« Deb’ ? Appela Calleigh à travers le magasin. J’ai ‘‘un rendez-vous ’’ qui ne devrait plus tarder maintenant. C’est important, c’est à propos de… je t’expliquerais après plutôt. Tu pourras t’occuper de mes tables si y’a quelqu’un ? »

La dénommée Deborah qui été en train de laver une tasse leva les yeux vers elle, et acquiesça. Bien sûr qu’elle pourrait le faire et sans poser de question même, c’était un après-midi tranquille. Tant que la blonde se rappellerait qu’elle lui devait une faveur. Un sourire plus tard, et elle s’était remise à son ouvrage. Calleigh la regarda avant de retourner au sien : elle était censée, dès que ces tables étaient vides, ranger l’arrière boutique qui, après des mois de relâchement, avait perdu toute trace d’ordre. Et évidement, c’était elle qui avait été choisit, pensa-t-elle.
Non, ce n’était pas vrai. Pas besoin d’être de mauvaise foi lorsqu’on parle avec soi-même. Elle avait subtilement fait comprendre que cela ne la dérangeait pas, parce qu’elle avait stupidement cru que beaucoup de travail lui occuperait l’esprit. Mais cela ne marchait pas toujours comme ça, ou en tout cas cela ne marchait pas sur elle parce qu’elle continuait de répéter sans cesse tout ce qu’elle savait sur la disparition de son frère depuis le début. Aucune chance qu’elle en oublie un seul détail, mais au cas où, pour toujours savoir quoi répondre si « son rendez-vous » lui posait une question.

Elle prit un carton qu’elle posa sur deux étagères plus haut, tout en continuant de réfléchir. Les gens qui parvenaient à ne plus penser n’étaient-ils pas simplement sots ? Peu importait pour l’instant. Calleigh appréhendait vraiment ce moment. Enfin, pas l’entrevue en elle-même. Juste ses conséquences.
Justement la clochette à la porte d’entrée venait de tinter. Elle laissa les fournitures qu’elle tenait de classer pour passer sa petite tête à travers la porte. Quatre gars se tenaient au milieu de la pièce. Parmi eux, elle reconnu tout d’abord Aidan. Puis le temps que sa mémoire se mette en route, elle reconnu les autres qu’elle avait vaguement croisés durant la fête d’anniversaire. Ok. Elle pouvait le faire. Elle prit une grande inspiration.

« La voilà » dit l’un d’entre eux alors qu’elle sortait de sa cachette pour venir vers eux.
« Bonjour ! Lança-t-elle en levant la main un peu timidement puis ses yeux se posèrent sur le dossier que portait justement celui qui l’avait repéré. Bon. Je vois qu’on aura pas besoin de tourner autour du pot durant des heures ! Venez. »

Elle fit un demi-tour rapide pour les entraîner vers une table au fond, suffisamment grande pour les accueillir tous les cinq et éloignée des autres clients pour pouvoir parler tranquillement.

« Est-ce que tu leur as tout, tout expliqué ? » demanda-t-elle une fois assise à Aidan. C’est qu’elle n’avait pas vraiment envie de raconter encore une fois sa vie à de presque parfaits inconnus.

Bien. Tout le monde semblait relativement au courant… Finalement, elle ne savait plus très bien si c’était un point positif ou pas dans cette affaire. Calleigh adressa un sourire un peu condescendant lorsque l’un des Donnelly lui présenta ses condoléances – il avait retenu son prénom ! Elle qui avait encore dû mal à dire lequel était lequel…
Elle écouta calmement tout ce qu’il souhaitait lui dire même si ce n’était pas forcément agréable à entendre.
Elle pinça ses lèvres en jetant un œil au dossier assez conséquent. Des informations, elle avait elle aussi : des dossiers fait de sa main sur les quelques disparus précédemment, tous les indices qu’elle ou la police avait pu trouver, des plans des routes autour de Grayson d’aujourd’hui et des années d’avant. Peut-être en aurait-elle plus si elle avait pu accéder aux archives de Grayson. Seulement n’étant pas en très bons termes avec le shérif, elle n’avait même pas pu s’approcher de la porte.

