03.1. 'Cause you're stronger and you're better and you're ready for whatever, so wait 'til you see my smile [Allie & Isaac]

Je déposai les valises devant la porte de la chambre qui nous avait été attribuée, et introduis la clef dans la serrure. Un mouvement de poignet et une pression sur la porte plus tard, et la vue qui s'offrait à moi me fit sourire. Je relevai les yeux sur ma fiancée, échangeant ce moment de complicité qui allait probablement virer en quelque chose de plus poussé d'ici qu'on soit installés. Nous allions passer une petite semaine ici, à l'hôtel, le temps que les vapeurs de peinture s'évaporent. Aahron avait décidé de retaper toute la maison, histoire d'arrêter de penser un peu. Ça avait un rapport avec ce qui s'était passé avec Aidan, et peut-être même avec Trisha. Il n'avait pas de mal à encaisser, c'était ce qu'il était en train de faire, à sa façon. Personne ne pouvait lui reprocher de se jeter corps et âme dans le travail, et puis si ça permettait à tout le monde d'en profiter...un meilleur cadre de vie n'était pas du luxe quand on voyait la vieille baraque. Ce qui m'embêtait plus dans cette affaire, c'est que notre séjour ressemblait de plus en plus à du long terme.

Je fis les premiers pas dans la chambre, ayant repris les valises en main, et hochai la tête. Ce n'était pas la suite nuptiale, mais le personnel avait réussi à nous dégoter une belle pièce. Les bagages vinrent prendre place sur le lit, sur lequel je m'assis également en scrutant encore la décoration.

« On devrait voyager plus souvent...faire le tour du monde, ou au moins visiter des capitales...On aurait même dû aller en Europe. Paris. »

déclarai-je, prise d'une soudaine envie de m'échapper autant physiquement que mentalement.

Le problème n'était pas l'argent. J'en avais gardé un peu de côté, alors ma suspension n'était pas un empêcheur de rêves. Le problème c'était le temps, Allie était enceinte, et après la naissance des jumeaux, ils allaient avoir besoin de nous. J'avais prévu de l'emmener à Paris pour notre lune de miel, qui visiblement était tombée à l'eau au moment où on avait repoussé le mariage.
Je soupirai, et me relevai. Ce serait pour une autre fois. Tout ce qu'ils nous restaient à présent, c'était cette semaine à l'hôtel en guise de vacances. Un peu de temps rien qu'à nous, ce que nous n'avions pas eu depuis très longtemps. Pas d'Aidan-zombie, pas de disputes pour des broutilles, rien que elle, moi et ce lit. Je m'approchai par derrière alors qu'elle avait ouvert une des valises pour probablement ranger le contenu dans les tiroirs et économiser un peu d'espace. Mes bras s'enroulèrent autour de sa taille, tandis que mes baisers vinrent chatouiller sa nuque, puis son cou.

« Qu'est-ce que tu fais, t'as oublié la règle numéro une ? "Toujours inaugurer un nouveau lieu comme il se doit". Et non je viens pas de l'inventer. »

rajoutai-je avec ironie.

Je me rappelai nos débuts, lorsqu'on commençait à peine à se fréquenter après des durs mois de labeur de ma part pour essayer d'obtenir un rencard. L'hôpital aura connu de nombreuses "inaugurations" à cette période, et dans des pièces auxquelles même les plus imaginatifs n'auraient pas pensé. C'était le bon vieux temps...Enfin, je n'avais pas l'intention de me plaindre maintenant. J'avais tout ce qu'un homme peut rêver : une ravissante femme, des enfants, et bientôt une belle et grande maison. Il ne me manquait plus que mon job à récupérer pour que tout soit parfait.
Je la fis pivoter pour qu'elle soit face à moi, et l'emprisonnai dans mes bras pour qu'elle ne se sauve pas, mais son regard prouvait qu'elle n'en avait aucune envie. Je l'embrassai doucement, caressant le bas de son dos à même la peau, mes doigts s'étant au préalable glisser sous le tissu.

