previously

Le temps où on se faufilait à travers les rues, les foules, où on disparaissait derrière des grillages, qu'on courrait à en perdre haleine pour fuir n'importe quoi, ou n'importe qui... Tout ça paraissait si loin. On avait tous fait des conneries, sans exceptions. Aahron en avait une belle paire dans son placard, Sam ne les comptait plus. Aidan marchait sûrement dans les pas de ses aînés, bien qu'il soit plus discret. Quant à moi, j'avais toujours cru que ce temps était révolu. Mes études m'avaient responsabilisé, et plus tard, je n'avais plus eu une seule seconde pour les faire ces conneries. J'étais passé à autre chose, j'avais grandi. Et ce soir, alors que je marchais à côté de mon frère dans les rues de Grayson en direction du garage Redd, je sentais toutes les fibres de mon corps vibrées sous l'effet de l'adrénaline. C'était revigorant. J'avais peur, mais c'était une bonne peur, de celle qui nous manque sans qu'on s'en rende vraiment compte. Je savais que ce qu'on allait faire, c'était pour la bonne cause, et non pas un délit gratuit. Peut-être qu'il y a quelques années encore je l'aurais fait seulement pour m'amuser, ou parce que Nathaniel le méritait. Mais là c'était différent, tout prenait un sens.

Aucun de nous n'avait vraiment pris la parole depuis qu'on était partis de la maison. Je me doutais qu'il se concentrait, même s'il voulait avoir l'air serein. Nos regards se dirigeaient chacun de leur côté, observant les alentours afin d'être certain de ne pas risquer de se faire surprendre. Il faisait presque noir, le ciel avait encore une légère teinte rosée qui prédisait une belle journée de plus le lendemain. Cela dit, dans cette semi-obscurité, il était difficile pour quiconque de distinguer plus qu'une silhouette, et c'était exactement le but. Nous approchions de plus en plus, et mon cœur tambourinait de plus en plus fort dans ma poitrine. C'était toujours l'avant. Une fois à l'intérieur, je savais que ça se calmerait un peu. Il y aurait toujours la peur de se faire prendre, mais celle-là était plus docile.

On s'est arrangés pour arriver par l'arrière après avoir attendu un moment, exactement là où la fenêtre du bureau se situait. Moins on rôdait autour du bâtiment, et moins on aurait de chances de nous voir. Cette fois-ci, il faisait déjà beaucoup plus sombre. A hauteur de la fenêtre, j'allumai ma lampe torche et vérifiai que celle-ci donnait bien sur le bureau comme l'avait dit Aahron. C'était le chemin le plus direct, si Nathaniel cachait quelque chose, alors il s'agissait du lieu à inspecter. Je lançai un regard à mon frère, qui prit ma place. Il fouilla dans le sac que nous avions emporté, afin d'y stocker le matériel et en sortit un gros tournevis plat. Il suffisait d'effectuer une pesée pour que le châssis pli. Les points de verrouillage glisseraient alors hors de leur logement et la fenêtre serait ouverte en quelques secondes. Propre et discret, c'était la méthode la plus utilisée pour ce type de fenêtre. Tout allait parfaitement, jusqu'à ce que la fenêtre ne s'ouvre finalement pas. Aahron tenta de taper contre la vitre, peut-être était-ce simplement qu'elle n'était pas ouverte souvent. Mais rien à faire, elle semblait coincée.

« Je croyais que tu savais faire ?! » apostrophai-je mon frère, un peu plus stressé.

Si on arrivait même pas à pénétrer dans le garage, alors nous n'irions pas bien loin. Il marmonna quelque chose d'incompréhensible et se dirigea par de grands pas vers l'autre fenêtre, qui donnait sur les toilettes. Je soupirai et le suivis, braquant la lampe torche en direction du châssis à plier, tandis que mes yeux s'activaient à surveiller les alentours. Cette fois-ci, la procédure se déroula à merveille et la fenêtre s'ouvrit d'elle-même en couinant un peu. Je compris immédiatement au sourire en coin de mon frère que ce serait à moi d'aller en premier. Évidemment, si ça avait été le bureau, on en aurait même pas parlé... Je lui lançai un regard noir, éteignis ma lampe torche que je fourrai en bouche pour avoir les mains libres, et me hissa par le rebord de fenêtre. Je passai tout d'abord mes jambes de l'autre côté, et me laissai doucement descendre le long du mur en trouvant appui sur la cuvette. Je fis encore un pas en arrière pour me retrouver à terre et le tour était joué. Je rallumai ma lampe et éclairai la petite pièce, puis invitai mon frère à me rejoindre, mais il était déjà à moitié à l'intérieur.

