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Le souper s’était passé à merveille. Declan avait été invité chez le Maire, comme tout les deux mois. Cette tradition datait du temps où la famille Spelling se composait encore de trois personnes mais avait perduré malgré la mort de la mère de famille. Les repas étaient devenus un peu moins conviviaux. On y parlait plus de boulot que de bien-être mais l’ambiance y était toujours joviale.

Comme à l’habitude, Suzanna s’était isolée avec Casey au bout d’un moment, laissant son père en compagnie de William, Joshua et d’Alicia. Ensemble ils avaient rediscuté de l’incident lors de la fête nationale et Declan s’était enquit de l’état de santé de Joshua. Quand le repas fut finit, la nuit était tombée depuis quelques temps déjà, ainsi, les au revoir ne prirent guère de temps.

Le retour des Spelling jusque chez eux commença en silence, comme à l’habitude, mais arrivé à au croisement entre Maddisson Street et l’impasse où vivaient les Fergusson, le shérif aperçu de la lumière s’échappant des fenêtres du garage. C’était plus qu’inhabituel étant donné l’heure tardive, de la probabilité que Logan soit plein comme la Pologne ou au lit avec on-ne-sait-quoi et aussi que les journées de Nathaniel étaient réglées comme du papier à musique. Sur et certain qu’il se préparait encore une embrouille, Declan ordonna à sa fille de retourner chez le maire et de lui dire de le sur la route du garage d‘ici une dizaine de minute. Et aussi surprenant que cela pouvait être, elle obtempéra.

Ca sentait mauvais … même si c’était l’un des deux Redd qui était encore au travail. Tout ce qui changeait de l’ordinaire était de mauvaise augure. Suspicieux, le shérif se mit en route vers le garage, regrettant de ne pas être en compagnie de son adjoint et sans son uniforme. Il n’avait fait qu’une dizaine de pas lorsque deux silhouettes se détachèrent de la pénombre de la nuit, courant sur la grand rue. Declan pouvait maintenant écarter l’hypothèse du beau frère ou du cousin de celui-ci faisant des heures supplémentaires, ce qui confirmait que les prochains jours seraient pénibles au commissariat. Conscient de ne pas faire le poids contre deux personnes, le shérif s’écarta de la route pour se cacher derrière un arbre. Adieu la fierté dans ces cas là … au moins était il le seul à savoir qu’il s’était mis de côté. De sa cachette, il reconnu deux des frères Donnelly, Isaac et Aarhon dévalant la rue à toute vitesse. Encore eux se dit Declan … jamais cette famille ne saurait où est sa place, et jamais non plus elle ne saurait quand s’arrêter. Sans bouger et en faisant le moins de bruit possible, Declan resta derrière son arbre le temps que les deux fauteurs de troubles sortent de son champ visuel. Après quoi, il se rendit au garage où il attendit l’arrivée de son ami. Il était hors de question de s’aventurer dans le repère de son beau frère sans personne d’autre. Au vu de la situation, autant ne pas rajouter d’huile sur le feu de la relation qu’il entretenait avec Nathaniel.

Declan avait tenté d’attendre sagement le maire de Grayson mais … sa curiosité avait pris le dessus sur lui. Toutefois, il n’était pas rentré dans le garage, mais il n’avait pu s’empêcher de faire le tour des lieux. C’était à croire qu’ils avaient eu les clefs du garage, la porte n’avait pas été défoncée et les hautes fenêtres étaient intactes. [Il n’y avait pas de trou dans les murs, ni de tunnel creusé pour arriver sous le garage; au moins les Donnelly ne se croyaient pas dans un vieux western.] De l’intérieur ne s'échappait plus de bruit, les frères ne devaient être que deux à accomplir leur forfait. Cela dit, plus de lumière non plus, et ils n'étaient pas du genre à laisser l'un des leurs seul dans une telle situation.

Alors que le shérif arrivait à l’angle du bâtiment près de l’entrée, il entendit William l’appeler. Il avait fait vite et tant mieux. Plus tôt ils sauraient comment accommoder ce nouvel incident à la sauce Grayson, mieux ça sera.

«  J’suis là  » annonça Declan, en se dirigeant vers la grande porte. «  Ca va de nouveau chauffer dans le village  » poursuivit il avant d’expliquer à son ami ce qu’il venait de voir. «  Je sais pas ce qu’ils ont été faire à l’intérieur mais il fallait que ce soit quelqu’un d’autre que moi qui se charge de mettre Nathaniel au courant. Et je ne savais pas si les quatre frères étaient à l’intérieur quand je t’ai fait chercher. On y va?  » Declan était redevenu le shérif du village, et comme s’il s’agissait d’une enquête officielle, il termina son petit speech d’un ton presque autoritaire. Il s’adressait quand même à un ami, et de surcroit au Maire.

Joignant le geste à la parole, il pénétra dans le garage d’un pas sur et presque conquérant. Il allait voir son beau frère avec la tête de quelqu’un sorti du lit et qui découvre qu’on a retourné toute une partie de son territoire. Avec un peu de chance, ça allait valoir le coup d’œil.

«  Tu te charges du téléphone Wil’, moi je vais voir ce dans quoi ces étrangers auraient pu foutre leurs nez en attendant mon beauf‘. »

Hormis quelques dossiers négligemment éparpillés sur le bureau et trois quatre armoires laissées ouvertes tout semblait en ordre. Soit les frères savaient où trouver ce qu’ils cherchaient ou alors ils avaient de la chance, beaucoup de chance.