« Je te kidnappe ce soir pour un rencard, Miss Newton, ça te va ? Mais pour le moment on va profiter de cette merveilleuse chambre... »

On avait pas pu sortir depuis un bout de temps aussi. C'était l'occasion avant de devoir revenir faire bonne figure au sein de la fratrie. Depuis la mort de mes parents, le côté romantique de ma personnalité avait été quelque peu évincé par le chagrin et la mauvaise humeur. Mais ce soir, elle avait bien mérité d'être choyée. J'avais mon petit programme en tête, quelque chose que j'avais préparé depuis plusieurs jours déjà avant de lui proposer de séjourner à l'hôtel. Depuis qu'on avait retrouvé notre stabilité et notre complicité, l'idée me brûlait de lui faire plaisir de cette manière. Rien que nous. Parce que c'était sûrement une des dernières fois, et que c'était important, trop pour ne pas exister à cause d'un deuil...

« Un rencard ? »

« Tu m'as pas invité depuis... hum 375 ans... à peu près. »

« C'est encore la discothèque dans mon utérus. Mais essaie même pas de toucher, pour le moment c'est tout pour ma pomme, on sent rien à l'extérieur. »

« Tu te rends compte que ça va être que nous tout seul comme un vrai couple pendant au moins six jours ? Et je suis d'accord pour Paris mais ça va nous couter un bras avec les deux monstres... Et on leur apprendra à parler français et ce seront les plus belles du monde. Enfin ça on le sait déjà, c'est certain. »

Depuis 375 ans, ou au moins ça donnait cette impression. Même avant de partir pour Grayson, les choses n'avaient pas été faciles. L'annonce de la disparition de mes parents, puis Aidan qui était venu à la maison. On avait pas vraiment pu se comporter normalement avec tout ça, ou faire des choses de couple, ni même préparer convenablement le mariage. Ce soir, j'allais sortir le grand jeu, le restaurant était réservé, son cadeau était dans ma valise - ce qui explique aussi le fait que je ne la laisse pas ranger mes affaires - et j'avais donné quelques indices pour qu'elle ait la puce à l'oreille.

« Justement... »

rétorquai-je en restant évasif alors qu'un petit sourire en coin mystérieux se dessinait sur mes lèvres.

Elle s'échappa de mon étreinte pour s'allonger sur le lit. Allie avait l'air épuisé ces derniers temps, probablement les jumeaux qui lui donnaient du fil à retordre. Je l'écoutais parler des petits monstres qu'elle abritait, avec attendrissement. Elle n'avait plus que ça à la bouche en ce moment. Je préférai ça plutôt que les doutes qui lui passaient par la tête lorsqu'elle me cachait la nouvelle. Je pris place à mon tour sur le lit mais sur l'estomac, tout près d'elle, poussant un peu les valises vers le bord pour avoir assez d'espace. Je déposai une main sur son ventre, me penchant au dessus d'elle pour venir l'embrasser avant de me retirer légèrement sur le côté.

« Comme un "vrai" couple ? Depuis quand on est un "faux" couple ? »

riais-je suite à sa remarque.

« Paris, je pensais plutôt à juste toi et moi, tu sais pour qu'on puisse faire des choses de "vrai" couple. »

continuai-je en la taquinant.

Elle referma ses paupières, avant de se redresser sur ses coudes. Elle tentait de lutter pour ne pas sombrer dans le sommeil. Je n'allais pas la priver de sa sieste, ce serait purement et simplement égoïste, même si l'envie ne m'en manquait pas.

« Les plus belles hein...Qui a dit que ce serait deux filles ? »

Changeant de position pour me mettre sur le côté, j'étirai mon bras vers le haut et déposai ma tête dessus, caressant délicatement son ventre de mon autre main.

« J'ai parié sur un garçon et une fille, et je gagne toujours mes paris, tu devrais le savoir à force de perdre, ma puce. »

Le sourire malicieux refit surface sur mon visage, alors que je m'attendais à recevoir une petite tape pour cette provocation.

« Tu veux parier quoi ? J'ai pas vraiment d'idées sur le coup mais on devrait parier sur le sexe de nos bébés. On a trois chances donc deux chances de se planter. Pour moi ce sera deux filles malgré tout ce qu'on dit sur le prédominance des mâles côté Blondie Family. »

« Et je te signale au passage que je perds pas tout le temps, tu fais du vaudou ou quelque chose comme ça pour m'empêcher de gagner nos paris, je le sais. T'es vraiment un mauvais joueur... et ça va pas le faire pour le père de deux futures magnifiques petites filles qui prendront tout de leur maman ! Et qui terroriseront leur papa et elles te feront des couettes et tout et tout. »

