Chantonnant un petit air de guitare qu’elle avait en tête depuis ce matin au réveille, Casey marchait en tête du duo qu’elle formait avec Joshua. Ils se trouvaient seuls sur la longue route un peu terreuse qui reliait la ferme familiale au village de Grayson. Absente, elle observait ses jambes terminée de petites bottines de cuire aller et venir sous elle.
Comme toujours au moins de juin, le temps était radieux, parfois même un peu trop. C’était le cas présentement puisque Casey mourrait de chaud et sentait ses épaules dénudées cuire sous les rayons du soleil. Le pire là-dedans, c’est qu’elle savait pertinemment qu’avec cette affreuse peau que lui avait légué sa mère, elle ne bronzerai pas, et resterait d’un rouge homard ridicule.
De son côté, Joshua lui, avait hérité de la peau plus mate de leur père et que du coup, elle avait l’air d’un cachet d’aspirine à ses côtés, tandis que lui arborait un teint croustillant alors qu’il se terrait à l’intérieur comme l’ermite qu’il était !
Difficile après ça d’affirmer aux gens « nous sommes jumeaux ». On ne les croyait pas à tous les coups et pourtant c’était bel et bien le cas.

La jeune fille releva les yeux sur le chemin qu’il leur restait à faire. C’était bien trop long à son goût et en même temps, elle préférait être là, au milieu de nulle part avec son frère plutôt que chez eux.
Leur fort, autrement la ferme, avait subit une affreuse attaque et ils avaient été dans l’obligation d’exécuter un repli stratégique.
Sa mère avait invité toutes ses amies de son club de lecture à venir prendre le repas du midi en leur compagnie en ce magnifique mercredi.
Casey aurait pu en profiter pour étudier en vue des quelques derniers examens qu’il lui restait à passé à l’Université, mais la seule idée de rester dans sa chambre, porte close, et d’entendre tout de même glousser cette bande de grotesques mégères la rendait malade.
Elle savait qu’il en était de même pour son frère.

Il en était également de même pour leur pauvre père. Mais celui-ci était unis par les liens du mariage, du pire, du meilleur et de toutes ces bêtises avec cette chère Alicia, et donc, devait supporter à lui tout seule toutes ses amies du club de lecture.
Casey ne doutait pas un seul instant que William arrive à se défiler à un moment donner, mais la tâche serait plus compliquée pour lui.
Sans compter qu’il s’était sacrifié une fois de plus pour ses deux rejetons. Constatant leur ennuis au delà des mots, il leur avait confié la tâche de se rendre à la post afin d’aller chercher un colis qui lui était destiné et qui attendait déjà depuis deux jours au bureau. Il leur avait fourni la meilleure des excuses pour s’éclipser au lieu de se la garder pour lui tout seul. C’était le héro de la journée.

« Tu devras avouer que papa à assuré sur ce coup-là » lança-t-elle distraitement, observant les reflets de lumières filtrés par les arbres qui bordaient le chemin venir danser sur sa petite robe de coton d’un blanc pure « Sans lui on serait toujours coincés avec cette bande de mémé. Elles se sentent toujours obligé de me demander mon avis sur leurs stupides bouquins ! Tout ça parce que je suis en Littérature. Qu’elles aillent au diable, c’est pas comme si on avait la même bibliothèque » ronchonna l’adolescente sans pour autant regarder son frère, quelques pas derrière elle, sur sa droite.

Pas d’autres choix que la fuite, comme à chaque fois que le club des ménagères décérébrées mais prétendument intellectuelles venait se réunir chez les Ferguson. Même Joshua, le plus grand sédentaire de chez les sédentaires, ne pouvait résister à l’appel de la promenade revigorante et du pélerinage sans intérêt vers la poste, si c’était pour pouvoir éviter les gloussements, remarques faussements littéraires et autres questions de rigueur qu’impliquaient ce genre d’événements : “Et alors, Joshua, qu’est-ce que tu deviens? Toujours à la maison? Il serait temps que tu reprennes les études, non?”.... Si elles savaient où elles pouvaient se les mettre, leurs études... Bref...

