Ezra pénètre dans le bar du drugstore en jetant un coup d’œil circulaire prudent. Comme il s’y attendait, tous les regards convergent vers lui pour le jauger avec une évidente curiosité. S’attendant à ce genre de traitement tout à fait naturel, l’ancien religieux se laisse observer sous toutes les coutures, faisant mine de s’attarder à observer un élément du décor qui ne l’intéresse absolument pas. Cela dit, Kaylee aurait sans doute apprécié le jukebox à sa juste valeur, elle…
Lorsqu’il relève les yeux vers le client, certains se sont désintéressés pour retourner à leur conversation ou le fond de leur verre, mais d’autres continuent à le fixer d’un air patibulaire. A ceux-là, Ezra sers un sourire qui se veut poli et rassurant.
Je viens en paix, a-t-il envie de leur dire, mais ce serait un peu trop.

Le jeune homme se contente de s’avancer dans le bar et s’installe dans un coin, préférant ne pas commettre d’impair en s’installant au bar, à la place d’un habitué. La table est un peu humide à cause de la condensation ou d’alcool renversé et Ezra décide de ne pas s’en formaliser. Inutile de commencer à faire le pointilleux et à exiger que sa table soit convenablement essuyée. Il pourrait se le permettre dans un endroit huppé, mais pas à Grayson…
Le grand gaillard qu’il est se saisit de la carte des alcools et commence à la parcourir, son pouce atterrissant malgré lui entre ses lèvres. Il mordille son ongle déjà rongé par ses accès de nervosité et fronce les sourcils en réfléchissant.
La carte n’est pas très fournie mais ça lui importe peu, lui qui n’est pas connaisseur en la matière. Il a eu l’occasion de prendre quelques bonnes cuites par le passé, mais ne les a jamais saisies en réalité. A part cette fois où il s'était enivré avec le vin de messe, mettant son père dans une colère folle. Il avait eu droit à des semaines de corvées supplémentaires, une double ration de coups et au regard glacial qu’il déteste tant encore aujourd’hui et dit : comme toujours, il faut que tu me déçoives fils…

Portant son choix sur une simple bière fraiche, il repose la carte sur la table et, ses mains reposant sur ses cuisses, observe encore un peu les alentours, en bon touriste qu’il est encore pour le moment. Les autres lui jette quelques regards intrigués, s’habituent à sa présence. C’est ce qu’il est venu faire de toute manière, prendre la température et leur permettre de le renifler un peu, de s’acclimater à lui et, à travers lui, au reste de sa famille.

Après un petit moment, la serveuse brune qu’il avait repérée en train de fureter du côté du bar s’approche enfin pour venir prendre sa commande, très certainement. Il l’accueille d’un sourire discret qui creuse une profonde virgule dans sa joue.

Bonsoir.

Sans se défaire de son sourire, Ezra attrape la carte des alcools et la parcourt encore une fois. Il n’a pas oublié la nature de sa commande et une bière est une bière, mais ça lui permet de ne pas braquer son regard dans les grands yeux amendés, couleur chocolat, de la serveuse. Elle lui sourit mais il n’arrive pas à savoir si elle est très bonne comédienne et dissimule sa curiosité, voire sa méfiance envers lui uniquement pour avoir un pourboire, ou si elle n’est pas du genre à juger les autres sur leur apparence et à avoir des aprioris. Ce serait une aubaine.
En tout cas, la brunette présente bien et si elle devait être jugée sur son apparence, Ezra serait fort rougissant…

Ses cheveux ont dû être soigneusement coiffés au moment de sa sortie mais avec le temps, la chaleur et quelques mouvements inconscients, elle a laissé retomber quelques mèches brunes et ondulées. Ses cheveux sont plus courts que ceux de Kaylee (oui, il a tendance à comparer toute les femmes à sa sœur, ça a quelque chose de rassurant). Sa coupe lui laisse à penser qu’elle n’est pas du genre négligée et plutôt travailleuse, ne rechignant pas à la tâche. Et c’est préférable quand on travaille dans ce genre d’endroits et qu’on est obligé de piétiner toute la soirée…
Plutôt petite, pas plus d’un mètre soixante, elle n’en reste pas moins très bien proportionnée et a des formes plus ou moins là où il faudrait en trouver. Bien sûr, Ezra ne s’attarde pas à observer sa poitrine, son tour de taille ou même son postérieur que, d’ici de toute manière, il ne voit pas. Mais elle est bien faite, malgré sa petitesse. C’est sûrement parce qu’elle est très mince. Mince mais pas trop maigre et elle a de bonnes joues, un peu comme ses sœurs, qui arrondissent son visage et lui confèrent un petit air poupon adorable… Mais qui la dessert certainement lorsqu’elle veut être prise au sérieux. Qui peut décemment accorder sa confiance à une fille petite et menue à qui on aurait envie de pincer les joues constamment ?
Ezra préfére s’arracher à ses pensées et relève ses yeux bruns de la carte.