« Alors ma blonde, on parie ou pas ? Où est ton appât du gain ? En plus c'est très simple, j'ai deux chances de me planter complètement tu sais. »

« Et pour Paris... comment te dire ça ? »

« Je laisserai pas mes petites sans nous pendant au moins deux semaines ! En deux semaines des tas de trucs peuvent se passer, les premiers mots, les premiers pas... Donnelly nous ne pouvons pas abandonner nos propres enfants ! Je m'y refuse même si l'idée de faire plein de choses de couple à Paris est un argument très puissant. »

Je l'écoutais essayer de me convaincre de parier sur le sexe des bébés. J'étais parti sur un mélange pour qu'on ait tous les deux notre petite satisfaction mais elle paraissait assez certaine que ce soit deux filles. Je plissai les yeux pour la scruter avec méfiance alors qu'elle baratinait encore. Elle éclata de rire à l'idée que les petites finissent par me traumatiser, et pivota sur le côté pour être face à moi. Je gardais un bras ballant posé sur une de ses hanches, mes doigts caressant maintenant délicatement le bas de son dos distraitement. Mon autre main effleura mes cheveux courts, alors que j'imaginais déjà la scène.

« J'vais devoir laisser pousser mes cheveux alors, sinon elles arriveront pas à grand chose. Voilà, déjà un sacrifice parental, on va plus avoir de vie ! »

ironisai-je comme si j'étais dépité alors que ce n'était pas du tout le cas.

Que ce soit des garçons ou des filles, j'avais hâte de pouvoir m'amuser avec eux, même si ça supposait jouer à la dinette ou aller chez un faux coiffeur. Mes frangins allaient royalement se foutre de moi, jusqu'à ce qu'eux aussi se laissent prendre dans le jeu. Si elles ressemblaient à Allie, elles mèneront les hommes à la baguette et Maman savait très bien combien les femmes avaient d'influence sur nous.
Elle déclinait le voyage à Paris, prétextant qu'on ne pouvait pas laisser nos enfants seuls. Je secouai la tête, la rassurant sur le fait que ce n'était pas du tout mon intention.

« Nan, nan, bien sûr. De toute évidence, c'est pas pour tout de suite. Mais lorsqu'ils seront un peu plus grands, quand on voudra s'accorder une petite pause, on pourra laisser les enfants à ta mère par exemple, et on s'en ira une petite semaine. Pas tout de suite. Et puis c'était juste une idée, j'ai pas pris les billets. »

Je soupirais en baissant les yeux, un peu déçu évidemment de ne pas pouvoir profiter de ma femme un peu plus longtemps. Ces bébés étaient arrivés un peu prématurément dans le planning. Je n'en étais pas mécontent pour autant, mais j'aurais aimé que les choses ne se précipitent pas tant. Qu'on soit mariés, installés, et qu'on ait pu faire toutes ces choses de jeunes mariés, entre autre la lune de miel. Maintenant j'allais devoir la partager. Je relevai les yeux et n'ayant pas répondu plus tôt, relançai l'affaire du pari.

« D'accord, on parie. »

cédais-je en pliant le coude pour me redresser en prenant appui. « Si je gagne, je veux la moto que tu m'as interdis d'acheter... » repris-je songeur. Elle n'allait pas aimer du tout, mais c'était l'occasion ou jamais.

« Et si tu gagnes...Je t'offrirai un nouveau robot de cuisine ? »

la taquinai-je à nouveau. Marché pas équitable du tout.

« Nan, tu veux quoi si tu gagnes ? Tout ce que tu veux. Laisse libre court à ton imagination. »

« Toi avec les cheveux longs ? Et d'un, tes frères se moqueraient de toi monstrueusement et de deux je les accompagnerai dans les moqueries parce que... non, on va éviter les cheveux longs, ce sera plus simple. »

« Ca va être super dur les premiers temps... »

« On se serrera les coudes pas vrai ? Et on dira les choses même si ca craint et puis ca marche pour la moto. »

« Et tu rêves vieux macho, robot de cuisine mon oeil. Je vais te dire un truc mon vieux, si j'ai raison, tout tes trucs de célibataire vont dégager. Tu vois de quoi je parle ? Oui, ton vieux babyfoot hideux de la victoire ou je sais pas quoi. Si j'ai raison, ça c'est out ! »

« Alors ? Deal ? Et t'as raison pour Paris...d'ici deux ans, on y va. On en filera une à ma mère et une a Aahron. »

Allie releva la difficulté qu'allait présenter les bébés après la naissance. On aurait plus de nuits, notre vie sexuelle se réduira probablement à presque rien, et avec le boulot à côté, les nerfs s'échaufferont sûrement un peu de temps en temps. Mais on allait tenir bons, une fois les premiers mois passés, tout serait parfait. Et petit à petit, on pourrait revenir à nos petites habitudes de jeune couple. Peut-être...c'est ce que j'espérais en tout cas.

