Il avait de l’humour ce petit. Nulle part, voilà où ils en étaient, et une petite intuition sournoise venait murmurer à l’oreille de Dakota que c’est aussi là qu’ils resteraient, et ce, tout au long de cette inutile journée.
C’est donc sur un ton blasé, l’œil un peu torve, que l’inspectrice répliqua à la question du jeune homme :

« Vous voulez vraiment savoir Adjoint ? » elle se racla la gorge, son point au niveau de la bouche, puis dégagea quelques boucles brunes qui s’échappaient de sa queue de cheval en un mouvement de tête légèrement théâtral (pour rester dans le ton de cette matinée…) « Résumés des épisodes précédents : Declan a eut la merveilleuse idée de convoquer Madame Redd, sa très chère sœur, afin de lui poser des questions sur son garagiste de mari bien que les raisons de sa présence reste obscures à mes yeux. Elle l’a mal prit, s’est montrée insultante, à giflé son frère, ensuite elle s’est levée et elle s’est tirée. Fin »

Elle se désintéressa complètement de Grifith et se tourna vers le shérif à l’air contrarié. Se rasseyant, elle prit soin d’emprunter un ton plus calme, dans l’espoir de ne pas envenimer les choses.

« Spelling… je vous signal que pratiquement toute la famille Redd va défiler sur cette chaise aujourd’hui. Si vous êtes incapable de conserver votre calme et votre professionnalisme, je m’occuperai des interrogatoires toute seule »

Elle comprenait cela dit que l’homme ait mal réagit. Il s’agissait de sa sœur, d’accord, et il s’agissait de sa femme, ok. Elle aussi aurait mal réagit si on était venu lui parler de sa famille, mais cela faisait partie des risques du métier, Declan le savait, et il était hors de question que la vie privée du shérif n’entrave leur enquête.

Trois minutes ? Trois heures ouais ! Non mieux, elle lui donnait tout le temps qu’il voulait s’il employait ce temps à aller se pendre quelque part ! Ce gros bouseux la traitait comme une moins que rien. Jamais l’un de ses collègues ne lui avait encore dit de ferme sa gueule. Jamais. Généralement, c’était l’inverse, c’était l’interrogé qui l’envoyait se faire foutre ! C’était vraiment le monde à l’envers dans cet endroit.
D’accord, parler de sa femme décédée, c’était un vrai coup bas, mais Dakota avait surtout un peu peur que Declan ne perde complètement son sang froid. S’il en venait aux mains avec Nathaniel, elle aurait enfin une bonne raison pour les descendre tous les deux…

L’inspectrice sortit de ses pensées ‘défoulantes’ pour entendre son collègue s’attaquer a d’autres victimes quelque part de l’autre côté de la porte de la salle d’interrogatoire qui était restée entrouverte. Elle roula des yeux, adressa un regard lourd de sens à l’adjoint, puis quitta sa chaise pour aller voir ce qui se passait.

Après l’intervention de la petite Kathleen, Dakota hocha la tête et fit signe au docteur d’entrer dans la salle où les attendaient Grifith.

« Merci Kathleen » lança distraitement Dakota avant de refermer derrière elle sans plus un regard pour la réceptionniste.

« Désolée pour l’accueil Docteur. Il fait chaud, les esprits s’échauffent vite » lança-t-elle d’un ton sec mais courtois, tendant la main au vétérinaire pour le saluer.
« J’vous en prie, asseyez-vous. J’vais vous éviter les formules d’usage, ça n’a pas fonctionné si bien que ça avec votre belle-sœur. Se faire convoquer une seconde fois l’a mit de mauvaise humeur. J’espère que ce n’est pas votre cas Docteur Redd ? »

C’était lancé sur un ton un peu badin, mais la question était sérieuse. Elle ne voulait pas d’un nouveau mariole qui pique une crise. Un peu dignité que diable…

Bon, et bien voilà qui était tout à fait reposant ! Pas de hurlements, pas d’indignation mal placée, pas de pique lancé à la première occasion, peut-être que finalement, cet endroit allait finir par ne plus ressembler à un zoo !
De toute manière, s’il y avait bien un Redd qui en valait la peine ici, c’était celui qu’elle avait devant elle. Clyde aurait même pu être séduisant s’il n’avait pas la fâcheuse manie de suer l’angoisse en permanence comme c’était le cas pour le moment. M’enfin pour une fois, il y avait de quoi, se retrouver sur ce qui semblait être le banc des accusés n’était agréable pour personne, surtout lorsqu’on trainait derrière soit la piètre réputation de toute une famille tel un boulet à son pied.