Le shérif et le maire n’échangèrent presqu’aucun mot à part des ‘Tout est en ordre ici’, ‘Ici aussi’, Declan réfléchissait à comment annoncer ça à Nathaniel sans qu’il explose et ne veuille tuer tout le monde. Peu après avoir fini l’inventaire de ce qui avait pu être dérangé par les deux frères, le propriétaire des lieux débarquait comme une furie, sans même un bonsoir, il exigeait déjà des réponses à ses questions.

Declan était un peu déçu, Nathaniel n’avait pas la tête du type qu’on venait de tirer de son lit alors qu’il venait de trouver le sommeil. Tant pis, il n’aurait pas cette consolation.

« Nathaniel » dit gravement le shérif en se rapprochant de lui «  en deux mots; Aarhon Isaac. », ça c’était dit, pourvu que le maire ait de quoi calmer la bête en stock parce que le shérif, lui, avait fait chou blanc. «  Il y avait de la lumière dans ton garage quand j’suis sorti de chez William. Ca m’a intrigué et j’suis parti voir ce que c’était et là d’un coup les deux Donnelly sont sortis et ont dévalé la rue à toute vitesse. J’suis directement monté voir ce qu’ils auraient pu faire. Puis on est rentré avec le pass. A part le bureau, rien ne semble avoir été mis à mal. Maintenant, on aurait besoin que tu nous dises ce qu‘ils ont pris, changé de place, bref tout ce à quoi ils ont pu s’intéresser. Et après on s’occupera de ces emmerdeurs finis.  »

Les faits étaient maintenant énoncés clairement. La fin était un peu plus folklorique mais il avait semblé bon à Declan de terminer sur une pointe d’agressivité. Le mari de sa sœur avait le sang chaud, peut-être que de voir que pour une fois Declan semblait prêt à le suivre sur cette voie aurait tendance à le calmer. Le garagiste aurait pu avoir comme devise : « Toujours faire ce qui emmerdera le plus mon beau frère ».

Était-ce réellement la solution ? Retourner tout le garage et les faire accuser ? William n’avait pas l’habitude de réagir aussi rapidement. Il aimait décortiquer un problème et prendre du recule avant de prendre la moindre décision importante, afin de pouvoir planifier les éventuelles retombées négatives. Seulement il le réalisait doucement maintenant, il n’allait plus pouvoir se permettre de méditer sur quoi que ce soit, il allait devoir se résoudre à foncer dans le tas lui aussi. C’était à l’encontre complète de sa manière de penser et d’agir, mais il n’avait pas le choix. Les Redd et les Donnelly seraient impossible à suivre et à contenir sinon.
Faire croire à un acte de vandalisme allait-il réellement décrédibiliser les éventuelles preuves amassées par les Donnelly durant leur fouille du garage ? William connaissait la justice, en tant que maire, il savait combien celle-ci pouvait se montrer tortueuse et complexe, presque vicieuse parfois.
Impossible de savoir avec certitude si Nathaniel était dans le bon ou pas, et ils auraient effectivement pu débattre à ce sujet, mais au fond quelle importance ? Au point où ils en étaient, Will ne pouvait plus se permettre d’être timoré et de s’encombrer des détails, il n’y avait plus de place pour sa méticulosité naturelle, il allait devoir la faire taire. Et il allait commencer ce soir, tant qu’a faire.

Lançant un regard presque morne à la pile de dossier étalée sur le sol, puis au propriétaire du garage, William se résigna d’un soupir. Le fermier se détourna et échangea un nouveau regard sombre avec Declan. Lui non plus n’aimait pas beaucoup toute cette situation, mais il allait falloir tenter le coup tout de même.

William sortit du bureau et lança un regard circulaire sur le garage. Il posa ses yeux bleus sur une énorme clé à molette et l’agrippa sans grand entrain. Il soupesa l’objet avant de chercher du regard quelque chose à casser. Il n’avait jamais eu une personnalité ni très spontanée ni très colérique, et même si ce soir, la contrariété semblait atteindre son paroxysme, il n’avait tout simplement pas ça en lui.

Sa femme et sa fille lui répétaient sans cesse qu’il était grand temps qu’il se laisse un peu aller. Ca n’était sûrement pas quelque chose que Lucy Redd disait souvent à son cher et tendre. Nathaniel n’avait aucun problème lorsqu’il s’agissait de détruire, même lorsque c’était son propre mobilier.
Il jeta un regard presque désolé à la Citroën qui trônait là, avant de fracasser le pare-brise arrière à l’aide de sa clé. Toutes les autres vitres de la voiture y passèrent, ainsi que les phares. Et lorsqu’il eu terminé avec la voiture, il fit voltiger sa clé dans une armoire qui bascula pour s’écraser au sol avec fracas.
Il fit encore valdinguer quelques outils par terre et sortit deux tiroirs de leurs armoires avant de se retourner sur les deux autres.

« J’te préviens Nath, tu te débrouille pour tout remettre en place toi-même » lança distraitement William en observant les dégâts.

En quelques instants, à trois, ils avaient fichu une pagaille monstrueuse. Est-ce que ça suffirait pour arranger leur problème ? Mystère, il ne leur restait plus qu’à prier maintenant.

to be continued