« Promis, on fera comme ça. »

soufflai-je alors qu'elle se rapprochait de moi.

Elle se colla le plus possible contre moi, et retourna sur le sujet du pari dont l'enjeu pour elle était de me faire virer tous mes vieilleries à valeur sentimentale. J'éclatai de rire lorsqu'elle mentionna mon vieux babyfoot, sur lequel moi et mes copains de fac nous éclations jusqu'à pas d'heure parfois. Je roulai sur le dos, et posai un bras sur mon front, ayant du mal à reprendre mon sérieux alors qu'elle avait bien trouvé ici la faille. Je me remis face à elle, un sourire persistant encore sur mes lèvres.

« Tu les as pas encore oubliés ces vieux trucs, nan ? Le babyfoot de la victoire est super important en plus. Imagine qu'on ait deux garçons, faudra bien les occuper ! »

Elle déposa quelques baisers sur mon menton, insistant pour conclure le deal. Mon regard glisse sur sa bouche lorsqu'elle s'écartait légèrement entre deux approches. Je me redressai en me penchant au dessus d'elle, l'emportant avec moi par la même occasion afin qu'elle se remette sur le dos, et me positionna légèrement surélevé, mes deux bras tendus de chaque côté de ses épaules. Je l'embrassai pour mettre fin aux délibérations, et conclure.

« D'accord, le babyfoot contre la moto. Deal. »

dis-je d'une voix un peu rauque, à mi-chemin entre le ton normal et le chuchotement.

Je changeai d'étage pour m'occuper de son cou, restant toujours à une infime distance de son corps de peur d'écraser les bébés. Mais les frottements de tissu n'aidait pas à m'enlever de la tête l'idée d'inaugurer la chambre. Il y a deux minutes à peine, j'avais juré de la laisser faire tranquillement sa sieste. Mais elle était tellement sexy...J'avais du mal à résister. Je n'étais qu'un homme, trop faible pour se raisonner. Relâchant un peu mes muscles, mon bassin se posa doucement sur le sien, alors que je relevai le menton pour la regarder.

« Quoi, me regarde pas comme ça, c'est toi qui m'a chauffé. »

repris-je avec un sourire aguicheur en mentant effrontément.

« Vieux pervers ! Tu oses profiter de mon infirmité de femme enceinte pour me faire des choses salaces ! Non mais je rêve Donnelly. En plus c'est pas moi qui t'ai chauffé, ça c'est dans ta tête. »

« Si j'avais un secret à propos des bébés et que j'en ai parlé à personne, tu voudrais savoir ce que c'est ? »

« C'est un gros truc... je me moque pas de toi, j'oserai jamais me moquer de toi mon amour. »

« Et puis même si on avait des garçons, y'a d'autres trucs plus intéressants que le baby foot. Le rugby par exemple ou le basketball. Par contre pas de football américain, jamais dans ma maison, c'est bien trop violent, je voudrais pas avoir nos petits constamment au boulot. Un nez cassé, une jambe, un tibia... non, non, je suis contre ! Et tu m'emmènes où ce soir ? »

Un baiser dans son cou, un autre sur sa clavicule, encore un de plus près de sa poitrine. J'avais du mal à me concentrer sur ce qu'elle me disait, jusqu'à ce que ses mains se posent sur mon visage et m'obligent à relever les yeux. Un secret à propos des bébés ? J'espérais que ce ne soit pas encore une vision, parce que la dernière avait plutôt mal tourné. Je n'affichais aucune inquiétude, trop distrait par les pensées de ce que j'allais lui faire ensuite. Je me replaçai plus haut pour être en face d'elle, ne retenant pas mon regard de dévier avec avidité sur ses lèvres.

