieille sortant du cimetière pensant que ça la fait chier d’y foutre les pieds une fois par an pour mettre des fleurs sur la tombe de son mari ! Je peux me délecter de ton malheur en te proposant un verre ? J’imagine que t’es venue pour ça en fait ? Pas besoin de sortir mes cinq bonnes raisons pour consommer de l’alcool. Easy…»

Calvin réalisa à peine qu’il venait de prendre la défense de Colleen. Ce genre d’acte altruiste ne s’était pas produit depuis…des lustres. Et pourtant, elle ne le remercia pas autant. Elle aurait voulu se débarrasser de ces gamins elle-même. Il devait avouer que c’était assez courageux de sa part. Peu de personnes l’auraient fait.

«Tu veux savoir ce que je crois ? T’es une hippie incapable de botter le cul d’un gamin de quatre ans et que c’est plus souvent le tien qui passe à la caisse comme ce soir, cul rouge… D’ailleurs, c’est étonnant parce que c’est ma spécialité et je n’y suis pour rien dans tout ce qui t’es arrivé…»

Dans le cas présent, il parlait, avec toujours autant de poésie, au sens figuré et au sens propre d’une certaine manière. Apparemment, la brune se tenait au courant de l’actualité du village. Elle savait, avant même de passer la porte de l’établissement, qu’une soirée beuverie était organisée. D’ailleurs, elle voulait en profiter elle aussi et tester ses limites. Le barman n’y voyait pas d’inconvénient étant donné qu’il pouvait la tolérer, elle. Et puis, ce n’était pas son genre de refuser à quelqu’un de se mettre minable, lui qui passe son temps à pourrir le quotidien de bon nombre de personnes.

«Rien de spécial hormis Buster qui vient de liquider une girafe entière en un temps record. Et non, je ne suis pas encore bourré mais je vais entrer en scène dans quelques minutes je pense…»

Calvin fit le tour de son comptoir et récupéra une bouteille qu’il posa vigoureusement sur la surface boisée. Il sortit un verre propre dans la foulée qu’il posa juste à côté de la tequila. Après tout, il savait qu’il l’aurait resservie jusqu’à ce qu’elle la vide entièrement.

«Bois !...D’habitude je refuse mais vu que t’as des histoires récentes à raconter et que c’est une soirée spéciale…je te l’accorde. Mais, tu n’as pas intérêt à crever demain sans m’avoir remboursé. Quoique, je me débrouillerai pour revendre tout ce que tu planques en came chez toi…Bref, vas-y je t’écoute…Autant que j’entende ça tant que je tiens sur mes cannes !»

Le barman fit sonner la cloche dans le même temps, donnant le top départ pour un nouveau candidat qui lui s’attaquait au mètre de whisky, à une dizaine de mètres du comptoir. Il savait que son tour allait venir bientôt, vu l’heure tardive. Cependant, Calvin n’allait pas côtoyer ses limites comme d’autres. Il comptait juste se prendre deux bonnes claques en ingurgitant son breuvage favori. Il se concentra de nouveau sur la brune ensuite. Quel gâchis, elle avait quasiment tout pour elle au premier coup d’œil..

Les informations circulaient à une vitesse hallucinante et cela même dans les petits villages paumés comme Grayson. Ce n’était pas vraiment étonnant vu la manière dont Colleen balançait sa petite histoire. Le bar semblait vraiment un endroit stratégique. Il suffisait de recouper les informations entre les propos de chacun et le barman parvenait à être au courant de quasiment tout ce qui pouvait se passer dans les parages.

La postière amusait Calvin malgré son histoire pathétique. Elle avait le mérite d’être plus naturelle que de nombreuses personnes dans cette ville et se laissait aller à ses vices. Il suffisait de voir ce qu’elle tenait dans chacune de ses mains. Cependant, un petit rictus s’immisça sur le visage du gérant du bar lorsqu’il la vit sortir sa came dans son bar. Il retint un grognement et se laissa aller, beaucoup plus captivé par la discussion…

«Hm, c’est vrai que l’on s’acharne contre toi en ce moment….je suis au courant pour le journal. Mais, ça c’est parce que la hippie est une cible facile…Vu que Miss balai dans le cul est censée être la pire vipère du coin, et que je suis considéré comme le pire connard du comté, ce que je prends comme un compliment ironiquement parce qu’ils avouent ainsi que je suis le meilleur, je trouve le défi intéressant…Il faut la remettre à sa place. Laisse-moi te guider…il n’y a rien de mieux qu’une petite discussion en public à un moment inattendu…comme quand elle t’a pris sur le fait…»

Etant un conflictuel du matin au soir, c’était la seule solution envisageable pour Calvin et bien entendu celle qu’il préférait, celle qui le transcendait, qui le faisait vivre maintenant !

