Les choses peuvent changer…Ces mots prononcés par Elizabeth résonnaient dans l’esprit du tenant du Drugstore même si elle ne pensait certainement pas à la même chose que lui sur le moment. Calvin s’assit à son tour au beau milieu du salon sur ce tapis au revêtement relativement doux. Il fit ensuite part de ses intentions sans entrer dans les détails. Etrangement, le regard d’Elizabeth démontrait qu’elle n’était pas de son avis ou qu’elle lui déconseillait d’agir de la sorte. Peu importe. Ca se saurait si il écoutait qui que ce soit dans ce village paumé. Le natif de Columbia croisa les bras, prêt à s’exprimer, tandis qu’Elizabeth paraissait songeuse quant à la manière dont il atteindrait ses objectifs.

«Ce que je compte faire ? Frapper toujours plus fort sur cette mafia qui contrôle Grayson ! Donne moi le nom d’une personne à Grayson, natif ou pas, qui a pu s’en prendre à un Ferguson, un Spelling ou encore un Armstrong tout en ayant des natifs de son côté ? Je l’ai fait ! Les gens sont complétement divisés sur tout alors je ne crois pas qu’ils chercheraient à suivre quelqu’un juste parce que c’est un natif. Peu importe qui ils sont, si ils se sont baladés en couche culotte en plein milieu de la rue principale de ce village ou pas ! Je vais les bousiller un par un ! On ne me prend pas au sérieux mais le réveil va être douloureux pour certains. Mais, cette fois ci ce sera différent. Les élections approchent et je vais frapper fort depuis mon pupitre…bien plus qu’avec un tabouret.»

Calvin engloutit brusquement le contenu de son verre, déterminé à mettre en œuvre ses plans. Peu importe les histoires de ce village qu’il ne connaitrait probablement pas en intégralité. Elizabeth ignorait certainement ses motivations les plus profondes. Le fait d’être rabaissé par certaines personnes lui rappellaient évidemment le rapport conflictuel qu’il entretenait avec ses parents. Et si il y avait une chose qu’il ne désirait pas du tout, c’était de leur ressembler. Certes, il ne gagnait pas sa vie aussi aisément que ses parents médecins. Mais, la perte de sa femme lui avait transmis une force mentale inébranlable. Abandonné, il s’était reconstruit et plus rien ne pouvait véritablement l’atteindre.

Le barman changea ensuite d’attitude, un peu plus calme. Il se pencha devant Elizabeth, faisant mine de chercher ses lèvres. De leur côté, ses yeux fixaient toujours aussi désireux ceux de l’épicière.

«En attendant…Il nous reste un second tour ce soir aussi, non ? »

Les propos de Calvin n'avaient rien de rassurant, et ne lui apportait en prime aucune réponse satisfaisante. Elle ne comprenait pas pourquoi il s'évertuait à vouloir s'opposer à tout le monde de la sorte. Enfin tout le monde... Visiblement, sa hargne avait des cibles précises. Elle se demandait ce qu'il s'était passé entre lui, William, Declan et Grifith pour qu'il les ait à ce point dans le nez. Et comment lui faire comprendre que son entetement pourrait lui coûter cher.

" Je ne me souviens même pas que qui que ce soit s'en soit jamais pris à eux... Ils parlent, on les écoute... C'est dans l'ordre des choses... " C'était moins le cas pour Grifith, mais les Ferguson et les Spelling, au même titre que les Pryde ou les Redd, avaient fait assez de sacrifices pour Grayson pour être de ceux qu'on suivait sans discuter. Quelque chose qu'elle ne pouvait expliquer à Calvin sans trahir tous les secrets du village. Comprendrait-il seulement ? Elizabeth s'était souvent demandé comment Alicia avait réagit quand William lui avait tout expliqué. La femme du maire avait tout accepté et ne s'était jamais dérobée. Mais dans le secret de leur maison, comment avait-elle pris ce que WIlliam lui avait avoué ?