Je vais vous prendre une pression, commende-t-il sans se défaire une seconde de son sourire en coin. Vous auriez des haricots plutôt que des cacahuètes ou des chips… Enfin quelque chose de peu salé en tout cas, s’il-vous-plait.

Elle disparaît dans un sourire professionnel et l’espace de quelques secondes, Ezra la regarde s’éloigner vers le comptoir en saluant quelques habitués (ou non, pour ce qu’il en sait). Il ne détourne son attention d’elle qu’au moment où elle commence à tirer sur la manette pour faire couler la bière dans le grand verre qu’elle a tiré de l’étagère derrière elle. Il remarque alors que la plupart des clients que la serveuse a salués ou à qui elle a adressé quelques mots et un sourire, le fixe avec hostilité. Il comprend assez vite le message et ne peut les blâmer de leur attitude protectrice. Le brin de femme est joli, il faudrait être aveugle pour ne pas le reconnaître, et travailler dans un endroit de ce genre, au milieu d’une population majoritairement masculine et enivrée, l’expose à toutes sortes de dangers. Ezra est plutôt rassuré d’être mis en garde silencieusement par les gentlemen présents ce soir.

Il replonge humblement son nez dans la carte que la jeune femme n’a pas débarrassé et recroise les bras devant sa poitrine. Il n’observe plus le décor mais ces pieds pour un moment, se perdant dans ses pensées un moment. Il songe aux travaux qui l’attendent encore dans le manoir qu’il vient d’acheter avec ses sœurs. Il pense au travail qu’il va devoir se dégoter une fois l’été terminé et aux études dans lesquelles Kaylee va se lancer. Le jeune homme se laisse aller à imaginer quel passé il va pouvoir s’inventer pour ne pas s’attirer de regards aussi lourds que ceux qu’il subit en ce moment même.
Il n’a pas envie d’être catalogué et il ne veut surtout pas laisser de rumeurs se répandre… Ils ont quitté Camden pour échapper au courroux d’un père sombrant dans la folie mais Kaylee saura-t-elle le garder pour elle ? Peut-être doit-il lui faire la leçon…

La brunette revient soudain vers lui, sa commande sur un petit plateau. Il lui adresse un demi-sourire à nouveau et elle le lui rendit.

Non, c’est parfait.

Mais alors qu’elle s’apprête à reprendre son plateau sous le bras pour retourner vaquer à ses occupations, il ressent l’envie de la retenir encore quelques petits instants.

Je m’appelle Ezra. Johansson, ajoute ce dernier en tendant sa grande paluche vers elle pour qu’elle la serre. Ma soeur et moi venons d’aménager dans le manoir sur Madison Street.

Carmen se retourna pour aller servir d'autres clients quand l'homme l'interpella à nouveau. Il se présenta et lui tendit sa main. La jeune serveuse la prit et la serra.

-Ravie de vous rencontrer monsieur Johansson et bienvenue à Grayson. J'habite dans la même rue que vous. Je m'appelle Carmen Adams. Mais appeler moi Carmen, je n'aime pas tout ce qui est... trop formel.

Carmen lui sourit. Elle repensa à sa rencontre avec sa sœur. Une jeune femme un peu froide. Son frère semblait différent, plus avenant.

-Vous vous plaisez ici? Je sais que pour certaine personne, c'est difficile de vivre ici. C'est un peu loin de tout. Et il doit y avoir beaucoup de travail dans votre manoir, ça fait tellement de temps qu'il est inhabité.


La brune prit une chaise et s'installa en face de Johansson. Certains clients la regardèrent bizarrement ainsi que le nouveau venu. Et quoi? Elle avait bien le droit de parler aux étrangers et de faire de nouvelles connaissances, elle était assez grande pour décider de qui elle fréquentait.

-Alors dîtes moi, si ce n'est pas indiscret. D'où est-ce que vous venez et qu'est ce vous amène à vous installer dans ce trou paumé?

La jeune femme rit. Elle même était venu s'enterrer ici après une vie trépidante à New York, qui c'était plutôt mal terminée.
Un client lui fit un signe.

-Je reviens tout de suite.

Elle alla servir le client et se redirigea vers Ezra.

Carmen alors, acquiesce-t-il dans un sourire poli, avant d’écouter ce qu’elle a dire.

Et la seconde suivante, il la voit s’installer à sa table pour faire la conversation et lui poser quelques questions sur l’aménagement et l’état du manoir. Il est un peu mal à l’aise et sa main enserre sa boisson fraichement servie et commandée avec un peu plus de force, pendant qu’il tente de se donner contenance. Mais alors qu’il ouvre la bouche pour la renseigner, un client hèle la brune qui s’éclipse en un rien de temps, le laissant en plan.
Ezra jeté alors un regard prudent sur les autres clients qui ne perdent visiblement pas une miette de son échange, puis avale une longue gorgée de bière rafraichissante. Sa bouche est affreusement sèche à cause de la gêne et les températures ne l’on pas non plus épargné. Mais sa langue va bien devoir se délier car Carmen est de retour et s’excuse pour ce contre temps.