«On a tous un pouvoir, une qualité. Je suis une bombe toujours prête à exploser...Utilise moi. On est du même bord tous les deux. On est des indésirables..la seule chose qu’on puisse faire, c’est du bruit !»

Le gérant du bar, s’avança à son tour et se retrouva nez à nez face à la brune. Ses yeux scrutèrent intensément les siens quelques instants sans afficher le moindre sourire ou un moindre côté chaleureux...Et pourtant.

«Hm, tu serais une pute si on passait la porte de l’arrière boutique là-bas en catimini…Tu cacherais dans ton soutien gorge une petite fiche des tarifs détaillant les trois ou quatre services standards et tu passerais ton temps à surveiller le chrono et à penser à autre chose…en vingt minute voire une demie heure, ce serait terminé….Mais ce n’est pas le cas…Je sais très bien que si on passe cette porte…là, maintenant à 23h48…on s’adonnerait avec plaisir aux pratiques les plus controversées pendant des heures… on renverserait du mobilier…on se ferait mal jusqu’à en souffrir des reins, du dos, des genoux le lendemain mais j’aurais peut être meilleur teint au final comme tu dis...tu n’aurais même pas besoin de gémir pour faire bander un mort…Tu es juste plus bonne qu’elle…Et ça, elle ne pourra jamais te l’enlever…»

Son index vint caresser ensuite le menton de Colleen, l’espace d’une fraction de seconde. Cette tirade avait pour but de la rassurer même si le visage du gérant semblait indéchiffrable et sa voix toujours aussi graveleuse. Puis, il la laissa réfléchir et se détourna d’elle, tapotant brutalement le comptoir pour se diriger vers les différents verres qui l’attendaient sur la table principale. Calvin se jeta dessus sans même réfléchir et les enquilla aussi vite qu’il put. Cependant, il ne parvint pas à battre son record et, après quelques rires et des râles de déception, le tenant de l’établissement revint auprès de Colleen d’un pas assuré mais en écarquillant un peu les yeux, comme si il venait effectivement de se prendre deux claques divines. Mais, qu’est ce que c’était bon…

Le barman se sentait encore plus libéré, si cela était possible, après avoir consommé autant de verres en si peu de temps. Ses synapses fonctionnaient à plein régime et utilisaient le maximum de leur potentiel. Bien sur, ça n’allait pas être la même situation le lendemain matin ou même simplement dans quelques heures, une fois l’excitation passée. Loser ? C’était rare de voir quelqu’un qui ait l’affront de l’insulter ainsi mais il le tolérait venant d'elle. Il se contenta de hausser des sourcils remarquant bien évidemment avec un sourire moqueur qu’elle devenait de plus en plus saoule.

«Ce n’est pas parce que j’ai une vue panoramique imprenable sur tes nibards que je vais t’offrir une réduction sur la bouteille…bien essayé quand même…»

Plus la discussion avançait, plus Calvin ne faisait pas attention au temps qui filait à une vitesse incroyable. Finissant de laver et ranger les verres que lui apportaient ses compagnons de beuverie qui décidaient les uns après les autres de rentrer chez eux tant qu’ils le pouvaient, il réalisa enfin à quel point il était tard. Et Colleen était toujours là à déblatérer sa déprimante histoire, tentant même de comparer ses histoires de débauche avec celles de Calvin. Le comble arriva lorsqu’elle demanda si elle pouvait fumer dans son antre. Vomito ? Elle le prenait pour qui ? Lui qui avait ses initiales inscrites blanc sur noir sur le tableau trônant majestueusement sur le mur du bar.

«Tu devrais plutôt imaginer ce qu’un connard fini et aigri comme moi ferait dans une pareille situation…profiter d’une nana bourrée ?...Non !…La renvoyer à la porte de l’établissement totalement ivre d'un coup de pied au cul et l’attacher ensuite à un panneau de signalisation tout en s’en foutant royalement si elle se fait violer par un loup garou traînant dans les forêts autour de Grayson…Ouais !...»

