03.2. I can hear you louder than ever, whisper to me, help me remember [Allie & Isaac]

Samuel avait fini par rattraper Charlie et tentait probablement de la persuader de rester. Aidan s'en était même mêlé d'après les échos de conversation que je distinguais, préférant fuir l'ambiance encore chargée d'électricité de la cuisine. Aahron lui aussi, semblait avoir passer l'éponge. Il ne restait plus que moi qui ruminait mon mépris en essayant amèrement de le cacher à Allie. Mais ma fiancée n'était pas dupe, elle continuait de me fixer intensément et attendait la prochaine remarque qu'elle jugerait idiote pour m'en rendre une bien placée. Je déliai mes poings qui s'étaient inexorablement fermés sur eux-mêmes dans une tentative vaine de self-control. Soupirant une énième fois, je levai les yeux au ciel et tournai les talons en direction du salon.

Rien ne servait de se battre avec Allie, ce n'était pas contre elle qu'était dirigée ma colère. Et même si sous l'effet d'un excès de rage, quelques mots déplacés m'échappaient, je ne me le pardonnerai pas. Aidan avait beau être un petit con qui parvenait toujours à avoir les faveurs des autres avec sa moue d'enfant gâté, il savait au moins quand disparaitre.

Je passai devant le trio en pleine chamaillerie apparemment, les effets néfastes de la dispute précédente semblant s'être déjà dissipés pour eux. Le son familier de la porte de la cuisine qu'on ouvrait derrière moi, me souffla qu'Allie était sur mes pas. Je n'allais décidément pas échapper aux réprimandes, encore une fois...
Je montai les escaliers vers l'étage sans me presser, sachant très bien qu'elle me rattraperait et m'acculerait dans un coin pour que je ne m'enfuis pas. Ma seule échappatoire était de sauter par la fenêtre, mais elle le prendrait certainement très mal. Ce qui me dérangeait le plus dans cette histoire, c'est que l'on se disputait pour quelque chose qui ne regardait que de très loin notre couple. Lorsque tout allait bien pour nous, il fallait que l'un de nous trouve un sujet qui fâche. Et je n'étais pas en reste là-dessus non plus.

Passant la porte de notre chambre, je ne me retournai pas tout de suite. Je reconnaissais sa démarche approcher dans le couloir, légèrement plus marquée à cause de son humeur. Je fis mine de ne pas l'attendre, repoussant la couette et les draps afin de pouvoir m'y glisser plus tard. J'eus même le temps de faire passer mon T-shirt par dessus ma tête, et de le rouler en boule pour l'envoyer dans un coin de la pièce, comme à mon habitude.
Lorsqu'elle fit enfin son entrée, mes yeux se posèrent immédiatement sur elle.

J'suis cassé, j'me couche.

l'informai-je.

On parlera de tout ça demain si ça t'dérange pas.

Ou jamais, pensai-je pour moi-même.

« Ca ne me va pas du tout. Je veux parler et je veux parler maintenant alors que ça te plaise ou non, fais un effort ! »

« Tu veux me dire ce qui ne va pas avec Aidan ? Que tu ne le crois pas, c'est ton choix, même si c'est complètement débile. Je le crois totalement et je suis certaine que je ne me trompe pas, alors tu ferais bien de me faire confiance. Et secundo, tu t'entends parler quand tu demandes à ce qu'il meure ? Ca ne te suffit pas que tes parents soient décédés ! Non mais sérieusement ! Tu parles de ton frère, de l'oncle de tes filles ! »

« T'as intérêt à aller t'excuser sinon je te jure que je change de chambre. »

J'étais bien obligé de céder à sa requête, non ? Elle n'avait même pas élevé la voix, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Je ne savais pas encore cela dit, si c'était un bon signe ou non. Je fermai les paupières quelques secondes, et inspirai profondément pour me mettre en conditions. Le sentiment de colère qui me rongeait il y a quelques minutes encore semblait s'estomper. Je me laissais tomber sur le matelas, assis sur le bord du lit, dos à elle. Les coudes sur les genoux, je finis par soupirer avant de prendre la parole.