Y a pas de mal, lui sourit-il en faisant glisser son doigt sur son verre dégoulinant de condensation. Kaylee et moi sommes originaires du Missouri. On habitait à Camdenton avant. Une petite ville plus au sud qui ressemblait assez à Grayson sur certains points mais qui était beaucoup plus… imposante et moderne.

Et ça n’est pas peur dire. Certes, son ancien chez lui était cerné par la végétation, coincé au milieu d’une forêt danse dans laquelle il avait toujours apprécié se promener, mais mise à part cela et les lacs, les deux lieux n’étaient pas vraiment comparable. La population y était différente également, tant par leur allure que leurs mœurs.

Mais ça ne me dérange pas trop. Ma jeune sœur vous répondrait différemment cela dit, fait-il remarquer d’un ton un peu amer, avant de poursuivre, plantant son regard dans celui de son interlocutrice. Je vais effectivement être assez occupé avec les travaux de rénovation et l’aménagement, mais ça n’est pas plus mal. Et puis je compte me trouver un travail une fois tout ça terminé. Il va bien falloir les payer ces travaux…

Il ouvre l’une des cosses de haricots et en avale quelques uns en écoutant Carmen, avant de penser à lui retourner ses questions.

Et vous, vous êtes d’où exactement, Carmen ? Vous avez un accent légèrement différent, je me trompe ?

Carmen ne pouvait tout de même pas révéler un un inconnu son passé. Elle ne pouvait et ne voulait d'ailleurs le révéler à personne. Elle ne dirait donc pas qu'elle avait habité à New York. Personne ne ferait sans doute le rapprochement avec l'accident survenue il y a des années de cela mais la jeune femme ne voulait prendre aucun risque.

-Non, vous ne vous trompez pas. Je suis originaire de d’Édimbourg, en Écosse.

La serveuse essaya de détourner la conversation. Elle n'aimait pas trop parler de son passé. C'était pour elle assez dérangeant et gênant.

-Je vous proposerez bien mon aide pour votre manoir si j'étais sûre repeindre vos murs et non mes vêtements.

Carmen repensa à sa propre installation, à la maison qu'elle avait acheté avec ses économies, aux nombreux travaux de rafraichissement qu'elle avait dû faire à l'intérieur et au temps qu'elle avait mis pour les faire. Cette seule pensée la fit rire.

-Pour ce qui est de trouver un travail, vous n'aurez sans doute pas trop de mal ici. D'ailleurs, vous n'avez pas besoin d'être riche pour vivre à Grayson. La vie ici n'est absolument pas chère surtout si vous travaillez dans le village même. Moi par exemple, je vis seule, je travaille à proximité de ma maison, je m'y rend donc à pied, je ne fais donc pas beaucoup de dépenses.

La brune regarda les tables voisines puis tapa avec ses doigts sur la table en bois. Son client ne semblait pas très à l'aise, ce qui était compréhensible étant donné que la moitié de l'établissement les fixait avec insistance. D'autres par contre, les moins curieux sans doute, étaient plongés dans leur verre.

-Avez vous eu l'occasion de visiter un peu les alentours?

Demanda-t-elle en souriant.

Ezra écarquille les yeux un instant, ses sourcils se haussent. Une écossaise, ça n’est pas banal dans un coin aussi perdu… A moins qu’au contraire, elle ait voulu retrouvée un endroit paisible ayant des similitudes avec sa terre natale. Pour sa part, il n’a jamais quitté les États-Unis et, tout ce qu’il sait de l’Ecosse au fond, c’est ce qu’il en a vu dans le film Braveheart… Pas génial pour parvenir à tenir une conversation avec Carmen à propos de son pays.
Il veut poursuivre sur cette voie tout de même, lui demander à quoi ressemble justement Edinbourg ou pourquoi elle s’en est éloignée, mais elle change de conversation pour revenir à lui et au manoir. Il a l’habitude de ce genre de réaction. Son statut de futur pasteur l’amenait à être abordé par un tas de gens en quête de rédemption ou simplement désireux de se confier un peu et ils commençaient toujours invariablement par l’inciter à parler de lui. Surement pour voir dans quel bois il était taillé et s’il était digne de confiance. Ou bien simplement pour avoir l’impression que leurs confessions seraient noyées dans l’échange, pour ce qu’il en savait.
Pas qu’il soupçonne Carmen d’être en train de chercher à confesser quoi que ce soit (elle n’avait même aucune idée de qui il était), mais elle veut assurément que la conversation arrête de tourner autour d’elle et souhaite en apprendre davantage sur sa personne avant de se lancer elle-même.