Il fit une pause dans son discours et entreprit de faire le tour du comptoir. Calvin se doutait que ça n’allait pas suffire à l’intimider plus que ça, d’autant plus vu l’état pathétique dans lequel elle se trouvait actuellement. Et merde…

«J’en ai rien à foutre de Grifith. Ce n’est pas sa maison ici. Mais…j’accepte la proposition… Par contre t’arrête de boire maintenant. T’es totalement raide et pathétique !»

Un moment hésitant, il finit par répondre sur un ton autoritaire. Calvin chopa le pétard et l’alluma aussitôt tout en pensant à la dernière fois qu’il avait fumé un truc pareil. Ce n’était pas trop son trip à vrai dire mais il n’avait rien contre ça quand ça se présentait de temps en temps comme une offrande. Et puis, cela allait peut être motiver Colleen à se tirer d’ici avant qu’elle ne finisse sur la table de la remise…à dormir bien entendu.

«Pas mal…» avoua t’il presque à contre cœur.

Il tendit ensuite l’objet des convoitises à la brune, résigné à la voir rester ici ce soir.

Effectivement, Calvin n’allait pas y couper. Colleen était trop raide pour rentrer chez elle. Il s’en rendit compte à sa démarche saccadée lorsque celle-ci s’était dirigée vers une table de billard. Au moins, il pouvait se satisfaire du fait qu’elle avait lâché la tequila. De toute manière, elle n’avait pas trop le choix. la bouteille était vide et il n’allait pas lui en proposer une seconde…

Le barman expira bruyamment et se rendit à son tour au fond de la salle, après avoir entendu la brune geindre à nouveau. Rien de plus ennuyeux à vrai dire surtout quand le sujet a déjà été traité. Avec son tact habituel, le barman le lui fit remarquer.

«Tu te soigne à coup de joints et d’alcool ? Tu plonge ouais ! Tu te réfugies derrière tout ça pour oublier temporairement à quel point tu penses que ta vie est dans un état merdique…Seulement ni la boisson, ni ton herbe ne rendra ta vie meilleure…disons que ça sert à passer le temps…»

Cela pouvait paraître bizarre d’entendre le barman prononcer ces mots là. Mais, lui, vivait sa vie à fond sans le moindre regret, enfin depuis qu’il s’était installé à Grayson à vrai dire. Il aurait pu vivre une toute autre vie si…le destin n’avait pas ruiné son mariage. Le barman revint au moment présent lorsqu’elle mentionna les records qui figuraient sur le tableau. Un petit sourire malicieux aux lèvres, il lui avoua tout de même un brin honnêtement.

«J’espère qu’un jour tu y arriveras toi aussi.»

Quelques instants plus tard, elle lui annonça qu’elle comptait squatter sa table de billard pour pioncer cette nuit. Etonnant n’est ce pas ? ..Non pas vraiment. Calvin finit par en sourire, un peu aidé par la fatigue et les effets de l'alcool. A vrai dire, cela ne lui posait pas plus de problèmes que ça même si il avait ses petites habitudes de solitaire en fait.

«Ce soir, tu es au moins la reine de la table de billard alors…Enfin, une reine sans soutien gorge, c’est pas très class..Bref, j’avais prévu de rentrer chez moi mais vu l’heure, je crois que je vais me pieuter dans la remise…génial…» répondit il avec son côté sarcastique habituel…

Calvin se mordit la lèvre inférieure lorsqu’il vit le joint dégrader le fin et délicat tapis du billard. Il s’approcha de la table pour constater les dégâts de plus près. Même si il la connaissait depuis un moment et qu’elle faisait partie des personnes qu’il parvenait à supporter à Grayson, le gérant du bar ne parvenait pas vraiment à contenir son agacement. D’autant plus lorsqu’elle insista de nouveau sur ses histoires de cul.

Un brin décontenancé, il haussa des sourcils avec ce même sourire étrange qui témoignait de son agacement lorsqu’il la vit commencer à fondre en larmes. Bordel, pourquoi ça ? Pourquoi maintenant ? Calvin s’apprêtait à faire péter une nouvelle bombe alors que le silence de fin de soirée, presque blasant, régnait ici depuis un moment.

