03.1. I like you when you're sad [Kathleen, Logan, Colleen & Declan]

Un frisson n’ayant absolument rien à voir avec la température extérieur parcouru le corps de la brune. Elle entoura ses épaules dénudées de ses bras, faisant tinter ses quelques bracelets. Kathleen jeta un regard circulaire, sentant le doute l’envahir insidieusement.
Son avion avait atterrit il y a quelques heures maintenant et le trajet jusqu’à son village natal lui avait semblé interminable. Pourtant, elle n’était pas impatiente d’y remettre les pieds, au contraire. Son estomac s’était noué dès qu’elle avait mis les pieds à l’aéroport de New York et elle n’avait pu retenir quelques larmes. Ses amies l’avaient pensée triste à l’idée de les quitter pour rejoindre sa campagne où, selon elles, elle s’éteignait à petit feu, mais c’était plus que ça.
Kathleen n’était plus certaine d’avoir sa place à Grayson. Pas après ce qu’elle avait fait. Et quand elle avait réalisé que la date de son retour correspondait au cinéma plein air organisé, les dernières barrières retenant ses larmes avaient cédées.

La jeune femme avait tout d’abord refusé de s’y rendre, assurant à ses parents que son voyage l’avait épuisée. Mais il n’avait pas fallut longtemps à son père pour la convaincre de les suivre, avec des arguments tels que : tu penses que nous aurions gagné la guerre si nos soldats, trop épuisés par leur voyage s’étaient contenté de rester chez eux, ma fille !? On ne pouvait pas lutter contre le patriotisme, surtout un jour comme celui-ci.
Alors la jeune femme s’était changée, avait enfilée une robe fleurie de saison et avait suivi ses parents docilement, la mort dans l’âme.
La soirée aurait pu être agréable, mais c’était sans compter sur les coups du destin qui semblait s’acharner sur elle ce soir. Alors qu’elle quittait son domicile et s’engageait sur la rue principale, les Donnelly étaient en effet apparu devant elle. Les Donnelly dont elle avait saccagé l’habitation quelques semaines plus tôt, lors de la précédente séance de cinéma…
Kathleen avait voulu faire demi-tour mais s’était finalement résignée. Logan avait assumé ses actes et été blâmé pour son geste, elle lui devait au moins ça…

Logan. Une des nombreuses raisons qui la poussait à désirer rester cloitrée chez elle jusqu’à la fin de ses jours. Lors de leur dernière rencontre au domicile du jeune Redd, ils s’étaient embrassés. Elle n’arrivait plus à savoir si c’était venu d’elle ou si c’était lui qui était responsable. Ou du moins ne voulait-elle pas vraiment s’en souvenir…
Et puis elle avait dû partir pour New York. Declan lui avait donné congé et lui avais demandé de « réfléchir à ce qu’elle avait fait », et elle avait fui sans prévenir personne, comme la voleuse qu’elle était.

« Ton père et moi allons chercher un peu de tarte. Tu en veux ? »
« Non merci » bafouilla Kathleen en se tournant vers sa mère, arrachée à ses pensées
« Bien. On n’sera pas long »

Kathleen acquiesça dans un sourire forcé et laissa son regard voyager d’un bout à l’autre du parc déjà bondé, frottant distraitement ses bras comme pour se réchauffer.
La gorge sèche, elle tentait vainement d’empêcher ses yeux de se fixer sur la silhouette familière qu’elle avait repérée dès son arrivée. Celle de Logan, bien entendu.
Le jeune homme se tenait à l’écart de la foule, les mains enfoncée dans ses poches comme il en avait l’habitude, un air morne accroché à son visage qu’il gardait baissé la plupart du temps. Il paraissait attendre quelqu’un et ne cessait de jeter des coups d’œil en direction du guichet qu’elle et ses parents venaient de quitter.
Elle était certaine qu’il l’avait vue mais, si c’était le cas, il ne manifestait aucune envie de venir à sa rencontre. Elle aurait été mal placée de lui en vouloir, et n’arrivait pas elle-même à se décider.
Que pourrait-elle lui dire ? Qu’avait-il vécu ces dernières semaines ? S’être accusé de l’acte de vandalisme survenu le mois passé lui avait-il causé davantage de tort ? Qu’avait-il ressenti en apprenant qu’elle s’était enfuie à New York deux jours après qu’ils se soient embrassés ?
Peut-être rien du tout cela dit, Logan était ce que sa mère appelait un « homme à femmes » et n’avait pas dû se soucier plus que ça de son absence. C’était même ridicule d’y penser !

Forte de cette pensée, Kathleen prit son courage à deux mains et s’élança. Enfin façon de parler puisqu’elle vint à sa rencontre d’un pas plus que trainant, sentant ses joues rougir à chaque pas. Elle tenta de réfléchir à quelques phrases d’introductions mais finit par décider d’improviser.
Une fois devant le jeune homme, elle se racla discrètement la gorge, nerveuse, et le salua d’une voix cassée. Elle avait le souffle un peu court, la bouche sèche et ses mains tremblaient.

« Bonsoir Logan »

Simple mais efficace.

Avec ce qui s’était passé le mois précédent, et avec ce qui s’était passé le matin même, inutile de dire que chaque seconde passée dans le parc était un vrai calvaire pour Logan.
Le jeune homme avait espéré pouvoir y échapper en aidant ce matin à la construction de la piscine, histoire de faire sa part avant de pouvoir aller s’isoler chez lui. Sauf qu’apparemment ça n’était pas assez. Nathaniel le lui avait clairement fait comprendre. Il devait être présent, même si il n’en fichait pas une. Et le plus jeune était certain que son cousin cherchait seulement à le punir.
Pourtant il n’avait pas le choix. Du moins il choisissait de subir cette soirée, plutôt que de subir une éventuelle colère de son aîné. Il avait la rancune tenace et Logan avait tout intérêt à ne pas fournir à Nathaniel plus de raisons encore de lui en vouloir.

Juste avant qu’ils ne se rendent au parc, à peu près une heure plus tôt, son père était venu le trouver chez lui, chose qu’il faisait pourtant très rarement, et ce même si Logan vivait dans son garage. Et il avait prit toute cette peine uniquement pour préciser à son fils que si celui-ci avait le moindre écart de conduite durant la soirée, il le réduirait en pièce avec plaisir.
En bref, tout le monde l’avait à l’œil. Et pas seulement Nathaniel et son père, mais aussi tous les autres à en croire tous les regards en coins que lui jetaient ses voisins.
La bagarre de ce matin contre le cadet des Donnelly avait déjà fait quinze fois tout le tour du village. Il semblait que chaque mois durant le cinéma plein air, Logan se heurtais à la famille en question. Une fois il détruisait leur baraque, une fois il cognait le petit frère. Du moins les choses prenaient cet aspect, même si la réalité n’avait rien à voir. C’était comme un stupide feuilleton à suite, et même si tous ses voisins prenaient cet air offusqué, Logan savait qu’ils attendaient la suite avec une impatience avide. La seule chose qu’ils attendaient c’était une nouvelle bagarre, une nouvelle histoire à raconter.

Tous ces plouques lui donnaient envie de gerber. Ou alors c’était la bouteille de rhum qu’il avait bu entre ses deux corvées de la journée. N’empêche qu’il n’avait pas encore bu assez à son goût, il lui fallait plus d’une bouteille pour être vraiment cuit. Du moins cuit comme il aimait l’être.
Heureusement, Logan s’était montré prévoyant, il avait prit ses réserves. Et il lui semblait qu’il avait encore une bouteille cachée près du kiosk. Affaire à vérifier.
Ce qui terminait de le déprimer, c’était qu’il savait qu’il boirait seul ce soir. Colleen l’avait traité de débile et de dégénéré, de connard aussi, et pour couronner le tout elle l’avait giflé en publique.
Ca achevait le tableau. Sûrement qu’elle refuserait de lui parler à l’avenir. Ca n’était pas étonnant, le jeune homme s’était douté dés les débuts que cette histoire avec la jeune postière finirait de cette manière. Il ne manquait plus que Grifith s’en mêle et il aurait eut la totale aujourd’hui…

Et puis soudainement, l’arrachant à toutes ces pensées moroses et sombres, une apparition.
Au départ il avait cru avoir rêvé, l’avoir confondu avec une autre. Mais en y regardant de plus près, il s’avérait que c’était bel et bien Kathleen qui venait de faire son entrée côté guichet.
Logan ne remarqua même pas les frères Donnelly non loin d’elle, et il ne pensait plus non plus ni à Grifith, ni à Colleen, ou Nathaniel, ou son père, ou qui que ce soit. Toute son attention n’était plus que pour elle.
Il venait de se rendre compte à quel point elle lui avait manqué. Manqué à en mourir. Et à quel point ses dessins et les souvenirs qu’il avait d’elle étaient bien en dessous de la réalité. Elle était plus belle encore. Et il dut se faire violence pour ne pas décoller son dos de l’arbre contre le quel il était appuyé pour s’avancer vers elle et la prendre dans ses bras.
Elle était enfin revenue, et ironiquement le soir où il s’était le moins attendu à la trouver là. D’ailleurs il ne s’était plus attendu à la trouver nulle part. Elle était partie si longtemps qu’il avait finit par croire que c’était pour de bon. Il s’était trompé, et il en était heureux.