Mais de toutes ces pensées, Dakota ne laissa rien entrevoir, elle acquiesça à la remarque de son jeune collègue et enchaina sur le ton monocorde de l’inspectrice en plein travail qu’elle était.

« Bien » lança-t-elle en esquissant un vague rictus poli « J’ai ici votre première déposition datée du 05 juillet, vous approuvez ? » questionna la policière en sortant une feuille unique de son dossier pour la montrer au Docteur.

Celui-ci se pencha et approuva en effet d’un signe de tête, elle reprit ensuite la parole, ses yeux chocolat parcourant le texte :

« ‘Il me semble avoir servi assez de personnes pour qu'elles le confirment, comme William Ferguson qui a discuter avec Lucy en début de soirée; Je crois me souvenir qu'il était avec l'un des frères Donnelly et Nathaniel’ » lu-t-elle à haute voix avant de se racler la gorge « ce son vos mots. Comprenez-moi bien Clyde… » reprit Dakota sur un ton moins mécanique « Je ne suis pas venue ici pour me vautrer dans la facilité et pointer du doigt le premier Redd un peu plus louche que d’habitude. Mon travail est simple : Un incendie criminel à failli couter la vie à un adolescent, c’est très grave, et mon travail est de retrouver le coupable, point. Maintenant, la logique et l’expérience prouvent qu’à tout crime, il y a un mobile. Si l’on trouve le mobile, on trouve le coupable. Le passage que je vous ai lu comporte trois noms : Ferguson, Donnelly et Redd. Ce sont trois noms importants dans le village. Et ce sont vos propres mots, maintenant j’aimerai que vous développiez un peu, et que vous m’expliquiez quel est le problème entre ces trois famille car je sais qu’il y en a un, et mon intuition me pousse à fouiller de ce côté-là. Alors je vous écoute… »

Elle se calla dans le fond de son siège, son regard franc braqué sur le médecin, et attendit.

L’inspectrice resta immobile quelques instants, ses yeux toujours figés sur le médecin. Passé ce court laps de temps, elle laissa échapper une sorte d’exclamation mêlé d’un soupir qui se trouvait entre l’amusement et l’étonnement.
Clyde avait parlé, elle avait entendu les mots, elle avait vu ses lèvres bouger, elle avait tout comprit de ce qu’il venait de raconter, mais elle avait beau chercher, elle ne trouvait pas vraiment de réponse à la question qu’elle avait posée. S’il commençait par essayer de noyer le poisson, ils allaient en avoir pour un moment…

« Hum… » elle jeta un bref regard à l’adjoint avant de poursuivre « Je ne sais pas si on s’est bien comprit Clyde. Mais je ne vais pas me montrer bornée, et on va procéder par étape »

Elle prit une pause et fit cliqueter son bic une fois de plus, le temps de réfléchir à comment tourner ses prochaines questions. Et puis le temps de le laisser marronner avec cette réponse un peu froide et énigmatique.

« Les frères Donnelly sont arrivés à la fin du mois de mai, nous sommes au début du mois de juillet. Ils sont donc à Grayson depuis bientôt 1 mois et demi, quelques mois seulement après la mort de leurs parents… Margaret et… Sean Donnelly, décédés ici à Grayson, dans un accident de voiture » lut-elle sur l’une des pages de son dossier « Maintenant, depuis qu’ils sont arrivés, Monsieur le Maire à organisé deux séances de cinéma en plein air. La première séance avait lieux le 5 juin et durant la soirée, votre cousin Logan s’est introduit dans la maison que louent actuellement les Donnelly pour la saccager et graffer les murs de menaces. Le 4 juillet durant la matinée, Monsieur le Maire à embauché quelques habitants afin de monter la nouvelle piscine. Aidan Donnelly s’est apparemment jeté sur votre frère, et je sais également que Logan et William Ferguson se sont mêlés à la bagarre eux aussi. Le soir de cette même journée, un incendie éclate durant la séance, c’est Joshua Ferguson à l’intérieur de la cabine de projection. Fort heureusement, il est sauvé par son père, aidé d’un Donnelly, et évite de justesse l’explosion des feux d’artifices. Des feux d’artifice dont votre frère et votre cousin avaient la charge. Donnelly, Redd, Ferguson. Ce sont toujours les trois mêmes noms qui reviennent »

