03.2. I have no pryde... [Aahron & Trisha]

Un soupir désillusionné rompit le silence pesant de la pièce d’eau. Aahron prit sa tête entre ses mains, fermant les paupières un instant en laissant vagabonder ses pensées. Les choses s’étaient quelques peu tassées dans Grayson à présent mais l’ambiance n’était toujours pas festive sous leur toit. Et pourtant ce soir, ils devraient mettre leur rancœur de côté pour célébrer les anniversaires d’Allie et de Samuel. Personne n’avait vraiment le cœur à la fête mais Aidan avait insisté. Lui et Charlie en parlaient depuis un moment et au fond, ils en avaient tous besoin. Son petit frère avait beau faire preuve d’immaturité sur certains points, il n’était pas aussi insouciant qu’il voulait le leur faire croire.
Et le petit avait de l’argument. Du genre : tu ne crois pas que maman aurait aimé qu’on célèbre dignement l’anniversaire de son fils et de sa belle-fille enceinte ? Qu’est-ce qu’ils pouvaient répondre à cela ? Evidemment que c’était ce que leur mère aurait fait ! Elle aurait mis les petits plats dans les grands et ils auraient passé un moment mémorable, tous ensembles…
Le cœur d’Aahron se pinça malgré lui. C’était faux. Samuel et Sean refusaient de passer du temps sous le même toit et ils se seraient contentés de passer un coup de fil à leur frère en vitesse. Ce dernier n’aurait même sûrement pas décroché, trop occupé à se mettre dans une situation encore impossible. Quant à Allie… eh bien Aahron n’aurait certainement pas fait le déplacement pour sa futur belle-sœur. Il réalisait seulement maintenant qu’il avait accumulées les erreurs avec les membres de sa famille. Il avait fallu que ses parents meurent pour que le trentenaire le comprenne enfin... C’était à pleurer.

Quelque part en bas, Aahron entendit vaguement quelqu’un courir. Il prêta l’oreille et entendit la voix d’Aidan s’élever. Sans doute quelqu’un avait-il frappé à la porte. L’ainé demeura silencieux un moment, aux aguets, mais une fois assuré que personne n’était venu pour tous les tuer, il se replongea dans ses pensées.
Cette fois-ci, il pensa à Petey. Petey pour qui il ne pouvait pas toujours être là et qu’il aurait pu rendre orphelin de père quelques jours plus tôt seulement. Avec du recule, il se demandait encore pourquoi il s’était mis en danger de cette façon en aidant William. Bien entendu, il y avait une raison tout évidente : il était incapable de laisser quelqu’un mourir de la sorte. Mais il ne pouvait s’empêcher de se sentir coupable vis-à-vis de son unique enfant.
D’ailleurs, une fois une énième prise de tête avec Aidan passé, il s’était empressé de passer un coup de téléphone à Cleveland pour entendre le son de sa voix. David avait répondu et il lui avait parlé comme à un chien… Oui, il savait qu’il était tard et qu’il dormait, et alors ? Il n’avait pas le droit d’appeler pour parler à son propre fils !?
Finalement, après une ou deux insultes (que l’ouvrier regrettait à moitié aujourd’hui), il avait pu obtenir de parler à Petey.

Aahron ?

La voix d’Aidan de l’autre côté de la porte l’arracha à ses pensées.

Qu’est-ce que tu veux ?

Hmm… tu fais quoi ?

Quoi je fais quoi ?

Bah…t’as bientôt terminé ici ?

Qu’est-ce que tu veux Aidan ?

J’veux juste savoir si t’en as encore pour longtemps

Bordel je chie Aidan ! Ça prendra le temps que ça prendra !

C’était juste pour te dire que Trisha est là ! Genre… juste en bas de l’escalier, à un endroit stratégique pour entendre ce qui se dit dans la salle de bain alors…voilà ! T’auras qu’à descendre quand tu auras terminé de chier !