Enfin pas si heureux que ça en vérité. L’excitation et l’émerveillement de la voir n’avaient durés que quelques instants, maintenant il venait de se souvenir qu’elle l’avait complètement nié avant de partir à l’autre bout du pays. Il venait de se souvenir qu’il s’était promis d’au moins essayer d’avoir le courage de lui dire ce qu’il pensait de tout ça. C’était Kathleen, il haïssait l’idée qu’elle le prenne pour un con et qu’elle le méprise. En même temps il aurait été étonné qu’il en soit autrement, mais il était loin d’être une personne objective sur ce genre de sujet.
Ce qu’il voulait c’était qu’elle lui fournisse des excuses, même bidons, pour justifier de son comportement, et pour qu’il n’ait plus à lui en vouloir. Il était prêt à gober tout ce qu’elle racontait, pourvu qu’elle prenne au moins la peine de venir s’expliquer. Le fait qu’elle prenne simplement la peine de venir se justifier lui suffirait.

Et comme par enchantement, comme si elle l’avait entendu, il vit la jeune femme se mettre à marcher vers lui. Au début il eut tout de même un doute, mais au plus Kathleen avançait au plus il devenait clair que c’était bel et bien vers lui qu’elle se dirigeait. Son cœur se mit à cogner dans sa poitrine et il eut soudain la tête bien vide. Elle l’avait pris au dépourvu ! Que fallait-il qu’il fasse ? Quelle attitude adopter ? Quoi dire et sur quel ton ? Est-ce qu’il devait se montrer froid avec elle ? Chaleureux ? Il n’avait aucune idée de comment se montrer chaleureux donc ça résolvait la question, mais est-ce qu’il devait lui faire sentir son mécontentement ? Après tout elle ne lui avait pas demandé de se faire accuser à sa place, elle n’y était pour rien, il s’était foutu dans la merde tout seul, et elle n’avait pas à se justifier pour tous ses déplacements au près de lui. Ou peut-être qu’il essayait juste de se trouver des excuses pour ne pas avoir à aborder le moindre sujet épineux avec elle.

Trop tard pour trouver la moindre solution, elle était là, en chaire et en os, devant lui, plus belle que jamais. Et elle avait ce petit air doux et mélancolique sur le visage qui lui donnait envie de l’embrasser. Surtout maintenant qu’il savait que l’embrasser était la plus merveilleuse des sensations sur terre. Même la manière qu’elle avait de prononcer son prénom le rendait fou.
Comme toujours quant il était devant elle, il se sentait idiot et crasseux. Il se sentait paralysé.

« … Kathleen » finit-il par articuler dans un souffle sans trop oser accrocher le regard de la jolie jeune femme « Salut » ajouta Logan dans un très faible sourire.

Il avait le souffle un peu court, et celui-ci se raccourcis plus encore avec le silence qui s’en suivit.
Un silence d’abord un brin gênant, puis très gênant, puis complètement affreux. Tellement qu’il ne put s’empêcher de le rompre.

« T’es revenue… » sans blague ? « … visiblement » lança-t-il en ponctuant de nouveau ses parole d’un petit sourire un peu vague.

Il se serait bien retourner pour se taper le crâne contre le tronc de l’arbre dans son dos, mais il jugea qu’il avait déjà l’air assez naze comme ça.

« … quoi de neuf ? C’était bien New York ? » lança-t-il ensuite en se maudissant lui-même d’être aussi lâche.

Logan n’avait jamais vraiment été un garçon très expressif et il était plutôt difficile à cerner. Il avait tout du héros mystérieux et solitaire des livres à l’eau de rose qu’elle lisait pendant les weekend ou durant sa pause déjeuné. Celui qui arrache la princesse à sa prison de verre et lui fait découvrir le monde. Celui duquel elle tombe amoureuse et qu’elle préserve de lui-même.
Mais Kathleen ne voyait pas le garçon avec ces yeux là. Elle, elle brûlait pour Grifith. Symbole d’autorité, le protecteur, le gendre idéal, drôle, sympathique, attachant, le roc sur lequel s’appuyer…
Il n’empêche que c’était Logan qu’elle avait embrassé avant de partir, que c’était lui qui s’était dénoncé pour elle et qu’il lui avait manqué. C’était sur son épaule qu’elle avait pu épancher son chagrin et en lui qu’elle avait eu confiance. Grifith, lui, n’avait même pas pris la peine de lui demander pourquoi elle pleurait quand Declan l’avait mise à pied...
Et pourtant, c’était à lui qu’elle avait pensé la plupart du temps lorsqu’elle était à Grayson. Quand ses amies lui avaient demandé de parler du garçon sur qui elle avait craqué, c’était l’adjoint du shérif qu’elle avait décrit, omettant de préciser qu’il était fiancé…
Mais Logan avait tout de même hanté ses pensées. Le problème, c’était que penser à lui signifiait penser à Grayson, faire remonter sa culpabilité et les raisons de son départ. Elle s’en était donc gardée au maximum. Seulement les questions finissaient toujours par remonter.
Pourquoi avait-il fait cela au juste ?
Et puis peu à peu, une seconde question était venue l’habiter : lui manquait-elle ?
Aujourd’hui en tout cas, maintenant qu’elle lui faisait face, rien dans son comportement ne laissait à penser que c’était le cas.
Pourquoi était-ce si compliqué ? Elle n’aurait jamais dû venir ! Elle n’aurait jamais dû revenir…

« O-oui, oui, c’était…c’était très bien. Différent. Très grand. Vraiment très grand » sourit-elle avant de laisser échapper un petit rire nerveux

Elle se sentait idiote à présent. Idiote de finalement regretter qu’il ne lui saute pas dans les bras et ne l’accueil pas avec plus d’entrain. A quoi s’était-elle attendu ? Il s’agissait de Logan Redd ! Avant le mois passé, ils n’avaient pas échangé plus de quelques phrases ! Il avait eu un élan de générosité, avait pris pitié d’elle, voilà tout.
Peut-être que c’était bel et bien elle qui l’avait embrassé et sans doute avait-il été horriblement gêné pour elle. Oui, c’était très certainement le cas.

A présent, Kathleen n’avait plus la moindre idée de ce qu’elle était venue faire près de lui et se sentait de trop. Etait-elle venue pour s’excuser ? Pour lui demander s’il se souvenait de leur baiser volé et ce qu’il avait ressenti ?
Tout s’embrouillait dans son esprit et elle n’aspirait plus qu’à fuir. Encore et toujours.

« Et…et toi ? Tu… enfin tu es resté ici je présume… »

Quelle question ridicule, bien entendu qu’il était resté ici ! Les Redd ne quittaient jamais Grayson. Ce qu’elle voulait savoir, c’était si il était resté ici à se morfondre, à pleurer son départ ou se consoler dans les bras d’une autre, ou s’il avait continué à vivre sa vie sans se soucier le moins du monde d’elle.
Au moins savait-il qu’elle était allé à New York… c’était déjà un début.
Ce qu’elle pouvait se sentir idiote ! Idiote et terriblement égoïste…

Rien de… rien de spéciale, tu sais… j’ai pas bougé

Tu me fatigue. Crache le morceau immédiatement où j’te fais chier dans ton froc.