« Bien sûr que je veux savoir, je devrais déjà savoir même, c'est aussi mes bébés, t'aurais pas pu les faire toute seule comme ce qu'on fait là, prouve. »

Elle glissa ses bras autour de mon cou, et m'embrassa. Puis ré-enchaîna sur le fait que des garçons ne feront pas de sports dangereux. J'en étais pas encore là, mon imagination n'avait pas vagabondé si loin. J'adorais faire des plans et tout prévoir, mais à ce moment précis, elle ferait mieux de se concentrer sur le moment présent qui était tout aussi intéressant à mon avis. Ses doigts glissèrent sous mon T-shirt pour me l'enlever. Je me redressai légèrement pour le faire passer par dessus ma tête et l'envoyer par terre.
Un sourire se dessina sur mes lèvres lorsqu'elle me demanda où ce fameux rencard allait avoir lieu ce soir. Une de mes paumes caressa sa cuisse alors qu'elle se prenait enfin au jeu. Je l'embrassai furtivement, avant de répondre.

« Ça, c'est une surprise... »

chuchotai-je avant de réitérer mon geste précédent.

Je ne lui laissais plus le temps de répliquer, la couvrant d'un long baiser alors qu'une de mes mains s'affairait à la déshabiller. Son haut retiré, son pantalon sur le point de ne plus gêner, et le mien sur la même voie, je descendis doucement le long de son buste, m'attardant sur ses seins avant de passer au reste. Je m'approchai avec malice vers ce qu'elle attendait, mais faisais durer le plaisir pour qu'elle devienne exigeante. Lorsqu'enfin je cédais en constatant que son souffle déclinait vers le chaos, je m'appliquai pour qu'elle se relaxe, elle était trop tendue ces temps-ci, même si c'était moins qu'avant. C'est comme si ces bébés arrivaient demain et qu'on était très en retard pour les préparatifs. Elle était toute excitée, et j'adorais la voir comme ça.
Décidant que c'était suffisant, je me repositionnais au dessus d'elle, l'embrassai, et mis un terme à ma propre frustration en m'invitant en elle. Je restais doux au départ, prenant soin de ne pas trop faire peser mon poids sur elle. J'avais toujours peur de faire mal aux bébés, même si c'était sûrement absurde. J'attrapai une de ses jambes, pour la maintenir contre ma taille, accélérant la cadence petit à petit. Je sentais mes muscles se contracter les uns après les autres, et je commençai même à fatiguer du côté du bras qui retenait tout mon poids, mais ça plutôt crever que de l'avouer à Allie. Je tins bon jusqu'à me faire plus vif sur la fin, histoire de l'emmener avec moi.
Je ralentis, capturant sa bouche avant de me retirer totalement et de basculer sur le côté. Je glissai un bras sous elle, et me cachai les yeux de l'autre, soupirant.

« Alors qu'est-ce que c'est ce secret ? »

demandai-je curieux à présent, libérant ma vision et pivotant ma tête vers elle.

« Quoi ? »

« Ah mon secret... »

« Tu vas beaucoup plus jouer à la poupée dans les années qui viennent qu'au babyfoot.... ça c'est clair et en plus j'en suis certaine. Me demande pas comment je le sais mais je suis sûre, c'est comme ça ! »

« Tes frères vont tellement se foutre de toi... »

Je fronçais les sourcils au fur et à mesure qu'elle me révélait le grand secret. Mon regard traduisait mon incompréhension. Elle aurait pu éviter de parler en métaphores, car cela me rendait la tâche plus difficile. Je devinais non sans hésitation, qu'elle était en train de me dire que nos bébés seraient des filles, mais comment pouvait-elle en être tellement certaine, surtout après le pari que nous venions de conclure.
Je me redressai légèrement sur un coude.

« Quoi ? Mais attends, de quoi tu parles ? »

Elle posa sa main sur mon visage et rit en s'imaginant déjà mes frères dans ce beau tableau de famille. C'est sûr, avec deux filles, ils allaient carrément se foutre de moi. Mais j'allais du mal à vraiment croire qu'elle puisse être aussi confiante.

