02. It was just a precaution [Donnellys & Elizabeth]

**E. Pryde** Invité

Elizabeth Pryde

La dernière Pryde du village arriva au niveau du logement des étrangers, la peur au ventre, ses mains se permettant des tremblements d'appréhension, la concentration sur ses objectifs irrécupérables. La veille, leur conversation dans la réserve de l'épicerie avait mis en accord la jeune femme et le maire sur certains points.

Entre ses menus bras, un panier plutôt lourd cachait son buste. Des produits de l'épicerie en occupaient la totalité : un rouleau de papier peint pour effacer les traces de l'incident -mentalement et physiquement- d'après les souvenirs qu'elle avait de la tapisserie, des pâtisseries pour la déprime et bouteille de vin pour l'oubli. Elle faillit prendre une de ses nombreuses boîtes de viagra qu'elle avait de trop, mais le geste aurait été sûrement mal vu.

Elle monta les quelques marches du perron, appuya le panier entre le mur et son corps pour libérer une de ses mains. La jeune femme prit une inspiration exagérée avant de sonner. Son coeur battait à vive allure, mais plus elle s'approchait de l'heure fatidique, plus il se calmait. Elle qui ne voulait rien à voir dans tout cela.

*Si tout pouvait se résoudre d'un claquement de doigts, ce serait tellement plus simple. Quoique... je ne devrais pas le dire trop vite...*

Peut-être n'allaient-ils tout simplement pas lui ouvrir et le problème serait vite réglé, ou encore mieux : ils allaient ouvrir, la regarder, et lui claquer la porte au nez. Pourquoi pas, c'était une option.
Elle ne souhaitait que deux choses : qu'ils ne la prennent pas pour une commère de service qui souhaite tout savoir avec un de ces regards vicieux et malsains, ni pour une hypocrite de première qui les menaceraient aussitôt de partir, encore une fois.
Il fallait juste qu'elle rentre, coupée de tous les regards indiscrets de l'extérieur et tenir sa parole. Son seul but était de minimiser les dégâts de certains.

Des bruits de pas se fit entendre derrière la porte, la mine inquiète d'Elizabeth se transforma en une expression chaleureuse, avec un sourire auquel on pourrait 'presque' tout pardonner au bout de ses lèvres. Après tout, c'était sûrement la seule chose qu'elle était capable de leur offrir : de la compassion. Par contre, elle ne put rien faire à ses sourcils froncés, signe de préoccupation.

Sa fine silhouette chargée se redressa, reprenant en main son panier 'de soutien', plantée devant la porte d'entrée.

*Et si je leur disais "BOUH", prendraient-ils la fuite en courant ? A méditer.*

02. It was just a precaution [Donnellys & Elizabeth] Rosebyrne03

© Rose Byrne
PV interprété par Clo

INFORMATIONS
27 ans
Gérante de l'épicerie à Grayson

Aahron remua ses pommes de terre d’un air las, poussant un soupir avant de relever ses yeux clairs en direction de Petey qui mangeait de bon appétit. Il était le seul à ne pas paraitre ressentir la lourdeur de l’atmosphère peser sur ses frêles épaules. Il faut dire que Trisha faisait tout pour que leur fils ne soit pas ébranlé par les récents évènements et, même si le petit garçon avait comprit que quelque chose se tramait, il jouait le jeu à la perfection pour ne pas l’inquiéter. Son père était impressionné par le courage dont il faisait preuve malgré les circonstances. Depuis un moment maintenant, il avait cessé de poser des questions sur ce qu’ils faisaient tous ici et sur ce qui était arrivé à ses grands-parents ou à Allie la veille. Il n’avait que sept ans et pourtant, il forçait l’admiration de ses parents et de ses oncles par sa présence d’esprit et sa maturité.

« J’peux en ravoir, dis ? » demanda Petey en se tournant vers Allie qui semblait elle aussi trop contrariée pour avaler quoi que ce soit
« Non. Tu en a déjà repris deux fois » lui fit remarquer son père d’un ton entendu
« Mais personne n’en mange, il faut pas gaspiller ! »
« Petey… »

Le garçonnet poussa un soupir puis baissa les yeux vers son assiette. Aahron se mordilla nerveusement la lèvre, croisant le regard indéchiffrable de son ex-femme. Avait-il été trop dur ? Peut-être aurait-il dû permettre à son fils de se servir une fois encore, après tout, c’n’était pas trop demandé. Non, il ne devait pas tout lui laisser passer sous prétexte que la situation était un peu tendue. Petey était décidément un peu garçon intelligent… parfois un peu trop malin, mais il l’était aussi. Il commençait avec des pommes de terre et finirait par lui demander un cabriolet !
Aahron se remit donc à tourner et retourner sa fourchette dans son assiette, séparant ses féculents de sa viande filandreuse avec l’impression d’avoir pris la décision d’un près responsable. En réalité, il commençait à avoir un peu faim. Allie avait été interdite de fourneaux pour un temps et pas parce qu’elle ne savait pas cuisiner mais bel et bien parce qu’elle devait se ménager et c’était TRisha qui avait cuisiné, sans y mettre beaucoup de cœur. Sa future belle-sœur leur avait fait une peur bleue sur le pont et tous se sentait coupable à présent. Aahron n’avait jamais été pour qu’elle les accompagne à Grayson, il l’avait clairement signalé à Isaac dès le début. Il n’avait rien contre la jeune métisse évidemment, elle était d’une charmante compagnie et il avait bien conscience que sans elle, les choses auraient sûrement dégénérées ici depuis un moment. Il lui était reconnaissant pour ça et trouvait que lui faire courir des risques inutiles étaient une bien piètre façon de le lui prouver. Mais que pouvait-il y faire ?
Et bien sûr, c’était sans compter sur le fait que l’incident du pont le renvoyait à ses propres craintes concernant Trisha et Petey. Il n’était pas franchement ravi non plus de les savoir dans les parages et aurait aimé que son ex-femme les ramène tous à Cleveland au plus vite. Mais encore une fois, ce n’était pas à lui de décider pour tout le monde ; que pouvait-il y faire ?

Un bruit mat attira soudain son attention sur sa gauche, le faisant sursauter. La tête tournée en direction du bruit, il lui fallut un temps pour comprendre ce qu’il avait sous les yeux et l’analyser. Aidan, assis juste à côté de lui, venait visiblement de laisser sa tête tomber dans son assiette encore pleine. La première pensée d’Aahron fut de se demander pourquoi diable son jeune frère avait-il ressenti le besoin de faire une telle chose… Amuser la galerie ? Détendre l’atmosphère ? Parce qu’il en avait marre d’utiliser ses couverts et voulait revenir à une méthode plus primitive d’alimentation ?
Mais il comprit rapidement. Aidan n’avait pas délibérément mis sa tête dans son assiette, il venait de s’évanouir et avait été dans l’incapacité de contrôler sa chute.
Une pierre affreusement lourde tomba dans le fond de son estomac et pendant une seconde, l’ainé des Donnelly cru qu’il serait incapable de se lever. Pourtant, il fut le premier sur ses jambes. La seconde suivante, il était à ses côtés, rapidement rejoint par Isaac qui l’avait imité. Saisissant le corps inanimé de son frère par les épaules, il le redressa sans grande précaution, se demandant bêtement si Aidan aurait pu étouffer s’il était resté le nez dans son plat trop longtemps. C’était dingue le nombre de pensées idiotes qui pouvaient vous traverser l’esprit dans ce genre de situation…

« Aidan !? » s’exclama-t-il en le soutenant toujours, le secouant un peu pour essayer de le ramener à lui
« Papa… »
« Trisha, emmène Petey à la cuisine » ordonna-t-il durement, sans lever les yeux vers son ex-femme

Il l’entendit tenter de persuader leur fils de s’éloigner en essayant de le rassurer sur l’état de son jeune oncle. Aahron ne leur accorda pas son attention bien longtemps cela dit, préférant se concentrer sur le dit oncle qui n’était pas dans un si bon état que ça. Isaac et lui l’allongèrent sur le sol boisé du salon et pour une fois, l’ouvrier laissa volontiers son cadet prendre les rênes et diriger la situation. Il suivit docilement ses directives, levant les jambes d’Aidan lorsqu’il le lui demanda et le laissant se charger de le réanimer.
Il avait l’impression que les secondes s’allongeaient et en même temps, tout allait trop vite pour lui. Il avait l’impression d’être hors de son corps, de ne rien pouvoir contrôler et se sentait horriblement inutile. Le trentenaire observa Isaac et Allie s’activer, se sentant de trop dans la pièce. Même la femme enceinte affaiblie par ses soucis de santé était plus utile que lui… Il était censé être le grand frère, celui sur lequel on pouvait compter, qui aurait dû pouvoir réagir face à n’importe quelle situation, et pourtant il était planté là, mort d’inquiétude, impuissant.