« Il m’a parlé de votre dossier, en effet, confirma la jeune femme en jetant un regard compatissant à Aidan qui avait l’air aussi à l’aise qu’elle. J’ai pu aussi faire le lien avec quelques disparitions, pas beaucoup. Et j’ai... bêtement pas fait le lien avec la disparition… de vos parents.»

C’est vrai qu’elle s’était sentie un peu stupide en réétudiant chez elle cette affaire de ne pas avoir vu les similitudes plutôt. En interrogeant un peu ses voisins et en lisant les anciennes coupures de journaux, elle avait envie de se gifler. Vraiment, comme tout aurait été plus rapide si elle avait décidé de s’intéresser à cette histoire, au lieu de se sentir vexé qu’on « oublie » son frère. Elle aurait voulu pouvoir remonter en arrière, maintenant. Dommage. Elle se contenta de sourire faiblement et de se tortiller sur sa chaise, les mains dans les poches de son tablier. La situation ne lui plaisait pas beaucoup, mais elle tenta malgré tout de continuer à faire bonne figure.

« Est-ce que vous avez trouvé quelque chose de concret pour associer ces deux affaires ? Parce que j’ai déjà essuyé pas mal de refus pour manque de preuve, justement.»

Elle prit le temps d’inspirer profondément, histoire d’avoir une contenance pour ce qu’elle allait dire. Face à ses quatre gars, elle se sentait un peu intimidée, mais trop tard, elle se lançait.

« Et je dois avouer que me retrouver encore une fois devant un mur me fais un peu peur. »

Callie ne savait plus vraiment où regarder, justement parce qu’elle sentait un peu trop de regard sur elle. Elle avait beau réussir à assumer de marcher tous les jours dans la rue et à continuer une vie normale depuis la disparition de son frère, là, elle n'y arrivait pas. C’était pas explicable, c’était pas comme-ci y’avait un mot exprès pour désigner ce qu’elle ressentait. C’était juste qu’elle s’était toujours dit que personne ne pouvait la comprendre. Alors que là tout d’un coup, ces gars savait exactement comment elle pouvait se sentir et toutes les émotions qui l’avaient et qui l’animaient encore. Elle avait l’impression d’être toute nue et c’était déroutant.
Toujours en écoutant sagement, elle posa ses yeux sur le dossier. Il l’intriguait toujours autant, et surtout elle voulait voir si ces « zones d’ombres » étaient les mêmes que dans son dossier à elle.

« Est-ce que je peux ? Demanda-t-elle doucement entre deux phrases. Je jette juste un coup d’œil. »

Mais c’était plus une formule de politesse qu’autre chose, car elle l’avait déjà attiré à elle pour le feuilleter. Seulement elle ne put pas le faire très longtemps, car Aahron mentionna Cyburn et elle releva la tête automatiquement. Lui transmettre un message ? Elle ne saisissait pas ce qui pouvait être aussi important là-dedans. Est-ce qu’elle connaissait le détective personnellement ?
L’avis de cette Dakota Sallander l’intéressait peu à vrai dire, il était trop tard pour lui recommander de ne pas traiter avec ce type. Et si elle dépensait son argent pour un détective tout en sachant que ses capacités n’étaient pas des plus extraordinaires, c’était son problème. Callie fronça les sourcils. Les gens ne comprenaient pas qu’elle puisse trouver dans ce partenariat une sorte de repos, car il lui permettait de se dire qu’elle n’était pas la seule sur terre à chercher des indices, à penser à Jonas.