Le pire dans tout ça, c'est que j'étais bien conscient d'avoir tort sur toute la ligne...
Et il allait falloir l'admettre tôt ou tard si je ne voulais pas perdre Allie. Elle m'avait souvent menacé de m'envoyer dormir sur le canapé, ou de carrément quitter les lieux. Seulement cette fois, elle paraissait vraiment sérieuse.

C'était qu'une expression, bien sûr que je veux pas qu'il meurt !

me défendais-je, le ton encore un peu sec.

Je m'efforçais de calmer mes nerfs à vif. Au fond, je ne comprenais même pas pourquoi je m'emballai autant ces derniers temps. Il y avait un tas de raisons valables, mais je ne parvenais même plus à faire le tri. Et quand je regardais Allie qui portait nos deux filles, la culpabilité m'étouffait à tel point que ce n'était pas fait pour aller mieux. Sans me retourner, je tentai de poursuivre en adoptant un ton plus doux.

C'est pas que je le crois pas... Enfin, il cache quelque chose, mais c'est pas "grave" en soi.

Je relevai les yeux vers le plafond blanc, secouant négativement la tête.

J'essaye, j'ai fais des efforts, mais depuis qu'il a... J'arrive plus à le regarder en face sans avoir envie de lui en mettre une. Je sais que ça fait un mois, et que j'devrais être au dessus d'ça, mais j'y arrive pas. J'suis désolé, Allie.

Et puis si seulement il n'y avait que cela. À côté, on avait l'enquête qui restait obstinément au point mort, les rêves d'Aidan qu'on ne pouvait expliquer rationnellement, et tout ce fichu bled qui ne finissait pas de nous plonger au fond du gouffre.

Je comprends pas, et je m'casse la tête pourtant à essayer de trouver une réponse. Mais y a rien, y a rien qui vient.

expliquai-je.

Et tout ces gens qu'on a laissé là-bas, alors qu'on aurait pu aider... J'suis peut-être en suspension, et je dirais jamais que c'était pas justifié, mais c'était un cas de force majeure. Peut-être que des gens sont morts en attendant les secours. Et ça a beau être des personnes que je n'apprécie pas beaucoup, j'aurais dû être là-bas.

Je sautai d'un sujet à l'autre sans vraiment en conclure un seul, mais cela reflétait bien mon état d'esprit. J'étais tout simplement perdu. Je ne savais presque même plus pourquoi j'étais là. Si ce n'était pas pour Aahron qui tenait les rênes cette fois-ci, je les aurais déjà tous ramené à la maison, Allie la première. Je ne cautionnai absolument pas le fait qu'elle vive sa grossesse ici, à Grayson. C'était du délire, elle ne devrait pas subir un stress pareil dans cet état.

J'm'excuserai demain, j'te le promets. J'ai pas envie d'les déranger maintenant.

Peut-être que je devrais faire des efforts pour elle, au lieu de les faire pour Aidan. Peut-être que cela m'aiderait à enfin lui pardonner. Et je n'étais pas obligé de lui dire le fin fond de ma pensée sur cette issue. Lorsqu'elle constatera mon comportement bien meilleur vis-à-vis de mon cadet, elle finira bien par me lâcher la grappe. Il était certain que mes tentatives avaient beau ne pas être inexistantes, mais n'étaient pas très poussées non plus jusqu'à présent.

On était bien mieux à Edgerton si tu veux mon avis. Et on serait encore mieux à Cleveland...

Je jetai un coup d'oeil par dessus mon épaule pour étudier sa réaction, avant de me retourner totalement vers elle. Je glissai ma main vers la sienne, en espérant m'être suffisamment expliqué pour qu'elle ne me fuit pas. Je finis même pas m'allonger sur le ventre, la tête posée tout près du ventre rond de ma fiancée, et en profitant pour y déposer un petit baiser, avant de chercher à nouveau son regard du mien. D'accord, j'espérais sûrement l'attendrir un peu aussi, mais ce n'était pas un crime...