Après ce qui lui sembla être une éternité, Aidan rouvrit enfin les yeux, posant son regard vitreux sur Isaac qui était en train de lui asséner quelques gifles. En réalité, il ne devait pas s’être écoulé plus de deux minutes depuis le moment où il était tombé la tête la première sur la table de salle à manger, en plein dans ses pommes de terre. Après quelques instants, Isaac le redressa et Aahron lui vint en aide. Ça au moins, il pouvait le faire… c’était à sa portée. Il fit passer son bras autour des épaules du plus jeune de la fratrie et retint son souffle lorsqu’Aidan se laissa aller contre lui, fermant les yeux pour reprendre son souffle et ses esprits.
Aahron se fit la promesse de ne plus jamais le laisse partir. Il allait le tenir jusqu’à sa mort et ne laisserait plus rien lui arriver. D’ailleurs, il allait trouver un moyen de tous les avoir dans ses bras, de les protéger tous autant qu’ils étaient des dangers du monde extérieur. Aidan, Petey, Trisha, Isaac, Allie et Samuel. Il n’allait plus quitter des yeux, veillerait jour et nuit pour que rien ne leur arrive. Mais c’était impossible et il le savait bien. Il n’y avait rien qu’il puisse faire…

« Qu’est-ce qui s’est passé ? » finit par murmurer Aidan dans ses bras, les yeux toujours clos, le souffle court
« À ton avis, qu’est-ce qu’il s’est passé ? » ne pu s’empêcher de répliquer Aahron sur le ton de la réprimande

En réalité évidemment il était plus inquiet qu’énerver. Encore qu’il ne pouvait s’empêcher d’en vouloir à Aidan de se laisser aller de cette manière ces derniers temps. Pour être tout à fait honnête, connaissant le rythme de sommeil de son frère, Aahron s’était imaginé que ce genre de chose arriverait bien plus tôt et qu’ils auraient eu à le ramasser avant aujourd’hui. Il se demandait comment le plus jeune de ses frères avait fait pour tenir jusque là. Assurément, en plus d’être malin, les Donnelly étaient résistants… et un brin trop orgueilleux.

« …va chier… » murmura Aidan d’un ton boudeur

Nous disions donc orgueilleux.

« Bon, tu peux t’lever ? »

L’intéressé acquiesça pour toute réponse et Aahron et Isaac l’aidèrent à se mettre debout. Allie, le visage pâle et inquiet s’approcha aussi pour leur venir en aide.

« On va l’installer à l’étage »
« J’veux pas dormir » les prévint Aidan d’une petite voix
« Non, bien sûr. Tu vas juste t’allonger et fermer les yeux une minute histoire de récupérer un peu » répliqua-t-il, utilisant la même formule qu’il utilisait avec Petey les soirs où il était épuisé mais refusait de s’endormir pour voir un film ou jouer un peu plus longtemps
« Oui, d’accord. J’vais fermer les yeux. C’est tout »

Ils se mirent ensuite en route, se dirigeant vers l’escalier étroit qui menait à l’étage et à la chambre qu’occupaient Aidan et Sam. Sam qui s’était éclipsé ce midi pour rejoindre Charlie à l’épicerie et manger un morceau avec elle pendant sa pause déjeuné. Mais alors qu’ils atteignaient le bas des escaliers, quelques coups furent frappés à la porte. Aahron et Isaac échangèrent un regard par-dessus le crâne de leur petit frère, se questionnant l’un l’autre en silence. Après une seconde, le plus vieux vit Allie se diriger vers la porte mais il la retint.

« Attends. J’m’en occupe »

Il ignorait pour quelle raison il avait ressentit le besoin de l’arrêter, mais ça avait été presque viscéral. Ça l’avait pris aux tripes sans aucune raison ; un pressentiment. Il n’était pas tranquille et il avait appris avec le temps que les mauvaises nouvelles n’arrivaient jamais seules… En général, les merdes vous tombaient toujours par lots bien ficelés sur le coin de la figure. Et il ne voulait pas qu’Allie soit éclaboussée. Elle avait déjà assez souffert comme ça et Aahron préférait ne prendre aucun risque.

« Occupe-toi d’Aidan » ajouta-t-il en s’écartant, la laissant venir prendre sa place aux côtés de son frère

Le plus vieux attendit de les voir tous trois disparaitre dans le couloir de l’étage pour s’approcher de la porte de leur maison, jetant un rapide coup d’œil en direction de la cuisine d’où il pouvait apercevoir Trisha. Cette dernière avait quittée la pièce et l’observait maintenant avec intérêt depuis le seuil. Il lui adressa un petit signe de la tête pour la rassurer et lui signifier que la voix était libre.
Puis il se détourna sans plus de cérémonie et ouvrit la porte, se retrouvant nez à nez avec une femme qui devait avoir l’âge d’Allie ou presque. Elle tenait un panier entre ses mains et semblait tenter de dissimuler un certain malaise derrière un masque de neutralité peu efficace.

« J’peux vous aider ? » demanda-t-il sur un ton plus sec qu’il ne l’aurait voulu, la détaillant de bas en haut avec impatience

**E. Pryde** Invité

Elizabeth Pryde

Le bruit qu'elle distinguait à l'intérieur ne se tenait plus à des simples bruits de pas mais à un raffut phénoménal. Ce n'était peut-être pas le bon moment pour une visite de courtoisie, mais pour eux, ici au village, ce ne serait jamais le moment. Ce qui ressemblait à un aîné ouvrit brusquement la porte et la déshabilla d'un regard froid et surtout fatigué.
Alors qu'il lançait d'un ton « aimable » un substitutif de « crache le morceau ou fous le camp », les yeux féminins se perdirent en arrière-plan au niveau des escaliers noir de monde.

*Ils devraient prendre la carte famille nombreuse à l'épicerie... *

A cette vue, elle comprit que ce n'était définitivement pas le bon moment. En voyant les visages tous lassés, épuisés, Elizabeth mit cet état de faiblesse en sa faveur. Reprenant maladroitement ses esprits, son attention se reporta sur l'imposante carrure qui lui avait ouvert.

« Bonjour Monsieur Donnelly, je suis Elizabeth Pryde, la gérante de l'épicerie. Je venais vous apporter quelques produits qui pourraient vous aider à traverser cette... 'passe'. Au frais de l'épicerie bien sûr ! » S'empressa-t-elle d'ajouter maquillée d'un sourire honnête en point de ponctuation.

Son menton s'abaissa à l'intérieur de son panier rangé de manière vraiment désorganisée, une des pâtisseries s'était échappée du cellophane et se permettait quelques folies avec le rouleau de tapisserie. Les contraires s'attirent, elle en avait la preuve même.

« Je suppose que ce n'est pas vraiment le moment. » Elizabeth jeta son menton par-dessus son épaule pour vérifier qu'aucun regard indiscret n'espionnait. Son sourire amicale disparût pour laisser entièrement place à sa mine préoccupée, les yeux francs à présent ancrés dans ceux de son interlocuteur. « Mais -ma famille étant implantée dans ce village depuis des générations- j'aurais aimé vous parlez, une affaire de cinq minutes tout au plus. »

La jeune femme allait prendre soin de l'emploi de ses mots, de ce qu'elle dirait, de l'attitude qu'elle prendrait, du ton qu'elle emploierait.
Elle allait déjà au-delà de son crédo : ne jamais s'impliquer plus qu'aux réunions des héritiers, de la communauté.

« Je reviendrais plus tard s'il le faut.»

© Rose Byrne
PV interprété par Clo

INFORMATIONS
27 ans
Gérante de l'épicerie à Grayson

Les sourcils crispés d’Aahron se décontractèrent peu à peu tandis qu’il écoutait la jeune femme s’introduire. Il lui semblait l’avoir déjà croisé quelque part, même s’il n’avait jamais mis les pieds à l’épicerie du « centre ville » de Grayson. Certainement au cinéma plein air. Il lui semblait vaguement l’avoir aperçue à un stand, pour les boissons ou la restauration. Quelle importance de toute façon ?
Chassant donc ces pensées, il préféra se concentrer sur le moment présent et arrêter de se triturer les méninges inutilement. Il avait d’autres choses en tête.