« D'accord, mais...Je comprends pas, comment tu sais ? C'est cette histoire de visions, ou quelque chose comme ça ? Parce qu'autant que je respecte ton intuition féminine, c'est impossible que tu puisses savoir ça sans une échographie, ma puce. »

On avait vu des tas de choses étranges ces dernières semaines, mais elles restaient assez marginales. Aidan et ses drôles de réactions, les rumeurs à Grayson, la sabotage de la maison, et plus récemment les événements presque surnaturels qui étaient arrivés à l'épicerie du coin avec Trisha à l'intérieur. Tout le monde avait conclu à un tremblement de terre, mais difficile de croire à ça alors qu'on vivait à quelques dizaines de mètres à peine sans avoir rien senti. Si on prenait les visions, Maman enceintre en avait eu, Aidan avait clairement hérité de son don, en plus exacerbé encore, et maintenant Allie...Je n'avais pas tellement réfléchi au fait qu'une de mes filles, voire les deux allaient finir comme mon jeune frère, mais à cet instant plus que jamais, je réalisais ce que cela impliquait.
J'esquissais un sourire et baissai la tête en attrapant sa main dans les miennes, n'ayant pas envie d'aborder le sujet maintenant sous peine d'amorcer une dispute. On était là pour profiter d'un peu de calme et remettre notre couple sur les rails. Ces histoires pouvait bien attendre notre retour à Grayson.

« Bon alors des filles... »

Je haussai les sourcils, plutôt surpris, mais content.

« Mais... Tu auras gagné ton pari quand je verrais ça noir sur blanc au moment de l'échographie. »

répliquai-je mauvais perdant.

Elle m'avait bien eu. Elle savait le résultat et elle avait osé parier, sachant très bien qu'elle gagnerait. J'allais devoir oublier mon babyfoot. Peut-être que Aahron le prendrait chez lui... Il ne sera pas perdu. Je doutais qu'Allie soit ravie que je passe quelques soirées chez mon aîné. Je me penchai au dessus d'elle, et lui glissai quelques mots avant de l'embrasser.

« C'est pas très gentille de t'être foutu de moi avec ce pari...Je vais réfléchir à ta punition... »

Mes lèvres se posèrent sur les siennes alors que je ne pus retenir un sourire grivois. Je m'écartai ensuite et quittai le lit d'un bond, pour me diriger vers la salle de bain.

« Je vais prendre une douche, repose-toi. Après ça, j'te laisserais te préparer, j'veux que tu sois la plus belle pour ce soir. »

dis-je en lui adressant un clin d'oeil avant de sortir de son champ de vision.

« Je pense que c'est ça oui, les visions. »

« Je sais que je l'ai pas joué réglo avec le babyfoot et les filles mais je devais trouver un moyen de virer ce truc qui traîne dans notre salon depuis des années. Et j'ai réussi et j'ai raison donc prépare toi à l'abandonner sur le trottoir et je veillerai personnellement à ce que tu ne le reprennes pas. »

« Et je te signale que tu n'as pas besoin de me 'laisser me préparer' parce que je suis toujours la plus belle quoiqu'il arrive malgré le fait que je n'ai presque plus aucun vêtement qui m'aille. Je t'assure, mes robes c'est foutu, mes pantalons je peux plus les fermer, mes t-shirt font... comme le tien que j'ai là ! Heureusement que j'ai ce magnifique pantalon en toile qui était trop grand et qui est à peine serré quand je le mets. En gros... je vais devoir aller faire du shopping et je déteste ça. Et puis qui aura un magasin spécialisé dans les vêtements de grossesse dans le coin hein ? »

« Et toi tu vas mettre quoi ? Me fait pas le coup du costard parce que t'en mets jamais, même si on se marie t'en mettras pas un, plutôt une blouse blanche de marié. »

A court de vêtements, la cabine de douche m'accueillit comme tel. Je fis couler l'eau et passa mes mains sur mon visage en fermant les paupières, profitant de la chaleur. À Grayson, on était cinq, difficile d'avoir de l'eau chaude tout le temps avec la vieille chaudière dont personne n'avait dû vérifier l'état depuis des lustres. Aahron devrait peut-être y jeter un œil tant qu'il y était à rafistoler la maison. On aurait carrément pu l'acheter, si déjà il la rénovait, on aurait pu au moins en tirer quelque chose, de l'argent. Bien sûr on était pas venus ici pour ça, mais c'était un petit plus. Depuis quelques semaines, je m'interdisais de trop penser aux questions qu'on avait laissées en suspens. L'enquête n'avançait pas, et ça ne semblait déranger personne...Sauf moi de temps en temps apparemment. Si ça ne tenait qu'à moi justement, on serait rentrés à Cleveland. Je voulais savoir comme mes frères pourquoi mes parents avaient disparus, mais ça ne rimait plus à rien depuis des semaines.