Elle prit enfin une pause et se racla la gorge avant de pointer la feuille où était recueillie la première déposition du Docteur.

« Donnelly, Redd, Ferguson » répéta-t-elle encore, et certainement pas pour la dernière fois de la journée « Tout le monde sait aussi que les Donnelly tiennent Nathaniel responsable de l’accident qui à causé la mort de leurs parents. Tout ce que je viens de vous énoncer, vous le saviez déjà, tout le monde le sait ici. J’ai donc du mal à croire que vous en sachiez autant que moi sur la situation. Vous vivez dans ce village depuis toujours, votre profession vous pousse à croiser du monde, vous êtes proches de votre frère. Ce que j’aimerai maintenant Docteur Redd, c’est que vous éclaireriez ma lanterne et que vous m’expliquiez ce qui se trame entre ces trois familles, rien de plus, rien de moins » conclut-elle avec raideur.

Dakota n’avait pas pu s’empêcher d’afficher un bref sourire un peu cynique à la dernière remarque de son vis-à-vis. Une querelle entre adolescents, bah oui bien sûr. Il ne fallait pas se borner à la famille… à la sienne en tout cas, mais par contre, elle semblait avoir l’autorisation de se borner à celle des autres.
C’était un peu trop facile comme échappatoire en tout cas. Clyde n’arriverait jamais à lui faire gober que les Redd n’avaient rien à voir là-dedans, et elle doutait également très fort qu’en tant que Redd, il ne soit au courant d’absolument rien d’étrange, de bizarre, de suspicieux ou d’anormal concernant son frère et ses relations houleuses avec à peu près tout le monde dans le coin.

« Je ne me borne pas à la famille, Clyde. Les Fergusons et les Donnelly sont sur ma listes eux aussi, et ils auront droits aux exactes mêmes questions que vous »

Ca n’était pas totalement vrai, ça n’était certainement pas faux.

« Mais voyez-vous, les gens sont teeellement coopérants ici, j’en viens à douter du résultat. Les habitants de Grayson semblent avoir une capacités innée à tourner autour du pot »

Lui qui n’aimait apparemment pas les généralités, il pouvait bien prendre celle-là dans les dents.

Elle prit ensuite quelques instants de réflexions. Ses sourcils se froncèrent un peu pour accentuer tout le sérieux de sa prochaine question :

« Honnêtement Clyde, dites-moi une chose… » reprit l’inspectrice d’un ton grave.

Elle laissa passer quelques instants de suspense, histoire de faire grimper l’intensité.

« Si l’un des membres de votre famille était responsable, ou en partie responsable de l’incendie du 4 juillet, et que vous possédiez la moindre information à ce sujet pouvant prouver une quelconque culpabilité… est-ce que vous me le diriez, ou est-ce que vous préféreriez protéger votre parent ? Comprenez-moi, j’ai besoin de savoir si votre témoignage est recevable, je n’ai pas de temps à perdre, alors inutile de me baratiner, c’est oui, ou non. Si c’est non, la porte est là » conclut Dakota en pointant la sortie de la pointe de son bic.

Bon, la réponse que venait de lui fournir Clyde était loin du « oui ou non » catégorique qu’elle avait exigé, mais Dakota ne critiqua pas pour autant. Elle avait surtout exigé qu’il soit honnête, et elle l’avait bien observé, elle pensait que c’était le cas.
Elle pensait surtout qu’il employait de longues phrases pour s’expliquer, voir, se justifier, mais qu’en résumé, la réponse était belle et bien non.
Non, Clyde n’allait pas lui fournir le moindre indice venant étayer ses soupçons sur quoi que ce soit. Surtout pas sur les Redd.