« Donnelly... »

« Ecoute, ça fait des tas de fois qu'on en parle, il faut qu'on sache une fois pour toutes ! Est-ce qu'il y a un moyen quelconque pour que ça avance ? Si ce n'est pas le cas alors on plie bagages ! Avec ce que je vois, enfin ce que j'ai vu, je t'assure que je veux rester et trouver qui a fait ça. Mais si ça sert à rien alors je ne compte pas continuer de rester ici alors qu'on pourrait être en train de déménager et de préparer la naissances des filles ! »

« Personne n'est mort là-bas et on a fait ce qu'on a pu, tu es médecin et tu récupèreras ton droit d'exercer. Mais ce n'est pas notre souci pour le moment. On est ici pour l'enquête concernant vos parents, alors c'est à toi de voir si on rentre ou non. Je reste persuadée qu'on doit se fixer une date butoir à laquelle notre enquête sera périmée. Si on ne trouve rien c'est que c'est peut-être mieux comme ça. »

« Jusqu'où est t'on prêt à aller dans cette histoire ? Est-ce qu'on est encore d'accord avec l'idée de se mettre en dangers les uns les autres ? Il faut qu'on décide pour nous deux, les autres suivront ou non mais cette politique de l'autruche a assez duré. »

« Est-ce qu'on part ? Et si non, est-ce qu'on se fixe une date. C'est simple comme questions. »

C'était la même question sans réponse depuis des lustres. Et aucun de nous n'avait ne serait-ce qu'un indice à me donner. Aahron restait obstinément sur ses positions à me dire qu'on rentrerait lorsqu'on aurait trouvé quelque chose, ou plus exhaustivement lorsqu'on saurait la vérité, et toute la vérité. À part les kidnapper un par un, les enfermer dans la cave et les faire parler à l'aide de techniques de torture russes, je ne voyais plus vraiment comment faire. J'avais voulu ce voyage moi aussi, cette quête de la vérité. Je n'étais juste plus sûr au jour d'aujourd'hui de le vouloir encore. Sam, lui, avait été le seul à croire à la thèse de l'accident, et pourtant il avait lui aussi retourné sa veste. Je ne comprenais définitivement plus rien.
Quant à Allie, elle avait été contre cette escapade depuis le début, et maintenant c'était elle qui me suppliait de rester. Pas littéralement, mais je sentais bien que c'était ce qu'elle désirait. Elle avait eu ces fichus visions elle aussi, et j'étais persuadé que ça la travaillait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Elle souhaitait des réponses car elle savait pertinemment que les visions venaient des filles, et il fallait qu'elle comprenne pour être une bonne mère. J'extrapolai évidemment, ma fiancée ne me révélerait pas ses doutes les plus profonds au sujet de ce phénomène surnaturel qui la touchait elle et Aidan. C'était un peu leur « truc » au final, et je m'en sentais totalement exclu. Peut-être était-ce aussi un peu pour ça que j'étais tellement con avec lui depuis des semaines.

Je croisai mes doigts, ne sachant pas vraiment encore comment répondre à Allie. Il était vrai que la question était simple, mais les conséquences ne l'étaient pas, bien au contraire. J'avais toujours pris les décisions importantes depuis qu'Aahron était parti de la maison, je prenais des décisions de vie ou de mort tous les jours au travail... et pourtant une petite question toute bête comme celle là me paralysait sur place. J'avais l'impression d'abandonner tous mes projets, mes rêves et surtout de négliger mes filles et ma vie de couple si je répondais « on reste », et d'un autre côté, je trahissais probablement mes parents et mes frères en disant « on part ». Mon regard, qui s'était un instant perdu dans les plis de la couette, se posa sur ma fiancée qui m'observait, patiente.

Une date limite, c'est bien... Mais il faut voir combien de temps on est prêts à donner encore. Est-ce qu'on parle d'un mois, ou de plus ? ...Ce qui est certain, c'est que je te laisserai pas accoucher pas ici, et je cèderai pas là-d'ssus.

dis-je avec un petit mouvement vif du menton, comme si cette condition était évidente.

Donc, ça nous laisse au maximum 4 mois, si on compte le temps des autres préparatifs, comme l'achat d'une maison qui peut prendre un certain temps. 'Fin, je préfèrerai être rentré avant 4 mois quand même... On sera déjà bien assez stressés comme ça avec l'arrivée des jumelles.