«Pourquoi voir le bien partout ? pourquoi s’emmerder à maintenir les apparences ? Ok, je vais m’immiscer deux secondes dans tes soucis. Logan n’a qu’à tirer la tronche, ce n’est pas demain qu’il parviendra, avec son courage légendaire, à culbuter sainte Kathleen ! Alors te fais pas trop de souci pour lui, il reviendra…Grifith ? Il est aussi modelable qu’un putain de chewing gum à la chlorophylle, il ne sentirait rien si on lui enfonçait son badge à cinq branches là où je pense ! Il sent le soumis à plein nez ! C’est pas vraiment un problème non plus !»

Le tenant du bar s’avança ensuite vers Colleen, continuant de mettre en pièces tout ce qui lui venait à l’esprit. Il ne faisait plus la différence entre ses relations plutôt amicales et ceux qu’il détestait parfaitement. Non, tout ce qu’il voulait, comme à son habitude, c’était dire les choses comme elles étaient.

«Je suis un connard pour les trois quarts…les quatre quarts de Grayson. Et alors ? Tout le monde sait exactement ce que je pense…moi je me considère juste comme un type honnête ! réel ! , qui ne se cache pas derrière un masque comme tous ces conformistes de merde ! Et ce n’est pas de ma faute si je tape là où ça fait mal…ils me traitent d’aigri mais je dis juste la vérité ! je dis juste des faits ! c’est ça qui m’importe et ce qu’on ne peut pas m’enlever !»

Calvin s’impliquait totalement dans son discours. Cela se sentait que cette force venait du fond de son être. Il posa ses mains sur les épaules de Colleen, comme pour lui signifier qu’il était de son côté tout en la regardant dans les yeux. Enfin, le gérant pensait que ça se passait comme ça. C’est pas trop son rayon de remonter le moral aux gens…

«Ah oui j’oubliais Kathleen…Je vais la détendre cette fourbe de mes deux. Il suffit juste que quelqu’un lui desserre son petit cul et crois-moi, une fois que je m’en serai occupé et que j’aurai balancé mes bombes, il y aura une belle fissure entre les deux plaques tectoniques qui lui servent de fesses ! …Maintenant, reste ici l’hippie, ne leur fais pas le plaisir de t’afficher inutilement. Je te laisse le fauteuil de la remise. De toute façon, j’avais prévu de rester ici ce soir alors que tu restes ou tu partes, je ne changerai pas d’avis.»

Un lit ? Et quoi encore d’autre ? pourquoi pas une baignoire ? Il s’agissait de son bar, pas de sa baraque ou de son appartement. La hippie avait des goûts de luxe pour une nana qui prétextait qu'elle pouvait dormir n’importe où dans un état pareil. Le tenancier du bar se contenta d’oublier ce qu’elle venait de dire, se concentrant sur la suite.

«Je vais me démerder, il doit y avoir une ou deux couvertures sur lesquelles je peux me poser…»

Soudain, il aperçut comme un sursaut d’orgueil dans les yeux de Colleen. Ses propos confirmèrent ensuite cette impression. Un sourire s’étira sur le visage du barman qui était enfin parvenu à ses fins.

«C’est ça que je veux t’entendre dire !»

Bien sur, il lui restait encore à mettre en application ses nouvelles résolutions ce qui allait probablement être plus compliqué encore. Avec une certaine satisfaction, Calvin se dirigea en direction de la porte de l’établissement et la ferma à clef. Dans la foulée, il fit de même avec les stores. En quelques secondes, le bar du drugstore se retrouva plongé dans l’obscurité. Le barman s’élança ensuite vers la remise et retrouva Colleen qui n’avait pas fini de jacter encore…

Cependant, le tenancier du bar fronça tout de même des sourcils devant cette situation pour le moins inédite avec Colleen. Elle lui demandait de lui ôter sa robe, dans l’obscurité, alors qu’ils s’apprêtaient à se coucher tout en ayant consommé comme il se doit ?

«Attends…j’arrive.»

Calvin parvint à la retrouver dans le noir et l’aida à ôter sa robe, tout de même un brin absorbé par les quelques formes qu’il parvenait à distinguer grâce à la lumière générée par l’astre lunaire. Cette vue parvint tout de même à titiller son désir mais était ce vraiment raisonnable ? Il la connaissait bien, peut être un peu trop bien pour profiter d’elle…Calvin la guida ensuite, en posant ses mains sur ses épaules avant de l’installer sur le fauteuil. Elle était vraiment bien bourrée vu sa démarche hésitante…

Une fois cela fait, Calvin ôta son tee shirt et le déposa sur l’armoire avant de s’installer par terre sur les couvertures qu’il venait d’installer. Il n’était pas si mal à vrai dire. Il lui manquait juste un coussin en fait pour être parfaitement à l’aise.