Bon, d’accord, il ne pouvait qu’approuver Casey, cette fois, leur crétin de père leur avait en effet sauvé la mise en les envoyant chercher un quelconque colis qui aurait sans doute pu moisir quelques heures de plus dans son bureau de poste, mais ce n’était pas pour autant que Joshua allait commencer à songer même à le remercier, ou à être ne serait-ce qu’un minimum reconnaissant. Trop d’efforts pour lui, et s’il y avait une chose qu’il détestait par dessus tout, c’était fournir des efforts pour des choses qui n’en valaient pas la peine... Il ne répondit rien, donc, quand sa jumelle lui fit remarquer que pour une fois, il aurait grand tort de traiter, comme à son habitude son paternel d’impotent. Ok, son père marquait un point, mais il lui en faudrait beaucoup d’autres pour monter dans l’estime de Joshua. Il ne fit pas non plus semblant de faussement compatir aux malheurs de sa pauvre soeur, contrainte, dans ce genre de situation, d’écouter les bablatages de ces dadames quasi séniles (bon, peut-être n’étaient-elles pas si vieilles que ça, mais peu importe!), qui voyaient dans la littéraire de la famille la clé de la compréhension de toute oeuvre littéraire, si du moins on pouvait véritablement désigner comme tels les gribouillis qu’elles se plaisaient à commenter avec autant de passion et d’enthousiasme. Encore heureux, que Casey n’ait pas la même bibliothèque que ces femmes. Farfouiller dans la bibliothèque de sa soeur et lire la plupart des bouquins qui s’y trouvaient était à peu près la seule occupation qu’il avait dans la journée, ça, s’affaler devant la télé, et torturer des hamsters (quoi qu’avec la stupide interdiction de son géniteur, ça faisait un sacré moment qu’il n’avait plus fait de mal au moindre rongeur).

“J’aurais pourtant pensé que tu aurais été ravi de t’extasier devant le dernier Weisberger.” répliqua Joshua innocemment, et bien évidemment très ironiquement.

Il avait sorti un nom d’écrivain au pif, parmi ceux qu’il abhorrait le plus et que le club des ménagères avait sans doute déjà lu... Au fond, peut-être que sa soeur aimait bien, il en savait rien. En tous cas, il ne lui semblait pas avoir vu du Weisberger dans la bibliothèque de sa soeur un jour, et c’était un grand soulagement, car dès fois qu’un accès de folie lui prenait, et qu’il serait décidé à lire n’importe quoi, il préférait ne pas avoir un livre de ce genre sous la main. Et si Casey aimait bien? Bah, peu importe, ce n’était pas comme si Joshua se souciait vraiment de froisser sa soeur ou non, et ce n’était pas non plus comme si sa soeur n’était pas habituée à ce genre de remarques.

Lui non plus n’avait pas cherché à attraper le regard de sa soeur. De toute façon, il aurait fallu pour cela qu’elle se retourne. A la place, il continua de marcher, tout en fixant le sol. Peu habitué à sortir comme il l’était, il aurait peut-être pu faire l’effort, pour une fois qu’il s’en donnait la peine, de regarder un peu le paysage autour de lui...Ou l’absence de paysage, au choix, mais bon, Joshua savait bien (en tous cas c’était ce qu’il pensait) qu’il ne manquait rien à traîner dehors. Non pas que Grayson soit un endroit particulièrement laid ou autre. C’était juste Grayson, on en faisait rapidement le tour. Oui, certes, de la ferme aussi, mais peu importe, les bols d’air frais et tout le reste, c’était peut-être bon pour la santé, mais c’était pas pour autant que Joshua allait se forcer.

Après plusieurs bonnes minutes de marche encore, ils arrivèrent devant le bureau de poste. Joshua laissa Casey passer en premier, déjà parce qu’elle était devant lui, et ensuite, parce qu’il ne se sentait pas vraiment d’humeur à sociabiliser aujourd’hui, même si l’idée d’échapper au club de lecture avait rendu cette humeur quelque peu plus joyeuse.

Un peu essoufflée par sa marche et par le cuisant soleil, Casey s’approcha d’un pas un peu lourd de la porte d’entrée du bâtiment postal. Celui-ci, comme la plus part des bâtiments de Grayson, ne payait pas de mine et n’avait l’air de rien.
Casey passait la moitié de son temps en ville grâce à l’Université, et pouvait ainsi observer les milliards de différence entre la vie citadine et la vie rurale. Parfois il lui arrivait d’envier ceux qui vivaient à Kansas City. Ils avaient toutes les facilités à portée de main, et une vie sociale beaucoup plus florissante que la sienne. L’idée lui faisait de l’œil, et elle s’était demandé plusieurs fois s’il n’aurait pas été plus judicieux de prendre un logement sur place pour enfin laisser Grayson derrière elle et avancer.
Puis lorsqu’elle revenait ici dans son village natale, là où elle avait grandit, il lui prenait soudainement l’envie d’y rester pour toujours, afin d’apprécier le calme, les paysages qu’elle connaissait par cœur et ne se lassait jamais de contempler, et la langueur des journées d’été.