La violence qu'il exprimait, autant par ses mots que par son attitude l'inquiétait aussi quelque peu. Elle ne craignait pas vraiment pour sa propre sécurité, mais elle savait par ce qu'on en disait, que lorsqu'elle explosait vraiment, elle pouvait s'avérer destructrice, et elle n'avait guère envie d'être sur le chemin à ce moment là. Encore une fois d'ailleurs, ce fait l'amenait à s'interroger sur Calvin et sur ce qui motivait ses actions. Elle connaissait finalement peu - voire pas du tout - son passé avant son arrivée à Grayson, mais à n'en pas douter, c'était sur ce qu'il avait vécu avant de s'installer chez eux qu'il faudrait fouiller... Mais elle avait posé une première question sur ses motivations, et il l'avait éludée. Insister ce soir ne serait sans doute pas une bonne stratégie. Elizabeth pourtant commencait à juger nécessaire de garder un sérieux oeil sur Calvin : il pourrait s'avérer dangereux - pour lui-même d'abord, pour les affaires de Grayson ensuite...

Elle s'autorisa néanmoins un sourire empreint d'une certaine indulgence. " J'imagine que tu ne perdras rien à essayer... " Après tout, il avait raison : les divisions se multipliaient, le village se disloquait, l'avenir avait perdu de son évidence depuis que les Donnelly s'étaient présentés chez eux. L'ironie était que Calvin n'aurait sans doute pas à se fatiguer : si les projets de William - et les siens finalement - échouaient, ils seraient tous morts bientôt...
Le destin se jouait d'eux, et désormais il allait falloir jouer au bluff, dans la mesure où les cartes ne leur appartenaient plus entièrement...

Pourtant ses sombres pensées furent chassées par la proximité de Calvin, et son regard dont le message était on ne peut plus clair. Après leur premier tour, elle fut surprise de constater qu'elle y réagissait positivement.
Son sourire se fit lascif et dans un premier temps, elle ne fit rien pour franchir les derniers cm qu'il avait laissé entre eux.

" Peut être... C'est vrai qu'après tout, la nuit n'est pas terminée... " Sa main lui faisait mal, Grayson reprendrait ses droits le lendemain, mais la parenthèse était trop savoureuse pour la laisser se refermer si tôt. Elle posa sa main blessée sur la joue de son amant et l'embrassa, prenant le temps de goûter ses lèvres, mais surtout dans une diversion, pendant que son autre main partait à l'aveugle pêcher le plus petit glacon dans son verre et le fit glisser sournoisement sur l'épaule de Calvin. Elle se recula, affichant un sourire satisfait et félin avant de porter le glacon à sa bouche et de partir à l'exploration du corps de son amant, jouant du chaud de sa langue et du froid de la glace.

Cette manie de botter en touche, de demeurer relativement neutre, agaçait un peu le tenant du drugstore. Cependant, Il était d’accord avec elle si l’on se concentrait uniquement sur les faits : ils parlaient. Le reste de Grayon écoutait. Mais, qu’avaient ils de si mystique pour qu’ils soient écoutés de la sorte ? Ils étaient aussi viciés que n’importe qui dans ce village d’idiots. Pourtant, Calvin ne chercha pas à plaider sa cause comme il le faisait si souvent. Ce n’était pas le moment idéal de démarrer au quart de tour sur ses opinions. Peut être n’en avait il pas l’envie ou la force à cet instant de la soirée. Il savait bien que tout cela allait vite revenir sur le tapis. Et puis, le barman pensait à tout autre chose sur le moment.