Et sur ces mots et dans un éclat de rire, le benjamin redescendit l’escalier d’un bon pas.

Dieu… foudroie-moi…

Surprise...

Fais pas cette tête, on était mariés je te signale, on a pas de secrets.

Ça a l'air d'aller...

Petey n'est pas là. Je suis venue sans lui, désolée.

Aahron enclencha la chasse d’eau et pris son temps pour se laver les mains, redoutant l’inévitable. Et l’inévitable n’était pas vraiment de recroiser Trisha après qu’elle l’ait entendu beugler qu’il faisait la grosse commission… Non, même si c’était affreusement gênant, c’était plutôt de la revoir tout court qu’il appréhendait. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, ils s’étaient embrassés comme deux adolescents dans une chambre de motel. Depuis, le trentenaire s’était fait violence pour essayer d’oublier son ex-femme, d’oublier la chaleur de ses lèvres, la douceur de sa peau, le parfum de ses cheveux… Il savait bien que ce baiser n’aurait pas de suite. Elle était remariée, visiblement heureuse. Elle avait changé mais pas lui et quelque chose lui disait que Trisha n’était pas prête à faire marche arrière.
Et pourtant, elle était à nouveau là, juste au moment où il avait besoin d’elle et de la présence de son fils. Une fois encore, elle avait sillonné la moitié du pays pour venir le voir et répondre à son appel. Enfin il n’avait pas clairement formulé qu’il voulait la voir, mais elle le connaissait par cœur et avait deviné ce qu’il attendait réellement d’elle. L’avocate aurait pu faire semblant de rien, seulement elle avait préféré prendre sa voiture et conduire jusque Grayson.
C’était plaisant et en même temps, il savait que rien de bon ne pouvait ressortir de ces retrouvailles.

Chassant toutes ces pensées parasites, Aahron coupa le robinet et quitta la salle d’eau pour rejoindre le rez-de-chaussée. Rendu à la moitié de l’escalier, il l’aperçu devant la fenêtre du salon. Elle portait une robe d’été tout à fait charmante qui mettait sa silhouette en valeur et le laissait découvrir ses jambes parfaites. Il adorait la voir quitter ses tailleurs pour ce genre de vêtements simplistes. Et comme toujours, cette bouffée d’amour envahissante le submergea et accéléra les battements de son cœur émietté. Elle ne s’était pas habillée pour lui.
Et dire qu’à l’époque où elle le faisait, il n’y prêtait pas attention… Que imbécile il avait été !

La jeune femme se retourna bientôt, l’ayant entendu arriver dans son dos. Aahron demeura silencieux et s’immobilisa à l’entrée de la pièce, s’appuyant au mur. Il se contenta de pousser un grognement agacé face à sa remarque sur leur mariage à présent caduc et entendit Aidan glousser depuis le fauteuil du salon. Les bras croisés sur sa poitrine, il posa sur son jeune frère un regard courroucé. L’adolescent lui répondit évidemment par un charmant sourire moqueur.
Aahron préféra redonner son attention à Trisha qui venait d’enchainer.

Petey. Petey n’était pas avec elle. Ce qui l’agaçait le plus dans cette histoire, ce n’était pas tant qu’il ne soit pas là et qu’il ne puisse pas le voir. Grayson était une ville dangereuse et il préférait el savoir le plus loin possible. En revanche, le savoir avec le nouvel amant de sa femme ne l’enchantait pas. Cela dit, il se garda bien de faire une remarque à ce sujet, se contentant d’un :

« C’est sans doute mieux comme ça »

Il n’avait pas voulu paraitre blessant mais son regard s’était dirigé malgré lui vers Aidan. Ce dernier soutint son regard quelques secondes avant de se lever sans un mot pour passer devant lui et quitter la maison par la prote d’entrée, sans un regard en arrière. Aahron ne chercha pas à le retenir, le suivant simplement du regard jusqu’à ce que la porte se referme sur son passage.
Il se tourna ensuite vers Trisha à nouveau. Ils étaient seuls à présent.