«Si tu as envie de vomir, c’est la première porte à droite en sortant…»

Le barman ouvrit de nouveau les paupières après les avoir closes une dizaine de secondes plus tôt. Colleen prononça son prénom ce qui était de mauvaise augure. Calvin n’allait donc pas bénéficier des bienfaits de la nuit tout de suite. Il fit tout d’abord semblant de ne pas avoir entendu et resta tout bonnement sur place. Ses paupières se refermèrent sur elles mêmes quelques instants plus tard.

«A quoi je pense ? Que je devrais te bâillonner avec le premier truc qui me vient sous la main…»

Même à moitié dans les vapes, le tenant du bar disposait d’une franchise à toute épreuve. Il espérait au fond de lui que les râles de la postière allaient cesser. En grande partie, grâce à la fatigue de la journée et de la beuverie de ce soir.
Soudain, il l’entendit se lever du fauteuil. Ce n’était pas bien difficile vu le boucan que faisait ce fauteuil lorsque quelqu’un frottait ses fesses dessus. Cependant, il pensait que la miss avait en tête l’idée d’aller vomir ou de se chercher un verre comme une grande.

Non, il eut la surprise de la voir débarquer à ses côtés, à même le sol, et de sentir sa peau, et la chaleur qui en émanait, contre la sienne. Ses paupières se rouvrirent brusquement, sous le coup de la surprise. Ses sens s’aiguisèrent tout à coup. Calvin se tourna vers elle, sa main se perdant sur la hanche puis dans le creux des reins de la brune. L’envie se faisait incontestablement sentir sur le coup et cette fois-ci il ne put se réfréner. Il rapprocha son visage du sien, à proximité immédiate.

«Du bon sens, moi…hm, il doit m’en rester encore assez pour m’occuper de tes fesses… »

Calvin l’embrassa l’instant d’après sans se poser davantage de questions. Ses mains circulèrent le long de ses hanches ainsi que dans le bas de son dos. Il tenta de se défaire de l’étreinte de la ceinture de son jean ensuite mais il ne put l’enlever qu’en s’extirpant de l’étreinte de Colleen pendant quelques secondes.

Une fois cela fait, il se plaça à genoux et attrapa les cuisses de Colleen pour la ramener jusqu’à lui en la faisant glisser sur la couverture, comme un vulgaire sac de pommes de terre à vrai dire. Désormais, il se trouvait au dessus d’elle et repartait à l’assaut de ses lèvres, ses mains se faisant un peu plus baladeuses au passage, après avoir entrepris de lui ôter ce qu’il lui restait sur le corps.

Des fois, Calvin pouvait reconnaître que son job de barman avait certains avantages. Une fille un peu éméchée (ou totalement), de la musique, des belles paroles et l’affaire était terminée. Cependant, il ne s’attendait certainement pas à ce que Colleen se retrouve enlisée dans les mailles de son filet. D’ailleurs, ce n’était pas lui qui avait provoqué cette situation directement.

Elle voulait du réconfort mais le tenancier du bar n’était pas à même de lui offrir ce qu’elle désirait. Il ressentait plutôt l’envie de se faire plaisir. Cela ne pouvait pas être bien difficile avec une nana dépressive à l’esprit facilement malléable. Calvin était en quelques sortes un ami mais demeurait un gars assez opportuniste et égoïste. Il n’était pas son petit ami.

Le barman fit accroître l’intensité de ses coups de rein avec grand plaisir. Colleen ne lui faisait pas seulement plaisir d’un point de vue charnel. Il se tapait une jeune femme, à la silhouette pour le moins désirable, bien plus jeune que lui. Son égo ne pouvait que se satisfaire de cette conquête. Que ce soit bien ou mal n’avait aucune importance à ses yeux, comme toujours.

Le barman la ramena progressivement vers lui en la faisant basculer, pour toucher, embrasser, mordiller la poitrine de la brune, que ses yeux discernaient sans la moindre difficulté depuis le début de la soirée. Il appréciait bien plus le corps et les capacités athlétiques de Colleen que son aptitude à geindre inutilement sur son sort.
Colleen prononça son prénom tout à coup. Croyant qu’elle avait quelque chose à placer dans un tel moment, Calvin se montra une nouvelle fois sous son vrai visage. Odieux ?