« Oh… » lâcha-t-il simplement lorsqu’elle lui présenta son panier garni de pâtisseries, boissons et… d’un rouleau à tapisser ?

C’n’était pas la première fois que les habitants du village se montraient charitables avec eux, ils avaient tous été très aimable et avaient compatis bien gentiment au drame qui les avait frappés… Ils assuraient de pas savoir qui avait bien pu faire une telle chose, répétait que ce genre de choses n’arrivaient ja-mais par ici… Sauf qu’il avait toujours pu percevoir cet éclat malsain dans leur regard, ce « bien fait pour vous » silencieux qui le mettait hors de lui, lui donnait envie de cogner. Et tout ce qu’il pouvait faire, c’était sourire et les remercier pour leur compassion feinte.
Mais là, c’était différent. Cette Elizabeth Pryde avait l’air plus mal à l’aise qu’en train de savourer une quelconque victoire, d’apprécier de le voir dans un état sans doute pitoyable. S’il l’osait, Aahron irait même jusqu’à dire qu’elle avait peur de ses réactions, peur d’être rejetée.
Mais le trentenaire était trop (agréablement) surpris par sa réaction, encore émotionné par l’incident survenu à table, pour penser à la repousser. Malgré ce qu’elle venait d’ajouter à propos de sa famille. Il avait remarqué son ton devenir plus sérieux et son embarras augmenter encore.

« Et bien le moment n’est pas vraiment… » commença Aahron avant de s’interrompre, ne voulant pas vraiment s’étendre sur le sujet

Qu’y avait-il à dire ? Il ne voulait pas s’étendre sur le sujet avec une étrangère, aussi sympathique lui apparaisse-t-elle.
Il ignorait ce qu’elle avait à lui dire de si important mais peut-être parviendrait-elle à lui changer les idées un moment... on pouvait toujours rêver.

« Entrez » capitula-t-il en s’écartant pour lui laisser le passage « Laissez-moi vous débarrasser »

Alors qu’elle pénétrait dans la maison, il lui prit le panier des mains et se dirigea rapidement vers la cuisine, adressant un coup d’œil entendu avec Trisha qui s’était rapproché, Petey sur les talons. Aahron marqua un temps d’arrêt, se retournant vers la gérante de l’épicerie pour désigner son ex-femme.

« Trisha, j’te présente Elizabeth Pryde. Elle tient l’épicerie à l’angle de la rue et nous a gentiment apporté quelques petites choses » expliqua-t-il sommairement, même s’il se doutait qu’elle avait pu entendre leur conversation de là où elle était « Je vais déposer ça, je vous rejoins dans une minute »

Il lui lança un regard entendu, signifiant clairement : je te la laisse, essaie de la faire parler ; en cas de problème, je suis juste à côté. Trisha avait toujours eu des facilité à se mettre les gens dans la poche, il ne savait pas comment elle s’y prenait pour s’attirer la sympathie de tous et leurs confidences. En tout cas à Grayson, ce serait un atout indéniable qu’il ne rechignerait pas à utiliser, à condition d’être dans les parages évidemment.

« Petey, tu viens avec moi ? » ajouta-t-il en se tournant vers son garçon

Ce dernier avait l’air encore sous le choc ; sa lèvre inférieure tremblotait encore légèrement et ses yeux étaient humides. Cette vision lui fendit le cœur et le conforta dans son idée de s’isoler avec lui un instant pour le rassurer. Adressant un dernier coup d’œil aux deux femmes, sa main glissée dans le dos de Petey, il s’éclipsa dans la cuisine en refermant la porte derrière eux.

Elle avait fait la cuisine, sans vraiment un énorme enthousiasme, mais elle avait fait de son mieux. Depuis hier, et l'incident d'Allie sur le pont, Trisha n'avait cessé de repenser à l'expérience qu'elle avait elle-même vécu quelques années plus tôt. La perte de son deuxième bébé avait été une déchirure insupportable qui avait conduit directement à son divorce avec Aahron. L'avocate voulait pourtant ne rien montrer de sa tristesse, et s'enfermait derrière un masque neutre. A table, il s'agissait de la position la plus difficile à tenir, car ils étaient tous plus ou moins face à face. Impossible de tourner le dos, de relâcher une seconde sa vigilance. Surtout pas devant Aahron, elle ne voulait pas le mettre dans une position délicate. Il avait forcément dû remarquer hier, mais il n'avait pas insisté.
Triturant son assiette sans grand appétit, la jeune femme gardait les yeux baissés sur son assiette et ne prit pas la peine d'accorder son attention au petit Petey lorsqu'il prit la parole. Aahron avait pris le relai pour un petit moment, et il le faisait très bien. Elle n'avait pas d'inquiétude sur sa capacité à être un bon père, il avait depuis bien longtemps fait ses preuves.

Son menton se releva pourtant subitement lorsqu'un bruit sourd attira son regard. Aidan venait de littéralement s'écrouler sur la table, la tête la première dans son assiette. Trisha ouvrit la bouche, sans savoir quoi dire, tandis que Aahron, Isaac et Allie s'accaparait autour de l'adolescent à tenter de la réanimer. Son ex-mari lui intima d'emmener Petey dans la cuisine, et elle se leva alors, entraînant le jeune garçon dans la pièce adjacente.

« Viens Petey, on va les laisser s'occuper de ton oncle, ils ont besoin d'espace. »

Elle lui prit la main et dû le tirer un peu pour que son fils la suive. Il avait des yeux surpris et inquiets, fascinés par le spectacle des frères de son oncle s'agiter autour de lui et bouger ses bras, ses jambes, stabiliser sa tête. Trisha ferma la porte derrière eux pour ne plus qu'il puisse voir la scène, ce devait être déjà assez traumatisant comme ça, elle ne voulait pas en rajouter. Si Aidan ne dormait plus, elle comptait bien que son petit garçon puisse encore faire de beaux et doux rêves la nuit. Elle entendit des pas, ils l'emmenaient à l'étage. Croisant les bras, elle tapota nerveusement des doigts au niveau de ses biceps. Elle n'aimait pas être laissée de côté dans de telles situations, mais sa présence était nécessaire auprès de Petey. Soupirant, elle s'accroupit auprès de lui, posa une main sur sa joue afin de le rassurer et lui sourit doucement.
La sonnette retentit, qui pouvait bien leur rendre visite ? Ils n'attendaient personne. Trisha se releva et passa la tête par la porte de la cuisine. Aahron lui fit un signe de tête pour lui dire que la voix était libre et elle ouvrit plus grand la porte, laissant Petey rassasier sa curiosité. Aidan, Isaac et Allie étaient montés, et il n'y avait plus aucune trace de Samuel. Il avait dû en profiter pour s'éclipser.

L'avocate fit quelques pas dans le salon, et guetta l'ouverture de la porte d'entrée. Il s'agissait d'une femme, brune, élancée, elle portait un panier rempli de fournitures en tout genre. Elle fronça les sourcils, n'ayant aucunement confiance en cette poussée de compassion pour les pauvres Donnelly perdus à Grayson. Il fallait absolument qu'elle aille récupérer ce dossier et soutirer le plus d'informations possibles aux loyaux flics de ce village.
Aahron la fit entrer et la présenta avant de s'éclipser à son tour dans la cuisine avec Petey. Trisha savait très bien où il voulait en venir et lui lança un regard explicite sans que cette Elizabeth ne puisse rien soupçonner. Se retournant vers elle, elle esquissa un sourire de circonstances et lui tendit la main.

« Trisha Phillips, ravie de faire votre connaissance. »

introduit-elle à son tour.

Si elle voulait faire opérer son charme naturel pour lier des relations, elle allait devoir user de tout son savoir-faire avec cette charmante demoiselle, car si elle avait appris une chose ces derniers jours, c'est qu'à Grayson, il fallait se méfier de presque tout le monde. Et ils étaient très doués pour garder leurs petits secrets eux aussi.
Haussant les épaules en signe de décontraction, elle posa ses mains sur ses hanches et hocha la tête pour paraître légèrement mal à l'aise. Bien sûr, tout cela faisait partie du plan, histoire de mettre sa cible en confiance.