Cela dit, cette constatation ne la fâchait pas vraiment. Après tout, si l’enquête s’était révélée facile, elle en aurait presque été déçue. Ils étaient à Grayson, le compliqué et les non-dits étaient donc de mises, et elle le savait.

« Je vois » finit-elle par répliquer dans un haussement de sourcil qui voulait dire ‘tant pis’.

Puis elle leva les mains au ciel avant de poursuivre.

« Dans ce cas, je pense que nous n’avons plus rien à nous dire Docteur. Je vous remercie de votre coopération » trancha l’inspectrice en tendant à nouveau la main à son vis-à-vis, mais pour lui dire au revoir cette fois.

Une fois qu’il l’eut serrée, elle se releva et il fit de même.

« Si le moindre détail vous reviens en mémoire, vous savez où me trouver » conclut-t-elle en croisant ses mains dans le dos.

C’était certainement la matinée d’interrogatoire la plus étrange et improbable qui lui ait été donné de mener depuis le début de sa carrière. Pourtant, elle avait dû interroger des types en manque ou au contraire sous l’emprise d’une drogue quelconque ou d’alcool, et tout un tas d’autres malades ou pervers sexuels en tout genre, mais là… c’était du délire. Et ce n’étaient pas vraiment les suspects qui étaient en tort, c’était Declan Spelling, le shérif de Grayson qui pétait les plombs.
Il venait de revenir dans la pièce, comme si rien ne s’était passé ou presque, puisqu’il leur avait rapporté des café en guise de calumet de la paix. Dakota se garda de lui adresser un de ces regards pleins de mépris dont elle avait le secret et se contenta de prendre sa tasse de café. Le manque de professionnalisme avait assez transpiré dans cette étouffante chaleur pour aujourd’hui. C’était sûrement en partie de sa faute puisqu’elle avait provoqué Declan dès son arrivé dans le bureau et n’avait cessé de le titiller depuis. Lucy n’avait été qu’une goutte d’eau dans le vase trop plein du shérif qui avait une affaire plutôt lourde sur les bras, il fallait l’avouer. Pire, il avait tout un village qui l’attendait au tournant sur le dos… Et elle aussi quelque part.
Il valait donc mieux pour tout le monde qu’elle prenne la tasse et se fasse discrète pour permettre à Declan de poser sa paire sur la table et s’imposer le respect qu’il pensait mériter. Pour quelques temps en tout cas. Dakota se connaissait assez bien pour savoir qu’elle ne supportait pas très longtemps de laisser les rênes aux deux zigotos qui s’étaient épinglé des étoiles sur la poitrine…

Il n’y avait que deux chaises disponibles face à celle sur laquelle s’installait les témoins de l’incendie qu’ils interrogeaient, mais elle n’était pas prête à être conciliante au point de laisser sa place. Encore que son siège devenait moite… Est-ce qu’ils ne climatisaient pas pour faire craquer leur suspects plus vite ?
Ce qu’elle pouvait détester cet endroit !

Mais l’inspectrice ne s’attarda plus longtemps sur le manque d’air. Le dénommé David Handel venait de faire irruption dans la pièce après que Declan lui ait permis de le faire. Il l’invita à prendre place et, à peine s’était-il installé que l’adjoint prenait déjà la parole pour lui demander des précisions sur sa déposition. Il fallait avouer qu’elle était plutôt farfelue. David était le premier à avoir rejoint la pile des dossiers à revoir.