T’es restée partie vachement longtemps

… j’ai bien cru que tu reviendrais jamais

Le visage de Kathleen dévia naturellement vers le sol lorsque Logan lui avoua qu’il avait pensé ne jamais la revoir. Elle sentit ses joues s’empourprer davantage et la culpabilité qui la rongeait grignota un peu plus de terrain, flétrissant encore son sourire crispé.
Elle ignorait pour quelles raisons elle se sentait fautive, pourquoi elle ressentait le besoin de se justifier auprès du garçon. Une fois encore, il n’en avait peut-être rien à faire qu’elle soit partie aussi longtemps, c’était Logan Redd après tout. Et pourtant, il paraissait évident que son départ lui avait fait… quelque chose. A la manière dont il en parlait, celle qu’il avait de la regarder, même de se tenir.
Et en même temps, comment être certaine avec lui ?
Devait-elle lui répondre sur le même ton badin, rire de sa remarque et le taquiner avec un petit « Pourquoi ? Je t’ai manqué ? ». Mais elle n’avait pas envie de le moquer. Elle n’avait pas envie de mentir ou de jouer un jeu. Parce que c’était Logan. Le garçon qui l’avait surprise en train de pleurer dans le par cet l’avait gentiment pris dans ses bras, celui à qui elle avait confié ses êtas d’âme et qui l’avait écoutée sans la juger. Il avait même été jusqu’à s’accuser d’un délit qu’elle avais commis pour la protéger de Nathaniel, son cousin.
Et puis il y avait eu ce baiser.
Elle lui devait bine un minimum d’honnêteté. Et la vérité, c’était qu’elle s’en voulait terriblement de l’avoir laissé en plan et d’être effectivement partie « vachement longtemps ».

Relevant ses grands yeux chocolat vers lui, elle poussa un soupir et reprit la parole.

« Je sais, oui… J’aurai dû te prévenir que… Enfin que je partais. J’ai agi de manière égoïste » murmura-t-elle en se maudissant d’avoir envie de pleurer

Sa sensibilité à fleur de peau n’avait décidément rien de mignon, contrairement à ce qu’affirmait sa mère. Elle avait juste l’air d’une gourde ! Une gourde qui ne s’assumait pas en prime.

« J’avais besoin de me changer les idées, de voir d’autres gens, tu comprends ? » fit-elle en triturant nerveusement ses doigts, cherchant à fuir le regard intense de son interlocuteur qui l’intimidait et dont elle craignait la réaction

Et si jamais il lui répondait qu’elle n’avait pas à se justifier et qu’il n’en avait rien à faire ? Qu’elle pouvait vivre sa vie bien tranquillement et qu’il ne l’avait certainement pas attendu pour le faire ?

« Avec ce qui s’est passé et… Tu sais… j’ai tout raconté à Declan, comme je te l’avais dis et…et il m’a demandé de ne pas revenir. De prendre des vacances le temps qu’il réfléchisse et que l’histoire se tasse un peu… Je n’ai pas vraiment réfléchi. Je suis tombé sur une vieille carte qu’une amie m’avait envoyée de New York et dans laquelle elle me proposait de venir passer quelques temps dans une vraie ville et…et j’ai pris le premier avion » expliqua-t-elle, pleine d’appréhensions « Enfin je tenais à te dire que j’étais désolée de t’avoir laissé ici avec… Declan et tout le monde… A Grayson »

Bon… voilà au moins un sujet sur le quel il n’aurait pas à se plaindre, c’était déjà ça. Il avait espéré qu’elle vienne pour s’excuser, même un peu, et elle venait de le faire dans les plus pures règles de l’art. Kathleen avait prit la peine de s’expliquer, et le mieux là-dedans c’est qu’elle avait l’air sincère.
Il n’avait même pas vraiment eut à lui faire comprendre son mécontentement, elle s’était justifiée avant même qu’il n’entame vraiment la partie épineuse du problème.
Maintenant il s’en voulait presque de lui en avoir voulu à elle. Il avait presque envie de s’excuser de l’avoir mise mal à l’aise, de l’avoir lancé sur ce sujet tellement épineux et de l’avoir obligé à se justifier.

Bien sûr qu’elle était libre d’aller où elle voulait. Cette histoire lui avait terriblement pesé et Logan aurait aimé pouvoir en faire autant. Il aurait juste aimé qu’elle le prévienne.
Peu importait maintenant, l’histoire était derrière eux, et il espérait qu’elle puisse le comprendre sans qu’il n’ait vraiment à le dire. Il espérait qu’elle capte dans son regard qu’il était reconnaissant.
Il aurait aussi aimé qu’elle capte qu’il avait envie de la prendre dans ses bras et de caresser ses cheveux et de l’embrasser et de sentir son odeur. Mais ça, mieux valait le garder pour lui.
C’est pourquoi, après quelques instants et un faible sourire, le jeune homme choisi de baisser les yeux, sans dépeindre de ce léger rictus contenté.

Il se racla la gorge avant de répondre.

« C’est pas grave » assura-t-il « C’est juste… enfin la prochaine fois que je m’accuse pour toi, oublie pas de me prévenir que tu pars pour trois semaines »

Selon le ton emprunté, la phrase aurait pu être insultante, ou sonner comme un reproche, mais il avait fait attention de lancer ça comme une boutade. Il n’était pas vraiment doué avec l’humour, alors il priait juste pour que le message passe correctement…

« … c’est bien que tu sois revenue. J’suis content. » finit-il par ajouter après avoir polémiqué intérieurement durant trois interminables et stressantes secondes.
Puis il se dépêcha d’enchainer.
« … Alors comme ça Spelling est au courant… » reprit-il dans un nouveau raclement de gorge « … il s’est bien gardé de me le dire… il s’est bien gardé de le dire tout court même »

Il avait eut envie d’enchainer par une insulte bien sentie, mais il n’avait pas envie de passer pour un paysan mal embouché. Pas plus qu’il ne l’était déjà en tout cas.

« Pas que j’espère qu’il le fasse, c’est pas ça. C’est juste… » il haussa une épaule.

Juste quoi ? Typique ? Écœurant ? Déprimant ? Prévisible ? Révoltant ? Quel adjectif pouvait bien convenir à ça ? Il en faudrait tout une liste pour être spécifique.
Et en même temps, Logan comprenait pourquoi Declan avait fait ça. Il l’avait fait pour les mêmes raisons que lui s’était accusé à la place de Kathleen. Seulement ça, la jeune femme ne devait pas le savoir. D’ailleurs Logan se demandait si Declan l’avait dit à qui que ce soit. Est-ce que le Maire était au courant ? Quelle importance avait l’information ? Aucune, à priori. N’empêche qu’il la garderait en tête, au cas où.
Une chose était certaine, leur petit groupe se scindait doucement mais sûrement. On n’était jamais trop prudent.

« Enfin bref, je m’en fou de toute manière ça va rien changer » soupira-t-il en relevant ses yeux sombre sur la jeune femme.

Kathleen déglutit péniblement face à la remarque bien méritée que lui servit Logan. Il l’avait lancée sur le ton de celui qui préfère en rire qu’en pleurer, mais elle avait atteint la jeune femme de plein fouet. La brune se sentait toujours affreusement coupable pour ce qu’elle avait fait et, comme si cela ne suffisait pas, il avait fallut que le jeune comptable s’accuse de son acte odieux à sa place. Pourquoi avait-il fallut qu’il joue les héros ? Elle n’était rien pour lui, avant ce terrible jour, ils ne pouvaient même pas se vanter d’être amis… Et pourtant, il l’avait fait et en avait payé le prix.
Elle ne savait pas encore réellement jusqu’où avait été cette histoire puisqu’elle avait fuit, mais avait tout de même pris la peine de questionner ses parents à ce sujet. D’après eux, Declan Spelling était un incapable. Il se vantait d’avoir le nom du coupable mais se refusait à le communiquer à ses voisins. Selon son père, en résumé, ce bon à rien de shérif ne savait rien sur rien. Oh bien entendu, il y avait des rumeurs. David, l’employé de ferme avait été soupçonné, et puis Charlie, et puis les Donnelly eux-mêmes, et le nom de Logan avait été cité également à plusieurs reprises.
Et puis les finalement, les gens en étaient restés là. Peut-être qu’ils étaient tous coupables…
Kathleen avait tenu à préciser à son père que Logan ne pouvait pas être responsable puisqu’ils avaient passé la soirée ensemble et les choses avaient bien failli dégénérer. Il lui avait juré de casser les jambes de ce « petit merdeux de Redd » s’il l’approchait encore et sa mère avait dû l’aider à le calmer.
Elle préférait cela dit qu’il le voit comme un gendre potentiel plutôt que comme un vandale. De toute façon, ce n’était pas comme si Logan allait lui demander sa main… Alors qu’est-ce que ça pouvait bien faire. Ils étaient deux adultes consentants après tout.
La jeune femme s’arracha à ses pensées et prit le train en route.

Logan bafouillait à propos de Declan justement, cherchant visiblement à comprendre pourquoi il n’avait pas été le trouver pour lui faire savoir qu’il avait mentit. La jeune femme rougit de plus belle et se mordit nerveusement la lèvre.