«Ferme là, tu m’ennuies!»

Une fois cela dit, le type, surement le plus détesté de la ville, se recula légèrement et laissa Colleen retomber brutalement sur la couverture, pas bien épaisse, qui couvrait le plancher. De toute façon, vu comme elle semblait torchée, elle devait à peine avoir senti le choc. Calvin s’aida des cuisses de la jeune femme pour la faire pivoter sur le côté et la placer sur le ventre.

Un petit sourire malsain se dessina alors sur son visage lorsqu’il se délecta cette vue imprenable sur le dos, les hanches et le postérieur de son amante. Ses mains vinrent se poser fermement sur les hanches de Colleen, qu’il ramena à sa hauteur, avant qu’il ne fasse recommencer ce balet de va-et-vient incessant. Il sentit son rythme cardiaque accélérer tandis que ses sens s’aiguisaient, un brin aidé par l’alcool.

Rien ne pouvait le perturber à cet instant. Surtout pas les gémissements de la postière. Il pensa même sur le coup que ça ne lui servait à rien de pousser des cris aussi forts. Il n’y avait pas de voisin à distraire ou à emmerder. Tout dépend de sa perception des choses. Mais, si une habitation s’était trouvée à côté du bar, Calvin aurait à coup sûr préféré la seconde option. Il s’inclina ensuite sur elle pour être plus proche d’elle et sentir sa chaleur et son corps contre le sien tout en faisant en sorte de ne pas l’écraser. Sa main vint prendre appui sur la chevelure de Colleen, toujours sans délicatesse, pour qu’elle incline sa tête sur le côté et lui offre sa nuque. Maintenant son emprise générale, ses lèvres arpentaient la nuque de la postière…

Fumer un joint libérait à coup sûr les synapses. Cependant, Calvin n’avait pas vraiment besoin de ça pour dépasser les limites du raisonnable. La consommation excessive d’alcool devait surement avoir un lien avec cet état d’esprit toujours échaudé. Un soupçon de discernement était tout de même passé à travers les deux hémisphères de son cerveau mais l’idée décente n’avait pas survécu au beau milieu de l’enfer qui régnait dans sa caboche. Chassez le naturel, il revient au galop…

Calvin avait su profiter de l’occasion comme un parfait opportuniste pour se faire plaisir. Manque de pot pour Colleen, il ne pensait pas à ce qu’elle pouvait bien penser, vouloir, désirer…Bref, tous les trucs chiants auxquels les gens devaient penser quand ils s’étalaient sur le plumard. Dés qu’il avait posé la main sur elle, la seule idée qui lui était venue à l’esprit était de la baiser. Il n’était pas différent des autres mecs…sauf qu’il s’affranchissait des passages emmerdants. D’un certain point de vue, il était le type le plus honnête encore une fois. Elle n’avait qu’à pas se jeter dans la gueule du loup et le pousser au vice. Même si il l’appréciait plus que la plupart des habitants de Grayson, il était évident qu’il ne fallait pas lui accorder une confiance totale tellement il était imprévisible, égoïste et tout ce qui allait avec.

Le barman se déporta sur le côté et reprit progressivement son souffle. Dans l’obscurité, il apercevait à peine, dans le même temps, Colleen qui tentait de se relever. Elle semblait tellement raide que Calvin pensa sur le coup qu’elle devait planer sur une autre planète et qu’elle devait penser qu'un train venait de lui passer dessus. Quelques instants plus tard, il se rapprocha d’elle, lentement cette fois, tout en douceur. Ses lèvres vinrent se poser sur sa nuque tandis que sa main parcourait la cuisse puis la hanche droite de Colleen avec un soupçon de délicatesse venu de nulle part. Il resta dans la même position un petit moment tout en incitant Colleen à s’allonger de nouveau sur la couverture. Après tout, ce ne pouvait pas être bien difficile de tenter une nymphomane à remettre ça même si elle semblait ailleurs.