« Alors comme ça votre famille habite ici depuis très longtemps ? »

Elle tentait de faire passer cela comme un sujet de conversation banale, mais c'était en fait une façon d'aller droit au but. Il n'y avait pas de temps à perdre en bavardages inutiles, même si à première vue, cette femme ne leur voulait aucun mal. Trisha n'était pas très à l'aise à l'idée de recevoir des inconnus dans cette maison où son fils passait ses journées. Plus de temps cette femme restait parmi eux, plus elle apprendrait de leurs petites habitudes, et la mère savait combien certaines petites choses pouvaient être importantes pour cerner les gens et les manipuler après. Sa nature protectrice et son expérience professionnelle lui avaient appris tellement de choses qu'elle pourrait presque en écrire un livre.

**E. Pryde** Invité

Elizabeth Pryde

Les portes de la maison louée s'ouvrirent à elle, pouvant pénétrer dès à présent à l'intérieur du lieu du délit.
Elizabeth suivit le jeune homme, débarrassée poliment du panier. Ses yeux d'or passèrent brièvement sur les décors des pièces mais ne s'y attarda pas. Ce n'était pas le but de sa visite.
Un gosse pas plus haut que trois pommes s'échappa de la pièce avec Aarhon en direction de la cuisine, la laissant seule avec une dénommée Trisha. Elle aurait préféré que deux autres aînés de la famille soient présents dans la salle pour l'écouter, mais s'il la laissait entre les mains de la trentenaire blonde, il y avait une raison. Dans tous les cas, elle aurait parlé à tous ceux qui avaient un impact sur la famille d'étrangers.
La gérante de l'épicerie accepta le geste de présentation de son interlocutrice, répondant un « de même » honnête, complaisant, mais bref.

« Votre fils est un mélange frappant de vous deux... » Eut-elle le temps de glisser malgré tout, en effet assez suprise par le petit Petey qu'elle n'avait pas encore vu au village. A ce moment, elle n'avait qu'une envie : soupirer « le pauvre... » d'un ton vraiment désolé, propulsé au milieu de tout ceci, mais elle réprima simplement son souffle.

La mine que la brunette portait sur le seuil de la porte s'était transformée en une chose plus confiante, ce depuis qu'elle avait franchi la première étape, mais maintenant, son inquiétude venait du reste des villageois, non plus aux pensées des Donnelly et de leurs proches. Elle risquait gros...
Son regard s'était perdu quelques secondes sur la fenêtre en face d'elle, le croisement des ruelles résidentielles reflétant dans ses pupilles, vitreuses de fatigue.
La supposée femme de l'aîné la questionna simplement sur sa famille, Elizabeth replaça son attention sur celle-ci. Pas de temps à perdre. Elle ne devait pas rester longtemps dans leur espace, ne pas s'approprier leur atmosphère, ne pas susciter des tentions par le simple fait de sa présence.

« Oui, en effet. Mais vous comme moi, nous ne voulons pas perdre notre temps dans des formalités de bon voisinage... surtout aux vues de vos débuts ici. Ce serait vraiment mal approprié, n'est-ce pas ? Je suis venue pour vous apporter mon soutien, c'est certain, vous dire que si vous avez besoin de quoique ce soit, je suis juste à l'ange de la rue. Mais si je peux me permettre, mad... » Elle coupa son élan alors qu'elle s'apprêtait à l'interpeller 'Donnelly', mais son interlocutrice avait précisé 'Phillips', il y avait sûrement une raison. « ...emoiselle Phillips, ne rejetez pas la faute sur l'hypocrisie que vous croyez malsaine des villageois, comme j'ai pu le constater en parlant à Isaac l'autre soir. Les gens de Grayson ont peur, comme vous, comme moi. C'est normal. » Enfin presque... Son regard s'était déposé entre temps sur le « GO » pour appuyer ses mots. « Certains poussent les limites du respect beaucoup trop loin, comme vous avez sans doute pu le remarquer avec Nathaniel. Je n'accuse personne évidemment, surtout qu'il serait bien trop futé pour se lancer dans ce genre de gamineries, tout le monde n'a que lui en tête par réflexe après les altercations que les frères ont eu avec lui. Méfiez-vous juste de lui. Les rapports humains n'ont jamais été sa tasse de thé, encore moins lorsqu'il s'agit d'étrangers... Évitez-le même, ce serait la meilleure issue possible. »

La brunette fit le tour du canapé, cherchant la suite de ses mots, ne perdant pas trop de temps pour pouvoir continuer avant que Trisha ne la coupe.

« Ça, ce n'est rien. » Affirma-t-elle sèchement en montrant cette fois-ci du doigt la marque de vandalisme. « Si vous n'en restez pas là, j'ai peur que cela ne dégénère... Si nous avions le contrôle de tout ce qu'il se passait ici, je vous assure que tout serait tellement plus simple. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Je vous conseille simplement, ce n'est pas un jugement, mais je vis ici depuis toujours. Je sais à quoi m'attendre. »

Son regard s'abaissa vers le sol, sombre, caché, pensif.

« Je tiens juste à vous apporter raison. Votre droit est légitime de la refuser.
C'est juste une précaution, une grave précaution que je prends. Je me mets moi-même en danger en venant ici. Je vous fais confiance pour garder pour vous ma visite auprès de villageois...»

Durant tout son mini-discours, le regard d'Elie avait fait des allés-retours entre le "GO" et Trisha. Sa mine sérieuse n'était en rien une menace, ou une expression pour susciter la peur de l'interlocuteur, elle était juste sincère, bienveillante, voire désolée. Rattraper les erreurs passées... mouais.

« Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Je suppose que vous avez tous besoin de repos. Je vous laisse juste méditer sur mes propos. Ne vous laissez pas plus dépasser par les évènements. Personne ne veut que la situation empire. Ce lieu n'est pas sain pour laisser grandir une famille, surtout une famille destinée à un avenir prometteur comme la votre. Si vous avez des questions, avant que je ne éclipse ? »

Elizabeth commença à partir mais s'arrêta entre le salon et le hall, attendant les questions de la jeune femme si elle était en mesure d'y répondre. Son estomac se nouait de droite à gauche, elle espérait que ses mots auraient un impact, mais avec l'effet voulu, non l'inverse.

© Rose Byrne
PV interprété par Clo

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27 ans
Gérante de l'épicerie à Grayson

Trisha lança un regard derrière elle lorsque Elizabeth mentionna son fils, mais seule la porte de la cuisine entrouverte était visible. Aahron devait tenter de distraire Petey, en gardant une oreille attentive sur ce qui se passait ici dans le salon. Elle hocha la tête avec une certaine retenue, cette femme n'avait peut-être pas de mauvaises intentions, mais elle n'aimait pas qu'elle ait remarqué Petey avec tant d'insistance. Cette femme était une inconnue pour elle, et elle ne la permettrait pas de faire un pas de travers envers son petit garçon.
L'avocate croisa les bras sur sa poitrine, alors que la brune prenait la parole sans vouloir s'arrêter. Elle pesait chaque mot, tandis qu'elle-même n'en perdait pas une miette, les sourcils froncés devant le sérieux arboré par leur visiteuse. Elle tournait violemment autour du pot, utilisant des expressions qui révélaient seulement des demi-vérités. Cette femme, qu'ils ne connaissaient ni d'Adam ni d'Ève, les mettait en garde contre un danger dont il n'avait que supposer la gravité. Elle écartait le principal suspect des crimes dont ils avaient été victimes, et invoquait des fatalités à venir s'ils n'en restaient pas là. Que voulait exactement dire ce charabia ?
La brune s'excusa de les avoir déranger et voulait déjà prendre ses jambes à son cou. Trisha réagit avec calme, mais au fond, la gérante de l'épicerie n'allait certainement pas s'attendre à ce qui allait sortir. La mère fit quelques pas et vînt s'interposer entre la porte et Elizabeth. Ses bras retombèrent pour que ses mains se posent sur ses hanches, son corps figée dans une position suggestive de l'agacement.