« Qu’est-ce que tu fais ici si Petey n’est pas avec toi ? » demanda-t-il d’un ton plus sec qu’il ne l’aurait voulu

J'ai pas le droit de venir voir comment tu vas maintenant ? Après ce qui s'est passé, la question de savoir si t'es entier se pose légitimement, tu sais.

Si tu préfères que je rentre, t'as qu'à le dire, je m'en irais.

À part ça, ton fils va bien. On est allés chez mes parents la semaine dernière, ils ont demandé si vous aviez trouvé ce que vous cherchez ici... Ils désapprouvent encore complètement, mais bon on ne leur a pas demandé leur avis.

T'aurais pu m'appeler plus tôt. Ou m'appeler tout court, puisque c'était pas vraiment moi que t'appelais hier soir.

Bien sûr que non, c’n’est pas ce que je veux

Il aurait voulu être capable de rajouter un petit « pas après toute la route que tu viens de faire » détaché, mais ils savaient tous deux que ce n’était pas pour ce genre de raison qu’il la voulait à ses côté. Elle savait ce qu’il éprouvait pour elle. Ce qu’il avait toujours ressenti malgré leur divorce et le remariage de Trisha. Aahron l’aimait. C’était aussi simple que ça. Elle le savait et pouvait disposer de l’information comme elle le souhaitait.
Mais cet amour était usant et il lui menait la vie dure. Il lui collait désagréablement à la peau comme une un vêtement sale et mouillé, lourd et duquel il était difficile de se séparer. Et depuis qu’il était à Grayson, ses sentiments étaient comme décuplés et le trentenaire était totalement largué. Non en fait, ça remontait plutôt à la disparition de ses parents qui l’avait bouleversé plus qu’il ne voulait l’admettre. Il avait besoin de Trish comme jamais. Et pour quelques temps, malgré leurs différents, elle était là. Rien que pour lui…

Mais il ne savait pas s’il devait s’en réjouir ou être en colère après elle. Il se posait encore cette question lorsqu’elle l’étreignit brièvement. Comme chaque fois, ce contacte fut électrisant, à la fois jouissif et douloureux. Et comme souvent, il ne lui rendit pas son étreinte, préférant rester de marbre entre ses bras frêles, occupé à tenter de faire abstraction de son corps chaud contre le sien, de son parfum délicat.

Il patienta jusqu’à ce qu’elle s’écarte et se racla nerveusement la gorge lorsqu’elle reprit la parole d’un ton dégagé, parlant de sa belle famille. Ex-belle famille. Aahron se permit un petit sourire taquin.

Ce n’est pas comme si tes parents avaient un jour appuyé une de mes décisions

Aahron passa une main dans ses cheveux qu’il avait à nouveau coupés très courts et poussa un soupir.

Écoute… Je pense que tu sais pourquoi je ne l’ai pas fait et je ne suis pas certain qu’en parler arrangera les choses. Je pense même que ça ne peut rien apporter de bon. Ni pour toi, ni pour moi et encore moins pour Petey. Et puis de quoi est-ce que tu voulais que j’te parle ? T’as toujours détesté que je te parle de mon boulot et en ce moment, je retape cette maison alors… c’est le seul sujet de conversation que j’aurai. Il se passe rien de spécial ici. Samuel file le parfait amour avec sa caissière, Charlie, Isaac et Allie vont bien, Aidan travaille à la ferme et s’est fait des amis… Du moins il s’en était fait mais depuis ce qu’il s’est passé il refuse de bouger de la maison. Enfin bref, on fait aller, on essaie de s’occuper l’esprit et de glaner quelques infos à gauche à droite en même temps en faisant profile bas

J’n’aurai même pas dû vous appeler l’autre soir, c’était stupide

Je préfère que tu me parles de ça, plutôt que tu ne me parles pas du tout ! T'as bien fait d'appeler, t'aurais dû le faire cent fois déjà.

