Charlie ne passerait pas sur scène avant 21H mais lors de son inscription Kathleen lui avait demandé de se balader sur le site durant la journée et de jouer quelques morceaux de temps en temps. D’aucun disait que la musique adoucissaient les meurs, et après c’était le thème de la journée. De l’entraide, de l’entente, du love et rien que du love et blablabla. Charlie avait du mal à y croire pour du vrai mais, de bonne nature, elle avait évidemment accepté de bout en bout tout ce que lui avait demandé de faire la standardiste du shérif. Cela dit elle ne pouvait s’empêcher de trouver la chose un peu hypocrite. L’ambiance n’était pas bonne à Grayson, et les choses n’allaient pas bien, mieux valait éviter de se voiler la face, cela rendait la chute moins brutale et le retour sur terre moins cruel quand la réalité reprenait le dessus. Enfin… ‘hypocrite’ c’était un bien grand mot, peut-être simplement un rien naïf. Quoi qu’il en soit Kathleen se voulait singulièrement la face si elle pensait que cette journée aurait la moindre conséquence positive sur la situation actuelle.

C’était peut-être pessimiste comme façon de penser, mais en même temps c’était loin d’être une bonne période pour la jeune caissière. Sa grand-mère était malade, sa meilleure amie se tapait tous les bonhomme les plus bizarre du coin, son petit ami était détesté par les trois quart de la population et elle avec, petit ami avec qui de toute manière, sa relation n’était pas au beau fixe. Elle doutait qu’entonner quelques airs et gratter sa guitare au milieu d’une pelouse l’aide franchement dans sa vie en ce moment. Néanmoins, elle devait admettre que les choses ne se déroulaient pas trop mal jusqu’à maintenant. L’atmosphère générale n’était pas vraiment pesante comparé à d’habitude et les gens semblaient relativement détendus. Enfin pour la plus part…

Elle avait été voir Colleen à son stand plusieurs fois dans la journée, entrecoupé de moment avec Aidan et Samuel. Puis son devoir se rappelant à elle, elle s’était éclipsé un moment pour manger sur l’air de pique-nique tout d’abord, avant d’agripper sa guitare et de jouer un petit air serein et rêveur, un faible sourire aux lèvres. Jouer de la guitare sous le soleil et dans l’herbe avait toujours eut sa préférence.

Une fois sa chanson terminée pour accompagner le repas des nombreux badauds qui l’entouraient, Charlie accueillit les quelques applaudissement discret d’un vague petit salut de la main avant de se relever pour changer d’endroit, ou peut-être retrouver les garçons. Ses yeux chocolat rencontrèrent pourtant un visage bien connus qui la stoppa dans son élan. D’un froncement de sourcil elle avisa le jeune homme qui terminait d’avaler son repas à deux pas. Elle hésita quelques instants, prise de l’envie soudaine d’aller lui parler. Après tout, … pourquoi pas ?

Parce qu’il allait certainement essayer de la tuer avec son arme de service ? … oui peut-être. Mais ce matin, Colleen lui avait dit clairement « je veux me remettre avec lui, je veux l’épouser et faire ma vie avec lui ». Et si c’était le cas, il lui était difficile d’envisager nier indéfiniment celui qui partagerait la vie de Colleen. Le problème c’est que la dernière fois qu’elle lui avait parlé, c’était à l’épicerie tandis qu’elle révélait à Colleen qu’il avait essayé de l’embrasser, et ce, juste avant qu’un tremblement de terre surnaturel ne secoue le magasin sans que personne d’autre au monde ne le remarque…

Cette journée étrange l’avait profondément marqué et depuis, plus rien n’était pareil. Ni entre Colleen et elle, ni entre Colleen et Grifith, et surtout pas entre Grifith et elle… Ils avaient toujours eut beaucoup de mal à communiquer à a se pardonner après leur rupture, mais jamais la situation entre eux n’avait été si calamiteuse, et malgré son pessimisme quant à cette journée… qui sait ? Peut-être que Kathleen avait raison ? Peut-être qu’il fallait se montrer un peu naïf parfois, et espérer.

Forte de cette pensée, Charlie parcouru les quelques mètres à peine qui les séparaient. Leurs regards se croisèrent avant qu’elle n’ait terminé et elle vit son regard changer d’éclat.

« … Hey » le salua-t-elle.