« J'ai une question, en effet. Vous vous prenez pour qui ? Parce que le petit discours que vous venez de me donner en guise d'avertissement, on l'entend depuis qu'on est ici. Et je crois que l'un de vous a même été encore plus clair en se permettant de refaire la décoration chez nous. Alors vos sermons à deux balles, vous pouvez vous les garder. Les "vous êtes en danger ici", c'est bien beau, mais personne ne nous a dit ce qu'on doit craindre. Alors tant que l'un de vous n'aura le courage de mettre cartes sur tables et de nous expliquer clairement les risques qu'on court à faire notre petite enquête, allez tous vous faire foutre tous autant que vous êtes. »

Elle s'emportait peut-être un peu, Aahron devait être littéralement choqué de l'entendre parler de cette façon. Mais elle n'était pas en conditions, elle avait été pas mal secouée hier avec cette histoire de bébé, et l'atmosphère familiale n'était pas au beau fixe.

« Je constate que vous n'avez pas de mauvaises intentions en étant venue ici nous parler, Mademoiselle Pryde »

insista-t-elle sur le nom, comme la brune avait trébuché sur le sien. Rien n'échappait à son oeil aiguisé.

« Mais votre démarche reste totalement inutile, puisque vous ne nous apportez rien de nouveau. Alors ? Est-ce que vous allez nous dire la vérité, ou est-ce que vous allez continuer à nous balancer des petites miettes par ci par là ? »

Trisha releva le menton, fière de sa tirade et aussi intransigeante qu'un roc. Elle n'allait pas en rester là avec cette Elizabeth, elle était venue, dommage pour elle, elle n'avait pas à faire à quelqu'un qui se laisserait tomber dans le panneau avec quelques battements de cils. L'avocate attendit patiemment sa réaction avec gravité, ne libérant pas le passage vers la sortie. Si la brune voulait sortir, elle allait devoir la contourner et personne n'appréciait se rabaisser à ce point en avouant explicitement sa fuite en avant.

**E. Pryde** Invité

Elizabeth Pryde

Malgré toute la douceur d'Elizabeth, son interlocutrice avait pris la mouche. Elle ne comprendrait donc jamais ce type de femme à s'énerver pour un rien, oubliant la diplomatie et ne distinguant pas la bienveillance de l'hypocrisie. Elle ne devait sûrement pas être dans le social celle-là.
Bon, certes, en fait, elle comprenait son point de vue, jeune mère, un autre bébé en route dans la famille, toutes les autres circonstances. Mais la gérante de l'épicerie ne voyait pas comment manipuler autrement ses mots. Elle faisait ce qu'elle avait à faire. La réaction de Trisha avait été pareille que celle d'Isaac lors du cinéma en plein air. Devait-elle vraiment être explicite ? Hm, ils ne mettront plus les pieds dans son épicerie après cela sûrement.

La brunette se planta devant la silhouette adverse, sourcils froncés, les prunelles capturant les siennes. Serrant les dents, son ton se fit plus sec, plus franc, plus discret afin que l'enfant n'entende rien.

"Personne ne détient la vérité, mademoiselle. Des accidents arrivent souvent à Grayson. Définition d'un accident : évènement imprévu, involontaire, bref dont on n'a pas le contrôle. Vous êtes une femme qui semble contrôler chaque élément de sa vie, carrière, fonction maternelle, fonction ex-femme aussi apparemment. Tout est organisé selon votre bon désir. Une femme "forte" soit-disant. La blague. Savez-vous ce que c'est de ne pas avoir le contrôle, mademoiselle Phillips ? Vous ne savez rien de ce qu'endure les villageois aussi. Je ne vous ai donné aucun avertissement, si vous êtes aussi intelligente et perspicace que vous le pensez, vous savez faire la différence entre avertissement et précaution."
Elizabeth haussait le ton, un peu trop, Trisha et l'atmosphère de cette maison l'avaient déjà contaminée. La crainte avait juste pris de plein fouet son estomac. En fait, elle n'aurait jamais dû accepter le plan du maire.

"Vous nous soupçonnez, nous les villageois, d'être la cause de la mort des parents Donnelly ? Bien. Alors pourquoi me demander ce que vous risquez à rester ici, alors que vous n'êtes pas désirés ? Inutile de m'attarder sur les détails, n'est-ce pas. C'est clair, au pire, votre entêtement se charge de la compréhension, comme il se charge de chacune de vos réactions. Vous avez eu ce que vous vouliez. 'Les cartes sont sur la table', à vous de jouer !"

Elizabeth décala du revers de sa main le corps de la jeune femme, afin qu'elle s'écarte de son chemin. La meilleure solution était de partir, elle n'était certainement pas la bienvenue dans cette maison comme eux l'était dans le village.

"Cela m'apprendra à vouloir aider autrui, encore." Grogna-t-elle en ouvrant la porte et sortant en coup de vent, descendant de manière précipitée les marches du perron pour rejoindre de son pas énervé l'épicerie.

© Rose Byrne
PV interprété par Clo

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27 ans
Gérante de l'épicerie à Grayson

Je te le répète, Petey… Aidan n’est pas mort

Le garçonnet renifla bruyamment puis se redressa dans ses bras pour plonger son regard humide dans le sien, la mine grave.

Mais il va mourir bientôt ?

Non, il ne va pas mourir. Tu crois que j’le laisserais faire, ce petit crétin insolent ?

Mais tu as laissé mourir grand-père et grand-mère…

Le petit sourire confiant d’Aahron s’effaça peu à peu de ses lèvres. Celle-là, il ne l’avait pas vue venir mais il la sentait assurément passer. La remarque de fils resta au travers de sa gorge, la nouant complètement et le rendant incapable de répliquer. Au lieu de cela, il reposa son fils sur le sol carreler de la cuisine et s’approcha du panier qu’il avait déposé sur le plan de travail, lui tournant le dos.
Petey demeura silencieux, reniflant de temps à autre pour ne pas se faire oublier tout de même.

L’ainé des Donnelly, les muscles de ses mâchoires travaillant sous la pression qui l’assaillait, tenta de déballer tout ce que l’épicière leur avait apporté. Préférant ne pas se laisser aller à réfléchir à la manière dont il avait effectivement laissé tomber ses parents, il se concentra sur l’échange des deux femmes de l’autre côté de la cloison peu épaisse.
Ses sourcils se froncèrent imperceptiblement tandis qu’il tendait l’oreille, essayant de capter ce qu’elles se disaient. Elles parlaient à voix basse et ne facilitait pas sa compréhension. Mais lorsque Trisha reprit la parole, il saisit soudain chacun de ses mots. Et pour cause : elle avait élevée la voix et s’adressait maintenant à leur invité sur un ton cassant qu’il ne lui connaissait pas. Ou du moins, qu’il avait préféré effacé de sa mémoire tant il l’avait blessé lorsqu’ils avaient eu cette dernière dispute avant que le divorce soit prononcé.

Qu’est-ce…

Shhht, tais-toi Petey

Il s’approcha de la porte et après quelques instants, essuyant ses yeux du bout de ses doigts, son fils vint le rejoindre, lui jetant un regard interrogateur. Aahron posa une main qu’il voulait réconfortante sur son épaule et tendit l’oreille pour mieux écouter l’échange. Et ce qu’il entendit ne lui plut pas le moins du monde.
Elle la menaçait. Elle menaçait ouvertement Trisha et le restant de sa famille.
Bien sûr, ils y avaient tous pensé, chacun d’eux au moins une fois. Au fond, il savait de quelle nature étaient les menaces proférées silencieusement à leur encontre. Mais jamais la chose n’avait été formulée aussi crument. Jamais aucun des villageois, pas même Nathaniel, n’avait osé faire le rapprochement entre le sort qu’on leur réservait s’ils se montraient trop curieux et le destin de leurs parents. Était-ce des paroles en l’air ? Avait-elle dit ça sous le coup de la colère, pour remettre l’avocate à sa place, lui faire peur ?
Aahron n’en avait rien à foutre. Elle avait été trop loin, c’était tout ce qui importait.

Papa, non…

Le trentenaire n’entendit même pas la remarque de son fils. Il ouvrit la porte de la cuisine d’un mouvement sec et se rua à l’extérieur, sur la trace de la lâche qui venait de passer leur porte. Il entendit vaguement Trisha prononcer son nom puis appeler Isaac mais décida de s’en moquer. Avant que quiconque n’approche, il aurait eu largement le temps de rattraper cette petite fouteuse de merde à la langue trop pendue qui s’était permis de venir menacer SA famille sous SON toit !
Elizabeth l’entendit approcher à grands pas derrière et fit volte face au moment où il saisissait son poignet avec force. Il approcha son visage menaçant et rougis par la colère du sien, s’adressant à elle sur le ton de la confidence. Le ton idéale lorsque vous vouliez menacer quelqu’un. Crier ne servait à rien.