La brune porta sa tasse de café à ses lèvres en fixant intensément le fermier qui lui faisait face. Elle se rappelait vaguement de lui. Il était arrivé à Grayson adolescent, après l’accident qui avait coûté la vie à ses deux parents, et s’était installé chez sa grand-mère. Une histoire tragique et malheureusement banale. Dakota n’avait pas eu le temps de le connaître mais les rumeurs allaient bon train ici et aucune ne circulait à son propos. C’était d’ailleurs étrange dans un village tel que Grayson…

« Oui, c'est une bonne idée en effet » finit-elle par enchainer en déposant sa tasse devant elle « Vous dîtes avoir entendu des murmures à votre approche et perçu du mouvement. Je présume que vous êtes allé voir de plus près, non ? Il ne s'agit pas d'une forêt entière après tout, mais de quelques arbres qui donnent sur la bibliothèque. je vois difficilement comment quelqu'un aurait pu s'enfuir de là sans que vous ne le voyez... D'autant que le film fournissait tout de même une source de lumière non négligeable et que le soleil n'a complètement disparu qu'aux alentours de 22h ce soir-là... Alors, Monsieur Handel, pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ? »

C'était la première fois depuis son arrivée que Dakota avait à faire à un type normal, qui répondait de manière calme et censé à leur question, sans monter sur ses grands chevaux ou avoir l'air trop sur la défensive. Et curieusement, ça lui laissait une impression d'anormalité dans ce décor si atypique et dans ce contexte...
Elle avait donc vu juste sur le compte de David qu'elle imaginait comme le citoyen modèle qui parait connaitre ses droits et n'hésite pas à tenir tête aux autorités de manière pondérée quand il le faut et comme il le faut.

C’était étrange mais il paraissait effectivement évident qu'il n'était pas originaire de Grayson. Ceux-là étaient d’une toute autre trempe et agissaient comme des coupables, soit trop sûr d’eux, soit sur les nerfs et agressifs comme avait pu l’être Lucinda Redd. Il avait sans doute des choses à cacher, mais ne semblait pas détenteur d’un terrible secret qu’il partageait avec l’ensemble de sa communauté comme les autres…
Tout le monde le savait. Que ce soit à Gower ou dans les autres communes adjacentes : quelque chose se tramait à Grayson. Mais personne ne savait ce qui clochait au juste et Dakota était de ceux qui pensent que, parfois, il vaut mieux éviter de frapper à la porte du Diable, surtout quand on craint que quelqu’un finisse par venir vous ouvrir.
Elle se contentait donc de faire son job, résoudre les affaires qu’on lui donnait et de ne pas chercher plus loin. C’était sûrement pour cette raison que c’était à elle, originaire du village qui plus est, qu’on confiait toujours ce genre de dossier.

La brune continua de fixer l’employé de ferme sans ciller, avant de reprendre la parole d’un ton parfaitement égal.

« Merci pour cette description précise des lieux, Monsieur Handel. Je n’ai visité la scène du crime qu’en pleine journée et je suppose que selon l’endroit où l’on se tient, la perspective est tout autre » débita l’inspectrice avant de croiser ses mains sur la déposition d’Handel posée devant elle « Vous dîtes que vous n’étiez pas à proximité de l’écran au moment où l’incendie s’est déclaré et que les gens étaient trop concentrés sur le film pour faire attention à vous… Personne ne vous a cité avant le moment où vous êtes sorti de nul part pour prêter main forte à messieurs Ferguson et Donnelly d’ailleurs. Pas même Monsieur…Westwick » lut-elle rapidement « qui était installé devant le film avec sa fiancé depuis son lancement. Alors que faisiez-vous ? Ne me faites pas croire que vous étiez encore en train de chercher un balai pour ramasser du pop-corn, j’aurai beaucoup de mal à le croire… »

Cette histoire de balai paraissait bancale et en même temps, comment prouver qu'Handel mentait ? Comment prouver qu'il disait vrai ? Il avait tout à fait l'air du type qui pourrait passer une heure à chercher après un outil pour rendre service à sa précieuse communauté.
L'inspectrice jeta donc un regard en direction de ses deux collègues qui arboraient à présent une expression un peu lasse, blasée. La jugeait-ils trop pointilleuse ? En tout cas, aucun d'entre eux ne paraissait décidé à prendre la parole et à la soutenir sur ce coup-là. c'était typique. Avaient-ils seulement envie l'un comme l'autre que cette affaire soit résolue au fond ?