L’alcool semblait avoir fait effet sur les deux individus. Calvin était davantage…Calvin tandis que Colleen semblait être devenue une loque à moitié consciente. En reculant légèrement, son pied toucha une surface caractéristique qu’il connaissait assurément. Il s’agissait d’un pack de bières. Son regard malicieux se dirigea instantanément derrière lui-même si il ne pouvait discerner l’objet dans l’obscurité. Puis, Calvin vint en saisir une et l’ouvrit, assis à côté de Colleen. Il but une gorgée d’un de ses breuvages préférés pour s’hydrater le gosier après cette partie de jambes en l’air. Le barman scruta ensuite le visage de Colleen avant d’incliner son menton vers le bas à l’aide de son pouce. Prêt à s’amuser de nouveau, il plaça la bière une trentaine de centimètres au dessus de la brune. Puis, il osa verser le contenu progressivement. Son sourire goguenard revint sur son visage lorsqu’il aperçut Colleen grimacer.

Bien sur, il ne comptait pas l’étouffer ainsi et s’arrêta lorsque la brune avait atteint son quota. Calvin versa le reste de la bière sur le buste de sa conquête de la nuit. Aussitôt, il l’attira vers lui et se plaça de nouveau entre ses jambes pour parcourir sa poitrine, son corps aux formes délicieuses, et récupérer le contenu perdu à l’aide de ses lèvres…

Calvin se laissait tomber sur le dos lorsque la postière eut la motivation ou la force de le repousser. Le barman fit passer sa main dans ses cheveux, tranquillement installé sur le sol, tandis que Colleen semblait être en train de chercher ses fringues. Hm, la nuit allait être plutôt bonne maintenant.

Le barman semblait à son aise, malgré les réprimandes de son amante de la soirée. Qu’est ce que ça pouvait bien lui foutre ses sautes d’humeur soudaines ? Il savait très bien qu’avec elle, il fallait naviguer sans cesse entre le chaud et le froid. Enfin, une nana sexy et pas très bien câblée dans sa tête...ça avait ses désavantages comme ses avantages.Finalement il décida de se relever et de s’assoir en tailleur.

«On n’est pas tous comme toi Colleen. Tu veux un scoop ? Une nana qui parle pendant que je suis en train de baiser…ça…ça…mais ça m’emmerde !...Une nana qui passe son temps à se plaindre…hum attends, j’ai oublié ce que je voulais dire…ah oui, ça m’emmerde aussi ! »

Un petit rictus de dédain s’afficha par moment sur son visage. Le barman se releva ensuite à son tour tout en levant les yeux au plafond lorsqu’elle commença à critiquer ses goûts, ses agissements. Ca lui rappelait bon nombre de personnes à Grayson qui le jugeaient en permanence...

«Et gnagnagna, tantôt je joue ‘superbiatch de Grayson’, tantôt je me la joue BCBG, je suis schizo’ dans ma tête et je le vaux bien…je m’appelle Colleen Jefferson…Mais, tu te crois vraiment bien placée pour critiquer mes idées ? Il y a un putain de texte de loi qui dit que je dois obligatoirement faire ça avec du spiritueux hors de prix ? Si tu veux du spaguetto raffiné avec qui sait un peu de carbonara pression, va à Gower et arrête de me les briser!»

Calvin haussa des sourcils lorsqu’il vit Colleen l’embrasser maintenant. Décidément, elle avait un grain. Ou peut être qu’elle était simplement maso’. Bref, cela l’importait peu au final. Il se laissa faire sous le coup de la surprise puisque cela se révélait assez agréable. Cela, ne l’empêcha pas d’en rajouter une couche après cette brève embrassade. Il ouvrit la porte de derrière et prit la parole une dernière fois avec ce sourire sournois caractéristique au bord des lèvres.

"Hm, c'est bizarre, je pensais à la base que tu allais plutôt te plaindre du fait que je sais pas...tu aurais eu l'impression d'avoir été utilisée comme une planche à pain mais même pas !...Ca a été le cas au passage mais…Tu sais c'est quoi la vérité ? T'as davantage pris ton pied pendant ces quinze dernières minutes par rapport aux six mois précédents..parce que je suis tout simplement le meilleur dans ce patelin de culs-serrés..allez tu peux partir c’est quand tu veux. Ah et au fait..mon spaguetto a apprécié et te dit en point final….‘you’re welcome’."

Son sourire se dessina davantage autour de ses joues, scrutant Colleen dans les yeux avant de refermer la porte et de la verrouiller afin de pouvoir passer une bonne nuit. Ensuite, Le tenancier du bar repartit s’allonger, toujours un brin souriant. Le serpent avait mordu et pouvait enfin se reposer. Et à vrai dire, il se foutait bien de ce que Colleen pouvait faire ou penser maintenant…