Il ne peut empêcher un sourire amusé de s’étaler sur son visage lorsqu’elle plaisante à propos de sa façon de peindre. En réalité, il ne sait pas non plus ce qu’il donnera en rénovateur, il n’a jamais eu à se lancer dans une telle aventure par le passé.

Je ne suis pas certain d’être vraiment plus habile, glisse-t-il d’ailleurs avant qu’elle n’enchaine en lui parlant boulot.

Et son discours est rassurant. Juste ce qu’il faut à Ezra, en pleine période de remise en question et en proie au doute ces temps-ci. Le déménagement est assurément plaisant jusque là (mis à part quelques fâcheux menus incidents) mais c’est une aventure périlleuse, il le sait.C'est l'argent qui risque de bientôt poser problème. Avec les travaux en préparation et leur mode de vie qu’il se doit de continuer à assurer pour Kaylee puisqu'après tout, c’est lui qui a entrainée sa sœur là-dedans… Il est absolument hors de question que Kaylee ait à abandonner ses études ou se trouver un petit boulot qui la distraira pour les aider à boucler les fins de mois.
Mais Carmen lui parle d’opportunités, à Grayson même. Il est vrai que ne pas avoir à payer l’essence pourrait être une économie non négligeable. Malgré sa petitesse, le village offre décidément beaucoup d’avantages…

Pas vraiment non. On m’a conseillé de ne pas tenter de m’aventurer dans les bois seul. Mais j’ai prévu de participer à une des randonnées du mois d’août pour explorer un peu en toute sécurité, explique-t-il avant de boire une gorgée de sa bière. Sinon, on a fait le tour des patelins en voiture, oui. Ma sœur voulait trouver un cybercafé mais apparemment, le premier est à des kilomètres de là… Cela dit, j’ai cru comprendre que la bibliothèque était pourvue d’une connexion et serait prochainement réouverte. C’est terrible cette histoire d’incendie. Une chance qu’il n’y ait eu que des dégâts matériels… Vous étiez sur place ce soir là ? Il paraitrait que l’incendie était d’origine accidentelle, commente Ezra en essayant de ne pas avoir l’air trop intéressé par la question.

Ce n’était pas le premier incendie à survenir à Grayson. Il y avait déjà eu l’église il y a des décennies de cela (cette fois là, 26 victimes avaient été à déplorées) et puis il y avait eu quelques habitations apparemment. Le village ne disposant pas de caserne il était logique que les dégâts soient chaque fois conséquents.

-Oui, il est vrai qu'il est déconseillé de s'aventurer seul dans les bois. Personnellement, .....

La jeune femme jeta un regard au tour d'elle.

-Personnellement, je tenterai bien l'expérience un jour. Pas seule bien sûr, mais ça doit être amusant. Histoire de jouer avec le feu et de mettre un peu de piment dans mon existence. Et puis je ne vois pas vraiment ce qu'il peut y avoir dans les bois.

L'inconnu allait peut-être prendre Carmen pour une folle et une inconsciente, mais la serveuse n'en avait que faire. Elle voulait vivre sa vie, prendre des risques et s'amuser. Et ce n'était ni l'avis d'un inconnu ni celui de personne d'autre d'ailleurs qui allait l'arrêter. Elle voulait juste trouver une personne comme elle, ne pas être seule. Elle l'avait déjà était pendant trop longtemps. Même pendant son enfance, elle avait toujours eu l'impression d'être seule.
Ezra semblait être intéressé par l'incendie survenu à Grayson. Simple curiosité de sa part ou voulait-il connaître le passé du village dans les moindres détails? Peut-importe, la brune n'en savait vraiment pas beaucoup sur l'événement, mais avait quand même son propre avis.

-La bibliothèque est ... était effectivement le seul lieu pourvu d'une connexion internet. Et pour l'incendie, je n'étais pas sur place. Mais il ont bien conclu à un accident. Mais pour tout vous dire, ne n'y crois pas trop. Enfin, ce n'est pas mon avis qui fera changer les choses. Je ne suis pas dans le police.

Et heureusement, j'aurais été obligée de m'arrêter moi-même, continua-t-elle mentalement. Elle rit.

-Mais je vous inquiétez pas pour votre sœur, elle devrait bientôt ré ouvrir. Et il y a d'autres occupations ici ou dans les environs. Vous devriez lire le journal, vous y trouverez la date de soirées organisées dans le village ou ailleurs.

Carmen trouvais Ezra sympathique, sans vraiment le connaître. Il avait quelque chose de rassurant et ne semblait pas se prendre la tête pour un oui ou pour un non. Mais peut-être ne le connaissait-elle pas assez pour en juger?

-Ezra, avant de venir ici, quand vous habitiez à ..... Camdenton, c'est ça? Dans quoi est-ce que vous travailliez?