Et puis tu t'entends parler... Aahron...

on dirait que vous vous êtes tous installés là, et que la vie file son cours. C'était sensé être temporaire, quelques semaines tout au plus. Tu m'avais promis.

Si j'avais su, je ne t'aurais pas aidé. Vous devriez tous rentrer, mais comme tu ne m'écoutes pas de toutes façons, je sais même pas pourquoi je persiste à perdre mon temps.

Et pourquoi est-ce qu'on est obligé de se disputer à chaque fois qu'on s'adresse la parole, on ne pourrait pas pour une fois s'asseoir tranquillement et parler comme deux adultes normaux et civilisés ?

Pourquoi... pourquoi tu me raconterais pas ce qui s'est passé depuis que j'étais là, et les progrès que vous avez fait dans l'enquête.

Encore et toujours le même genre de reproches. La même critique insupportable quant à leur aménagement à Grayson. Qu’est-ce qu’ils attendaient qu’il réponde au juste ? Il était là, à essayer de pagayer, mener la barque, la vider de toute l’eau qui tentait de s’y engouffrer, rassurer sa troupe et on lui demandait en plus de contrôler la météo… Il était épuisé, usé, complètement vidé, et tout le monde réclamait quelque chose de lui. Isaac passait son temps à tester son autorité et à batailler pour redevenir le donneur d’ordres de la famille. Samuel gagnait en confiance en lui et ne cessait de contredire ses avis et de prouver comme il avait changé en l’écrasant et le faisant sentir de plus en plus idiot et inutile. Quant à Aidan… et bien il devenait ingérable et avait choisi Aahron comme figure de référence, comptant sur lui pour être rattrapé à chaque dérapage.
Et au milieu de tout ça, il y avait Petey et Trisha. Trisha dont il était fou amoureux et qui ne cessait d’apparaitre et surtout de disparaitre, le laissant plus bas que terre à chacun de ses départs.
Mais selon eux, il devait en plus de ça gérer une enquête, s’intégrer dans la communauté pour mieux en percer les secrets. Il était ouvrier, nom de Dieu ! Tout ce qu’il connaissait du monde policier, c’était ce qu’il en avait vu dans les films du genre.
Trisha avait bien essayé de leur donner un coup de main en leur procurant le dossier, mais les évènements récents les avaient empêchés de vraiment se concentrer dessus. Il y avait d’abord eu cette histoire de photo avec Aidan et Petey, et puis ils ne s’étaient plus parler. Isaac et Allie avaient quitté la maison, Samuel s’était trouvé un job et lui s’était mis en tête de rénover la maison tandis qu’Aidan bosserait à la ferme. Une bonne manière de calmer les esprits et de gagner la confiance d’au moins quelques habitants selon lui. Mais il n’avait pas encore de résultat à présenter à la Terre entière et c’était bien entendu à lui qu’on demandait des comptes…

Le ton de Trisha se radoucit bientôt et son ton devint plus conciliant. Son humeur à lui en revanche, était loin d’être au beau fixe. Il avait les nerfs à vifs et la simple présence de son ex-femme ne l’aidait pas à rester serein.
Pourtant, il essaya de faire la part des choses et de prendre sur lui pour lui répondre sur le même ton. Mais il n’était pas aussi doué qu’elle pour masquer ses émotions et sa voix resta cassante, un peu sèche. Du moins au départ.