Pourtant pour l’heure, elle n’en était pas à s’extasier sur la moindre chose. L’adolescente venait de jeter un coup d’œil à l’intérieur de la poste, par la fenêtre tout à côté de la porte recouverte de peinture écaillée.
Se tournant vers son frère, le nez plissé de contrariété, elle fit tournoyer ses longs cheveux d’un brun clair pour bien marquer son début de mauvaise humeur.

« C’est pas Doris, c’est sa fille Colleen ! C’est une vraie pipelette, alors essaye de pas faire ton asocial et dit rien de bizarre, s’il te plait ! Elle irait tout répéter à tout le monde à la première occasion et tu sais que papa déteste avoir des échos de ce genre de chose ! Si tu commence à devenir désagréable, il finira forcément par le savoir »

Elle le fixa quelques secondes avec aplombs, essayant de décrypter l’expression de son frère, puis se détourna de lui pour entrer dans le locale ou il faisait bien plus frai et respirable.
Elle avait beau lui avoir fait des recommandations bien spécifique sur le comportement à adopter en présence de Colleen, autrement dit : profile bas, Casey n’avait pourtant aucune confiance en son frère.
C’était un provocateur né, contrairement à elle qui préférait la discrétion en toute circonstance.
Ca l’amusait toujours beaucoup d’être choquant et grossier, le tout avec un petit air innocent, mi figue mi raisin. Ca mettait les gens mal à l’aise et Joshua adorait ça.
Leur père par contre, c’était tout le contraire, et il détestait lorsque madame Pietsky ou l’une ou l’autre vielle harpie du village venait lui rabâcher les oreilles avec ces histoire de ‘fruit qui tombe bien loin du pommier’.

D’autant plus que comme Casey était souvent présente et ne réagissait pas, elle était généralement mise dans le même sac. Un sac qui ne lui ressemblait pas et dont elle avait un peu marre.
Elle espérait que son frère ait conscience de toute ces choses, et ne soit pas trop insupportable… pourtant rien n’était moins sur.

« Bonjour Colleen » salua enfin Casey de sa petite voix un peu monocorde, s’approchant du comptoir tout en affichant un petit sourire poli

Joshua haussa les épaules au conseil de sa soeur... Peu lui importait la réaction de son père, il ne se souciait absolument pas de le mettre ou non en colère... A l’extrême limite, il aurait pu jouer les associaux histoire d’ennerver son paternel, mais il n’en ferait rien, il ne se sentait certes pas d’humeur bavarde (il ne l’était jamais), mais pas au point de bouder tout le monde, Joshua savait se tenir en société, tout de même! ...Enfin, quand il le voulait. Et puisque c’était Casey qui le lui demandait, alors il ferait un effort, non pas que sa soeur ait le pouvoir d’”adoucir” ce cher Joshua, mais Casey était la seule personne au monde dont l’opinion comptait pour Josh. Alors oui, il avait haussé les épaules, parce que ça lui aurait fait mal ne serait-ce que d’acquiesçer, mais cela signifiait que ce brave Joshy se tiendrait tranquille... Enfin... Dans la mesure du possible. De toute façon, il n’était pas temps de jouer les associaux, ils allaient seulement à la poste, aucun besoin d’en faire toute une histoire.

...Quoi que... Joshua eut du mal à ne pas lever les yeux au ciel, et ce dès que Colleen ouvrit la bouche. Ce n’était pas tant qu’il ne l’appréciait pas, en fait, elle l’indifférait complètement, il fallait dire qu’ils se connaissaient pas vraiment (et aux yeux de Joshua, c’était pas une grande perte) mais elle était plus ou moins son extrême opposée, toujours amène, à vouloir faire la conversation... Tout l’inverse de lui... Il n’aimait pas parler, surtout parce que lorsqu’on l’invitait à parler, c’était toujours en attendant des réponses stupides qui ne servaient à rien. Il aimait mieux économiser sa salive pour des choses plus intéressantes. Sauf qu’elles n’arrivaient jamais, alors il se taisait.
N’empêche, il la détestait pas, mais qu’est-ce qu’elle pouvait être chiante, Colleen! “Tu es de plus en plus jolie à chaque rencontre”. Misère... Si c’était pas triste d’entendre des choses pareilles. Bientôt elles allaient s’échanger leurs vernis à ongle... Au moins, l’avantage, c’était que Colleen n’avait pas l’air de vouloir particulièrement l’inclure dans la conversation. Tant mieux, Josh n’avait pas particulièrement envie de s’intégrer à leur discussion, il se préparait déjà psychologiquement à les regarder, Colleen et sa soeur, discuter bêtement de leurs vies ininteressantes, lui se demandant ce qui était le pire entre les blablatages des dadames du club de littérature où les bavasseries des deux jeunes femmes. Faute de pouvoir faire autrement, il resterait ici, de toute manière.