Écoute moi bien, petite salope mal baisée, parce que je le répèterai pas. Si toi ou l’un de tes psychopathes de voisins approchez de ma famille ou de ma maison, je ne vous menacerai pas. Je vous tuerai. Il n’y aura pas d’avertissement, pas de putain de peinture sur vos murs ou de panier rempli de bouffe, il y aura juste du sang. C’est clair ?

Simple, concis, efficace. Mais il manquait quelque chose.

Tu peux faire passer le mot. Les Donnelly savent se défendre et ils n’hésiteront plus à le faire

Il la relâcha ensuite et s’écarta d’un pas, prêt à répondre à ses injures si elle en avait à déballer. Prêt à la réceptionner si elle voulait s’essayer à lui taper dessus, ce dont il doutait fortement. Si ELLE était aussi intelligente et perspicace qu’elle voulait le faire croire, elle lui tournerait le dos et ne remettrait plus jamais les pieds ici… Mais les gens à Grayson avaient malheureusement tendance à faire preuve d’une incroyable connerie.

**E. Pryde** Invité

Elizabeth Pryde

Au loin derrière elle, le bruit de la porte se fit entendre, suivit de pas brutaux faisant trembler le sol. C'était mauvais signe pour elle très mauvais signe. Elle n'eut à peine le temps de se retourner que l'imposant agresseur lui saisit le poignet et l'empêchait de mouvements.
Le regardant dans les blancs des yeux, elle l'écouta profaner ses insultes totalement infondées, juste dictées par ses émotions, visage totalement fermé, sentant la colère bouillir en elle. C'était eux qui avaient commencé à lui manquer de respect et voilà ce qu'elle en tirait ? Cela devenait totalement ridicule !

"Vous vous moquez de moi ? Non sérieusement, j'étais peut-être l'une des seules à qui vous pouviez faire confiance et voilà où on en vient ? Vous voulez me tuer ? Ne vous gênez pas au point où vous en êtes ! Moi, je vous prévenais juste, selon vous c'était une menace, mais VOUS, en restant ici vous mettez en danger TOUTE votre famille. N'est-ce pas... pire ?! Alors oui, faîtes donc, vous aurez bientôt plus rien à perdre avec toutes vos décisions ! Votre caractère spontané et agressif vous a déjà joué des tours de nombreuses fois auparavant, je suppose, vous avez l'habitude !"

Elizabeth se recula d'un pas, exaspérée. Elle commença à bafouiller ses mots, se retenant, elle en disait déjà beaucoup trop. Elle fit demi-tour, un mètre, et se retourna à nouveau, en pleine réflexion, les nerfs dictant sa conduite.
Elle se fichait éperdument de se prendre une droite en pleine mâchoire, mais elle ne pouvait pas s'arrêter là. Les chaînes qui retenaient son calme habituel avaient lâché.

"Et puis merde ! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter d'être mêlée à ça !" Grogna-t-elle pour elle-même. D'un pas, elle se rapprochait de l'homme à la carrure imposante, et donc terrifiante pour sa silhouette capable d'être brisée d'un seul geste de la main.

"Vous croyez vraiment que ça me fait plaisir d'être agressée par des personnes complètement paumées comme vous ?! Vous croyez que je prends mon pied à vous dire de faire attention ? Vous croyez que cette nuit je vais venir brûler votre maison, avec les yeux tel un vampire assoiffé de sang ?! Boouhouhouuu ! Vous croyez vraiment que vous êtes les seuls à en baver ici ?! Mais, bon sang, comprenez-moi aussi !"

En fait non, il ne pouvait pas le comprendre, comme elle, elle ne comprenait pas vraiment leur situation. Tous les deux avaient des réactions subjectives, et donc exagérées.

"Je vous ai dit tout ce que vous aviez à savoir. Maintenant réfléchissez au lieu d'agir par orgueil ! Assumez vos actes, vos décisions, ne vous en prenez qu'à vous même."

Elle avait certainement dépassée les limites, comme eux ils l'avaient dépassé avec elle, elle avait néanmoins tapé dans le mille. En se pointant au seuil de leur porte quelques minutes auparavant, elle n'aurait jamais pensé que cela se terminerait ainsi. Au moins, si elle n'avait pas réussi à obtenir leur confiance, elle avait le mérite d'avoir été la plus honnête. Le problème avec eux, c'est qu'ils croyaient être le centre du monde, les seuls à souffrir, mais eux n'estimaient pas la chance qu'ils avaient de choisir entre : être inclus dans cette merde ou d'y échapper. Elle, on ne lui avait pas laissé le choix.

Si elle ne doutait pas des réactions physiques de l'homme, Elizabeth aurait alors tourné les talons et se serait ruée au magasin. Mais là, la crainte de lui tourner le dos la laissa inerte, appréhendant sa réaction qui serait sûrement de la mettre au tapis. Heureusement, le quartier était surveillé sans arrêt par la sécurité depuis l'incident.

Son corps resta là, juste plantée face à lui. Elle ne le regardait plus, ses yeux avaient sombré vers le sol, périssant dans de sinistres pensées. Quel était son crédo déjà ? Ne pas se mêler davantage des affaires du village ? Ne pas y investir sa personne ? Ouais, ça devait être ça.

© Rose Byrne
PV interprété par Clo

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27 ans
Gérante de l'épicerie à Grayson

La brunette se planta devant elle, ce qui la surprit partiellement. Cette femme qui paraissait plutôt dégoulinante de bonne volonté venait de prendre la mouche par son propre emportement à elle, et se dressait en rivale farouche.

« De quel droit vous vous permettez de décrire quelle genre de personne je suis ? Vous ne savez rien de ma vie. Je ne connais pas la vôtre non plus, mais j'en ai carrément aucune envie, et contrairement à vous, je me mêle de ce qui me regarde. Et ce qui se passe à Grayson alors que ma famille est ici, ça me regarde. »

répondis-je sur le même ton qu'elle, en la pointant du doigt.

C'était mal poli, mais elles n'en étaient plus aux formalités et à la courtoisie entre voisins. La discussion avait dégénéré, et elle ne pensait même plus à Petey qui devait les écouter. Cette femme aussi bienveillante soit-elle en venant les prévenir ne faisait qu'exacerber sa colère. Mauvais endroit, mauvais moment. Trisha avait conscience que la situation dépassait tout le monde, et surtout elle. Jamais elle n'aurait dû se laisser emporter et submergée par ses sentiments.
La brune enchaina en une allusion subtile sur l'accident de Sean et Margaret. L'avocate dut ravaler difficilement sa salive pour ne pas s'énerver davantage et en passer aux mains.

« Et vous allez me dire que ça ce n'est pas une menace ? Je suis désolée, mais jusque là j'aurais encore pu vous croire, mais là c'est trop tard. Vous êtes tous désolés, tous des victimes, et pas un seul n'a le courage de désigner le coupable ! Je ne parle même pas de l'accident ici, car si c'en est un, personne n'est à blâmer à part peut-être la voiture, mais comment vous expliquez ça ?! »

dit-elle en désignant le mur souillé d'un message très clair.

« Pourquoi sommes-nous en danger ici à Grayson, on pourrait très bien être ici en vacances que vous sachiez ? Bonjour l'accueil chaleureux, vous ne devez pas vivre du tourisme, ça c'est sûr ! »

termina-t-elle en levant les yeux au ciel.

Elizabeth tenta de la pousser du revers de la main pour forcer le passage. Trisha se saisit de son poignet pour rompre le contact avant de s'écarter pour la laisser passer, une mine mêlant la colère et le dégoût affichée implacablement sur son visage. Si elle osait la toucher encore ne serait-ce qu'une fois, elle allait regretter d'être en vie. Elle se surprenait elle-même d'autant de violence dans les idées, elle qui était diplomate en temps normal. Son regard suivit la gérante de l'épicerie refermer la porte derrière elle.
Une tornade passa dans la pièce, une dénommée Aahron et qui n'était visiblement pas content de la tournure des événements. Il ouvrit la porte à la volée pour rattraper l'intruse.

« Aahron, attends ! »

le reprit-elle en espérant qu'il s'arrête. Il ne manquerait plus qu'il s'en prenne physiquement à elle, et il en était capable...

