Se faire virer de chez soi…ah ce fut plutôt difficile à encaisser pour Grifith. Il n’avait pris que le nécessaire dans un premier temps vu qu’il devait expressément dégager de son domicile. A vrai dire, il ne pouvait supporter une autre dispute avec Colleen pour le moment. Certes, ce n’était peut être pas très courageux sur le moment mais il savait d’un autre côté que discuter plus longtemps n’aurait fait qu’envenimer la situation. Et puis, qu’aurait pu t’il dire pour se défendre ? Il s’était rendu compte que son comportement vis-à-vis de sa fiancée laissait à désirer. Grifith s’était peut être perdu pendant le chemin qu’il avait parcouru avec Colleen.

Mais, la présence de son ex fiancée y était pour beaucoup aussi. A chaque fois qu’il la croisait, il se remémorait le temps passé avec elle-même si il savait pertinemment que ça lui ferait plus de mal que de bien. C’était bien plus facile de vivre dans cette ville lorsque la caissière de l’épicerie n’y était pas. Elle était celle pour qui il avait craqué la première fois. Ce genre de chose ne s’oublie malheureusement pas. Toutefois, au vu des récents évènements, l’agent de police ne pouvait plus s’intéresser à Charlie. Il n’en avait tout simplement plus envie et il était bien probable que la réconciliation soit impossible. Colleen avait probablement senti son fiancé devenir plus distant depuis et elle l’avait toujours soutenu malgré son humeur maussade.

Après avoir réfléchi à froid, le shérif adjoint réalisait à quel point il avait merdé. Et là, encore une fois, il doutait réellement de pouvoir se rattraper et donc de se faire pardonner. D’ailleurs, c’était plutôt ironique qu’il pense réellement à elle depuis qu’il en est séparé. Mais, au moins cela prouvait qu’il avait des sentiments pour elle. Une fois arrivé devant le perron de la maison, Grifith hésita un instant avant d’incliner sa tête en arrière pour regarder le ciel. Certes, il ne partait pas vraiment en confiance mais il ne pouvait continuer de fuir comme il le faisait depuis si longtemps maintenant.
Il inspira profondément et gravit les quelques marches le séparant de la porte. Le jeune homme sonna à la porte mais il avait l’intime conviction que la postière ne viendrait pas lui ouvrir. Il attendit quelques secondes et il put très vite comprendre que ce n’était pas qu’une impression.

«Colleen, c’est Grif’ , ouvre-moi, il faut que…je vienne prendre des affaires !»

Ce n’était pas la raison exacte de sa venue. Le flic voulait revoir la belle brune un peu barrée sur les bords. Il s’inquiétait pour elle puisqu’il savait qu’elle aussi avait toujours besoin de sa présence pour qu’elle ne parte pas en dépression. Et il s’en voudrait qu’il lui arrive quelque chose par sa faute. Le cœur était déjà assez lourd comme ça…

«Colleen ! Je te fais remarquer que c’est aussi chez moi ! Alors ouvre cette putain de porte ! »

Certes, il risquait de passer pour un bourrin en toute circonstance. Ce n’était pas son genre de gueuler et de réagir avec autant de véhémence. Mais, il n’allait pas fuir à la première difficulté rencontrée. Ce n’était plus le cas, il s’agissait de sa nouvelle ligne de conduite , que ça plaise ou pas. De toute façon, qu’avait-il à perdre ?

Ca le rendait dingue de devoir attendre devant cette porte qu’il franchissait sans le moindre souci il y a un peu plus de deux semaines encore. Quelques instants plus tard, il put entendre le loquet se déverrouiller avant que son ex lui ouvre la porte. Légèrement soulagé, il s’attendait néanmoins à un accueil assez tendu. Il la découvrit en petite tenue sans que cela ne l’étonne une seule seconde. Etrangement, le shérif adjoint devait reconnaître que c’était tout à coup bien plus sexy, maintenant qu’il ne la voyait plus tous les jours. Mais il n’eut pas vraiment le temps de penser à ça du fait qu’elle ouvrait déjà les hostilités.

«Ouais, je ne t’ai jamais vu faire le ménage aussi vite d’ailleurs…Tu as juste oublié la caisse à outils au sous-sol et c'était parfait. »

Il avait merdé mais il ne comptait pas la laisser profiter de l’occasion pour le piétiner. Irrité, Grifith répondit dans un souffle, contre attaquant aussi vite qu’il le pouvait. Le shérif adjoint croisa son regard pour montrer sa détermination avant d’entrer dans son ancienne maison. En quelques secondes, il put faire une analyse de la situation en fonction des éléments présents sous ses yeux. C’était peut être la fin de l’après midi mais elle y allait fort entre les joints et l’alcool vu que ça traînait sur la table basse. Le jeune homme se retourna ensuite vers elle répondant plus pour lui-même même si ses propos étaient bel et bien audibles.