Ça, c'était notre plan. Et si on l'exposait aux autres, rien ne nous disait qu'ils nous suivraient sans rechigner. Je les imaginais déjà tirer leurs têtes d'ahuris, en s'offusquant presque du fait qu'on avait laissé une vie à Cleveland et qu'on ne pouvait décemment pas passé une année entière à Grayson. Enfin, j'exagérais sûrement. Aahron comprendrait, il avait eu un fils. Qu'il avait pourtant laissé avec sa mère, même s'ils lui avaient rendu visite il y a un mois de cela. Si ce n'était pas de l'initiative de Trisha, il ne l'aurait sûrement pas vu, et aurait commencé à s'en mordre les doigts... et aurait peut-être lui aussi songer à abandonner et rentrer. Quoiqu'il y avait peu de chance.

Je soupirai, m'étant redressé sur un coude précédemment pour être plus à l'aise.

Je pense qu'on va finir par se bouger un peu. Dès qu'on aura repeint la cuisine et les chambres...

lançai-je, sarcastique.

L'autre fois, la conversation qu'on a eu tous ensemble quand Aidan s'est enfermé dans la chambre, on a bien eu quelques idées... J'crois que j'supporte pas d'attendre que ce soit le bon moment pour agir, c'est tout. Et j'rumine toujours les mêmes trucs, je sais, mais j'm'inquiète pour nous et pour les filles.

dis-je en relevant les yeux pour aller chercher ceux d'Allie.

On avait toujours pas convaincu Aidan de passer des tests. Enfin, on en avait pas vraiment reparlé en fait. Je refusais qu'Allie soit soumise à plus de stress, mes filles n'étaient pas des rats de laboratoire. Non pas que je considérai mon frère comme tel, mais il était le plus à même de nous obtenir des réponses. Et si cela pouvait l'aider en prime, lui permettre de trouver le sommeil sans faire de cauchemars, alors tout le monde était gagnant.
À côté de ça, il y avait cambrioler le garage des Redd. Il s'agissait de mon idée à la base et j'en avais presque honte. Mais la fin justifiait les moyens comme on disait. J'espérais seulement que l'on donne rapidement le coup d'envoi.

Prends-en d'la graine, Newton, ton homme devient enfin responsable.

finis-je par lancer sur un ton plus léger en laissant échapper un sourire en coin.

M'appuyant sur mes deux paumes, je me redressai légèrement sans pour autant m'asseoir. Je me glissai à sa hauteur et déposai un baiser sur ses lèvres, avant de me laisser tomber sur l'oreiller à côté d'elle. Ma précédente colère s'était finalement totalement volatilisée. Parler m'avait fait du bien en fin de compte. Le fait de savoir qu'au fond elle me comprenait m'avait surtout enchanté.
J'expirai de contentement et d'un brun d'épuisement, puis remontai mon avant-bras sous ma nuque en guise d'appui. Après un dernier regard en direction de la belle métisse, je me risquais à fermer les paupières, bien que je savais qu'elle ne me laisserait pas rejoindre Morphée tout de suite...

« Toi, responsable ? Chéri arrête de te moquer de moi. Et pas besoin de mentir effrontément parce que tes filles ne comprennent rien du tout et toi comme moi savons que je suis la tête pensante de ce couple. J'ai la tête très claire concernant notre venue ici et notre départ. Tu le sais pas vrai ? »

« On se donne encore deux mois, quand je serai à six mois on file d'ici sinon je ne pourrais plus bouger car je suis condamnée à être une grosse baleine... Je pense que deux mois c'est plus que suffisant et si tout stagne trop et bien on filera avant ça. Mais on se donne deux mois pour vérifier les pistes qu'on a... c'est à dire nos visions et Nathaniel. Il me fait froid dans le dos ce type... »

« Hey, touche ça ! »

« Là c'est bébé A... et là, c'est bébé B. »

« Et il faut qu'on trouve des prénoms parce là ça commence à être naze de les appeler A et B ou 1 et 2, c'est pas des prénoms et en plus ça sonne mal « A Newton-Donnelly et B Newton-Donnelly ». Non mais t'entends ça ? C'est super moche ! »

« T'as vu ? Elle est d'accord... »