Lui faire la conversation était simple et vraiment agréable. Elle a de plus une voix douce et un sourire tout à fait charmant. Le genre de voisine qu’il est bon d’avoir en somme et, s’il arrive à gagner un minimum son affection et sa confiance, peut-être que les autres habitants de Grayson envisageront à leur tour d’apprendre à le connaître. Autrement qu’en l’épiant jusqu’à la fin de ses jours pour essayer de deviner ses intentions…
Carmen parle de pimenter un peu son existence en se rendant dans les bois et son humeur en est un peu ébranlée. Il imagine parfaitement sa propre sœur cadette avoir ce genre d’idée et le scénario ne lui plait absolument pas. Elle aussi est en permanente recherche du frisson et, en grande amatrice de film d’épouvante qu’elle est, il l’imagine aisément décider, sur un de ces coups de tête dont elle a le secret, de partir en exploration pour palier à l’ennuie. Et comme Carmen vient de le confirmer, les bois ne sont pas sûrs pour des personnes qui ne les connaissent pas. Même elle qui habite ici depuis un moment ne s’y risquerait pas seule, c’est dire.

Il est encore à ces pensées et en train de se dire qu’il devra absolument en toucher encore un mot à Kaylee à son retour quand la jeune femme aborde la question de la réouverture de la bibliothèque, annoncée dans le journal. A vrai dire, s’il a bien suivi, c’est demain qu’elle réouvrira, même si tous les services ne seront pas proposés. Il lui semble pourtant se souvenir que les postes informatiques seront à nouveau disponibles. Une bonne chose pour sa sœur.

J’ai effectivement vu quelque chose au sujet d’une soirée karaoké dans les environs, confirme-t-il dans un sourire qui en dit long.

Un sourire un peu moqueur qui prouve que ça n’est pas vraiment le genre de soirées auxquelles il aime participer. En plus de cela, il s’agit d’une soirée déguisée… Ezra compte dores et déjà ne pas y mettre les pieds mais Kaylee, elle, y fera possiblement un tour.
Le sujet change cela dit subitement, ce qui n’est pas vraiment pour plaire au jeune homme. Il a déjà décidé de ne pas ébruiter son passé et de ne pas parler de ses études pastorales, mais il lui faut bien parler de quelque chose…

A vrai dire, j’ai occupé pas mal d’emplois divers et variés, sans vraiment me spécialiser et trouver ma voie, ment-il donc, concentrant pour un instant son regard sur sa bière à peine entamée. Mais la plupart du temps, j’occupais mon temps en participant à des événements caritatifs organisés en ville et dans les environs.

Il avait besoin d’ajouter une touche de vrai, d’une part parce qu’il n’était pas excellent menteur et avait besoin de cela pour ne pas paraître trop suspect, et ensuite parce que mentir était un péché. Il fallait qu’il le contrebalance avec une part de véracité.

Et vous ? Vous avez toujours travaillé ici ?

Il avait du mal à l’imaginer quitter son Écosse natale pour un simple boulot de serveuse dans un village un peu paumé… A moins qu’il y ait un garçon dans cette histoire.

-Ah oui la soirée karaoké au Susan's Coffee je crois. Je ne suis pas sûre d'y aller. J'aime beaucoup la musique mais je ne m'imagine pas chanter en public.

L'homme sembla un peu gêné lorsque Carmen évoqua ses emplois passés. Il ne semblait pas avoir vraiment envie de parler de ça. Mais c'était compréhensible, elle même ne pouvait pas tout révéler de son passé et allait devoir mentir à Ezra comme à de nombreuses personnes depuis son arrivé. Il ne semblait pas avoir eu d'emploi fixe.

Carmen repensa à l’époque où elle vivait avec sa mère. Sa mère protectrice et très exigeante qui l’avait en quelque sorte privé de son enfance et du début de son adolescence. La jeune femme l’avait quitté à l’âge de seize ans, quand sa mère avait estimé qu’elle pourrait se débrouiller seule. Elle était alors partie à New York. Au début, la jeune femme avait vécu difficilement, sa mère n'était pas très généreuse avec elle et la vie dans la grande ville américaine était assez chère. Puis peu à peu, son talent pour la danse et le fait qu’elle y dédiait une grande partie de sa vie avaient vite rendus cette activité rentable. Sans être riche, la jeune femme vivait assez convenablement et avait même mis un peu d’argent de côté. Ce qui lui avait permis d’acheter sa maison à son arrivé à Grayson. Aujourd’hui, son emploie de serveuse au Drugstore ce qui lui suffisait amplement pour vivre. Elle repensa également à la façon dont elle avait dû quitter New York, elle avait tout simplement pris la fuite, tout laissé tomber et elle était venu s'enterrer dans un des villages le plus retiré des États-Unis. Mais elle ne trouvait pas sa vie actuelle désagréable. Bien sûr, elle s'ennuyait parfois mais elle avait appris à apprécier le calme, le fait de prendre son temps et de ne pas se prendre la tête.