Elizabeth se montrait assurément réactive à son invitation. Les sourcils de Calvin se haussèrent lorsqu’elle décida de dévoiler une facette de sa personnalité un peu plus joueuse et débridée. Le brun s’inclina légèrement sur le coup, prenant appui en arrière sur ses avant-bras. Le contact ambivalent et suave du glaçon et de ses lèvres finit par provoquer quelques frissons et galvaniser un désir qui ne demandait qu’à remettre le couvert. Et puis, c’était l’occasion de marquer un peu plus son territoire. Elle tenait à ces pseudos figures de sagesse et pourtant elle basculait incontestablement de son côté en passant du temps avec lui. Mais, cela ne suffisait pas. Il fallait boucler la boucle. Calvin accordait toujours de l’importance aux symboles, aux images. Et que pourrait il trouver de mieux que la coincer dans son propre lit – aux lattes probablement aussi grinçantes que les genoux de la vieille Pietsky vu l’ancienneté de cette bâtisse - pour réaliser son idée ?

Ni une, ni deux, il la prit brusquement dans ses bras, et se dirigea d’un pas décidé vers sa chambre avant de la relâcher une fois qu’elle serait en mesure de se réceptionner sur le matelas. Calvin s’affaissa à son tour, glissant sur son dos avant d’amener Elizabeth à lui par la force des bras. Son bassin s’intercala sur le sien tandis que ses yeux fixaient les siens avec un certain désir et une détermination qui lui était propre. La reprise des hostilités se fit selon un rythme lancinant, parfaitement irrégulier, et un sourire coquin se dressa sur son visage.

«J’en connais une qui va être terminée bientôt par contre…reste, à savoir à quelle sauce je vais la finir… »

Si Elizabeth avait espéré des préliminaires plus suaves, elle en fut pour ses frais. Calvin s'était laissé faire pendant un temps finalement relativement court. Mais rapidement, il reprit la main sur le déroulement des événements. Elle poussa un petit cri de surprise lorsqu'il la souleva.

" Qu'est-ce que... ! "

Le temps qu'il la porte jusqu'à sa chambre, elle s'interrogea à nouveau sur ce qui motivait Calvin, cette fois dans son comportement. Si elle le savait plutôt enclin à vouloir prendre la direction des choses, il semblait en plus peu disposé à se laisser aller lorsque l'occasion s'en présentait pourtant. A nouveau, l'épicière de Grayson perdit de son insouciance du moment pour laisser ses devoirs envers le village reprendre le dessus et analyser le comportement de son interlocuteur - interlocuteur très particulier en l'occurrence. Mais il lui apparut une nouvelle fois évident qu'elle manquait d'éléments pour déterminer ce qui le poussait à agir de la sorte. Habituellement, elle profitait de son poste pour poser des questions, mais elle découvrait que ce qu'elle savait du barman était très superficiel. Trop pour une réelle analyse. Or le moment était très mal choisi pour pallier à ces lacunes : poser des questions sur ses parents serait proprement mal venu...
De toute facon, elle atterrit sur son lit avec une délicatesse éléphantesque, rapidement rejointe par son amant, qui l'attira à lui sans ménagement avant de reprendre leurs ébats. D'abord surprise, elle essaya de se caler sur le rythme irrégulier imposé par Calvin, tout en se cambrant pour mieux l'accueillir.

Elle ferma les yeux en plissant le front, assaillie soudainement par des souvenirs pas si lointain, d'un autre corps se tenant à cette même place, d'autres yeux pour la désirer, et d'un autre coeur pour battre à l'unisson du sien. Les larmes commencèrent à lui piquer les yeux. Un instant, ces souvenirs manquèrent de la faire revenir sur sa décision de tourner la page. Pendant une fraction de seconde, elle faillit se refuser finalement à Calvin, en espérant qu'il puisse comprendre qu'elle n'était en fait pas prête à commencer ce nouveau chapitre de sa vie, et qui enterrerait définitivement le précédent - qui n'avait même pas été achevé. Mais son corps en tout cas réagissait avec la même ardeur que lors de leur premier assaut, et elle choisit de se concentrer sur cette force croissante qui, elle le savait, allait la mener à l'extase - et à l'oubli. Elle refoula ses larmes et rouvrit les yeux pour retrouver la réalité : c'était Calvin et non Declan qui était là, Calvin qui la désirait et ne s'en cachait - pour l'instant - pas. Et cette sensation était infiniment plus agréable que le sentiment de rejet qui avait été le sien ces derniers jours. Alors pourquoi se désespérer ?