« Je suis vraiment désolée pour ça aussi, Logan. Je n’ose même pas imaginer par quoi tu as du passer »

C’était faux bien entendu, elle avait osé l’imaginer et c’était même jouer les scénarios les plus terribles… En générale, et ce bien malgré elle, les pires d’entre eux mettaient Nathaniel Redd, son cousin, en scène…

« Il…il m’a dit qu’il valait mieux que ce soit toi » souffla-t-elle ensuite, chagrinée « Il m’a dit la même chose que toi, le jour où je… enfin où je… » elle n’osa pas évoquer leur baiser et se contenta d’agiter ses mains pour lui faire comprendre ce qu’elle voulait dire « Il a dit que si certaines personnes venaient à le savoir, je pourrais vraiment avoir de gros ennuis et que je n’avais pas les épaules pour ça. Alors que toi oui. Je n’étais pas d’accord avec cette idée mais il n’a rien voulu entendre. Il m’a demandé de partir et de prendre quelques jours de congé pour réfléchir à ce que j’avais fait et… ce que je t’avais fait à toi… »

La jeune femme baissa les yeux, morte de honte. Elle sentit ses yeux s’humidifier et tenta de se contrôler, ses petits poings serrés avec force le long de son corps légèrement tremblant.

« La dernière chose que je souhaitais, c’était te causer du tort » articula-t-elle avant de lever les yeux au ciel en soupirant « Je m’étais jurée de ne pas pleurer pourtant. Surtout, n’essaie pas de me réconforter, je ne le mériterai pas et je me sentirai encore plus idiote. Tu en as déjà largement assez fait pour moi » le prévint-elle dans un sourire amer

Alors comme ça ce brave Shérif Spelling avait lui-même demandé à Kathleen de prendre des congés pour penser à ce qu’elle avait fait et ce qu’elle lui avait fait à lui…
Logan avait un gros doute sur la dernière partie. Declan détestait sa belle famille, ça n’était pas un secret. Du moins ça n’en n’était pas un pour Logan.
Alors de la à envoyer sa petite secrétaire réfléchir sur le tord qu’elle lui avait causé, c’était difficile à croire. Facile aussi de dire que Logan avait les épaules. Qu’en savait-il exactement ? Ca n’était pas comme si ils avaient fréquemment des discussions. D’ailleurs ils ne se parlaient jamais que lorsqu’ils y étaient forcés et ça n’était jamais pour échanger leurs points de vue sur la vie, ça c’était certains.
Bref, tout ça pour dire qu’il doutait que Declan éprouve le moindre sentiment de compassion pour lui. De toute manière, même si ça avait été vrai, et bien… et bien rien. Ca n’était pas vrai, c’est tout.
Surtout qu’au fond, s’accuser à la place de Kathleen n’avait pas été si terrible que ça.
Ca avait été pénible, mais surtout parce que lui-même avait stupidement lâché le morceau à son cousin. Depuis, celui-ci l’avait reprit, sans compter qu’a partir de ce soir, Kathleen était officiellement de retour. Logan allait pouvoir boire une bonne fois sur tout ça pour conclure qu’il en s’était absolument rien passé. Ou qu’en tout cas c’était bel et bien terminé.

Il s’en fichait un peu et se dit qu’il y boirait plus tard parce que pour Kathleen, l’affaire ne semblait pas terminée du tout. La preuve c’est qu’il avait réussit à la faire pleurer. Il ne s’était vraiment pas attendu à ce genre de réaction de sa part. Il avait espérer rendre la chose plus légère, il y avait plutôt rajouté quelques kilos…

Et juste au moment où il allait s’approcher d’elle avec compassion pour venir la consoler de son chagrin et en profiter pour pouvoir la toucher rien qu’un peu, la jeune femme lui signifia que c’était inutile. La dernière chose qu’il voulait c’était qu’elle se sente idiote.
Logan allait être obligé de la réconforter avec des mots et il venait de prouver une fois de plus qu’il était plutôt empoté de ce côté…

« Tu sais Kathleen… c’est pas la peine de… Nath est pas resté fâché bien longtemps et puis … en fait j’ai pas besoin de toi pour m’embrouiller avec les Donnelly » fit-il en esquissant un sourire.

Il fit tout de même un pas en avant pour lui montrer son poing droit, le même qu’il écrasait sur le visage d’Aidan un peu plus tôt dans la journée. La phalange du milieu était légèrement rougie, c’était tout ce qu’il y avait à voir. Il y en aurait eut plus si il avait disposé de plus de temps avec cette petite raclure, mais malheureusement ils avaient un Maire…

« Je me suis battu » lança-t-il d’un ton monocorde avant de réalisé qu’il était loin d’avoir la classe et d’enchainer « Enfin j’veux dire, c’est plus compliqué que ça. Y’en a un des quatre qui s’est jeté sur Nathaniel alors j’suis intervenu… tu vois ? Rien de… j’ai pas cherché ou… enfin voilà tu… et la bagarre avait rien à voir avec la maison, c’était pas ça… enfin en fait je sais pas trop mais… tu vois ce que je veux dire ? En fait on s’en est plus ou moins bien sortit et … faut plus s’en faire. C’est fini » conclut-il en levant les mains au ciel.

Ca n’était pas très convainquant mais c’était le mieux qu’il puisse faire. Il doutait que la jeune femme se sente mieux avec ce genre de discours, mais au moins saurait-elle que les Redd et les Donnelly n’avaient pas besoin d’elle pour se foutre sur la gueule et pour se détester…

Bien sur que c’était la peine qu’elle s’excuse. La jeune femme avait encore du mal à se figurer que l’homme qui était devant elle était ben et bien Logan Redd. Elle avait entendu tellement de rumeurs à son sujet, tellement d’horribles choses… Mais le garçon qu’elle avait en face d’elle était loin d’être aussi terrible qu’on voulait le faire croire. Il était prévenant, attentif, avait le sens du sacrifice et était un ami fidèle qui lui avait prouvé qu’elle pouvait lui faire confiance.
Il méritait bien qu’elle s’excuse et pas qu’il lui en trouve d’autres.

Alors que la brunette allait le lui signaler d’un ton faussement réprobateur, Logan enchaina et Kathleen fut bien obligée de réviser un peu son jugement. Il était certes un ami fidèle, mais vraisemblablement un ennemi redoutable…
Elle le savait imparfait et avait déjà entendu parler de bagarres auxquelles il avait été mêlé mais n’avait jamais réellement été confrontée à cette violence. Comme tout el reste, elle pensait qu’il ne s’agissait que de ragots. Et pourtant c’était Logan lui-même qui lui en parlait et, elle n’en était pas certaine mais elle avait l’impression affreuse qu’il se vantait presque.

Pour sa part, Kathleen avait toujours eu les affrontements en horreur et elle ne pu s’empêcher de porter un main à sa bouche ouverte dans un « oh » surpris.
Une part d’elle s’était immédiatement inquiétée pour Logan et sa main meurtrie, et l’autre s’était inquiétée de savoir comment s’en était sorti le Donnelly en question. Elle les avait croisés à son arrivé au parc mais il ne lui semblait pas avoir constaté de quelconque marque sur leurs visages ou de gêne dans leur démarche tendant à prouver qu’il souffrait.
Cela dit, elle ne les avait pas tous vu ce soir… Le petit dernier manquait à l’appel.

« C’est… La violence n’est jamais une solution, Logan » ne put-elle s’empêcher de répliquer d’une voix blanche, affligée « J’en ai fait l’expérience lorsque j’ai voulu… Tu sais, les faire partir… Et regarde où ça m’a mené ? Où ça t’a mené ! » ajouta-t-elle en le désignant, gardant ses distances « Tu…tu n’aurais pas pu… simplement les séparer ? » le questionna-t-elle encore, craignant sa réponse autant que ses réactions

Après tout, qui était-elle pour se permettre de le juger ?

‘La violence n’est jamais une solution’, à cela Logan aurait bien répondu qu’il ne fallait jamais dire jamais, spécialement à Grayson. Ici, ils n’avaient guère le choix, la violence était la seule solution possible depuis longtemps. Seulement elle risquait de ne pas comprendre où il voulait en venir et il était déjà mal barré avec cette discussion. Inutile d’y rajouter de l’étrange et du mystérieux.
En tout cas il n’avait pas fait grande impression avec son histoire de bagarre. Kathleen avait l’air plutôt bouleversée. D’ailleurs tout le monde avait eut l’air bouleversés de la tournure des évènements. Il se demandait bien pourquoi ! Tout le monde s’accordait à dire que les Donnelly n’avaient rien à faire ici, et lorsqu’on les bousculait un peu trop, tout le monde jouait les offusqués.
Venant de Kathleen, la réaction ne l’étonnait pas bien entendu. Il la savait comme ça, douce et gentille.
Enfin… elle avait raison, elle avait tout de même pénétré par effraction chez eux pour ruiner leur mobilier. C’était bien loin de la petite poupée délicate qu’elle semblait être. Mais passons.