« Hmm... soit, Monsieur Handel » abrégea-t-elle, irritée par le self-control de son interlocuteur « Etant chargé de maintenance, vous étiez présent sur le site le matin de l'incendie. je suppose que la bagarre qui a éclatée entre Monsieur Nathaniel Redd, Aidan Donnelly puis Logan Redd ne vous aura pas échappée... Que pouvez-vous me dire à ce sujet ? »

David paraissait de moins en moins tranquille à mesure que les secondes s'égrenaient, alors que Declan et Grifith, pour leur part, semblaient se fondre totalement dans le décor à présent. Elle comprenait que l’adjoint se fasse plus discret, d’autant qu’il avait manqué le départ de cette journée qui s’annonçait épuisante. En réalité, elle ne savait pas bien pourquoi ils avaient absolument besoin d’être trois pour mener un interrogatoire… Jouaient-il au bon, mauvais flic et au type bizarre du coin ? Il aurait peut-être fallut la prévenir…
Toujours est-il que Declan, lui, aurait pu la soutenir un minimum et montrer un peu d’intérêt à tout cela. Tout ce qu’il avait fait depuis son arrivée, c’était parader dans son uniforme, crier sans raison, provoquer leurs témoins et boire du café… Au moins avait-il eu la décence de leur en rapporter une tasse. Mais à choisir, Dakota aurait préféré engloutir une glace…

Chassant ces pensées et se retenant d’utiliser son dossier pour se ventiler, Dakota reprit son interview.

« C’est ce qui se dit, effectivement. Mais les rumeurs parlent également de menaces proférées par le jeune Donnelly à l’encontre des habitants de Grayson » poursuivit la brune en se penchant sur la table de laquelle David semblait tellement vouloir s’éloigner « Il occupait votre poste à la ferme ces dernières semaines, n’est-ce pas ? »

David acquiesça silencieusement, plus raide qu’un piquet. Il avait décidément perdu de sa superbe… Peut-être allait-elle obtenir ce qu’elle cherchait en fin de compte. Peut-être que les choses pourraient s’arrêter là.

« J’ai également entendu dire qu’Aidan s’entendait plutôt bien avec Joshua et les autres jeunes du village… C’est curieux qu’il n’ait pas cherché à prendre de ses nouvelles, vous ne trouvez pas ? »

Dakota avait mené sa petite enquête d’une manière tout à fait fourbe. Elle avait fait appelle à Madame Pietski, la même Pietski qui avait retenu Grifith ce matin. Même si cette vieille chouette n’avait jamais approuvé son départ, elle ne pouvait s’empêcher de colporter des ragots sur tout le monde et était à l’origine de bien des rumeurs, souvent fondées… Quand on espionnait les gens, on avait beaucoup plus de chances de les surprendre en position délicate. Et depuis leur arrivée, les frères Donnelly étaient placé sous son microscope. Le seul souci, c’était que Pietsky était complètement folle et qu’elle ne pourrait jamais témoigner. N’importe quel avocat la décrédibiliserait en moins d’une minute.

Sans laisser à son interlocuteur le temps de répondre, elle enchaina.

« Il paraît que, lorsque William est intervenu pour les séparer, le jeune Donnelly l’a menacé également. Peut-être qu’il est finalement passé à l’acte… Peut-être qu’il en a eu assez d’être provoqué et a voulu être celui qui menace. Je ne dis pas qu’il envisageait de blessé qui que ce soit, mais peut-être qu’il a voulu ruiner votre petite fête et que la situation lui a échappée, tout simplement… Alors ma question est la suivante, Monsieur Handel » déclara-t-elle en se penchant encore un peu plus sur la table, son regard dur plongé dans celui de l’employé de ferme « pendant votre recherche désespérée de ce mystérieux balai encore introuvable aujourd’hui : avez-vous aperçu Aidan Donnelly ? »

Et secrètement, Dakota espérait que la réponse serait non…
Les Donnelly en avait bavé et elle préférait largement mettre un Redd derrière les barreaux plutôt que l’un des membres de cette famille déjà éplorée par la perte de leurs parents, disparus à Grayson. Elle s’était elle-même chargée de l’enquête et c’était elle qui avait annoncé à Aahron, l’ainé de la fratrie qu’ils arrêtaient les recherches et que Sean et Margaret Donnelly étaient à présent considérés comme officiellement morts.
Elle espérait vraiment qu’Aidan n’avait pas voulu faire justice lui-même…