Elle posa une main caressante sur la nuque de son amant et lui sourit en retour, sourire teinté d'une certaine mélancolie : retourner en arrière était impossible.

" Ne t'arretes pas. C'est tout ce que je te demande... "

Calvin ne se creusait pas vraiment la tête sur les conséquences de ses actes ou de son comportement. Il faisait désormais ce qu’il voulait quand il en avait envie. Certains ou certaines le prenaient pour un éternel gamin, d’autres pour une vile crapule qui recherchait juste à semer le désordre autour de lui. Cela n’était pas faux en soit, puisqu’il admettait lui même y prendre un certain plaisir. Personne ne dispose de toutes ses cases dans son cerveau après tout. Et puis, c’était sa manière de prendre sa revanche et de repartir de l’avant. Que risquait il comparé au clampin basique de Grayson ? En plus d’être veuf et de n’avoir aucune attache, il n’était pas du village et ne risquait pas de mettre le nom d’une famille connue en défaut. Son mental était blindé contre toute tentative de déstabilisation. Il ne pouvait perdre ce qu’il avait déjà perdu. Et sa vie se résumait à un combat sur la scène publique pour secouer l’opinion plutôt que de rechercher à de nouveau construire une vie personnelle. Il savait à quel point elle pouvait se révéler douloureuse. De plus, il ne s’était jamais senti aussi libre et vivant que maintenant. Superficiel pour certains, lui se sentait bel et bien réel.

Ce fut certainement pour tout cela que le barman ne se posait pas trente six questions en compagnie d’Elizabeth. Et comme il s’y attendait, ce foutu sommier grinçait comme si ce genre d’activité n’était plus de son âge. Calvin retrouvait une position beaucoup plus confortable pour savourer les effets de son jeu de bassin. Dans le même temps, une pensée ironique parcourut l’esprit du barman lorsqu’elle lui demanda de ne pas s’arrêter.

«T’es bien la première à me dire ça ici…Tu devrais t’accrocher aux draps…»

Ce n’était pas un sous entendu avec visée lubrique dans le cas présent, du moins dans la première partie de sa phrase. Non. Il faisait référence à tous ceux qui le considéraient comme un perturbateur chronique. Comme il fallait s’y attendre, ses mains se firent un peu plus possessives sur ses hanches tandis qu’il accentuait ses efforts. Quelques gouttes de sueur ne tardèrent pas à réapparaître de nouveau sur son front. Calvin ne se ménageait pas et il ne ménagerait certainement personne. C’est pourquoi il profitait de l’instant, sans se livrer comme un amoureux transi, mais comme un partenaire sportif usant son coup du soir sans complexe jusqu’à ce que l’inévitable arrive de nouveau…

Elizabeth lui répondit d'un sourire sans joie.

" Ici dans cette chambre, ou ici dans l'acte ? " parvint-elle à articuler. " Parce que la première proposition, c'est normal, la deuxième... Tu m'étonnes ! "

Vu les prouesses dont semblait etre capable le barman, elle doutait fortement qu'on lui ait un jour demandé de s'arrêter en plein élan. Au vu du plaisir qu'il lui procurait, elle pensait que ses précédentes partenaires auraient été bien idiotes de demander grace.
Néanmoins, elle ne cherchait finalement que l'oubli, et Calvin, antithèse de Declan, loin de tout ce qui pouvait la préoccuper, en était le moyen parfait. Dans l'intensité de ses actes, aucune pensée parasite n'avait sa place, et c'était plus cela qu'elle recherchait que juste le plaisir charnel.
Elle se cambra un peu plus en réponse à l'augmentation de l'intensité des assauts du barman. Et ce n'était pas aux draps qu'elle s'accrochait, mais bien à lui, ses deux mains plaquées dans son dos, comme si sa vie en dépendait. Ses doigts d'ailleurs se crispaient à nouveau au rythme imposé par Calvin, et ses ongles risquaient fort de se faire sentir à nouveau, cette fois sur l'épaule du barman. Mais elle ne s'en rendait pas compte : toute son attention était concentrée sur ses sensations, tout son être se tendait au rythme des va et vient de son partenaire. Elle ne transpirait pas moins que Calvin, s'harmonisant à son action, elle donnait de sa personne autant que lui. Ses muscles protestaient du traitement qu'on leur faisait subir, promettant pour le lendemain ou le surlendemain des courbatures pour le moins parlantes.