« Bon... C'est parti. » lançai-je en soufflant pour m'encourager.

Je passai la porte des toilettes, Aahron sur les talons. Le rayon de ma lampe était dirigé vers le sol pour être le plus discret possible, et de toutes façons, il suffisait largement pour qu'on retrouve à peu près notre chemin vers le bureau. Maintenant, la course contre la montre commençait...

Les choses semblaient se révéler plus simple qu’Aahron les avait imaginées. D’abord parce qu’il s’était figuré que Nathaniel les attendrait sur le pas de leur porte et que ça n’avait pas été le cas, ensuite parce qu’il s’était imaginé que par un temps pareil, les gens seraient dans les rues pour capter les derniers rayons du jour, occupé à dîner autour de barbecue ou il ne savait quoi encore. Mais les rues avaient été désertes et lui et Isaac n’avaient croisés personne.
L’ainé avait monté une histoire de toute pièce au cas où on leur poserait des questions. Rien de bien transcendant : une histoire de tondeuse qu’ils comptaient aller demander à leur ami David Handel qui vivait en direction du garage, près de la ferme où il travaillait. Les gens allaient s’étonner de l’heure à laquelle ils allaient oser déranger ce pauvre Handel mais leur réputation de citadin impolis était déjà faite et Aahron estimait que personne ne s’en formaliserait vraiment.
Ils avaient pris la peine de s’éloigner un peu de la route 169 qui traversait Grayson pour rejoindre le garage, au sud du village, se dissimulant dans la végétation aux abords. Elle n’était pas très dense mais dans l’obscurité, c’était une couverture plutôt efficace pour deux petites frappes dans leur genre qui n’en étaient pas à leur coup d’essai, mais presque.

Aahron n’avait pénétré qu’une fois par effraction dans un domicile. Il avait bien entendu prétendu le contraire et raconter des dizaines et des dizaines d’histoires pleines de rebondissements à ses frères qui buvaient ses paroles, mais ça n’avaient été que des mensonges. La vérité c’était qu’il n’avait même pas été très doué pour son baptême… Il avait manqué de se faire tirer dessus au pistolet à plomb et avait couru à en perdre haleine jusqu’à se casser la figure et s’érafler les genoux, le menton et les avants bras… Peu glorieux.
Une histoire de fuite en moto et de course poursuite avait couvert ses marques mais sa fierté en avait pris un sacré coup ce soir-là.
Une petite voix lui disait que c’était le moment où jamais de se confesser, mais Isaac avait l’air assez stressé comme cela sans qu’il en rajoute une couche. Après tout, même si le plan initial venait du médecin, c’était lui qui avait tout organisé et ils comptaient tous sur lui pour gérer l’opération.
L’opération corndog,… soit dit en passant. C’était Aidan qui avait trouvé le nom et insisté pour qu’on en parle en ces termes pour compenser son manque de participation et les dérider un peu sûrement.

L’opération corndog était donc lancée et pour l’instant, Aahron se félicitait de l’avancement des évènements. Même si la première fenêtre lui avait résisté et qu’il en avait eu des sueurs froides, Isaac et lui avaient fini par pénétrer à l’intérieur de l’antre des cousins Redd qui, heureusement, ne verrouillait pas la porte de leurs cabinets en fermant boutique.
Aahron emboita le pas à son frère qui s’avançait dans le garage, à la recherche de la porte du bureau, qui s’avéra être juste à sa droite.
Les deux frères s’entreregardèrent, affichant le même air grisé et anxieux.

« C’est plus simple que j’pensais » confia-t-il à Isaac en voulant faire tourner la poignée de la porte « Fermé » lui signifia-t-il en tiquant

Il jeta un rapide coup d’œil sur les environs, les balayant à l’aide du faisceau lumineux de sa lampe électrique, puis tapota l’épaule d’Isaac qui l’imitait.