«Je n’en suis plus vraiment à ça près… »

Un peu de sarcasme sur la route n’allait certainement pas arranger la situation. Mais, il comptait tenir tête jusqu’à ce que la furie se décide de se calmer. Et puis, tout à coup, elle prononça une phrase qui eut l’effet d’une bombe dans l’esprit du shérif adjoint. Clairement, cette phrase fut prononcée pour le blesser et il le savait. Il fronça des sourcils tout en se mordillant la lèvre inférieure. L’agent de police marquait clairement un temps d’arrêt ressentant une colère soudaine parcourir ses entrailles, de la jalousie et bien sur de la déception. Mais, il parvenait à relever les yeux vers elle quelques secondes plus tard, faisant quelques pas en avant.

«Tu n’as pas mis longtemps pour…te remettre en selle. Tu veux une médaille pour ta nouvelle prise peut être ?! »

Respirer. Le flic avait besoin de respirer tellement cette nervosité semblait l’oppresser de l’intérieur. Il était venu pour causer mais il ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi dur. Grifith se plaça de profil ensuite pointant du doigt la table basse.

«Tu trouves pas que c’est un peu tôt pour se défoncer comme ça ?! Alors c’était peut être ça le plan. Maintenant, t’es tranquille, tu vas t’amuser avec qui tu veux et tu fais ce qu'il te plait... »

Grifith ne se rendait pas compte de la dureté de ses propos. Il ressentait comme un doute s’immiscer au fond de lui, sa confiance en Colleen ayant volé en éclats…

Le shérif adjoint n’eut pas le temps d’apercevoir la main de la postière fendre l’air avant qu’elle ne s’écrase sur sa joue. Colleen parvenait à viser juste même si elle était éméchée. Enfin, peut être pas autant qu’il le pensait dans un premier temps. Et dire qu’il était venu pour lui parler et surtout pour s’excuser. Et encore une fois, il gâchait sa chance en répliquant aussi vivement à sa fiancée. Il comprit sur le coup qu’il devait peut être se calmer un peu. La claque ne lui avait pas vraiment fait plaisir et son visage restait toujours aussi fermé. Néanmoins, il comprenait pourquoi elle venait de réagir de la sorte.

Il détourna son regard vers la fenêtre alors qu’elle relatait toutes les raisons qui l’ont mise dans cet état. Grifith avait eu le temps de réfléchir et réentendre tout cela était particulièrement difficile à encaisser.

«Colleen… »

Le jeune homme ferma les yeux un instant, la tête légèrement baissée avant de la relever brusquement. Il prit une profonde inspiration ensuite pour éviter d’envenimer davantage la situation. Il était déjà nerveux à son arrivée mais la nouvelle concernant Logan n’avait fait que décupler cette nervosité. Par conséquent, sa prochaine réaction allait être plus instinctive que consciencieusement réfléchie malgré ses efforts pour maintenir son calme. Grifith attrapa la main qui venait de s’abattre sur sa joue avant de faire reculer Colleen jusqu’au mur afin qu’elle ne puisse s’échapper et qu’elle l’écoute en étant un peu moins sur l’offensive. La retenant fermement au niveau des épaules, il fixa ses prunelles bleues pour s’assurer qu’elle l’écoute bel et bien.

«J’ai merdé ! Je voulais venir te voir plus tôt mais…..je n’en avais pas le courage. C’était trop…récent. Je suis conscient que je t’ai délaissée pour Charlie alors que…tu as toujours été là pour moi. Si je suis venu ici, ce n’est pas pour récupérer cette putain de malette, mais pour..te présenter mes excuses. Et je viendrai autant de fois que nécessaire parce que je tiens à toi…»

Le flic maintenait son emprise jusqu’à la fin de sa tirade. Son regard était d’une telle intensité que l’on ne pouvait douter de sa sincérité. Enfin, pour ceux qui le connaissent bien. Il prit le temps de respirer profondément une nouvelle fois avant d’ajouter quelques mots.

« Tu me manques…Je peux te lâcher ou il faut que je te menotte pour éviter d’en prendre une autre ? »

La touche d’humour était peut être mal venue dans un tel moment. Mais, de toute manière, il n’avait pas grand-chose à perdre vu les piques qu’ils se balançaient l’un l’autre depuis qu’il s’était pointé devant la porte de son ancien domicile.

Colleen attendait des réponses et vu l’état critique dans lequel elle se trouvait, Grifith n’avait pas intérêt à se défiler. Il réalisait à cet instant la gravité de la situation. Il n’aurait jamais dû retomber dans ses travers du passé. Cela avait fini par détruire sa relation avec sa fiancée. Et en fixant les yeux gris vert de Colleen, le jeune homme regrettait amèrement.