Deux mois, c'était raisonnable. Deux mois, nous laissait le temps de trouver les réponses qu'on cherchait, et de ne pas repartir trop tard. Tout du moins, on repartirait, et les autres feraient comme bon leur semble. Je hochai la tête pour acquiescer, tout en soupirant. Encore deux mois à tenir dans ce trou. Je m'en voulais un peu d'avoir changer d'avis à propos de ce voyage, mais je devais penser à ma nouvelle petite famille. Maman approuverait certainement aussi ce comportement si elle me voyait de là où elle était maintenant.
Peut-être que si Aidan n'était pas si braqué sur le fait que son "don" soit mauvais, il pourrait essayer de communiquer avec eux. Ça paraissait évidemment absurde dit comme cela, mais on était plus à un ou deux phénomènes paranormaux près. J'étais persuadé qu'il y avait un moyen de se servir de cette faculté à bon escient, et surtout en notre faveur. Allie aussi voyait des choses, mais c'était le pouvoir de nos filles. J'appréhendais encore beaucoup le fait qu'elles aient héritées de ce gène de la famille, car il était à présent évident qu'il s'agissait de quelque chose propre aux Donnellys, Allie l'expérimentait seulement par extension.

Deux mois, c'est bien.

l'approuvai-je, encore une fois.

Mes paupières désormais fermées et cachées par un de mes avant-bras, je me laissais aller à imaginer ce que serait nos vies si l'accident n'avait pas eu lieu. Maman et Papa seraient rentrés comblés de leur road trip, Aidan aurait été heureux de les revoir, ainsi que nous tous aussi. Mais probablement aurait-il été plus démonstratif que nous tous réunis. Aahron aurait continué à travailler, sans avoir ces rapports étranges qu'il semble avoir avec son ex-femme en ce moment... Et Samuel aurait certainement été retrouvé au fond d'une benne à ordures, le crâne fracassé par une batte de baseball... La vie en somme. Il n'y avait pas que du négatif à tirer de cette aventure, mais je n'étais pas encore convaincu que les bons côtés surpassent les mauvais.

Allie s'exclama soudain, et attrapa ma main pour la poser sur son ventre rond. Je me redressai tout aussi subitement en sentant les bébés bouger. Un sourire émerveillé apparut sur mes lèvres, alors que mon regard passait du visage d'Allie à son ventre.

C'est dingue à quel point elles grandissent vite !

J'avais l'impression que c'était hier que Allie m'annonçait la nouvelle. C'était le premier jour de notre arrivée à Grayson, lorsque nous étions seuls dans la maison. Je me rappelais aussi qu'à cette époque, tout n'était pas tout rose entre nous. Avoir des bébés, nous avait vraisemblablement rapprocher encore davantage. Je suivais avec attention les mouvements des filles, tandis que ma fiancée baladait ma main pour que je n'en rate pas une miette. J'étais médecin, et je voyais des femmes enceintes tous les jours à l'hôpital, même si le service maternité était situé à un autre étage, et pourtant je m'étonnais encore lorsque les bébés bougeaient. Je mettais ça sur le compte de la théorie du nouveau papa, on devenait vraiment tous idiots en face des plus petites choses.

Allie parla des prénoms, c'est vrai que nous n'en avions pas encore choisi. Je souris lorsqu'un coup plus prononcé fut donné par l'une des deux chipies.

J'y ai repensé aussi, et... Lou et Nola, ça va vraiment très bien leur aller.

J'avais mis de côté l'idée de faire un dernier hommage à mes parents. Allie avait raison, ce n'était pas ainsi que leur disparition en serait moins douloureuse.

Si seulement je savais pas déjà qu'elles auront ton caractère impossible...

soupirai-je en levant les yeux au ciel, la taquinant.

J'espère au moins qu'elles hériteront de mon incroyable charisme, histoire qu'elles deviennent de vraies petites reines de cour de récré'.

me vantai-je, plaisantant toujours.

Je fondis sur Allie, coupant court à toute protestation en la faisant taire d'un baiser. Ma paume encore sur son ventre, glissa sous la fine couche de tissu qui le recouvrait pour la caresser délicatement.

Tu crois qu'elles savent si on...

chuchotai-je avec un sourire en coin, m'éloignant juste assez de ses lèvres.

Et puis, c'est tes bouquins qui disent que c'est important de continuer à le faire. Je fais que les suivre à la lettre...

ajoutai-je en allant chatouiller son cou d'autres baisers.