« Ce n’est pas encore…concluant. Mais je…je ne désespère pas qu’il me soit utile à n’importe quoi, répondit-la jeune femme froidement, pinçant les lèvres. J’ai une vie à mener, et même si ça peut paraitre étrange, même un détective moyen aide. C’est juste que je ne peux pas faire que ça. Je veux dire mener une enquête et tout ça. Parfois, c’est juste… pénible. »

Elle déglutit.

« J’essayerai de lui parler de vous la prochaine fois que je le verrai, peut-être qu’on en tirera quelque chose. Et je peux vous aussi tenir informer si vous voulez dès qu’on trouvera un nouveau truc, pourquoi pas. »

« Tarte au pommes », sérieusement ? Au début, elle avait cru avoir mal compris et ouvrit une bouche ronde, prête à lui demander de répéter plus clairement. Et puis non, elle avait parfaitement bien compris : ce type là n’en avait rien à cirer de leurs histoires. Calleigh pouvait saisir qu’il s’ennui et se décident à faire une brillante intervention comme celle-là s’ils avaient parlés de football, de cinéma ou de n’importe quoi de banal et commun, mais il s’agissait de ses parents quand même. Elle leva les yeux au ciel, ne daignant pas répondre, mais elle se demandait quand même s’il faisait exprès de mettre du recul entre lui et les disparitions, ou si elles lui faisaient vraiment ni chaud ni froid. Après si tout el monde avait le droit de gérer comme il voulait, Calleigh trouvait la deuxième hypothèse assez inquiétante. Elle préféra se concentrer sur les autres frères un petit peu plus impliquée dans l’histoire qui l’intéressait. Il valait mieux ça que de s’énerver contre lui.

Encore cette Sallander ? Sans rien connaître de l’enquêtrice, la blonde commençait à en avoir un peu assez de la voir revenir dans la conversation si souvent. Qui était-elle finalement ? D’accord, cette femme semblait disposer à croire à leurs histoires qui ressemblaient toujours plus à une théorie du complot, mais Calleigh doutait encore un peu. Elle doutait de tout dès qu’il s’agissait de son enquête de toute façon.
Mais s’il fallait composer avec elle pour avoir des informations rapidement et approuvé par la police ou au moins par elle, alors la blonde serait prête à le faire autant qu’il le faudrait. Il fallait bien avouer qu’elle serait prête à beaucoup de chose pour élucider la disparition de son frère, peut-être beaucoup trop d’ailleurs, et qu’avoir mis sa vie au dernier plan n’était qu’une des choses qu’elle avait sacrifiées, parfois sans s’en rendre compte. Elle avait même songé, avant d’engager un détective à laisser tomber son job ou au moins prendre une année. En y repensant, c’était une très mauvaise idée, elle n’aurait jamais tenue le nez dans les photos toutes la journée et elle aurait finalement du mettre ne serai-ce qu’un orteil à Grayson pour continuer son enquête : sa raison n’aurait surement pas supporté tout cela. Ses yeux passèrent doucement sur les jeunes hommes en face d’elle. Eux aussi avaient dû sacrifier pas mal de chose. Déjà, elle concevait que venir habiter dans une région aussi perdue pouvait en être un, et particulièrement vivre à Grayson.

L’intervention d’Aidan la ramena à la réalité. Elle le fixa d’abord lui, puis son frère, en attendant une réponse. Il en avait trop dit pour s’arrêter maintenant ! Il dû remarquer son regard, car il continua sur sa lancée.
Les yeux de Calleigh s’ouvraient de plus en plus grand. Elle n’en croyait pas ses oreilles, elle ne savait même plus si elle devait en être heureuse ou terrifiée que l’on est enfin trouvé une preuve, et justifié par la même occasion son aversion pour Grayson. Ses doigts se crispèrent sur la table.

«Je le savais. Je le savais que ça avait un rapport avec cette ville, j’ai jamais pu les voir ! Souffla-t-elle. Mon frère a écrit Grayson dans son journal. Il était surement censé y passer.