« Y a un comptoir normalement qui donne sur le garage, c’est là qu’on était l’autre fois. Regarde si c’est ouvert » ordonna Aahron à son cadet qui approuva puis esquissa un pas en avant pour jeter un œil avant d’hocher la tête à la négative « Ok… Bon, je m’occupe de la serrure, t’as qu’à… t’occuper comme tu veux en attendant »


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Bienvenue au garage Teller & Redd's, Isaac !
Pendant que ton frère crochète la serrure du bureau, tu peux explorer le reste du garage à ta guise. Il y a un établi au centre, des étagères pleines de pièces de rechange, d'outils et toutes ces autres choses que l'on peut trouver dans un garage (et dont j'ignore le nom, haha).
Une voiture est stationnée au milieu du garage, appartenant à l'un des villageois. Il s'agit d'une Citroën SM de 1975, de couleur bleue.
En attendant, pour t'aider à mieux te repérer dans l'obscurité ambiante, voilà un plan des lieux :

Spoiler:

Finalement, il n’était pas aussi doué en crochetage de serrure qu’il l’avait imaginé. Il était souvent arrivé sur un chantier que la porte soit verrouillée à leur arrivée, sauf qu’il avait toujours un jeu de clé pour remédier au problème. Et quand ça n’était pas le cas, c’était Steve qui se chargeait de la manœuvre et ça avait l’air très facile quand il le faisait… Mais ça ne l’était apparemment pas tant que ça. Il y avait bien sûr la manière forte mais utiliser le tournevis pour forcer la serrure ne serait pas discret et une enquête serait menée. Une enquête dans laquelle ils seraient les principaux suspects, à raison. Ils avaient fait assez de vague et rencontré Declan Spelling trop de fois à son goût pour ce genre de raisons déjà.
La remarque d’Isaac l’agaça encore un peu plus et Aahron lui répondit par un grognement impatient qu’il pourrait interpréter comme bon lui semblerait ! De toute façon, avec le manche d’une lampe électrique dans la bouche, il ne pouvait pas vraiment discourir.

Aahron finit par retirer les trombones qu’il avait insérés dans l’ouverture pour souffler un peu et reprendre ses esprits. Il suait déjà à grosses gouttes et ses mains tremblaient sous le coup du stresse et de l’irritation.
Le trentenaire ôta la lampe de sa bouche puis poussa un lourd soupir qui fit gonfler ses joues. Il secoua ensuite ses mains gantées et moins habiles pour les décrisper un peu, fit jouer ses articulations, craquer sa nuque et jeta un coup d’œil en direction d’Isaac… qui était en train de l’observer en souriant moqueusement.
Sentant déjà ses joues s’empourprer, Aahron leva son majeur dans sa direction.

« Va donc voir ailleurs si j’y suis pas » marmonna-t-il avant de se remettre au travail

Et cette fois, il fut plus chanceux. Après une poignée de secondes, il entendit un petit clic significatif et salvateur. Un sourire satisfait essaya d’étirer ses lèvres entre lesquelles se trouvait toujours sa petite lampe. L’ouvrier la pris en main, l’essuyant négligemment dans son teeshirt avant de faire tourner la poignée de la porte qui s’ouvrit dans un petit grincement.

Il se tourna immédiatement vers son frère pour obtenir ses applaudissements (ou plus probablement une remarque du genre : pas trop tôt !) mais fut forcé de constater que son exploit n’avait été vu par personne d’autre que lui-même. Isaac se tenait dans le fond du garage, près de la sortie de secours, un calepin dans la main.
Aahron pointa sa propre lampe sur lui et constata qu’un des tiroirs de l’établi était ouvert. Il se remit debout après avoir négligemment laissé tomber ses outils de travail dans son sac en toile et vint à sa rencontre, les sourcils froncés.

« Qu’est-ce que t’as trouvé ? »


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Ce qu’Isaac vient de trouver, c’est la planque de Logan dans l’établi boisé du fond du garage. Une planque peut discrète, il faut l’avouer puisqu’il s’agit d’un simple tiroir à double fond qui contenait en apparence deux carnets vierges sur lesquelles figurait l’inscription : COMPTABILITÉ.
Isaac a remarqué très vite qu’il cachait plus que cela et a trouvé comment accéder au fond du tiroir en quelques secondes à peine. A l’intérieur, il découvre une petite dizaine de carnets identiques. Eux aussi comportent l’inscription écrite à la main en lettre majuscule « COMPTABILITÉ », mais eux non plus ne contiennent aucune colonne remplie de chiffres…
Celui qu’il tient en main, comme tous les autres, contiennent des esquisses, des portraits de la même personne : Kathleen Wood.