-Avant de m'installer ici, j'étais danseuse. Mais c'est devenu beaucoup trop dur pour moi. Le niveau était toujours plus haut. Et puis j'ai ressenti le besoin de m'éloigner, de prendre des vacances. Je suis arrivée ici, je m'y suis plu et je suis restée. L'ambiance mystérieuse du village n'est pas désagréable vous savez. Enfin .... , il faut aimer.

Finalement, la serveuse n'avait pas très envie de parler de son interlocuteur et du sien, surtout du sien en fait. Elle avait peur de révéler, sans le faire exprès, plus de chose qu'elle ne le devrait. Des paroles qui pourraient révéler son passé au grand jour. La jeune femme était toujours obligée de contrôler ce qu'elle disait, mais elle était obligée.

En vérité, il n’est pas spécialement venu s’installer à Grayson pour le côté mystérieux du village, même s’il en a parfaitement conscience. Il s’est évidemment renseigné sur le village avant d’y trainer sa jeune soeur et il est tombé sur quelques sites relatant des disparitions étranges dans les environs, survenus à intervalles irréguliers. Vivant auparavant dans une zone très boisée lui-même, il connaît les dangers de ce genre de paysage. Ses deux sœurs aussi d’ailleurs et, au fond, il sait qu’il n’aura même pas besoin de vraiment faire la leçon à Kaylee pour la dissuader de prendre des risques inconsidérés en s’aventurant dans la forêt bordant le village.
Les disparitions s’étalant sur plusieurs générations, il n’a pas non plus envisagé la possibilité qu’un tueur en série sévisse dans la région. Et puis les malheureuses victimes sont d’âges et de sexes différents, parfois seuls et d’autres fois accompagnés alors pas de raison de s’en faire de ce côté là non plus. Quant aux fréquents incendies, si tous les étés ici sont aussi chauds que celui-ci, il n’y a pas vraiment à se poser mille et une questions sur la nature du départ des feux… La sécheresse, une étincelle et le tour est joué.
Ezra ne s’est donc nullement laissé impressionner par le côté mystérieux du village et l’isolement ne lui fait pas peur. Il comprend que Kaylee soit inquiète, elle qui a sa vie à vivre, mais pour lui les choses sont différentes. Il a l’impression d’avoir déjà vécu cent ans et n’aspire plus qu’au repos et à la tranquillité. Il se moque de faire ou non des rencontres, de fonder une famille ou de trouver un emploi qui lui rapportera. Il veut juste se sentir en sécurité, loin de tout. Loin du regard intransigeant du Pasteur et pourquoi pas de Dieu ?

Je pense que je pourrai me plaire ici, répond-t-il sobrement, adressant un petit sourire sincère à la jeune femme assise à sa table.

Il avale une gorgée de sa bière avant de revenir sur le sujet abordé précédemment par Carmen et qui a piqué sa curiosité.

Vous dansiez pour des ballets ? Dans la région ?

Il savait qu’il existait plusieurs types de danses, bien qu’il ne se soit jamais intéressé à aucun. Ses parents pratiquaient les danses de salon quand il était plus jeune, il se rappelait les avoir vu faire certains soirs, alors qu’il était censé être couché. Il adorait venir se faufiler dans l’escalier pour les regarder faire. La plupart du temps, sa mère le repérait mais elle se contentait de lui adresser un clin d’œil sur le coup et de lui demander le lendemain ce qu’il avait pensé de sa prestation. La réponse d’Ezra était toujours à peu près la même : tu étais parfaite. Et il le pensait réellement. Quand il essaie de se souvenir d’elle, c’est principalement à ce souvenir qu’il fait référence. Il se souvient alors de sa grâce, son sourire, ses yeux pétillants, il peut encore entendre son rire… C’est son plus précieux souvenir.
Malheureusement, il se superpose trop souvent à tous les autres. Ceux de sa grossesse difficile et de la fin de son existence…

-J'ai dansé un peu de tout, des ballets et des danses plus modernes. En fait je danse depuis que je suis toute petite. C'est ma mère qui m'a initié. Elle même était danseuse, mais elle a dû arrêter sa carrière et n'est jamais devenue célèbre. Pourtant c'était son rêve mais je suis arrivée et .... je ne sais pas, ..... elle a dû vouloir un métier plus stable. En tout cas, elle s'est servie de moi pour arriver à ce qu'elle n'avait jamais réussi à obtenir: le succès. Enfant, j'ai passé plus de temps dans les écoles de danse que chez moi ou avec d'autres enfants. Je n'ai pas eu de frères et sœurs, ni vraiment d'amis d'ailleurs. Mais je dansais. Je ne sais même pas si j'aime vraiment ça, pour moi c'était une évidence, j'avais été élevée pour ça.... Je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça. Excusez moi, je vous ennuie avec mes histoires.