Je te l’ai dis

Après que Petey et toi soyez parti, ça a été difficile à gérer ici. Isaac voulait plus rien avoir à faire avec Aidan et moi non plus. Y a que Samuel qui lui parlait et ça a duré un moment. La dernière chose qu’on avait envie de faire, c’était se réunir tous ensemble autour d’une table pour lire le dossier que tu nous as apporté

J’y ai bien jeté un œil quelques fois, Isaac aussi, mais il nous a rien appris de bien concluant. C’est toujours la même histoire, y a rien de plus que ce qu’ils nous ont raconté au téléphone… La voiture a quitté la route et a défoncée la barrière en bois qu’ils ont visiblement reconstruite depuis. Y a pas eu de trace de freinage et d’après leur expertise, la voiture roulait à au moins 110km/h quand c’est arrivé. Sean ne conduisait jamais aussi vite, surtout dans un patelin inconnu de ce genre… Maman l’aurait pas laissé faire

Elle lui disait constamment de ralentir au cas où un gamin traverserait la rue, même au milieu des champs… Enfin tout leur dossier tien la route, si ce n’est que ça en colle pas avec le profil de nos parents. On en a pas vraiment parlé aussi ouvertement avec les garçons mais je crois qu’on est tous d’accord pour dire que ce dossier ne vaut rien

Soit ça c’est vraiment passé comme ça et alors c’est un problème mécanique, auquel cas, Nathaniel Redd a foiré quelque part et la ville le couvre, soit… soit ça ne s’est absolument pas passé comme ça et la ville entière se couvre elle-même… Et si c’est le cas, alors les chances qu’on découvre ce qui est réellement arrivé sont minimes

A présent, aucune rancœur ne se percevait dans le temps d’Aahron. Simplement du découragement et un peu de tristesse aussi.

On ne peut pas partir après tout ça Trisha. Ni moi ni les autres ne voulons abandonner. Ils n’auraient pas abandonnés si c’était arrivé à l’un d’entre nous et on leur doit bien ça...

Je sais c’que tu vas dire. J’y pense aussi tous les jours. Qu’ils ne voudraient pas qu’on mette nos vies entre parenthèses et toutes ces conneries ! Que je néglige Petey et que j’ai tort d’insister comme ça avec tout ce qui nous arrive ici… Mais c’est comme ça Trisha. Tu ne sais pas… Je les ai abandonnés une fois, d’accord ?

C’était pour cette raison qu’il restait, qu’il s’entêtait. Pour cette simple raison qu’il n’avait encore jamais osé exposer à personne. Trisha le comprendrait. Elle devait comprendre, elle était la seule à pouvoir le faire.

Je les ai tous laissé tomber pour des conneries. Mes parents, Isaac, Samuel, Aidan. J’ai tourné le dos à mes parents et à mes frères au moment où ils avaient le plus besoin de moi et je ne referai pas cette erreur. Isaac a besoin de comprendre les tenants et aboutissants des choses, c’est viscéral chez lui et il lui faut des réponses, il faut qu’il comprenne. Samuel a besoin de nous beaucoup plus qu’il ne le pense et être avec nous lui ai déjà bénéfique. Je t’assure que tu ne le reconnaitrais pas aujourd’hui

Et Aidan… Aidan a besoin que l’on soit ici. Je ne sais pas pourquoi mais je le sens. Il fallait qu’il vienne à Grayson. Et même après tout ce qui s’est passé, je sais que j’ai fait le bon choix et qu’il est là où il est supposé se trouver. Ça prendra le temps que ça prendra Trisha, mais je ne les abandonnerai pas. Je n’abandonnerai pas ma famille une fois encore. Tu sais que j’aime Petey plus que tout au monde mais si je ne fais pas ça, je ne pourrai jamais le regarder en face. C’est aussi simple que ça

Tu as toujours vu les choses en grand...

Personne ne t'a demandé de réparer toutes tes erreurs de jeunesse, tu sais. C'est très bien de vouloir être là pour sa famille dans les moments difficiles, mais c'était bien plus facile de faire ça depuis Cleveland, tu crois pas ? Parce qu'en plus de vouloir réparer quelque chose, tu te mets une pression supplémentaire à leur faire ce genre de promesse.