Spoiler:

Le coup de crayons était réussi et, son faisceau lumineux pointé sur le papier ne tarda pas à lui révéler ses secrets. Il s’agissait de Kathleen Wood, la petite brunette aux boucles aériennes très bien rendues sur l’esquisse qu’il avait en main qui travaillait au bureau du shérif. Elle était simplement standardiste si ses souvenirs étaient bons. Il ne la voyait de toute façon pas sur le terrain.
Il avait eu l’occasion de boire un verre avec elle et David Handel au drugstore, peu de temps après leur arrivé à Grayson. Bon Dieu, tout ça lui paressait si loin à présent !
Aahron échangea un rapide regard avec son cadet. C’était plus que de la pitié qu’il ressentait pour cette pauvre fille épiée par un grand malade alcoolique et lâche. Il sentit bouillonner en lui une colère sourde et, jugeant que ce n’était pas le moment de débattre sur l’état mental de Logan Redd à qui il avait dû faire perdre quelques neurones supplémentaires en le frappant, il referma sèchement le carnet.

« J’en sais foutrement rien mais j’ai bien envie d’en toucher deux mots avec la fille en question » lança sèchement Aahron qui préférait ne pas continuer de feuilleter le carnet, craignant de finir par y trouver des esquisse un peu plus osées…

L’imagination de ce fumier était sans doute plus développée qu’il ne le laissait voir. Et Aahron en avait déjà assez vu. Il s’apprêtait à jeter le cahier dans le tiroir lorsqu’il remarqua l’inscription sur la couverture. COMPTABILITÉ. Bizarre…
Les sourcils froncés, il se pencha à son tour sur le tiroir pour en observer le contenu, remuant les carnets en désordre de ses mains gantées. Ils portaient tous la même inscription, écrite à la main par Logan certainement.

« Hm… » finit-il simplement par laissé échapper, avant de marquer un silence puis de reprendre « Je m’demande si Nath est au courant… Il est du genre consciencieux et ne pas avoir de comptabilité digne de ce nom fait tâche dans son monde de perfection. Ça m’épate qu’il laisse son cousin tenir la comptabilité de cette manière… Il doit y avoir d’autres registres quelque part, j'ne suis sûr » murmura Aahron pour lui-même, balayant furtivement l’endroit avant de redonner son attention à son frère « Allons voir du côté du bureau. On aura sûrement plus de chance »

Cette fois, il se débarrassa du carnet et s’éloigna de quelques pas pendant que son frère remettait tout en place avant de le rejoindre d’un bon pas. Aahron pénétra le premier dans le bureau pourvu d'une haute fenêtre et la lueur de lampe d’Isaac vint bientôt rejoindre la sienne pour faire un rapide état des lieux.

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C'est le moment de ressortir le plan des lieux !
Lorsque tu te tiens dans l'embrasure de la porte : à droite, tu trouvera une étagère d'angles remplies de dossiers clientèles. Une étagère est entièrement remplies des mêmes carnets utilisés par Logan pour dessiner : sûrement les véritables cahier de comptabilité...
L'étagère laisse place à un bureau métallique à tiroirs (chacun possède une serrure) sur lequel repose un ordinateur en veille et un coffre fort de ce type :

Spoiler:

En face, tu trouveras le comptoir boisé, incrusté dans le mur et donnant sur le garage. Le rideau est fermé. Des cases pleine de formulaires types (bon de commande, constat, etc.), de fascicules et autres papiers divers se trouvent en dessous. Sur le meuble se trouve une plante verte, un stylo dans son socle raccordé à une chaine et un cendrier rempli de bonbons multicolores emballés. Tu peux te servir ! XD
Sur le mur, tu peux voir un porte clés mural sur lequel sont accrochés deux trousseaux. Des clés de voitures et un autre jeu de clés, plus petites...