Tant de questions et si peu de temps pour répondre à chaque fois. Sur le coup, l’agent de police apparenta très légèrement cet afflux de questions à un interrogatoire assez tendu. Sauf que là, c’était lui qui devait répondre. Il put ressentir dans le même temps un pincement au cœur en voyant Colleen s’abreuver de nouvelles gorgées de tequila. Ce n’était pas ce qu’il voulait….

Après une énième inspiration, le jeune homme s’approcha de nouveau de la jeune femme, s’installant lui aussi sur le canapé.

«Déjà, tu vas arrêter de picoler et de te défoncer comme ça… »

Récupérant la came sur la table basse dans la poche intérieure de sa veste avant d’attraper les quelques bouteilles disposées sur le support en bois, le jeune homme réfléchissait dans le même temps. Il savait que ce moment était important pour leur relation et qu’il ne fallait pas se rater.

« Tu n’es pas responsable de tout ça Colleen….tu es une femme géniale, je t’aime comme tu es et je regrette de t’avoir fait autant souffrir. J’ai…J’étais un peu perdu lorsque Charlie est revenue mais je peux te dire que mes sentiments sont sincères pour toi. Je ne voulais pas te blesser…mais je crois que c’est mon passé qui m’a rattrapé. Tu sais, c’est tout de même mon ex-fiancée, j’ai passé pas mal de temps avec elle. Et depuis quelques mois, je me sentais partagé et je ne voulais pas t’en parler parce qu’il s’agit aussi de ta meilleure amie… »

Le shérif adjoint fit frotter sa main droite contre son menton légèrement râpeux. Il se sentait honteux et responsable.

«Ce qu’il s’est passé à l’épicerie…Et bien , je n’en suis pas fier, j’aurais dû t’en parler tout de suite. Mais, cela m’a permis de me rendre compte que je devais tout faire pour ne pas te perdre. Tu me manques parce que tu as été la seule à être auprès de moi chaque jour, à me soutenir même si je n’étais plus très causant, tu faisais de ton mieux pour relancer notre couple alors que je ne m’intéressais plus assez à toi. Bref, t"es irremplaçable pour moi et il est hors de question que tu crèves. Tu es peut être spéciale dans ton genre mais j’ai besoin de te savoir près de moi..C’est toi que je veux … »

Grif’ se saisit de la bouteille de tequila se trouvant entre les mains de la brune, buvant une bonne gorgée à son tour.

«Ca ne peut que me faire du bien…je n’ai plus que ça… » répliqua-t-il en affichant une petite moue au coin des lèvres.

Et merde. Elle allait être encore plus agacée sans sa came. Grifith aurait dû y penser un peu plus tôt pour éviter de se compliquer la tâche. Arf, il a toujours eu cette fâcheuse tendance à réagir instinctivement sans se préoccuper des conséquences.

«Très bien, je te laisse le choix. Soit je prends juste les clopes, soit je t’emmène avec. »

Calme, sans élever le ton, il lui répondit en la fixant fermement. Ce n’était surement pas la solution au problème mais cette réplique avait surtout pour but de montrer sa détermination à la postière. Et puis, cela permettait au jeune homme de ne pas répondre à sa précédente question. Non, il n’avait plus de chez lui et elle le savait surement…

Silencieusement, Grifith poussa un léger soupir, baissant la tête pour cacher cet air un petit peu désespéré qui s’immisçait sur son visage. Quelques secondes plus tard, il la releva instantanément lorsqu’elle en venait au cœur du problème.

«Et moi, comment je peux être sur que c’est moi que tu veux quand tu te jettes dans les bras de Logan juste après avoir balancé mes affaires par la fenêtre ?...Tu vas peut être dire que je raisonne comme un flic mais c’est quand même bizarre comme coïncidence..»

Grifith ne voulait pas se montrer offensant mais il ressentait le besoin d’exprimer cette jalousie qui le rongeait de l’intérieur depuis que Colleen l’avait mis froidement au courant de sa nouvelle relation. Il se releva du canapé par la suite, gêné, se frottant nerveusement le front, son coup d’œil rapide sur la porte d’entrée révélant sa prochaine intention.

«Je suis perdu, Colleen. J’ai l’impression que le même film se répète sans cesse…je tiens vraiment à toi et je veux que tu le saches. Mais…la situation n’est pas simple pour moi non plus…»

Il ressentit tout à coup l'impression que ses relations étaient vouées à l'échec. D'abord Charlie, puis Colleen. Peut être était il préférable pour lui de rester seul quelques temps...