Une fois de plus il se sentait ridicule et crasseux.
Les séparer. Oui ! Bien sûr qu’il aurait pu les séparer. Facilement même. Sauf que voilà,… il ne l’avait pas fait… Ce détail l’énervait lui-même. D’accord, frapper sur ce petit merdeux ne lui posait pas vraiment de problème de conscience. Le vrai problème pour lui était justement qu’il n’y avait pas pensé. Il n’avait même pas hésité, il avait foncé pour le démolir.
Sans savoir pourquoi, et parce qu’il avait soigneusement prit la peine de ne pas y penser, cette idée le mettait mal à l’aise. Et systématiquement, l’image de son connard de père lui sautait à la tronche.

Il passa donc une main nerveuse dans ses cheveux, piétinant légèrement avant de reprendre appuis contre le tronc dans son dos.

« Mouais… ouais j’aurai pu les séparer c’est vrai … mais… j’sais pas enfin voilà… j’en sais rien ça s’est passé comme ça… enfin tu sais, ça s’est passé très vite aussi et… y’a pas eu trop de casse, faut pas t’en faire, c’était rien de… rien de bien méchant. Le Maire à géré… enfin tu vois le genre » expliqua-t-il ensuite en évitant de mentionner que le Maire s’en était prit une au passage lui aussi…

« Mais tu sais je l’aurai pas fais si… enfin je l’ai pas provoqué. C’est lui qui a… il a sauté sur Nath, c’était quand même… ouais enfin bref. Si ça peut te soulager, Colleen m’a mit une claque » sourit-il à moitié, peu sûr que ce détail amuserait Kathleen « A vrai dire avant que t’arrive la journée était plutôt naze »

Il avait vraiment l’air d’un âne, ou plutôt d’un connard, mais tant pis. C’était ce qui s’était passé et si ça n’était pas lui qui le lui racontait, d’autres s’en chargeraient avec grand plaisir. Autant qu’il lui balance tout tout de suite. Il préférait le lui raconter lui-même plutôt que de laisser d’autres gens s’en charger et déformer les choses à volonté en le faisant passer pour une immonde brute.

« Enfin bref tout ça pour dire que… j’ai besoin de personne pour… tu sais, avoir des problèmes, je fais très bien ça tout seul, donc… faut pas t’en faire » lui assura-t-il en accompagnant sa remarque d’un vague sourire gentil.

Kathleen essaya tant bien que mal de faire disparaître le petit air scandalisé qui paraissait sur ses traits fins. Encore une fois, elle n’était pas vraiment en position de juger Logan après ce qu’elle avait fait le mois passé et n’avait pas toutes les cartes en mains. Peut-être la bagarre entre le Donnelly et Nathaniel avait-elle été vraiment affreuse et Logan n’avait-il pas eu d’autre choix que de calmer l’agresseur de son cousin de cette manière expéditive et sujet à controverse…
Mais visiblement ce n’était pas le cas et son interlocuteur en avait conscience. Au moins faisait-il preuve d’honnêteté avec elle. Elle pouvait lui accorder cela.
Kathleen détestait qu’on tente de la ménager et s’agaçait parfois (en silence) quand Declan ou Grifith lui racontait leurs affaires en omettant les « détails sordides ». Elle n’était plus une enfant et elle appréciait que Logan la traite comme son égal, ou presque.

Elle faillit lui répliquer qu’elle ne trouvait pas non plus le comportement de Colleen Ferguson très adroit dans cette situation et qu’une gifle était une forme de violence, mais s’en garda. Elle ne voulait pas risquer de remuer encore un peu le couteau dans la plaie puisque, visiblement, la journée avait été assez mauvaise pour lui…

Une fois le discours quelque peu laborieux du comptable terminé, la brune laissa échapper un petit soupir discret. Elle leva son regard chocolat sur le visage du garçon et ses lèvres s’étirèrent en une grimace qui n’était ni une moue réprobatrice, ni vraiment un sourire dépité.

« J’en ai bien l’impression et ça me chagrine un peu tout de même » finit-elle par lâcher « J’aimerai pouvoir… J’aimerai que tout le monde ici s’entende, que les choses redeviennent comme avant. Avant l’arrivé des Donnelly… Le fait de m’être éloigné quelques temps de Grayson m’a permis de mieux réaliser à quel point l’atmosphère est pesant ici » confia-t-elle, un ton plus bas, jetant des regards prudents autour d’elle, et notamment en direction d’Aahron Donnelly qui s’entretenait avec le maire « C’est un jour de fête mais j’ai l’impression que personne n’a vraiment le cœur à cela. Tout le monde à l’air… dans l’attente. Et…et j’ai bien peur que ce soit en partie de ma faute. A cause de ce qui s’est passé le mois dernier pendant la séance… Dieu, je donnerai n’importe quoi pour effacer tout ça » soupira-t-elle, accablée

Logan devait avouer qu’il avait du mal à situer de quoi parlait exactement la jeune femme. Il avait beau trouver la situation actuelle plutôt précaire, il n’était pas vraiment d’accord lorsqu’il s’agissait d’affirmer que les choses allaient mieux avant.
Mais en même temps, elle et lui n’avaient pas le même point de vue sur la situation, il manquait beaucoup d’information à Kathleen qui, même si elle était sa voisine, n’habitait en quelques sortes pas le même village que lui.
Elle n’avait jamais eut droit aux dessous de Grayson. Ce qui était vrai par contre c’était que les choses prenaient des proportions difficilement gérable pour qui que ce soit.
Et la raison pour la quelle ils n’arrivaient pas à gérer ces quatre enfoirés c’était parce qu’ils étaient divisés. C’était de plus en plus évident. La preuve en était que le Maire choisissait de passer sa soirée en compagnie du plus vieux des Donnelly… Au nez et à la barbe de tout le monde…
Leur groupe n’avait jamais été soudé, pire, il y avait toujours eut des tensions entre sa famille et les autres. Mais Logan se fichait pas mal de savoir qui avait tord et qui avait raison. Il n’avait jamais promis à personne d’être objectif cela dit…

Kathleen avait tord sur un autre point, du moins c’était son avis. Elle n’était pas réellement responsable de ce qui était entrain d’arriver. Leur fameux petit groupe n’avait en fait attendu que ça pour imploser et se scinder en plusieurs camps. Ils avaient attendus l’excuse pour se taper dessus. Ca n’avait peut-être pas été conscient, du moins pas chez tout le monde. Mais avec où sans Kathleen, les choses auraient de toute manière finies pas déraper et ils seraient aboutis au même point.
Tout comme les Donnelly, Kathleen était simplement bien tombé pour servir d’excuse à une petite guéguerre à l’intérieur du clan.
Mais ça, il ne pouvait pas le lui dire sans vendre la mèche.

« Tu sais Kathleen, … » débuta le jeune homme en cherchant le meilleur moyen de faire passer l’idée qu’il avait en tête sans être trop explicite.

Il se racla la gorge et lança un regard furtif vers l’écran qui venait de s’illuminer deux ou trois fois pour redevenir noir. Le film ne tarderait plus à commencer.

« Parfois… les choses doivent devenir vraiment merdique avant… avant de pouvoir redevenir… tu vois ? Encore plus cool qu’avant… » expliqua-t-il en haussant une épaule « Je veux dire… c’est qu’une phase. Ces mecs resteront pas ici pour toujours… enfin j’crois… mais bref, suffit de laisser venir. De toute façon, ce qui est fait est fait… »

Le jeune homme croisa les bras sur sa poitrine. Ca avait toujours été sa philosophie de laisser couler et de se dire qu’il n’y pouvait pas grand-chose. Ca n’était pas une mauvaise philosophie, mais il avait apprit à la pousser jusque dans les extrêmes, puisque sa situation avait toujours été tout aussi extrême.

« Pi’… c’est pas comme si… comme si on avait beaucoup d’influence sur l’histoire… » il désigna vivement Aahron Donnelly et le Maire Ferguson qui continuaient de babiller comme deux vieilles copines très viriles « …C’est ceux-là qui déciderons de la fin »

Il reporta ensuite son attention sur la jeune femme avant de conclure.

« Alors tu vois… pas la peine de te prendre la tête » assura le jeune garagiste avec sincérité.