Le son de la voix d'Allie me fit sursauter, comme pris en flagrant délit de pensées que je n'aurais pas dû avoir. Et elle parlait, parlait, parlait, comme si elle ne s'arrêterait jamais. Je souris, tout en l'écoutant, baissant la tête pour la secouer doucement alors que l'eau coulait sur ma tête.
Je m'offusquais lorsqu'elle m'avoua le sort qu'elle réservait au babyfoot.

« Nan, bébé, on peut au moins le donner à quelqu'un, tu vas pas m'obliger à le jeter, il est presque neuf ! »

C'était absolument faux évidemment, cette antiquité avait été acheté en occasion lors de ma première année de fac par moi-même et mon colocataire. Mais elle avait une valeur sentimentale inestimable...
Je continuais à me frictionner avec du savon, l'écoutant parler de shopping et du fait qu'elle ne rentrait plus dans aucun pantalon. Vu le petit bidon que lui faisait les deux petites, ça ne devait pas être évident non, mais elle était superbe quand même. Je n'avais jamais vraiment pigé ce complexe de femme enceinte quant à leur poids ou leur tour de taille, puisque techniquement ce n'était pas le leur, mais celui des bébés. Enfin, j'allais être docteur, pas psychiatre, et encore heureux...
Elle m'interrogea sur ce que j'allais mettre ce soir, et me taquina sur le fait que je ne portais jamais de costard. Je ris, en me rinçant, puis coupai l'eau et sortis de la douche en attrapant une serviette que j'enroulai autour de ma taille.

« Bien sûr que je mettrai un costard quand on se mariera, même s'il resservira pas. »

Je me penchai et l'embrassai sur le front avant de me poster devant le miroir et de me recoiffer.

« Et ce soir, je vais sortir mon blouson en cuir qui va avec ma Harley que j'aurais jamais...De toutes façons, j'ai rien emmené de sensas', alors faudra faire avec. »

Je pris un air fier et contractai mon biceps, l'exhibant fièrement mais avec beaucoup d'ironie devant ma fiancée, puis glissais mes paumes plusieurs fois le long de mon torse en tournant la tête d'un côté puis de l'autre pour étudier mon profil.

« Comment t'as fais pour m'avoir, j'suis trop beau pour être casé à mon âge... »

lançai-je en m'efforçant de paraître le plus sérieux possible. J'arrêtai mon manège et laissais mon sourire en coin s'afficher sur mes lèvres avant de regarder Allie. Je levai les yeux au ciel, pour me foutre de ma propre connerie, puis pris le chemin de la chambre.

« T'as mis mon jeans bleu foncé dans les valises ? »

« Tu prends quoi ? Tu sais que j'ai l'impression d'être une gamine au restaurant ? On dirait que j'y suis pas allé depuis des années ou alors que c'est la première fois que j'y vais. Et tu sais que j'adore les fruits de mer d'habitude, et bien là, je crois que je fais un rejet massif du aux hormones, j'en ai pas du tout envie et rien que l'idée me rend malade. Par contre j'ai une envie de ce carppaccio de boeuf et après un steak très saignant. Et dire que je voulais devenir végétarienne... c'est du n'importe quoi. »

« Tu crois que ca va devenir sérieux entre Sam et Charlie ? Si j'étais elle je prendrai mes jambes à mon cou parce que c'est un grand gamin qui doit tromper toutes ses copines. Te trompe pas, j'adore Sam. Et Trisha et ton frère, ça me fend le coeur de la manière dont il la regarde, il est toujours amoureux d'elle, c'est fou. Peut-être qu'il y a toujours moyen entre eux deux, je l'aime bien Trisha et puis je suis la seule femme dans ce groupe alors bon... je voudrais bien une nouvelle dans les rangs Donnelly. On va en avoir deux nouvelles dans cinq mois mais je parle d'une adulte, quelqu'un avec qui je pourrais parler de toutes mes peurs inhérentes à mon statut de copine d'un des blonds Donnelly... des trucs de nana en sorte. Au fait t'as choisi ? »