Aahron parcourut le dossier qu’il avait récupéré dans une épaisse pochette bleue étiquetée : 2009 - 01/06. Année 2009, mois de janvier jusqu’à juin. Du moins, c’était ce qu’il avait déduis de sa lecture rapide des autres dossiers et il ne s’était vraisemblablement pas trompé. Il farfouilla dans la pochette jusqu’à trouver le document qui l’intéressait. Celui à propos de ses parents et de leur passa éclair à Grayson… Celui qui leur avait été fatal.

Coinçant une fois encore sa lampe entre ses dents, il parcouru les notes manuscrite avec fébrilité, ne sachant pas vraiment sur quel détail s’arrêter et se sentant pressé par le temps. Il avait du mal à se concentrer et sa respiration était devenue plus haletante. Aahron voulait trouver la preuve de la culpabilité de Nathaniel Redd ce soir et en même temps, il redoutait cet instant. L’instant où toutes ses craintes se concrétiseraient et où il devrait reconnaitre que lui et sa famille étaient actuellement en danger. En danger de mort très probablement…
La voix de son frère le fit sursauter et il rattrapa sa lampe de justesse alors qu’elle venait de lui échapper. Il se tourna vers lui, tendu, et réalisa qu’il ne savait toujours pas ce que le dossier disait.

« C’est… Ouais, j’l’ai trouvé » bredouilla-t-il à Isaac

Ce dernier se releva de devant le bureau métallique et se rapprocha de lui pour jeter un œil sur le document. Aahron pu donc le prendre à deux mains, son frère se servant de sa propre lampe pour l’éclairer. Il se maudit en voyant ses doigts trembler légèrement et espéra qu’Isaac ne fasse aucun commentaire à ce sujet.
L’ainé tâcha de se concentrer pour de bon sur le dossier qu’il avait entre les mains et paraissait tout à fait normal à première vue. Du moins, ce qui était inscrit là collait avec la version du garagiste.
Le cœur de l’ouvrier se pinça lorsqu’il reconnu la signature de son père au bas du premier formulaire remplit.

La main d’Isaac apparut bientôt dans son champ de vision pour tourner la page alors qu’il se rapprochait un peu. Aahron lui jeta un petit coup d’œil critique mais ne fit aucun commentaire. Son frère paraissait concentré et un pli barrait son front au-dessus de ses sourcils froncés. Il recommença à faire tourner les pages, revenant en arrière, repartant, et finalement, il lui prit le dossier des mains.

« Hey ! » protesta mollement Aahron, agacé de comprendre que son frère venait de remarquer quelque chose.

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Ce qu'Isaac vient de remarquer, c'est que le formulaire de sorti du véhicule n'a pas été rempli par la même personne. La signature indique qu'il s'agit de Nathaniel mais l'écriture est différente. Et il n'y a pas que ce détail qui dérange le médecin... La signature de son père sur la première page est différente de celle sur le dernier papier a signer une fois les clés remises au propriétaire.
La première est bonne, la seconde est une imitation bien peu consciencieuse.

Après avoir fait part de ses découvertes à son frère, Isaac va pouvoir aller récupérer l'appareil photo dans le sac resté dans le couloir et prendre la photo. Son portable sonnera à ce moment.
A toi de jouer !

Aahron fut un peu contrarié de ne pas avoir vu du premier coup d’œil ce que son cadet lui signalait. Les signatures étaient en effet très différentes et celle de la dernière page n’était clairement pas celle de Sean. Leur père n’était jamais venu récupérer sa voiture au garage. Et ce n’était pas Nathaniel qui lui avait supposément rendu les clés, comme il l’avait dit, puisque l’écriture n’était pas la même. Ou alors c’était l’inverse… En tout cas, quelqu’un qui n’était pas Nathaniel Redd avait rempli l’un de ces formulaires en son nom.

Il se contenta de soutenir le regard de son frère lorsque celui-ci lui signala que, peu importe ce qui était arrivé à leurs parents, ça s’était passé entre le moment où ils avaient déposé la voiture au garage en lui passant un coup de téléphone et l’aube. Enfin, l’aube d’après Nath.
Isaac lui confia le dossier et Aahron en profita pour regarder l’heure à laquelle le formulaire avait supposément été rempli en présence de leurs parents. Et là encore, le récit du garagiste différait de la réalité. Ou du mensonge sur le papier.
Le trentenaire ne savait plus à quoi se raccrocher à présent. Tout s’embrouillait dans son esprit et il n’arrivait même pas encore à être en colère. Il était simplement planté là, hébété, les mains tremblantes et le cœur battant.