OCC : je t'ai laissé un peu de lecture pour occuper ta longue matinée au cas où t'aurais pas résisté d'allumer le pc avant de partir. Bon voyage ma sister ! Reviens-nous vite ^^

Logan marquait un point, c’était indéniable. Les frères Donnelly ne seraient pas toujours là et, lorsqu’ils seront enfin partis, les choses reprendraient leur cours. Grayson redeviendrait le petit village monotone qu’elle était. Une part de Kathleen ne pouvait s’empêcher d’espérer que ce ne soit pas le cas alors que ses pensées s’envolaient vers un avenir plus prometteur pour sa personne. Elle se voyait mariée, heureuse, peut-être maman… Cela dit, la brune ne se laissa pas espérer bien longtemps et préféra donner plus de voix au second cri dans son esprit.
Celui qui priait pour que les choses se tassent enfin. Passer l’éponge, faire comme s’il n’était jamais rien arrivé, comme si les quatre orphelins n’étaient jamais venus troubler leur paix relative.

« Tu as sans doute raison » finit-elle par soupirer

Un silence s’installa ensuite et elle ne chercha pas vraiment à le rompre, Logan non plus d’ailleurs. Ils restèrent simplement planté l’un en face de l’autre. Kathleen aurait voulu pouvoir pénétrer dans la tête du garçon pour voir ce qui s’y tramait et réussir à le cerner un peu mieux.
Une vague de questions désagréables l’ébranla une fois encore. Voulait-il qu’elle s’en aille ? Etait-il lassé de lui répéter que les choses auraient dégénérées avec ou sans son intervention ? La trouvait-il affreusement prétentieuse de penser qu’elle était la cause des malheurs de Grayson ?
Kathleen espérait vivement que non, qu’il comprenait que si elle n’avait que ce sujet aux lèvres, c’était réellement parce qu’elle se sentait gênée de l’avoir entrainé dans cette sombre affaire. Parce qu’elle commençait à tenir à lui et à le considérer comme un ami.

Sans vraiment savoir d’où lui venait cette idée et sans savoir la retenir, la jeune femme releva ses yeux chocolat vers lui, un sourire aux lèvres.

« Si tu n’as rien de prévu, peut-être qu’on pourrait passer la soirée ensemble ! Qu’est-ce que tu en dis ? Enfin si tu as d’autres projets, n’hésite pas à me le dire et je rejoindrai mes parents. Parce qu’en général, c’est ce que je fais, je tiens compagnie à mes parents… Mais je préférai te tenir compagnie à toi parce que… enfin parce que c’ets plus agréable » bafouilla-t-elle en se sentant rougir jusqu’aux oreilles « Je promets de ne pas te fausser compagnie pour visiter une des maisons du village » ajouta la jeune femme pour s’essayer à l’humour, se maudissant d’avoir une fois encore évoqué le saccage de la maison Donnelly

« Hey... salut Kathleen ! C'était bien New York ? »

« Il faut que je te parle... quand tu auras du temps. »

« Je ne veux pas vous déranger plus que ça hein... enfin New York c'est super, j'y suis allée une fois et c'était superbe. »

Pendant quelques secondes, quelques magnifiques secondes, Logan s’était imaginé passer la soirée en compagnie de Kathleen, la tête loin des soucis, ils auraient discutés de tous et de rien durant des heures, et ils se seraient rapprochés, ils auraient sympathisé plus encore et peut-être même qu’ils se seraient amusés. Peut-être même que Kathleen aurait apprécié la chose et aurait souhaité recommencer, juste tous les deux.

Et peut-être que vous auriez fini main dans la main sous un saule pleureur à vous rouler de grosses pelles…

Heureusement que Colleen était arrivée pour lui remettre la tête sur les épaules.
Une soirée loin des soucis c’était peut-être un peu trop demandé, surtout qu’ils étaient cernés par les habitants du village et des environs qui n’attendaient que ça d’avoir de nouveaux sujets de conversations sur les quels jaser. Si on le voyait passer la soirée avec Kathleen, il n’allait pas falloir deux jours pour qu’on lui prête une relation avec elle. Si on prenait en compte l’histoire avec Colleen, l’affaire devenait plus que compliquée. En prime, s’imaginer être capable d’entretenir la moindre conversation était stupide, il ne savait jamais quoi dire, quel sujet abordé, il avait constamment la tête vide et se voyait mal tenir plus de dix minutes sans tomber complètement à court. Surtout avec Kathleen. Il avait sans cesse l’impression que rien de ce qu’il pouvait dire n’était assez bon, ni assez intelligent, ni assez sensé. Et pour finir, sympathiser avec la jeune femme, c’était un beau projet, sauf qu’il savait au fond qu’elle lui demandait de passer la soirée avec elle pour le remercier de s’être accusé à sa place et parce qu’elle se sentait coupable. Au fond elle n’avait surement aucune envie de rester en sa compagnie. Lui-même n’aimait pas sa propre compagnie, alors penser que Kathleen puisse le faire tenait de la fiction.

D’ailleurs en parlant de Colleen, il n’avait aucune idée de comment elle s’était retrouvée là. L’instant d’avant il n’y avait que lui et Kathleen, le reste du monde ayant totalement disparu, et tout d’un coup elle était apparue en leur causant comme si elle était là depuis le début de la conversation. Il ne l’avait même pas vu approcher d’ailleurs. Elle était juste apparue comme par magie pour les interrompre au moment crucial. L’instrument du destin sans doute.

Du coup Logan se retrouvait planté comme un crétin devant les deux demoiselles. Kathleen avait l’air de débarqué un peu elle aussi, et un léger silence stupéfait avait suivit les déclarations de la jeune postière. La bouche entrouverte, il faisait voyager son regard sombre de l’une à l’autre sans vraiment savoir comment enchaîner. Il avait un peu perdu ça de vue pendant qu’il était en compagnie de Kathleen, mais maintenant que Colleen montrait le bout de son nez, il se rappelait mieux que jamais qu’une soirée sans problème n’était pas vraiment envisageable…
Si elle voulait lui parler c’était sans doute pour l’incendier et le faire chier. Et c’était beaucoup plus probable qu’il passe une soirée à se faire emmerder qu’une soirée avec sa Kathleen…

Dans un lourd soupir, il dit mentalement au revoir au film qu’il s’était rapidement fait après la proposition de Kathleen. D’ailleurs si celle-ci n’avait pas été présente, il se serait empressé de répondre quelque chose d’un peu froid à l’autre. De l’envoyer bouler. Et ils auraient probablement déjà été entrain de se hurler dessus ou quelque chose comme ça. Il ne voulait pas vraiment que Kathleen assiste à ce genre de chose cela dit. Surtout pas même. Il avait déjà l’air assez con comme ça. Du coup il était coincé, aussi bien dans un sens que dans l’autre.

« Je… j’peux pas parler à tout le monde en même temps Colleen » avait-il simplement lâché d’un ton froid et rauque en désignant Kathleen.

Lui qui avait déjà du mal à parler à une personne à la fois…

Le regard inquiet de Kathleen passa rapidement de Logan à Colleen et vice versa. Sans vraiment savoir pour quelle raison, elle se sentait depuis quelques instants comme l’idiote du village…
Avant aujourd’hui, elle n’avait jamais réalisé que son nouvel ami et la fille de la postière s’entendaient. En réalité, c’était certainement présomptueux de sa part, mais elle s’était figurée que Logan ne s’entendait avec, pour ainsi dire, personne. A part sa famille bien entendu. Chaque fois qu’elle l’avait croisé, le jeune homme avait été seul, ou accompagné par l’un de ses cousins.
Colleen, elle, apparaissait toujours au bras de Grifith, pour son plus grand malheur. Mais ce soir, la grande brune avait jeté son dévolu sur le modeste comptable de Grayson et avait délaissé l’adjoint du shérif. Pire, Kathleen avait l’impresison de sentir une tension étrange entre Logan et elle. Mais ce sentiment était certainement faussé par la remarque pleine de mystères qu’avait faite Colleen en les approchant.
Et l’expression contrariée de Logan ne faisait qu’accroitre son doute et son malaise.
Elle se sentait soudainement comme la cinquième roue du carrosse, comme si elle n’était pas à sa place.
Terriblement idiote et seule en somme.

« C’ét…était bien oui » finit-elle par répondre dans un sourire gêné, sentant ses joues rosir

Que dire de plus ? Comment enchainer ?
Sa voisine ne semblait pas prête à bouger et elle avait clairement énoncé qu’elle attendait Logan pour lui parler. Alors que faire ? Devait-elle les laisser et proposer de le retrouver plus tard ? Est-ce que Colleen allait repartir d’où elle était venue, consciente d’interrompre leur échange ?
Visiblement ce n’était pas le cas. Et puis au fond, il n’y avait pas grand chose à interrompre…
Et pourtant, la brunette ne pouvait s’empêcher de ressentir les affres de la frustration et d’en vouloir à l’employée de poste.
A moins que, ce qui l’ennuie le plus dans cette histoire, était le fait que Logan n’ait pas rebondi sur sa proposition de passer la soirée tous les deux.