La jeune femme sourit timidement à l'homme assis en face d'elle. Elle n'avait pas l'habitude de s'étendre sur sa vie et encore moins avec des étrangers.
Elle se souvint tout à coup des heures passées à s'entraîner pour être toujours meilleure, de la colère de sa mère lorsqu'elle ne l'étais pas, du regard que les autres enfants avaient pour elle et de son départ pour New York. Une partie de sa vie qu'elle devait taire.

-Je vais aller servir l'homme qui attend au bar, ... je reviens dans un instant.

La serveuse prit la commande de l'homme et la lui servit. Elle n'avait aucune envie de se faire réprimander par son patron. Elle détestait lorsque quelqu'un lui criait dessus, elle en avait même peur, sûrement car cela lui rappelait sa mère. Puis, elle revint doucement vers la table où l'attendait patiemment son client.
Elle jeta un coup d'œil à l'horloge accrochée près du bar, elle avait presque terminé son service et allait pouvoir rentrer chez elle. Pourtant, elle n'en avait pas tellement envie. Elle était bien ici, à discuter avec Ezra, tant que la discussion ne dérivait pas trop sur son passé, même si les regards des autres clients étaient un peu trop insistants à son goût. Pourquoi fallait-il que les gens soient toujours méfiants par ici? Sûrement à cause ds événements passés. Mais elle le trouvait sympathique et son instinct lui disait qu'elle pouvait avoir confiance elle lui.

Ezra l’écoute mais se plonge très vite dans ses propres souvenirs d’enfance. Il écoute la femme jusqu’au bout et ne peut s’empêcher de compatir. Lui-même n’a pas vraiment eu le choix et a été forcé de choisir la voie de la religion vers laquelle il ne se serait probablement pas tourné en d’autres circonstances. La preuve, Kaylee ne s'est pas orientée dans cette branche et veut même à tout prix s’en éloigner. Il ne peut pas la blâmer, même si son conditionnement l’empêche de comprendre ce genre d’agissement. Leur passé commun et le décès de leur mère à lui tout seul devrait suffire à la convaincre qu’il existe une Force supérieure les ayant tous à l’œil et capable de vie ou de mort sur eux. L’existence du Diable qui leur a été prouvée de la plus odieuse manière aurait dû les convaincre, mais ça n’a pas été le cas. Du moins, ça n’a pas donné envie à Kaylee de se tourner vers l’autre côté de la balance. Son frère le regrette mais ne peut rien y changer et la forcer serait vain et stupide. Lui-même a été forcé à croire par leur père et aujourd’hui, le voilà à Grayson, ce petit village du Missouri dépourvu d’un lieu de culte.

Il imagine facilement de quoi l’enfance de la petite Carmen a dû être faite. Le milieu de la danse est impitoyable et y faire pénétrer, de force, une enfant, lui parait presque irresponsable. Les pointes à s’en faire saigner les pieds, les privations, le manque de vie social. Alors qu’elle aurait dû jouer avec des poupées de chiffon, s’écorcher les genoux en jouant en extérieur, Carmen a passé ses journées libres à danser, danser et encore danser. Mais alors qu’il s’apprête à s’apitoyer sur le sort de la serveuse, celle-ci s’éclipse. Doit-elle vraiment servir son client avec autant d’empressement ou bien est-ce là un moyen de fuir la conversation ? Ezra n’est pas certain de la réponse à cette question, mais finalement, il trouve ça préférable. Lui-même n’aimerait pas spécialement entendre qui que ce soit le plaindre et se montrer ouvertement plein de pitié à son égard… Parce qu’au fond, même s’il a apprit à prier plutôt qu’à jouer au football américain et n’a jamais vraiment passé de bons moments en famille, il est en vie, en pleine santé et possession de ses moyens. Alors de quoi se lamenter au juste ? Ses expériences et privation l’ont forgé pour faire de lui l’homme qu’il est et Ezra ne pense pas avoir à rougir de sa personne.

Carmen s’éloigne et vaque un petit moment à ses occupations pendant qu’Ezra repense à son enfance, ne s’attardant guère sur les mauvais souvenirs. Il en a des tas qui ne sont pas si mal et puis il a tout de même eu quelques épisodes heureux pendant ses études et pendant qu’il accompagnait son père. Son premier baiser, ses premiers liens amicaux, ses premiers verres, etc. Non assurément, il n’a pas à se plaindre de la vie qu’on l’a forcé à mener jusque là et il espère que Carmen ne tient pas trop rigueur à sa mère pour la sienne...

Les minutes s’écoulent ainsi et le niveau de sa bière diminue irrémédiablement dans son verre qui suinte. Lorsqu’il sera terminé, Ezra déposera un bon pourboire à Carmen avant de s’éclipser pour rejoindre ses sœurs. Il avale quelques haricots au moment où la serveuse réapparait à sa table.

J’espère que je ne vous gêne pas dans votre travail avec toutes mes questions. Ou que je ne vous gêne pas tout court…

-Non, ne vous inquiétez pas, mon service est bientôt terminé de toute façon. C'est agréable de faire de nouvelles connaissances.... Surtout ici, ajouta-t-elle après un instant de pause.