« Isaac... »

« Lou et Nola... je vois pas mieux pour le moment. Et elles hériteront chacune d'un prénom d'une de leur grand-mère. Je pense que c'est une bonne idée. »

« Et je tiens à préciser que j'ai le charisme dans ce couple, et tu as cet horrible caractère ! Pas moi, ne confond pas s'il te plaît. Jusqu'à preuve du contraire, c'est moi la préférée de tout le monde et toi tu es vu comme le chieur de service. Alors tu repasseras pour te plaindre de moi hein... C'est moi la future Donnelly courageuse. Regarde tes frangins, tous des célibataires ! Enfin Sam a Charlie mais dès qu'on partira ça va se terminer. C'est toujours comme ça avec ton frère de ton manière, mais ce sera dommage, j'aime bien cette fille. Ou alors elle prendra la poudre d'escampette avant parce qu'elle va se rendre compte qu'on est une famille de cinglés... »

« Je sais que c'est anti romantique mais déshabille toi parce que j'arrive pas à tendre mes bras alors que t'es sur moi. Je suis une baleine, tu te rends compte ? Moi Allie Samantha Newton, je ne peux même plus ouvrir ta braguette sensuellement avec dextérité. Tu es condamné à la médiocrité sexuelle pour les mois à venir... »

« Et bien sur qu'elles sentent tout, c'est comme un tremblement de terre j'imagine... »

Ouais, c'est une bonne idée. Pis, pour tout t'avouer, j'me suis un peu habituée à les appeler comme ça depuis que je réfléchis à ta proposition.

avouai-je en haussant les épaules, un demi-sourire au coin des lèvres.

Je cherchais son cou, je taquinais ses lèvres, je faisais toutes ces petites choses qui nous mèneraient doucement mais sûrement à un contact plus intime. Dans ces moments là, j'avais l'impression d'être à Cleveland et de mener la vie qui aurait dû être la nôtre sans Grayson. Elle me reprochait souvent, même silencieusement, d'avoir changé depuis notre arrivée ici. Et je n'aimais pas cette personne que j'étais devenue, cette personne grise et lunatique. Je voulais retrouver ma liberté et ma gaieté de coeur d'il y a quelques mois, lorsque tout ceci n'aurait pu être qu'un vilain cauchemar.
Nous avions eu un break, lors de notre séjour à Edgerton. Une pause qui nous avait fait du bien à tous les deux, et probablement aussi aux filles, qui même encore toutes minuscules paraissaient comprendre plus de choses que moi. J'avais gâté ma fiancée, et lui avait offert un cadeau hors de prix. J'avais vaillamment défendu son honneur lorsqu'elle s'était faite ouvertement draguer. C'était des petits plaisirs comme ça, de la vie de tous les jours qui nous manquaient ici. Mais tout ça, c'était aussi dans l'espoir de pouvoir un jour surpasser les craintes qui m'accablaient depuis la disparition de mes parents.

Tu pourrais être surprise pour Sam'. Il m'parait bien vouloir la garder cette fois.

arguai-je en faveur de mon frère, tout en l'embrassant dans le cou et en remontant une paume sur une de ses hanches.

Et j'aime que tu parles de nous tous comme une famille, Mme Donnelly. Enfin future...

C'était plus pour la taquiner que j'avais formulé cela ainsi, mais il me tardait d'un autre côté d'officialiser les choses. J'étais persuadé qu'il était la femme de ma vie, et jamais je ne pourrais imaginer vieillir sans elle. Surtout pas avec les chipies en route. Je voulais qu'elle dispose de tout ce que je pouvais lui offrir, dont un beau mariage. Toutes les femmes en rêvaient, qu'on ne me dise pas le contraire.
Je la sentis passer un bras entre son corps et le mien, et savait pertinemment qu'il essayait de me déshabiller. Néanmoins, son ventre désormais bien arrondi déjà empêchait la réussite de l'opération. Étant entre temps revenu prendre ses lèvres d'assaut, je ne pus m'empêcher de rire lorsqu'elle parla de médiocrité sexuelle. Difficile à croire la connaissant, même avec son état quelque peu handicapant pour ce genre d'activité.

D'accord, je redoublerai de productivité pour les prochains mois, mais attends-toi à faire des heures supp' dès que t'auras retrouvé une condition adéquate.

sous-entendais-je en me positionnant au dessus d'elle pour de bon.