Kathleen leva son regard en direction de Logan pour tenter une fois encore de cerner l’étrange et impressionnant personnage qu’il était, mais il était occupé à fixer Colleen d’un air étrange. Presque coléreux.
De quoi devait-il parler au juste ?
Rien qui ne la regarde sans doute…
Un soupir discret s’échappa des lèvres de la jeune standardiste.

« Je vais vous laisser alors. J’ai un tas de monde à voir de toute façon, j’ai l’impression d’être partie des mois » fit-elle mine de sourire, grimaçant plus qu’autre chose « On se recroisera sûrement… » ajouta Kathleen en adressant ces mots à Logan « Bonne soirée »

Et avant que l’un d’eux ait pu répliquer, elle s’enfuit littéralement, d’un pas pressé, ses deux poings serrés, les mâchoires crispées et les yeux déjà humides.
Elle se maudissait d’agir de la sorte et plus encore d’en vouloir à Colleen… Comme si Grifith ne lui suffisait plus, il fallait maintenant qu’elle lui dérobe Logan, son seul ami.
Malgré la foule alentours, elle se sentait aussi ridicule que seule…

« C'était pas non plus urgent ! Rattrape la ! Je te verrais plus tard. Va la chercher va, c'est pas comme si c'était la dernière fois de ma vie que j'allais te parler... »

« Ecoute Logan. Je suis désolée de t'avoir giflé. Je voulais pas, et maintenant tu m'en veux, et je m'en veux aussi. J'ai pas envie qu'on se dispute ! Et les gens parlent, j'en suis sûre ! Je déteste ça ! On est pas ensemble, on est rien du tout, on est juste amis et je t'apprécie beaucoup... »

« Si tu veux qu'on arrête de se voir, c'est d'accord. J'en ai pas envie ! Mais si tu préfères alors pas de problèmes. Je voulais juste qu'on s'explique par rapport à cet après-midi. »

« J'ai eu peur, j'ai pas compris ce qu'il se passait, alors voilà. Je suis désolée pour ce que j'ai fait. »

« Je vois encore Kathleen, va la chercher. »

Va la chercher, va la chercher, plus facile à dire qu’a faire ! Pourquoi Colleen n’avait pas simplement ouvert les yeux et vu qu’il était déjà accompagné au lieu de se ramener avec ses gros sabots pour lui péter la soirée entière ?!
Elle lui déballait tout son truc et puis pour couronner le tout le congédiait comme un domestique ! 'Nianiania les gens parlent, nianiania nous sommes amis ! Maintenant j'ai fini, tire-toi avec Kathleen !' Si elle s’était abstenue de le frapper dès le départ ils n’en seraient pas là ! Ce qui s’était passé ce matin n’était pas ses affaires et il ne comprenait même pas pourquoi elle s’en était mêlée comme ça. Par peur ? Est-ce qu’on gifle le type dont on a peur ?! Si elle avait peur de lui alors pourquoi restait-elle plantée comme un stupide piquet devant lui ?!

Il continua de lui lancer des regards d’un noir intégral sans jamais s’éterniser trop longtemps sur elle. Déjà parce qu’il ne regardait jamais personne dans les yeux, et ensuite parce qu’il était vraiment frustré. Frustré pour Kathleen bien sûr, parce qu’elle avait saisit la première occasion pour se défiler comme a son habitude. Et puis frustré pour Colleen. Parce qu’il avait envie de se défouler sur elle et de l’envoyer chier avec violence mais que si il faisait ça, elle allait le rayer de son carnet d’adresse. Et il se retrouvait tout seul une fois décoléré. Tout seul comme un con.
Non, comme d’habitude, il était obligé d’encaisser et de fermer sa gueule parce que personne ne voulait jamais entendre ce qu’il avait vraiment à dire.

Avec colère, il plongea sa main dans une poche et en ressortit une petite fiole. Il la déboucha et la porta à ses lèvres pour s’en avaler une bonne gorgée.

« Putain comment tu veux que j’la rattrape Colleen, elle est juste à côté de son gros con de père. C’est mort ! Il peut pas me sentir »

Il le savait parce que personne ne pouvait le sentir en général… c’était un assez bon indice.
Logan engloutit quelques nouvelles gorgées, puis se décolla du tronc sur le quel il était appuyé jusque là. Il lança un dernier regard meurtrier aux villageois qui attendaient leur stupide film. L’image d’une bombe s’imposa à lui. Une grosse bombe sur tout ça. Et sur lui-même aussi. Mais après qu’il ait fini de boire.

« De toute façon j’avais des plans » s’exclama-t-il dans un sourire amer.

Il avait prévu de se saouler à mort, facile.

« Et j’en ai rien à foutre que tu m’ais giflé. T’es pas la première, tu seras pas la dernière » railla le jeune homme en commençant à s’éloigner doucement vers une zone moins peuplé encore où les arbres se faisaient plus nombreux.

Mais il changea rapidement d’avis et se détourna une fois de plus pour refaire face à Colleen, un index pointé dans sa direction.

« J’en ai rien à secoué que tu m’ais giflé mais tu… si tu me traite encore de débile ou de dégénéré, Colleen, j’te jure que… » que quoi ? Il n’en n’était tout de même pas au point de la menacer « J’te jure que t’entendras plus jamais parler d’moi. Ok ? J’suis pas débile. »

Il la fixa quelques instants encore puis se détourna pour reprendre sa marche en direction du kiosque, le goulot de la fiole coincée entre ses dents tandis qu’il farfouillant dans ses poches pour retrouver son paquet de cigarettes écrabouillé.
Il était sincère en lui disant qu’il se fichait bien de la claque. Des coups il en avait reçu des biens pires, il l’avait à peine sentie. Et bien qu’elle ait fait ça devant tout le monde, le sujet restait dérisoire en comparaison de ses insultes. Les mots l’avaient toujours beaucoup plus atteins que la violence. Et il s’il y avait bien une insulte qu’il ne supportait pas, c’était celle-là. Il haïssait qu’on le traite de débile.
Il savait bien qu’il n’était pas débile, c’était les gens qui étaient débiles. C’était bien pour ça qu’il les détestait d’ailleurs…
Alors que Colleen le suive ou pas, avec ou sans Kathleen, il allait s’en tenir au plan, et boire jusqu’au coma.

« Je suis désolée d'accord ? Et je sais bien que tu n'es pas un débile ou un dégénéré, je le pensais pas d'accord ? Tu as fini ta crise ? Je ne savais pas que ça te mettrait dans un état pareil alors calme toi et arrête de m'en vouloir, s'il te plait ! »

« Hurle moi dessus, dis moi que je ne suis qu'une conne qui n'a pas de vie. Mais évite de me traiter de hippie et tout ce genre de trucs, pigé ? Je ne suis pas une hippie dégénérée qui cueille des fleurs comme une idiote dans les champs. »

« Si tu veux qu'on arrête de se voir alors dis moi. Je ne dirai rien, je ne hurlerai pas, je veux juste que ça se calme. Si tu veux me faire la tête jusqu'à la fin de tes jours, c'est d'accord, mais dis le moi franchement et je te ficherai la paix. »

« Je me sens malade depuis que je t'ai giflé parce que je sais que tu es en colère contre moi et je t'adore vraiment. Tu es ce que j'ai le plus proche comme ami, t'es le seul qui ne me regarde pas comme si j'étais folle. Mais si tu as besoin d'espace, si tu veux être seul, alors dis le moi. Y'a pas de place pour des choses complexes dans ma vie. Tu veux de moi pour qu'on parle et qu'on s'envoie en l'air, alors je suis là. »

« Mais si tu compte tirer cette tronche encore longtemps alors je laisse, je passe, c'est bon Logan ! Je ne vais pas non plus me traîner à tes pieds, tu comprends là ? »

« C'est quoi tes plans ? »

Il lui avait jeté un regard noir, presque assassin lorsqu’elle lui avait barré la route pour venir lui blablater en pleine face, pourtant il était resté planté là et n’avait pas cherché à la fuir.
Tout au fond, bien entendu qu’il espérait que tout s’arrange et que la situation redevienne comme avant cette stupide bagarre. Pourtant c’était un peu trop profond pour qu’il se montre plus sympathique que ça. Il était frustré et de mauvaise humeur, comme d’habitude il se sentait un peu con, et généralement il n’y avait personne pour lui permettre de se défouler et de déverser sa colère. Du coup, et puisqu’il était en tête à tête avec lui-même la plus part du temps, c’était aussi sur lui-même qu’il déversait sa colère.
Comme Colleen semblait s’accrocher à lui ces derniers temps, elle subissait ses sautes d’humeur, et elle venait d’en faire les frais.
Seulement, ses dernières paroles sonnaient cruellement comme un ultimatum. Il n’avait absolument pas envie qu’elle le boycott après ça, l’idée lui faisait un peu peur même si il n’avait aucune envie de le lui dire franchement. Plutôt crever.
Il allait bien être obligé de montrer patte blanche pour ne pas qu’elle le rejette définitivement.