« Isaac ! »

cria-t-elle vers l'étage, sans grande conviction que quelqu'un descende.

Petey attrapa ses jambes et tira sur son pantalon. Elle le souleva et le prit dans ses bras en s'approchant prudemment de la porte. Aahron tenait fermement le poignet de la brune et proférait des paroles à voix basse qu'elle ne comprit qu'à moitié. Son interlocutrice réagit au quart de tour, tentant de se défendre. Elle voulait s'en aller, ça se voyait. Ils étaient tous allés trop loin. Trisha regrettait son emportement, il fallait qu'elle fasse quelque chose.
Posant le petit garçon à ses pieds, elle mit son doigt devant sa bouche pour mimer un "chut" et lui sourit doucement pour le rassurer. Elle sortir ensuite et prit le bras d'Aahron en tentant de le tirer vers l'intérieur.

« Viens, ça suffit maintenant. »

dit-elle tout aussi doucement.

Elle avait eu peur. Il lui faisait peur quand il était comme ça, surtout après ce qu'il avait dit. Elle le connaissait trop bien pour savoir qu'il pensait chacun de ses mots. Elle lui lança un regard apaisant en le guidant vers la maison. D'un coup d'oeil par dessus son épaule, elle lança un regard d'excuse à la brune. Elle aurait préféré lui dire désolée face à face avec une bonne poignée de mains mais elle avait trop peur que si elle lâchait son ex-mari, il se retourne pour en coller une à la gérante de l'épicerie.

Et comme il l’avait pressenti, Elizabeth ne pu s’empêcher de répondre. A sa place, il en aurait fait autant remarquez, ou bien il aurait carrément fait parler ses poings, n’empêche que c’était très dérangeant. En plus, cette petite garce prenait ce ton suffisant et absolument insupportable qu’il détestait tant. Celui qu’employait généralement els gens avant qu’il leur cogne dessus…
Il avait grandit dans une maison où la seule figure féminine pouvait se transformer en Rambo quand la situation l’exigeait et qui avait toujours su crier plus fort qu’eux sans se fatiguer la voix. Les études n’avaient jamais été son fort et il avait toujours préféré utiliser son corps plutôt que sa tête. A l’époque du lycée, avant qu’il n’abandonne ses études, Margaret était convoquée au moins trois fois par mois chez le proviseur parce qu’il avait déclenché une bagarre. Sean, son père, l’ignorait, mais il n’avait pas vraiment arrêté ses études… on lui avait gentiment montré la porte de sortie après une énième rixe.
Après ça, il s’était très vite fait la malle et avait parcouru les USA, allant de chantier en chantier. Il était le petit gringalet nerveux, celui qu’on cherchait à provoquer et qu’on s’amusait à voir s’étaler dans la boue. Il avait dû apprendre à se défendre très vite et on prenait vite goût à ce genre de train de vie. A la moindre provocation, Aahron ne réfléchissait même plus et passait en mode automatique.
Et puis il y avait eu Trisha et par la suite Petey. Il s’était calmé, mais ses vieux réflexes refaisaient souvent surface, surtout ces derniers temps.
Cette Elizabeth Pryde ne savait pas à qui elle avait à faire, et ignorait à quel point elle tombait mal. Ses parents étaient morts, on avait pénétré leur maison pour la saccager, on les avait menacé (subtilement ou non), sa belle-sœur avait manqué de perdre l’enfant qu’elle portait et son petit frère venait de faire un malaise. Il ne savait même pas s’il allait bien parce qu’il avait préféré aller ouvrir à cette mégère ! Et la voilà qui était bien campée sur ses deux jambes, lui tenant tête sur son propre terrain, face à son ex-femme et à son fils.

Cette pensée calma un peu les ardeurs d’Aahron. Préférait-il se faire humilier de la sorte devant Petey, ou frapper une femme sous ses yeux ? La réponse lui vint évidemment très rapidement.
C’est à ce moment précis que Trisha attrapa son bras pour l’attirer vers elle, vers la maison et vers leur fils. Elle ne perdait rien pour attendre. Tous autant qu’ils étaient ! Ils ne perdaient rien pour attendre mais il les ferait payer. Il était sérieux tout à l’heure.
Il n’y aurait plus de seconde chance, plus de sourire déguisé. À partir de maintenant, c’était les Donnelly contre Grayson. En vérité, ça l’avait toujours été, il avait simplement refusé de le voir. Oh bien sûr, il y avait sans doute des exceptions… mais dans le doute, il serait sur ses gardes. Plus aucun membre de sa famille ne se ferait menacer sans qu’il n’en soit informé et qans qu’il y ait des conséquences.
Ils avaient assez joué, les choses sérieuses allaient commencer. Aidan avait raison. Aidan avait toujours eu foutument raison depuis que leurs parents étaient morts…

« Oh croyez-moi, Miss Pryde, j’assume parfaitement chacun de mes mots et chacun de mes gestes. Vous avez choisi votre camp, il se trouve que ce n’est pas le nôtre. Venir ici était une erreur et vous le saviez pertinemment, même si vos intentions étaient bonnes » grinça-t-il hargneusement, se concentrant sur le contact de la main de Trisha sur son bras pour rester maître de lui-même « Vous nous avez dit ce que aviez à dire, maintenant déguerpissez de ma propriété. Les amis de nos ennemis sont mathématiquement nos ennemis,… souvenez-vous en la prochaine fois que vous viendrez insulter ma femme sous mon toit »

Il n’avait pas réfléchi à ce qu’il venait de dire, c’était venu tout seul et Aahron n’avait même pas eu conscience d’omettre les deux petites lettres qui le séparaient à présent de Trisha. Sans un mot de plus et se refusant à écouter une éventuelle réponse de la brune, il se détourna et pénétra dans la maison, passant à côté de Petey dont les yeux étaient à nouveau humide. Mais son père était pour le moment trop en colère pour s’en soucier. Frustré au plus haut point, il se dirigea vers la cuisine et attrapa le panier qu’Elizabeth leur avait apporté. D’un geste rageur, il souleva le couvercle de la poubelle et vers son contenu à l’intérieur, avant d’y enfoncer le panier qui refusa d’y entrer. Il força un moment dessus avant de s’avouer vaincu et de finalement donner un coup de pied rageur dans la benne qui tomba au sol, y déversant son contenu.
Le souffle court, il s’appuya alors au meuble de cuisine, les jointures de ses doigts blanchies par la colère qui l’envahissait. Il avait conscience de la présence de Trisha, de Petey, peut-être même d’Allie ou d’Isaac qui était descendus, il n’en savait rien. Il continua donc à tourner le dos à la porte, essayant de se calmer, en vain.

Trisha buvait à contre coeur chacune des paroles d'Aahron, l'écoutant avec une attention qui cachait mal sa crainte de la suite des événements. Il était tellement en colère, et elle savait que rien ne l'arrêterait maintenant. Il avait parlé de camps et elle avait peur qu'il pensait le terme "guerre". Elle l'avait vu perdre le contrôle de lui-même, et ce n'était pas quelque chose à laquelle on désirait assister en tant que femme et mère. Il l'avait d'ailleurs mentionné comme telle sans vraiment s'en rendre compte, et elle comprenait parfaitement qu'il puisse encore la considérer comme son épouse. On effaçait pas d'un revers de main un passé comme le leur. Ils seraient pour toujours liés l'un à l'autre, ne serait-ce que par l'existence de Petey.

Il fila à l'intérieur sans même lui accorder un regard, trop obnubilé par sa propre rage. Il passa devant Petey sans lui porter aucune attention, mais vu son état, elle préférait qu'elle n'influence pas le petit garçon, ni l'effrayer. Elle referma la porte derrière elle, et s'accroupit devant Petey, des larmes perlant aux coins de ses yeux, mais elle parvint à les ravaler. Un sourire se dessina sur ses lèvres, un sourire qui ne contenait aucune joie, mais qui se voulait encore une fois rassurant. Trisha remit quelques mèches de cheveux de son fils en place, puis lui embrassa le front avant de lui parler tout doucement.

« Qu'est-ce qu'il a papa ? »

« C'est rien bonhomme, il est un peu énervé, mais ça va passer. La madame l'a contrarié, mais elle est partie maintenant. »

Elle posa ses deux mains sur les épaules de son fils.