Avec un peu de chance, il répondrait « Hey » lui aussi, avant de laisser s’installer un long silence gênant qu’elle devrait rompre en se creusant les méninges.
Mais ça, c’était s’il était dans de bonnes dispositions et avec Grifith, rien n’était moins sûr, surtout depuis que tout l’monde avait apprit que Calvin était passé sur Colleen lui aussi…

Bon… et bien au moins ils n’étaient pas restés trois ans ensemble pour rien, Charlie restait capable de prévoir ses réactions sans se tromper d’un poil. Elle avait songé il y a deux secondes que ce qui venait de se passer serait la meilleure des réactions à attendre de la part de Grifith, maintenant elle regrettait presque qu’il ne l’ait pas accueillit d’une rebuffade bien sentie. Combler les longs silences gêner ce n’était pas une mince affaire, surtout lorsqu’il y avait tant à dire entre deux personnes, et une remarque cinglante de la part de son ex-fiancé lui aurait au moins permit d’avoir quelque chose sur quoi rebondir, ou tout du moins matière à répliquer. Là elle devait se creuser et tous les sujets qui lui venaient en tête semblaient carrément déplacer.

Elle ne pouvait décemment pas se mettre à parler de la pluie et du beau temps, c’aurait été se foutre de lui quasiment ouvertement et c’est arranger les choses qu’elle voulait faire, au moins rien qu’un p’tit peu ! Pas les envenimer encore plus. Du coup, ne lui restait que les sujets carrément délicats, et l’idée de devoir prendre le taureau par les cornes la rebutait carrément. Elle n’avait jamais été une grande courageuse et agissait plutôt sur des coups de tête, voir sur des coups de sang, c’était plus simple. Ca lui attirait aussi vraiment beaucoup d’ennuis, c’était le revers de la médaille.

Sans oublier que si Grifith s’était montré agressif, ça lui aurait fait une très bonne raison de tourner les talons, c’était surtout ça qui se tramait à l’intérieur de sa petite tête. Elle aurait ainsi pu se dire qu’elle avait essayé, réellement fait un effort envers lui, et que c’était lui le salop de l’avoir envoyé paitre. Solution de facilité et de fuite par excellence, comme d’habitude. C’était juste plus fort qu’elle. Quoi qu’il en soit, elle ne pourrait pas se servir de son animosité envers elle comme d’une excuse pour le moment, et allait effectivement devoir enchainer sur un semblant de conversation. Plus le choix maintenant qu’elle l’avait abordé.

« … hem… » débuta la caissière, la tête vide.

Elle se racla nerveusement la gorge avant de prendre le partit de s’assoir sur le banc à côté de l’adjoint qui continuait de l’observer en attendant qu’elle accouche.

« … j’étais juste… en fait j’étais juste venue… tu vois ? » c’était merdique comme approche, elle la chassa d’un bref geste de la main et reprit une nouvelle fois « J’ai parlé à Colleen ce matin. On dirait que …. Enfin que ça va mieux. Vous deux je veux dire… »

Incroyable et improbable ! Charlie avait ouvert des yeux ronds en l’entendant lui répondre autre chose qu’un reproche ou une insulte, puis avait très vite rectifié le tire en reprenant une moue très mature de fille à l’écoute et très compréhensive. Est-ce que Kathleen avait fait mettre quelque chose de spécial dans les sandwichs et la limonade ? Du genre un peu de prozac, ou de la marijuana ?! Parce qu’elle n’avait arnaqué personne avec son histoire de pique-nique du love et de l’amour, ça fonctionnait vraiment ! Charlie s’attendait presque à voir tous ses voisins se prendre par la main pour chanter en chœur sous le soleil… bon peut-être pas quand même, mais elle n’avait plus connu une ambiance aussi positive depuis des lustres et elle en était presque déstabilisée pour le coup.

Mais pas d’une mauvaise manière bien sûr ! Non, au contraire, la voilà qui se retrouvait agréablement surprise de la tournure des évènements. Avec cette nouvelle histoire concernant Calvin elle s’était dit que c’était tout simplement foutu pour Colleen et Grifith, que cette nouvelle rumeur c’était un peu la signature sur l’arrêt de mort de leurs fiançailles. Et à les entendre… non, pas du tout. Etrange ! Et en même temps, tant mieux ! Voilà qui lui ferait un regret de moins à porter !

Enfin bon… foi de Charlie, il ne fallait suuuurtout pas crier victoire trop vite, surtout lorsque c’était au Shérif adjoint qu’on avait affaire ! Il pouvait parfois faire montrer d’une épatante compréhension, et parfois se montrer têtu et affreusement rustre, difficile de prévoir.

« Ouf ! » soupira Charlie en se laissant aller à un sourire soulagé « Tant mieux, j’suis bien contente de te l’entendre dire parce que, avec toutes ces histoires, Colleen avec Calvin, et toi et Kathleen, je me disais que … la situation prenait des proportions assez démentielles ! »

Bon, ce n’était peut-être pas le truc le plus fin à répondre, mais ça avait l’avantage d’être la vérité vraie. Une vraie affaire d’état depuis des semaines. Il était temps que tout l’monde passe à autre chose en matière de commérage, parce qu’en tant que caissière elle était en première ligne pour les subir et qu’elle en avait tout simplement plus qu’assez d’entendre les gens lui parler de la vie sexuelle de sa meilleure amie et de son ex-fiancé…