“Salut!” Waaaw. ça y est, il avait atteint le plus haut degré de son niveau de compétences en matière de politesse, il avait même esquissé un sourire pour ajouter au tableau. Si Casey osait lui sortir qu’il faisait pas d’efforts, hein!

Bref, mais point trop n’en faut non plus, hein! Donc ces mots prononcés, il replongea dans son mutisme habituel, répondant au “ça va” de Colleen par un vague signe de tête... De toute manière, ça ne devait pas vraiment l’intéresser. Heureusement pour lui, Colleen avait l’air de préférer de loin de s’intéresser à Casey, et ce n’était pas pour déranger Josh. Il n’ouvrit pas plus la bouche pour expliquer les raisons de leur venue... Quelle question conne! De toute évidence, ils étaient pas venu là pour prendre le thé...
Autant laisser Casey s’occuper de la partie “ouvrons nous aux autres êtres humains”. Faire des efforts, oui, mais n’en rajoutons pas.

Y’avait pas a dire, Colleen ressemblait vraiment à Esmeralda. Et même si son débit de parole plus haut que la normal et son air un peu absent et illuminé l’agaçait de temps en temps, Casey ne pouvait pas nier qu’elle trouvait la jeune postière plutôt cool.
Il était vrai qu’en comparaison avec les amies très chiantes de sa mère qui l’attendaient à la maison, Colleen faisait office de rock star, mais si l’on excluait les mégères, la grande brune restait une personne vraiment agréable.
Elles étaient rares à Grayson. C’était surtout ça le problème. Il y avait proportionnellement moins de place pour les gens cools. Surtout avec autant de personnes si peu cool dans les parages…
Et elle lui rappelait un peu Suzie aussi, sa meilleure amie d’enfance et fille du shérif. Mignonne, gentille, mais complètement blonde, et ce malgré la couleur de cheveux. Suzie et Colleen étaient loin d’être des clones, mais elles lui évoquaient le même sentiment, la même impression de temps à autre.
D’ailleurs, l’une ou l’autre fois, on leur avait fait la remarques à Suz et elle qu’elles ressemblaient dangereusement au duo mal aimé de fille du village : Colleen et Charlie. Dans la bouche de la plus part des habitants, cette comparaison n’était pas un compliment, mais lorsqu’on avait 19 ans, ça y ressemblait assez pourtant.

La jeune fille sourit timidement à la postière, puis lança un regard à son frère. Colleen venait de lui faire un compliment, et elle espérait que son jumeau tienne sa langue et ne se moque pas d’elle. Apparemment, il restait impassible, ses petits yeux malins et sombres fixés sur la grande brune qui leur faisait face, un grand sourire aux lèvres.

« Hum… » dit Casey en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille « Je vais bientôt avoir fini les examens, dans une semaine c’est les vacances alors… je suppose que je peux affirmer que les études vont bien »

Un petit silence un peu gênant s’installa entre eux trois. Casey en profita pour jeter un regard à son frère. Pourquoi était-ce toujours à elle de devoir prendre la parole ? Si elle-même dérivait immédiatement sur le sujet du colis de leur père, elle allait avoir l’air mal polie, et il était plus convenable à ce stade de poser une question personnelle à Colleen. Casey n’en avait pas vraiment envie, même si elle préférait parler avec la postière plutôt qu’avec les dragons qui avaient investis sa ferme. De ce fait, l’adolescente espérait que Josh intervienne pour détourner la conversation naissante et parler du colis. Ce qu’il ne fit pas évidemment.

« Et… comment va Grifith ? »

Une question bateau, pour sûr. Casey n’avait jamais accroché avec l’adjoint, même si, comme toutes les filles du village, elle le trouvait vraiment très beau. Mais cette question, Colleen devait y avoir droit au moins trois fois par jour, puisqu’ils étaient le couple phare de Grayson depuis un moment maintenant. Tout le monde attendait qu’ils se marient enfin, et qu’ils aient leur premier marmot dans la foulée.