Sa respiration se fit haletante, et elle commencait à donner de la voix, incapable de faire autrement que d'extérioriser par un biais quelconque la tempête qui enflait et allait bientôt la noyer sous un déferlement irrépressible.
Elle finit même par l'appeler par son nom comme pour le sommer de mettre fin à cette intolérable attente, comme on invoque une divinité quelconque de faire cesser la pluie. Ses cris allaient crescendo, au rythme de leur étreinte, et atteignaient petit à petit leur paroxysme.

Calvin ne se ménageait pas vraiment. En fait, il se comportait toujours de cette manière quelque soit la situation. Et d’autant plus lorsqu’il avait tout à gagner. De plus, il ne s’agissait pas seulement d’une nuit de folies. Non, cela ne lui suffisait plus d’être le petit barman vulgaire du coin. Le rebelle violent, obscène et alcoolique voyait plus grand depuis quelques temps. Ses dents se sont affûtées, son orgueil s’est gonflé et sa voix s’est élevée, usant des rues étroites de Grayson comme caisse de résonnance. Il voulait faire plier les autorités tout comme la colonne de l’épicière suite à ses mouvements de bassin. Faire monter la température à Grayson, gagner du terrain, s’approprier tous les désirs de révolution, étaient des nécessités. Et l’ex de Declan faisait désormais partie de son escarcelle car Calvin lui offrait ce que ses démons intérieurs recherchaient et ce semblant d’ultime supplication lorsqu’elle murmura son nom en était la preuve cuisante.

Harassé, crispé, le barman sentit à nouveau une ardeur voguer au niveau de son bas ventre, tout en prenant plaisir à s’affirmer. La tempête cessa après un énième coup de rein fulgurant. Son corps demeura en suspens un instant, son échine frissonnant de plaisir tandis que son front frôlait celui d’Elizabeth et que ses prunelles fixaient celles de la brune et ne cessaient de s’échanger des messages toujours plus teintés de lubricité. Alors que son palpitant tentait de reprendre un rythme décent, Calvin posa ses mains sur les hanches de l’épicière, leur offrant une dernière caresse, tandis que ses lèvres clôturaient le bal en élaborant un dernier baiser humide et lancinant - emprunt d’une lascivité sans égale – qui finit par légèrement pincer la lèvre inférieure d’Elizabeth. Il savait que le vice était en elle tout comme il était en lui…Intense.

Quelques secondes plus tard, Calvin se laissa choir délibérément sur le côté sans délicatesse avant de prendre une posture d’étoile de mer. Son bras vint s’enrouler autour de la nuque de l’épicière tandis que ses doigts se mirent à frôler son épaule dénudée et recouverte d’une fine épaisseur de sueur.

« J’ai toujours su que la nuit donnait davantage de plaisir que de conseils… »

Tout son être se détendait enfin suite à ces ébats crispants tandis qu’il y allait de bon cœur avec sa répartie ironique. Après une journée et une soirée aussi éreintantes, il ne pouvait avouer – du moins qu’à lui même – qu’il ne serait pas contre un peu de sommeil. Le même sommeil qui allait le cueillir d’ici très peu de temps…