Je sais que je râle beaucoup, mais je ne suis pas opposée à votre présence ici. Je ne t'aurais pas aidé tout au début si je n'avais pas cru en toi.

Tu nous manques beaucoup, c'est tout.

Et je suis prête à venir autant de fois qu'il le faut pour t'aider, ou simplement parce que tu as besoin que je sois là.

Parce que j'ai aussi besoin d'être là.

Est-ce que vous avez emmené Aidan voir un médecin ?

Il avait la désagréable impression d’être un enfant que l’on sermonne gentiment, à qui l’on explique que ce qu’il a fait n’est pas trop grave mais qu’il ne doit plus recommencer parce qu’il a fait très peur à papa et maman. Elle utilisait le même ton avec lui qu’avec Petey… Pourtant, si son égo lui criait de se révolter parce qu’il n’avait passé l’âge de ce genre de traitement, tout le reste lui disait de rester serein et de profiter du contact ô combien agréable des doigts de Trisha sur sa peau.
Il se contenta ainsi de l’écouter sagement et de savourer chaque seconde.
Elle avait toujours su le prendre, savait comment le réconforter. Ce qui pouvait rendre les choses difficile à vivre pour lui lorsqu’elle agissait dans le sens contraire et l’enfonçait par vengeance ou il ne savait qu’elle autre raison. Toutes les femmes étaient pareilles de toute façon.

Lorsque le silence retomba, Aahron ne répondit pas à sa question à propos d’Aidan. Il chercha à croiser le regard obstinément fuyant de son ex-femme, en vain. Et finalement, n’y tenant plus, il tendit sa main pour la glisser dans celle de Trisha qui reposait sur ses cuisses. Avec douceur, il l’attira vers lui et vint refermer la seconde dessus, l’emprisonnant ainsi pour l’empêcher de se soustraire cette fois.

Est-ce qu’on ne pourrait pas arrêter de parler de tout ça et…

Les mots peinaient à passer la barrière de sa gorge nouée. Il n’avait jamais été très bon dans le domaine des émotions et se sentait complètement idiot d’aborder ce genre de sujet. Trisha avait peu à peu fait tomber ses défenses à une époque, mais depuis le divorce, il avait été obligé de se blinder. Seulement voilà, il y avait eu ce baiser l’autre fois, il y avait eu l’évocation des regrets de l’avocate et tous ces sous-entendus.
Elle était là, devant lui, sans Petey. Elle était venue seule pour le voir et s’assurer qu’il allait bien. Sa main était entre les siennes et il la sentait trembler fébrilement. Les signes étaient là et ne trompaient pas.

Peut-être qu’on devrait profiter d’avoir la maison pour… tu sais…

Se rendant compte de l’horrible sous entendu qu’il faisait, le jeune homme se redressa et enchaina en bafouillant, les joues rougissantes.

Non, pas ça ! Enfin tu vois, pas profiter de la maison pour faire… enfin non pas pour ça, juste… On pourrait profiter d’être tranquille sans Petey et les garçons pour parler. Parler de nous, tu saisis ?

Rien de tout ce qu'on dira ne remplacera ce qu'on aurait dû faire... Si tu veux parler de nous maintenant, c'est que tu n'as pas compris que je t'ai déjà tout dit, d'une façon ou d'une autre...

Je n'attends plus que toi.