La sonnerie du téléphone portable d’Isaac se déclencha soudain, tirant Aahron de sa torpeur. L’espace d’une seconde, il fut tenté de le réprimander pour avoir été aussi négligent et risquer de les faire repérer. Mais l’irritation (qui au fond n’était pas vraiment dirigé sur son frère) fit rapidement place à l’appréhension. Les coups de téléphone passé à une heure aussi tardive n’annonçaient jamais rien de bon.
Et ni Aidan, ni Allie ou Samuel ne les aurait appelés ce soir si ce n’était pas important. Une question de vie ou de mort…

Mais avant qu’il ait pu poser la moindre question, Isaac avait répondu en lui confiant l’appareil photo. La dernière chose à laquelle il pensait actuellement, c’était à jouer les photographes en herbe et il préféra chercher à écouter la conversation téléphonique.

« Allô ? »
« Isaac ! C’est Allie »
« Qu’est-ce… »
« Il faut que vous reveniez tout de suite à la maison ! »

Isaac se tourna vers Aahron, les yeux écarquillés par une angoisse contagieuse et palpable.

« Il se passe quelque chose avec Samuel ! Il a avalé tout le muffin et-et il est par terre, il convulse et… Aidan, tiens sa tête ! …Julie la ferme, j’entends pas ce que dit Isaac ! »

Ce dernier n’avait fait que répéter à Aahron ce qu’il avait réussi à capter. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était suffisant pour faire monter la pression de neuf bon cran sur une échelle allant jusqu’à dix…

« Allie, dis-moi ce qu'il y a »
« C'est Samuel, il ne va pas bien du tout, il faut que vous reveniez immédiatement ! Il faut le conduire à l’hôpital d’urgence »
« Appelle une ambulance alors ! » s’agaça Isaac alors qu’Aahron restait planté au milieu du bureau sans savoir quoi faire ou quoi dire
« Le temps qu’ils arrivent jusque là et qu’ils retournent… »
« Allie, on est à pied ! Il va nous falloir vingt bonnes minutes pour revenir ! »
« ALORS RACCROCHE ET RAMENEZ VOTRE CUL TOUT DE SUITE ! » hurla Allie, et cette fois, l’ainé des Donnelly fut capable de la comprendre tout seul et parfaitement « J’ai besoin de toi Isaac ! » sanglota-t-elle à l’autre bout du fil
« Chérie, j’ai besoin que tu te calmes. Tu es la seule à pouvoir faire quelque chose pour Samuel, d’accord ? Alors respire. On arrive »

Alors que son frère continuait de rassurer sa petite amie et lui posait quelques questions sur l’état de santé de Samuel, Aahron s’était enfin rendu utile. Dans des gestes maladroits, il déposa le dossier sur le comptoir et prit deux photos de chacune des pages au cas ou…
Le temps qu’il termine, Isaac avait raccroché et s’était dirigé d’un pas rapide vers le bureau pour retirer les clés de la serrure et les déposer sur le crochet.

« Dépêche-toi » l’apostropha Isaac alors qu’il rangeait l’appareil dans le sac
« Qu’est-ce qui… »
« PLUS TARD ! »

Aahron était trop inquiet pour penser à s’indigner du ton que prenait Isaac avec lui. Il rangea sommairement le dossier dans la pochette avant de la faire glisser sur l’étagère où il l’avait trouvée pour rejoindre Isaac. Son frère avait emporté le sac avec lui et venait de le faire passer par la fenêtre des toilettes qu’il avait rouverte. Ils se hâtèrent de se glisser eux aussi dans l’ouverture et, une fois le battant rabattu, Aahron jeta le sac sur son épaule et ils détalèrent dans l’obscurité, leurs lampes électriques en main, se souciant peu d’être repérés. Il y avait plus urgent qu’assurer leurs arrières à présent…
Et ils n’avaient pas idée à quel point.

to be continued (Donnellys) / to be continued (Sinners)