Déjà torse nu, il ne restait plus que mon jeans et mon caleçon. Du côté d'Allie, pourtant, rien n'avait été entamé. Je m'occupais tout d'abord de déboutonner mon pantalon et de dé-zipper ma braguette, puis vînt relever son haut pour le faire passer par dessus sa tête. Elle se laissa docilement faire, puisqu'elle me confiait visiblement les rênes pour les prochains mois. Je m'attendais à quelques surprises cela dit, elle ne manquait jamais d'imagination.

« Et ouai ouai... je sais qu'on est censé se marier et tout mais on peut rester comme ça quelques temps. De toute manière quand je pense à toi j'utilise le mot 'mari' et pas 'copain' donc c'est déjà tout comme. Et puis comme on disait la dernière fois, on peut prendre notre temps vu qu'on a tout fait dans le désordre. Moi je propose l'ordre suivant : les filles, la maison, le chien et le mariage. Tu vois ? Et puis va falloir du temps pour que je dégonfle... »

« Et plein de sexe ! Plein de sexe sans oubli de pillules pour me faire perdre tout les kilos que j'aurais pris. Donc en gros, l'idéal ce serait d'avoir un bureau entre les chambres des filles et de nous, comme ça on aura pas besoin de faire trop d'effort niveau bruit... »

« Et mate moi ces obus ! J'ai au moins prit une taille voire deux, j'ai l'impression que mes sous vetements vont éclater. Je me transforme en vache à lait, c'est quand même pas trop sexy mais je soupçonne que tu sois plutôt ravi de tout ça... C'est le truc que j'ai lu dans les magazines, que les hommes sont hyper excités par les nouveaux seins de leur conjointe ! »

« C'est un des derniers mois ou on pourra le faire dans cette position... va falloir être beaucoup plus inventif mon amour... »

C'était bien vrai qu'on avait tout fait dans le désordre, mais c'était ça la vie aussi. Un mélange insoupçonnée de surprises, tantôt bonnes, tantôt mauvaises. Même si l'idée de devenir père sans l'avoir prévu avait pu m'effrayer un peu au départ, je m'y étais fait maintenant. Pas grand chose n'avait changé jusque là, si ce n'était le ventre d'Allie, alors certes, il faudrait en juger en situation réelle. Mais je ne m'inquiétais pas trop, Aahron faisait un bon père avant moi, et même si nous avions nos caractères tous les deux, chez les Donnelly, on savait prendre nos responsabilités quand il le fallait. Même Sam.

Allie continuait à papoter gaiement tout en continuant à nous déshabiller. Je préférai la couvrir de baisers de mon côté, et m'occuper un peu plus intimement de nos deux corps. D'entre ses cuisses, je commençai à tenter de l'exciter davantage, pour qu'elle utilise sa bouche à d'autres fins que des mots.
Je me redressai néanmoins sur mes avant-bras lorsqu'elle parla de ses seins et de ce qu'elle avait lu dans les magazines. Je les pris dans mes mains, pesant, jaugeant la grosseur.

Pour une fois, les magazines disent vrai. Ils sont beaucoup mieux comme ça.

la taquinai-je en arborant l'air le plus sérieux du monde.

Elle m'attira à elle, ses mains dans mon dos, et vint ensuite me susurrer à l'oreille que nous devrions redoubler d'inventivité pour les prochains mois. Sur ce point, je n'étais pas en reste. J'avais déjà beaucoup, oui beaucoup, d'idées... Des choses qu'elle n'aurait peut-être pas accepté en temps normal. C'était mon heure ! Enfin, dans les limites du raisonnable, toujours.

J'y pense déjà, ma chérie.

Je fondis sur les lèvres, et l'occupa pour de bon en me glissant en elle. Je n'osai pas y aller fermement au départ, c'était qu'il y avait deux petits bébés pas très loin du point d'impact. Mais finalement, la chaleur et le tournis engendrés par les efforts de nos deux corps finirent par me perdre. Allie en demandait plus aussi à la manière dont elle se mouvait sous moi. Je me laissais alors emporter par l'ivresse du moment, reportant à plus tard toutes ces histoires d'enquête, d'Aidan et de mariage...

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