Et une fois de plus, Casey lança un petit regard en coin à son frère. Elle était certaine que celui-ci fulminait intérieurement que sa niaise de sœur n’ait pas été droit au but. Seulement voilà, Casey, elle, n’était pas asociale, c’était sûrement là leur plus grande différence en tant que jumeau.

Colleen avait raison, à Grayson, il ne se passait jamais rien. C’était ce que tout le monde disait, c’était ce dont tout le monde se plaignait bien souvent, elle la première. Bon, peut-être pas la première en fait, mais ça lui arrivait de regretter vivre ainsi en recule par rapport au monde. Et d’autres fois, Casey adorait ça, Casey adorait qu’il ne se passe jamais rien dans ce petit village un peu isolé, on pouvait y voir une forme de poésie, de beauté lyrique, à ce village tranquille perdu au milieu de million d’autres villages tranquilles où les gens passaient leur vie sans jamais d’éclat.
Du moins ça, c’était seulement de temps en temps, lorsqu’elle s’isolait pour écrire, qu’elle écoutait de la musique et se laissait emporter par quelques notes particulièrement émouvante et où le monde autour d’elle prenait un aspect de vieux tableau mélancolique.
Le reste du temps, lorsqu’on avait un peu les yeux ouverts, lorsqu’on était un peu vif d’esprit, on se rendait compte que la vie à Grayson n’était pas si tranquille que ça.
Surtout ces derniers temps d’ailleurs, avec l’arrivée de ces Donnelly. Car quant il se passait quelque chose qui sortait de l’ordinaire ici, c’était toujours quelque chose de singulièrement négatif.
Des morts bizarres, des accidents tragiques à répétitions. Des non-dits aussi.

Comme ce dernier coup d’éclat dans la maison louée par les frères. L’un des villageois s’était apparemment introduit dans leur vieille baraque pour y mettre le chambard.
Casey désapprouvait généralement ce genre de comportements et avait du mal à concevoir que quelqu’un puisse en arriver là. Pourtant, d’un autre côté, elle avait rencontré l’un ou l’autre des frères, et avait entendu pas mal d’échos à leur sujet, et c’était visérale, elle ne les sentait pas.
L’adolescente savait qu’elle jugeait un peu vite, sans connaissance de cause à proprement parlé. Mais c’était plus fort qu’elle. C’était surtout à cause de ce Aidan absolument insupportable qui l’avait pratiquement insulté lors de la séance de cinéma en plein air. Si les frères étaient tous comme ça et se comportaient aussi mal avec tout le monde, évidemment, ils étaient mal reçus. Le pire, c’est qu’ils étaient là pour fouiner par rapport à l’accident qui avait tué leurs parents.
C’est vrai qu’il y avait quelques personnes étranges à Grayson, comme dans beaucoup de village, ou même comme à la ville d’ailleurs, elle en savait quelque chose puisqu’elle suivait ses études dans la plus grande ville des environs. Sauf qu’elle ne pouvait s’empêcher de prendre parti et de refuser de croire que quelqu’un à Grayson puisse être capable de ce genre de chose.
Pour quel motif ? Quels raisons ? Trop d’incohérence, trop d’inconnues pour pouvoir vraiment juger de cette situation. Et mal lui en aurait prit de poser la moindre question à ce sujet à ses parents.
Sa mère l’aurait remise à sa place avec sécheresse et autorité tandis que son père lui, aurait éludé la question et se serait défilé en quelques secondes, comme toujours.

La petite amie du shérif adjoint par contre, elle, aurait peut-être un avis plus informés sur la situation…
Casey était d’un naturel taiseux, un peu timide parfois, et il lui fallut un moment avant de savoir comment tourner sa future question. Et pendant qu’elle se triturait les méninges, Colleen avait prit la peine de farfouiller après le colis de William.
Ce ne fut qu’une fois sur le comptoir, ses deux mains sur le paquet, que la jeune fille se lança :

« Hum… Joshua et moi, on se tient jamais au courant de ce genre de chose mais… j’me demandais si… enfin si toi tu savais quelque chose sur ce qui est arrivé a la maison de ces Donnelly… tu sais, pendant la séance de ciné. Il me semble que personne à jamais vraiment eut le fin mot de cette histoire »

Elle avait contrôlé son ton pour qu’il ait l’air détendu, Colleen tomberait surement dans le panneau, mais Joshua lui, remarquerait surement combien il lui coutait de poser la question… Tant pis, ça valait le coup d’essayer. Puis il ne lui en voudrait pas trop de rallonger leur temps à la post, après tout, ce genre d’histoire un peu sordide et tordue, ça l’intéressait toujours.