Il s’était un peu attendu à ce qu’elle lui emboite le pas, et se demandait tout de même pourquoi cette fille s’accrochait à lui d’cette manière. Qu’est-ce qu’elle lui voulait à la a fin ? Surtout si elle trouvait agaçant qu’il soit sur la défensive tout l’temps, détail qui n’était certainement pas prêt de changer chez lui…

Une fois de retour dans la petite clairière il mit rapidement la main sur son tee-shirt qu’il renfila négligemment, avant de se rendre compte que sa braguette était toujours ouverte et d’la refermer d’un geste sec elle aussi. Derrière lui, la jeune fille continuait de l’observer et fini même par reprendre la parole. Il ne pouvait pas nier que ça partait d’une bonne intention ce qu’elle lui disait, le souci n’était d’ailleurs même pas là. C’était effectivement une bonne chose qu’elle affirme ce genre de trucs, et le confortait dans l’idée qu’elle n’allait pas essayer de lui créer de problèmes avec cette histoire. M’enfin d’un autre côté, si ça finissait par se savoir quand même, peu importe qu’elle ait été consentante ou pas, peu importe ce qu’elle pensait, il aurait des problèmes. Car le vrai souci ce n’était pas ce qu’elle pensait de lui, mais bien le reste du monde. Et c’était le reste du monde le vrai problème, comme toujours…

La suite par contre, le laissa quelques instants sans voix. C’eut tout de même l’avantage de désamorcer un peu ses angoisses et la colère sourde qui brulait encore quelque part au fond de sa caboche orageuse. Un faible sourire se dessina même sur son visage, mais nettement teinté d’incrédulité. Être amis… sérieusement ?

D’un côté, évidemment que c’était gentil, même un connard dans son genre pouvait le constater. D’un autre côté c’était terriblement irréaliste …

« Tu veux êtres ‘amie’ avec moi… » répéta-t-il d’un ton mi amusé, mi blasé, avant de ponctuer le silence d’un hochement de tête doucement sceptique « J’sais pas si c’est une bonne idée Sacha… » avoua-t-il « C’est pas qu’je veux pas hein c’est juste que … » il haussa les épaules, sans trop savoir comment lui expliquer son idée « C’est juste que voilà, tu finiras par changer d’avis » assura-t-il, confiant de c’qu’il disait.

Une fois qu’elle apprendrait à le connaître, elle changerait assurément d’avis, comme l’avait fait Colleen.

Ses réponses étaient un rien naïves, mais comme il se sentait coupable de la manière dont il l’avait traitée, il n’avait pas non plus l’intention de l’envoyer bouler. Elle avait quand même raison d’affirmer qu’il ne pouvait pas le savoir avec certitude. C’était d’autant plus vrai pour elle. Elle était plutôt entière et simple à capter, pas du genre à se rendre très mystérieuse. Et lui c’était tout le contraire... Elle ne pouvait pas encore le savoir, mais ça viendrait certainement. Ou pas puisqu’apparemment il était obligé de laisser sa place au doute. Si ça lui faisait plaisir…

Il avait surtout l’impression d’avoir à faire à une ado paumée qui n’savait pas quoi faire d’elle-même et d’son temps, qui se faisait chier dans un bled pourri et s’accrochait au premier venu juste parce qu’il lui avait accordé un semblant d’intérêt. C’était un rien pathétique, et il était un putain de spécialiste en la matière.

Sa dernière question l’obligea pourtant à reprendre la parole. Redressant les yeux vers elle, la mine maussade qu’il arborait jusque là déserta pour une expression un brin alarmée.

« Nan, parce que personne va nous voir ensemble. Si tu veux m’revoir j’suis pas contre Sacha, mais personne doit l’savoir, j’vais pas trainer avec toi dans la rue et j’vais pas t’emmener au ciné ou j’sais pas quoi. J’ai pas envie d’te raconter ma vie et de toute façon j’vais pas l’faire mais j’peux pas m’permettre la moindre rumeurs de merde. Tu comprends ? C’est vraiment important, j’déconne pas. J’suis déjà bien assez dans la merde comme ça, donc soit t’es prudente et tu garde ta langue, soit tu m’oublie. Que ce soit l’un ou l’autre personne doit savoir… même si à Grayson, tout fini toujours par se savoir… » termina le jeune homme en revenant à son expression sombre « D’ailleurs faut qu’on reste ici une petite heure encore. Si on nous voit revenir des bois ensemble j’suis foutu. Quand le spectacle aura commencé ça sera plus sûr, ils seront tous occupés et ça sera plus discret… enfin moi en tout cas » en louchant sur ses cheveux rouge vif.

Oui oui, c’était un genre de blague, même si le sourire n’y était pas, tout juste une vague lueur plus rieuse dans ses yeux de jais.