Seulement cette conclusion avait beaucoup de mal çà sortir et il lui fallut quelques longues secondes pour en arriver à cette conclusion. Longues secondes qu’il passa à observer la jeune femme tout en s’allumer lentement une cigarette un peu tordue.
Une fois cela fait, il lança aux environs sombres un bref regard agacé, piétinant sur place sans trop savoir quoi répondre.

Arrête de te prendre la tête, lopette, fais-la taire en mettant une main sous sa jupe !

C’est vrai qu’on avait rarement trouvé mieux pour se débarrasser de ses frustrations, mais il n’avait pas vraiment la tête à ça.
Du moins pas dans la minute.
Pour se sortir l’idée de la tête, il porta sa fiole à ses lèvres et la tutta jusqu’à ce qu’elle soit vide.

« Mes plans c’est ça » commenta-t-il finalement sur un ton qu’il prit soin de radoucir, soulevant la fiole vide devant ses yeux.

Il avait beau être contrarié, il savait aussi que Colleen venait de lui dire des choses plutôt gentilles. D’ailleurs c’était un peu le problème, il ne savait pas comment répondre à ce genre de truc par manque d’expérience.

« J’vais boire parce qu’il parait que c’est la fête » ajouta Logan dans un soupir cynique.

Il resta planté là quelques instants encore, puis dans un raclement de gorge enfumé de nicotine, il la contourna pour continuer d’avancer vers l’endroit où il avait planqué une bouteille.
Ce ne fut que quelques pas plus tard qu’il s’arrêta à nouveau pour se retourner vers Colleen.

« Tu viens ou quoi ? »

Si elle était maligne, elle comprendrait qu’avec cette simple remarque, Logan levait le drapeau blanc et lui confirmait qu’il n’était plus fâché sur elle. Il espérait qu’elle capte parce qu’il ne serait pas capable d’en faire plus… du moins il n’en n’avait pas envie.

« Si c'est la fête alors fais l'effort de sourire parce qu'on dirait qu'on va à un enterrement... Tu voudras fumer avec moi ? Je sais que tu fumes pas mais vu que je pique toujours dans tes bouteilles, pour une fois on peut bien partager. »

« Dis, t'as de quoi manger ? Parce que je devais m'occuper des repas froids mais j'y suis pas allée alors tu sais... si on fait que boire ou fumer, on va finir par vomir nos intestins, et disons que c'est pas vraiment génial. Enfin tu m'as déjà vu et je voudrais pas que ça recommence. »

« On va voir le feu d'artifice d'ici ? J'adore ces trucs. »

Quant Colleen se réconciliait elle ne faisait apparemment pas semblant. A partir du moment où il l’avait –plus ou moins- invité à l’accompagner, elle ne s’était pas tue une minute entière et babillait comme si jamais au grand jamais ils ne s’étaient disputés ce matin, et quelques instants auparavant.

Elle est folle.

Spontanée aurait été un mot plus juste. En tout cas elle était entière, et même si son entièreté la rendait bruyante, ça la rendait aussi très sympathique. Et même si elle était folle, ça n’était certainement pas Logan qui allait la juger à ce sujet.
En tout cas elle savait berner son manque de répondant. Le jeune garagiste était loin d’être causant, du coup la postière faisait la conversation toute seule. Ca convenait plutôt bien au garçon, et la chose devait également convenir à Colleen qui avait visiblement toujours besoin de plus d’écoute.

Il n’avait pas répondu au sujet de la fumette. Déjà, parce qu’il n’était pas certain à cent pour cent de quoi elle parlait. Enfin si il le savait, elle venait de lui dire qu’elle savait qu’il ne fumait pas, hors une cigarette fumante pendait à ses lèvres. Du coup, elle parlait forcément de cannabis. Mais comme il ne connaissait strictement rien à ce sujet et avait très peu d’expérience, il laissa simplement le sujet glisser en se disant qu’il verrait bien une fois qu’ils en seraient là.

Il ne répliqua pas non plus lorsque son amie le questionna sur la nourriture. Il ne portait en tout et pour tout que son jean trop grand et un tee-shirt sans manche plutôt étroit. Tout ce qu’il avait avec lui c’était son paquet de clopes écrabouillées et sa fiole d’alcool déjà tristement vide. Il n’aurait même pas pu cacher une cacahuète.
Surtout qu’il s’en fichait bien de vomir ses tripes. C’était le risque lorsqu’on décidait de se déchirer la tête de toute manière.

Une fois non loin du Kiosk, il ralentit l’allure et se mit à farfouiller dans les environs. De larges arbres bordaient le petit monument et il était persuadé d’avoir il y a quelques temps caché une bouteille de rhum dans les racines de l’un d’entre eux.
Tout en continuant à chercher dans le coin, ses yeux sombres plissés pour tenter de percer l’obscurité ambiante, il répliqua enfin vaguement à sa partenaire.

« Tu sais, … c’est des feux d’artifice, n’importe qui va pouvoir les voir de n’importe où dans le village » lança-t-il avant de lâcher une petite exclamation.

Il venait de trouver sa bouteille, dissimulée par quelques petites branches mortes, au creux d’une racine rugueuse. Il l’extirpa de là et lui accorda un vague sourire avant d’enfin revenir vers Colleen.

« En fait,… c’est Nath et moi qui sommes en charge des feux d’artifice. P’tètre bien que je devrai y retourner pour… tu vois, allumer les machins, j’sais pas trop… le film commence à peine alors… j’ai le temps » termina le garçon qui avait entre temps ouvert la bouteille un peu poussiéreuse.

Il porta le goulot à ses lèvres et tout en buvant, fit signe à la jeune femme de venir s’assoir dans un coin sombre où il était certain que personne ne pourrait les voir. Il se laissa tomber dans l’herbe grasse avec un soupir d’effort et après une nouvelle gorgée, remit sa cigarette entre ses lèvres avant de tendre le breuvage à la jeune femme.
Il savait pertinemment qu’il n’était pas d’une compagnie fabuleuse. Il espérait qu’en la saoulant un peu, Colleen s’en apercevrait moins vite…

« Si t'arrêtes pas de boire et que tu dois en plus allumer les feux d'artifice, tu vas foutre le feu à une maison. Tu devrais directement déléguer à ton cousin ou tu vas vraiment te foutre dans la merde... »

« Je vais retourner bosser la semaine prochaine, je peux pas continuer de faire croire que je suis malade parce que tout le monde sait que c'est faux. Et ma mère a dit qu'elle finirait par tout balancer pour que je ne touche pas mon salaire... alors je passerai moins te voir la journée. Mais tu dois t'en foutre de toute manière. »

« Tu voudrais pas m'embrasser ou faire quelque chose ? Je vais pas te demander de parler parce que c'est pas ton fort mais là... j'ai l'impression d'être dans un cimetière. Il se passe rien, ça m'angoisse. »

Mais non, j’aurai été là pour te motiver à cramer tous ces enfoirés jusqu’au dernier. Tu sais que tu peux compter sur moi lorsqu’il s’agit de brûler des gens Logan !

Mais si mon grand, monte en scelle ! Cette trainée n’attend que ça ! Fort comme un cheval !!

Ouais j’suis pas … j’suis pas très … hum, si tu veux, enfin t’es pas obligée de rester avec moi si tu t’ennuie. C'pas grave...

« Tu sais quoi ? »

« Aspire Logan. Peut-être que ça t'enlèvera ton balai dans le cul. »

« J'ai pas envie de partir mais j'ai l'impression que tu n'attends que ça. Bouge toi idiot, arrête de faire cette tronche parce que j'en peux plus de te voir comme ça. Qu'est-ce que je peux faire hein ? »

« Et essaie pas de me dire des saloperies pour me virer parce que je reste là. Je reste ici compris ? Force toi à me raconter des trucs, essaie de partager un minimum qu'on fasse semblait d'avoir au moins une relation amicale ! »

« Vas-y, laisse toi tenter, peut-être que ça va te réveille... ou t'endormir mais je prends la responsabilité. Et je m'occuperai de tes feux d'artifice si c'est trop mort pour toi sale gosse. »

« Je suis contente de t'avoir comme ami même si tu parles pas. »

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