« Je vais aller voir si Papa va bien, d'accord ? Je veux que tu restes un peu ici, tu peux regarder la télé si tu veux, d'accord ? »

Elle le conduisit sur le canapé et l'y assit avant de le saluer d'un signe de main et de s'éclipser dans la cuisine en prenant soin de refermer la porte. Son regard se posa successivement sur le panier, son contenu et celui de la benne qui s'était étalé sur le sol. Il s'en prenait aux objets par frustration. Ses deux paumes étaient posées sur le comptoir de la cuisine, et il les serrait visiblement à s'en faire mal. Elle s'approcha doucement, de peur qu'il se retourne contre elle. Il ne le ferait pas, mais elle ne pouvait s'empêcher d'être terrorisée. Sa main se posa doucement sur son bras pour qu'il relâche le meuble, elle se glissa entre son corps à la carrure imposante comparé à sa petite silhouette frêle et l'enlaça avec douceur, ses bras autour de sa taille.
Quelques secondes passèrent avant que son visage ne vienne se nicher dans le cou de son ex-mari. Elle renifla le plus discrètement possible, laissant retomber la pression. Le bébé, les menaces voilées de cette femme et la colère qui brûlait dans les prunelles d'Aahron, le mélange était plutôt bouleversant, même pour une femme aussi solide qu'elle en apparence. Il n'en était rien au fond, elle cachait bien son jeu c'est tout. Souvent, elle avait craqué alors qu'il dormait paisiblement. Elle, le dos tourné vers le mur, elle avait pleuré en silence, la solution du divorce se frayant petit à petit un passage dans son esprit. Et aujourd'hui, pour lui permettre d'avoir l'esprit tranquille, de chasser ses pensées noires, elle se sacrifiait et lui offrait sa présence. Car elle savait qu'il ne ferait rien qui lui ferait du mal et qu'il en avait besoin.

Relâchant petit à petit son étreinte, Trisha n'osa pas le regarder en face. Elle espérait avoir réussi à le calmer, car elle ne voulait plus avoir peur. Ses mains glissèrent sur les avant-bras d'Aahron avant de retomber le long de son corps. Mal à l'aise, ne sachant qu'en faire, elle finit par croiser les bras et s'extirper de la position exiguë dans laquelle elle s'était mise. Elle fit quelques pas dans la cuisine, le dos tourné à l'homme.

« Je vais repartir bientôt. Je ne peux pas laisser Petey voir ce genre de choses. »

Elizabeth ou ce qui venait de se passer entre eux ?

« Je t'obtiendrai le dossier et après on partira. »

L'avocate se retourna vers lui, osant enfin affronter son regard. Quelles conséquences aurait cette étreinte qui avait été plus forte qu'elle ? Elle ne savait même plus pourquoi elle l'avait fait, si c'était pour l'aider, pour s'aider elle-même, ou parce qu'elle en avait juste envie. Peut-être un peu des trois. Ça lui avait fait tellement de bien de le sentir contre elle, de pouvoir respirer son odeur, même si c'était mal et elle le savait très bien.
Ce qu'aucun des deux ne savait, c'est qu'ils n'étaient pas les seuls témoins de la scène...Derrière la porte de la cuisine, deux petites paires d'yeux n'avait rien manqué du spectacle...

Pourquoi fallait-il que Trisha l’approche MAINTENANT ? Ne voyait-elle pas qu’il n’était pas en état pour l’affronter en ce moment ? A quoi jouait-elle ? L’avocate jouait très certainement avec ses nerfs en tout cas, pour sûr…
Appuyé sur le rebord du meuble de cuisine, les mâchoires crispées et la respiration un peu haletante, il entendit ses pas venir à la rencontre de sa silhouette frémissante de colère. Le trentenaire se retourna, incapable de se contrôler, prêt à lui crier de déguerpir, que ce n’était VRAIMENT pas le moment. Mais aucun son ne franchi la barrière de ses lèvres. C’était sûrement à cause de ce qu’il avait vu dans le fond du regard si intense, si captivant de son ex-femme. Un mélange d’appréhension et de quelque chose d’indéchiffrable ; un besoin d’affection peut-être, une pointe de supplication muette, il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

Il la laissa donc approcher et le regretta aussitôt. Trisha vint appuyer sa tête sur son épaule et il pu respirer son parfum naturel l’espace de quelques précieuses secondes. Il mourrait d’envie de lui rendre son étreinte, de la serrer contre son cœur pour qu’elle comprenne enfin qu’il ne battait pas que pour Petey et sa propre survie. Il battait encore follement pour elle et pompait d’ailleurs férocement dans sa poitrine. Mais il s’était également accéléré sous le coup de sa colère sourde…
Il ne pouvait pas prendre le risquer de l’enlacer et de lui faire mal. Il ne contrôlait pas ses gestes, pas encore tout à fait du moins. Son ressentiment était encore trop vif et la dernière chose qu’il voulait, c’était faire mal à Trish, lui faire peur.
Aahron resta donc de marbre, un frisson parcourant cela dit son corps lorsque les doigts fins de la blonde glissèrent sur ses avant-bras. Elle se détourna ensuite pour prendre la parole, d’un ton bas mais décidé.

Aahron réalisa alors la portée des gestes qu’il avait eus envers Elizabeth et ses beaux discours sur la manière dont il s’assumait lui parurent tout à fait bancals. Il venait de manquer de frapper une femme devant eux. Il avait certes des circonstances atténuantes mais… non. La violence ne pouvait pas être tolérée, peu importe les excuses qu’on se donnait. Son comportement était tout bonnement intolérable mais el pire dans tout ça, c’était sans doute ce que Trisha essayait de lui cacher.
Sa peur. Elle n’avait pas eu peur des menaces de la gérante de l’épicerie, elle avait été révoltée par elles ; mais elle avait eu peur de lui, de ce qu’il aurait pu faire. Le visage angoissé de Petey lui revint en mémoire.
Mais au lieu de le calmer, tout ça l’énerva un peu plus.
Et maintenant, Trisha parlait de ramener Petey. Pour qu’il ne voit pas ce « genre de choses »… Qu’entendait-elle par là ? Qu’il ne voit pas son père tourner dingue ? Pour qui se prenait-elle pour lui arracher son fils de cette manière !? Elle l’avait déjà fait une fois, elle ne pouvait pas recommencer ! Il ne la laisserait pas faire ! Il ne la laisserait pas partir, plutôt crever !
Et le fait qu’Aahron savait qu’elle avait raison et prenait la meilleure décision qu’une mère puisse prendre ne l’effleura pas une seconde. Ou peut-être que si, mais sa colère la fit disparaitre sans sommation.

D’un pas décidé et coléreux, il abattit la distance qui le séparait de son ex-femme. Il ouvrit la bouche pour lui cracher un flot d’insultes mais rien ne lui venait. Comment aurait-il pu s’ne prendre à elle quand elle le fixait de cette manière ? Il chercha pourtant à mettre en route les rouages de son cerveau, en vain. Et finalement, à court d’arguments solides et, incapable de proférer la moindre menace à son encontre, il fit ce que tout homme aurait fait à sa place sous une telle pression, face à cette tension.
Il passa une main dans la nuque de Trisha, l’autre autour de ses hanches avec vigueur puis plaqua ses lèvres sur les siennes. Il l’embrassa avec force durant quelques secondes, ne profitant pas de ce baiser volé et tant attendu, se contentant de laisser ses bas instincts reprendre le dessus.

L’espace de quelques secondes (mais il n’en fut pas certain) il eut l’impression qu’elle lui rendait son baiser avec autant de fougue que lui. Et puis il la lâcha.

« Parfait » lâcha-t-il simplement entre ses dents

Sans un regard, il l’abandonna alors dans la cuisine et se dirigea d’un bon pas vers le salon. Il croisa Petey sur sa route et lui adressa un regard. Il essaya de lui dissimuler sa colère, de le rassurer, mais le petit avait l’air intimidé. Anxieux, il soutint son regard sans oser prononcer un mot, comme s’il attendait une sentence.

Tiquant d’agacement devant ce spectacle, Aahron préféra s’en détourner. Il se dirigea alors vers l’entrée et passa la porte qu’il referma sèchement dans son dos. Prendre l’air lui ferait assurément un grand bien. Il allait juste falloir qu’il s’empêche de diriger ses pas vers un des villageois, sous peine de le massacrer…

to be continued (Aidan & Isaac)

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02. It was just a precaution [Donnellys & Elizabeth]

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