Elle sourit gentiment à l'homme attablé devant son verre presque vide.
Une personne entra dans le bar, un courant d'air chaud arriva jusqu'à la jeune femme et fit bouger lentement les quelques mèches de cheveux s'étant enlevé de sa coiffure. Il faisait presque toujours aussi chaud dehors malgré l'arrivée de la nuit.

-Il fait toujours aussi chaud, ça en est presque désagréable. Et ça ne doit pas être l'idéal pour vous, je veux dire, pour votre aménagement et tous vos travaux. Ça n'est jamais agréable de travailler par une chaleur pareil et encore moins si le travail en question est physique.


Carmen repensa à ce que l'homme venait de dire et demanda à son tour:

-J'espère également que je ne vous ennuie pas, vous êtes peut-être venu ici pour vous reposez un peu et vous détendre dans le calme.

Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, la salle n'était pas vraiment calme. Entre les personnes qui parlaient un peu trop fort après quelques verres de trop et celles, en pleine partie de cartes, qui accusaient leurs adversaires de tricher. Non, vraiment pas calme du tout.

-Enfin, si vous vouliez le calme j'ai peur que ce soit raté.

Elle jeta à nouveau un regard à l'horloge. Il était l'heure pour elle de rentrer chez elle.

-Mon service est terminé, je reviens dans un instant, juste le temps d'aller chercher mes affaires. Ensuite si vous en avait envie et si vous avez terminé, nous pourrons rentrer ensemble, nous sommes presque voisins après tout.

Elle sourit puis disparu pendant un instant.

Les températures ne sont effectivement pas clémentes (c’est encore un doux euphémisme) et le jeune homme peine chaque nuit à trouver le sommeil dans l’imposant manoir boisé qu’il s’est payé. Sa sœur doit avoir un aperçu de l’Enfer en vivant sous les toits mais, il a beau lui proposer de redescendre d’un étage, au moins pour l’été, c’est comme si elle cherche se punir… Ou le punir lui en faisant exprès de se torturer dans l’espoir de faire un malaise et le culpabiliser. Si c’est ça, alors qu’elle cesse : il s’en veut déjà sans ça de l’avoir arrachée à sa vie pour l’entrainer dans cette aventure, pas besoin de mourir de chaud et de se déshydrater pour ça.
Les travaux, il en confira la gestion à des professionnels et se contente depuis son arrivée de réfléchir à ce qu’il va faire et de monter des meubles en kit. Il n’a jamais été un manuel et désespérait ses institutrices lorsque venait le temps de réaliser des cadeaux pour ses parents en classe primaire. La déco n’est pas sa tasse de thé non plus et il se satisfait simplement de restreindre Kaylee lorsqu’elle ses goûts lui paraissent un peu trop extravagants… Tout ça pour dire que la chaleur ne va pas spécialement être un handicape pour lui, mais il préfère acquiescer pour ne pas montrer à la serveuse à quel point il est lamentable…

Vous ne me dérangez absolument pas, Carmen, la rassure-t-il dans un sourire sincère, juste avant qu’elle lui signale que son service vient de prendre fin. Oh, et bien... Je vais terminer ma bière en vous attendant et ce sera avec plaisir.

Il est un peu gêné par cette proposition franche et spontanée. Pourtant avec Kaylee pour sœur, il est censé en avoir l’habitude, mais ça n’est pas le cas. Il la regarde s’éloigner de sa table pour la énième fois de la soirée, sous les regards des clients, et termine sa bière qu’il a réglée. Le dilemme du pourboire arrive alors. Il se sent gêné de déposer quelques piécettes directement dans la main de la serveuse qu’il prévoit de raccompagner jusque chez elle, mais ne s’imagine pas non plus la priver de son du. Le service a été excellent après tout.
Sa bière terminée, il se lève alors pour s’approcher du comptoir du bar, à la recherche d’une coupelle ou quelque chose dans quoi vider ses poches. Avant de partir, il faut que la jeune femme vérifie ses comptes et les entrées d’argent de la soirée. Il cherche et finit par repérer une jarre dans laquelle il dépose un peu d’argent et s’arrange pour trainer de ce côté lorsque Carmen reparaitra, pour qu’elle comprenne son geste.
Inutile de préciser qu’il se sent parfaitement stupide, planté près du bar, sans plus commander.

Si stupide qu’après quelques interminables minutes (pas plus de deux en réalité), il demande au barman de signaler à la petite brune qu’il l’attend dehors. Le grand blond aux yeux clairs acquiesce et, comme tous les autres, le suit du regard lorsqu’il sort du drugstore. Peut-être qu’il aurait dû décliner l’offre de la jeune femme. Ca ne fait pas forcément très bon genre de repartir avec la serveuse dès le premier soir…