Etait-ce l'inattendu de la situation, le fait qu'elle n'ait rien calculé ni forcément recherché l'étreinte du barman ? Ou simplement le besoin d'exorciser les démons qui la hantaient ? Dans la fureur des émotions qui l'avait animée pendant ces derniers jours, il semblait que leurs ébats en étaient la conclusion inévitable et permettraient de remettre les compteurs à zéro. Elizabeth savait bien qu'il n'en était finalement rien. Le jour se lèverait à nouveau, apportant son nouveau lot de peines, de frustrations et de dangers. Il lui faudrait faire face aux conséquences de cette journée - William, Nathaniel, et sans doute Declan. Mais pour l'instant...
En cet instant même, son corps et son esprit n'étaient focalisés que sur une seule chose : dépasser le point critique et savourer la pleine jouissance de l'instant. Avec un léger temps de retard sur son partenaire, son corps se tendit une dernière fois, et fut parcouru des spasmes délicieux du plaisir.
Haletante, elle s'accrochait encore à Calvin en cherchant son souffle et lui rendant regard pour regard. Elle craignait de ne pas aimer ce qu'elle y trouverait - défiance, satisfaction malsaine, mépris, ou tout à la fois. Mais finalement, elle n'y vit qu'un désir sensuel, qui faisait écho à ce qu'elle ressentait : juste le plaisir partagé, sans - trop - d'arrière-pensées.
Elle lui rendit son baiser tout en frissonnant sous sa caresse. Elle avait l'impression que sa peau avait perdu de sa substance et que chaque contact serait désormais à même de la faire chavirer dans une extase irrépressible. Elizabeth savait bien pourtant que cela ne durerait que le temps que son souffle reprenne son cours normal, que son coeur revienne à un rythme plus tolérable.

Elizabeth prenait une profonde inspiration lorsque Calvin se dégagea pour s'étaler à son côté. Elle en ressentit une étrange déception, mais vite balayée par la main de son amant sur son épaule. Elle se tourna pour se rapprocher de lui - sans pour autant se coller à lui comme si sa vie en dépendait - et posa une main sur son torse. Elle se sentait satisfaite, et d'une certaine manière, libérée d'un certain poids. Tout recommencerait le lendemain, mais en cet instant, elle était plus sereine qu'elle ne l'avait été depuis ces deux dernières semaines.

Elle laissa échapper un petit rire à la remarque de Calvin.

" En tout cas, pour ce soir, c'est évident... "

Grace à l'intensité et la satisfaction de leurs étreintes, son esprit temporairement en paix réclamait le repos. Elle ne se fit donc pas prier. Elizabeth se posa un moment la question de ce que ferait Calvin - partir ou rester - mais elle décida qu'elle n'en avait cure. En prime, elle commencait à sentir la main de son amant perdre de sa fermeté, elle en déduit donc qu'il sombrait lui aussi dans le sommeil. Elle cessa donc de lutter et ferma les yeux, à l'abri de toute considération matérielle, dans une nuit sans rêve ni cauchemar.



EPILOGUE

Au petit matin, en hotesse accomplie, Elizabeth s'était réveillée avant Calvin. Elle avait enfilé à la va-vite un jean et un t-shirt pour descendre à la cuisine préparer un solide déjeuner. C'est donc dans les odeurs de pain grillé et de café frais que Calvin émergea, alors qu'Elizabeth revenait dans la chambre avec un plateau bien garni. " Je crois que tu l'as mérité... " lui lacha-t-elle en mordant dans un toast avec un sourire félin. Il semblait désireux de repasser à l'action, mais l'aurore avait ramené avec elle les devoirs de la jeune femme, et elle fit mine de ne rien remarquer. " Il faut que je retourne à l'épicerie, m'assurer que tout a été correctement rangé. Et puis je dois passer chez William régler certains détails. Prend ton temps. Et ne t'inquiète pas pour la porte, personne ne tentera d'entrer chez moi. " Avec un sourire, elle déposa un baiser frais sur les lèvres de Calvin et le laissa profiter de son déjeuner. Sans arrière pensée, elle sortit de chez elle et passa devant le pick-up du barman qui avait bien entendu passé la nuit devant sa maison, sans se demander si quelqu'un s'était aperçu de ce fait...