Elle remettait ça. Une fois encore, Trisha se laissait aller à l’embrasser. N’avait-elle aucun cœur ? Pourquoi le torturait-elle constamment de cette manière ! Il avait pourtant été clair la dernière fois que leurs routes s’étaient croisées. Il n’avait pas besoin de ça en ce moment, son esprit était assez embrouillé comme ça. Si elle n’avait que des rencontres de quelques jours à lui offrir, des rendez-vous clandestins, il n’était pas intéressé. Est-ce que David était au courant de ce qu’elle faisait ? De ce qu’il s’était passé la dernière fois ? Aahron en doutait. Il détestait être l’autre. Il ne voulait pas de ce genre de relation. Et puis ses parents auraient désapprouvés.
Sans compter qu’elle refusait de parler avec lui et d’avoir une conversation d’adultes. Comment devait-il le prendre au juste ? Devait-il comprendre qu’il n’était bon qu’à la divertir ? Lui permettre de s’échapper de chez elle et de la vie monotone qu’elle menait sûrement avec son avocat de mari ?

Il en avait marre. Vraiment marre.
Il devait satisfaire tout le monde ici : remplir son devoir de grand frère, gérer une enquête, rénover la maison pour qu’Allie et ses futurs bébés ne courent aucun risque, faire ami-ami avec les habitants de Grayson qu’il ne portait pourtant pas dans son cœur et maintenant : satisfaire les envies de Trisha.
Personne ne s’inquiétait vraiment de ce qu’il pensait, de ce qu’il pouvait ressentir et de la manière dont il vivait les choses. Ils le pressaient tous, le vidait de toute son énergie sans le moindre état d’âme.
Elle n’attendait plus que lui ? David avait été mis à la porte de chez eux ? Petey était-il au courant que ses parents se fréquentaient à nouveau de temps en temps ? Certainement pas, il y aurait mis sa main à couper.
Ce serait encore à lui d’attendre, il le savait pertinemment. Et il en avait marre.

Sans prononcer un mot, il se releva dans un soupir. Son regard se porta alors sur la porte d’entrée et il se figea. Aidan se tenait là, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte. Aahron fit immédiatement volte-face pour se tourner vers Trisha, arborant une impression inquiète. Celle-ci suivit alors son regard et remarqua alors son ex-beau frère dans l’entrée.

J’ai…il fait chaud en fait et j’avais soif

J’ai rien vu du tout, j’suis arrivé juste après

Juste après quoi ?

Juste après la chose que j’ai pas vue… Et maintenant je vais aller boire un grand verre d’eau froide et puis j’irai voir Charlie pour qu’on prépare l’anniversaire de Sam et Allie

Oh… Oui, bien sûr… d’accord

Est-ce que… hem… est-ce que tu viens aussi Trish ?

L'anniversaire hm... puisque je suis là, je ne manquerai pas ça...

C'est David...

David ? Est-ce que tout va bien ?

Non tout va très mal, Trisha. Ton fils me demande où tu es, et je n'ai aucune réponse à lui donner, parce que je ne sais même pas où tu es. Qu'est-ce qui se passe, bon sang ?

Je suis à Grayson, ils avaient besoin de moi.

..Ton ex a besoin de toi, tu veux dire...

Je peux plus faire ça, Trish'... Si tu ne reviens pas, alors peut-être qu'on ferait mieux d'arrêter là. Je vous aime tous les deux, tu le sais, mais ça fait un mois que t'es distante. Je ferme déjà les yeux sur beaucoup de choses, tu ne peux pas m'en demander davantage.

Je sais... Tu as raison. C'est peut-être mieux qu'on... que j'arrête de te retenir.

J'attendrai que tu sois rentrée...Au cas où tu changes d'avis. J'espère pour toi qu'il en vaut la peine.

Oui il en vaut la peine.

Bien. Je te passe Petey.

Allô ?

Comment tu vas, mon coeur ?

Je veux que tu rentres.

Je sais, je serais bientôt là, quelques jours. Maman aussi a besoin de vacances tu sais.

Oui mais tu pars jamais sans moi...

Quand je rentrerai on ira quelque part rien que tous les deux, tu veux ?

Et Papa aussi ?

Je sais pas, mon coeur. On verra.

D'accord...

Il faut que j'y aille, amuse toi bien à la garderie, je t'embrasse.

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03.2. I have no pryde... [Aahron & Trisha]

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