J'avais tout prévu. Après s'être faits beaux, nous étions sortis et avions marché quelques rues avant d'arriver devant un restaurant à la vitrine sobre. La table avait été réservée préalablement par mes soins, le serveur nous y avait directement conduit. Assis face à face, nous épluchions les menus sans vraiment savoir sur quoi porter notre choix définitif. J'étais tellement excité par cette soirée, que la faim n'était pas vraiment au rendez-vous. Allie n'avait pas arrêté de discuter, de tout et de rien, changeant de sujet de conversation toutes les deux minutes. Je me demandais comment elle faisait pour ne pas s'y perdre. Mes yeux rivés sur la carte, les sourcils légèrement froncés en signe de réflexion, je l'écoutais distraitement hésiter.

« C'est un peu pareil pour moi, on doit vraiment plus avoir l'habitude de manger normalement...Euh, sans vouloir te vexer, ma puce. »

ajoutai-je en relevant vivement la tête dans un sourire d'excuse.

Tout le monde savait que les talents de cuisinière d'Allie étaient très limités, et comme souvent les taquineries m'échappaient sans le vouloir. Heureusement, mes frères n'étaient pas là ce soir pour en rajouter une couche, pas sûr qu'elle aurait apprécié en cette agréable soirée loin des problèmes. Je soupirai, et finis par reposer la carte alors qu'elle entamait la discussion sur ces derniers et leur vie privée.
J'adorais me foutre d'eux lorsqu'ils n'étaient pas là, et moi et Allie étions certainement les meilleurs à ce jeu là. Je plissai cependant les yeux alors qu'elle parlait de conversations de filles où elles pourraient se plaindre des hommes Donnelly.

« Tu vois, ça c'est pas juste, parce que je suis sûr que tu m'autoriserais pas à faire pareil de mon côté. »

dis-je en pointant un doigt vers elle pour marquer un point.

« Et tu sais que Sam ne reste pas avec un fille plus de quelques jours, Charlie fera pas l'exception. J'ai pas envie qu'elle vienne trop fouiner chez nous de toutes façons, on est pas vraiment là pour se faire des amis... Quant à Aahron et Trisha... »

Nous en avions tellement souvent parlés qu'il n'y avait pratiquement plus rien à dire. Depuis le divorce, les mauvais pronostics étaient fréquents. À croire que leur couple n'avait plus été fonctionnel du jour au lendemain.

« Tu sais, je crois pas que ce soit fini pour elle non plus. Ils ont quand même Petey entre eux. »

Je haussai les épaules, l'air de dire : « on sait jamais ce qui peut arriver ».

« Et puis, s'ils se disputent c'est peut-être pas parce qu'ils se détestent, peut-être que c'est parce qu'ils ne savent pas comment s'exprimer autrement. Je sais pas... Ce serait bien qu'ils s'expliquent une bonne fois pour toutes, tu sais, qu'ils mettent toutes les cartes sur table et qu'ils règlent ça. Parce qu'à chaque fois qu'on tend l'oreille, c'est toujours les mêmes choses qu'ils se jettent à la figure, comme s'ils en gardaient chacun sous le pied, alors que ça sert à rien. Ils feraient mieux de tout cracher. Peut-être que ça arrangerait les choses. Enfin ça peut être pire aussi... C'est compliqué. J'espère qu'on sera jamais comme ça, toi et moi. »

Elle me demanda ce que j'avais choisi, et reprenant la carte sous les yeux, hochai la tête pour acquiescer.

« Euh ouais, j'vais prendre un steak avec des frites. Je sais c'est pitoyable pour notre première sortie resto après tout ce temps. Tu veux un peu de vin avec ? Que je te déconseille évidemment... »

Je reposai la carte sous mon coude, et m'appuyant sur mes deux avant-bras, me penchais au dessus de la table. J'hésitai avant de lancer cette conversation, mais nous devions bien l'aborder un jour ou l'autre. Je préférais tâter le terrain d'abord, si elle n'avait vraiment pas envie de s'aventurer sur ce terrain glissant, je n'insisterai pas.

« Y a rien dont tu voudrais me parler en particulier au fait ? »

Je faisais référence à mon altercation musclée avec Aidan, mais sans vraiment lui donner plus d'indices.

« Tout d'abord ton idée de prendre un steak frites, je trouve ça limite insultant, même ça je peux en faire moi même à la maison. Tu pourrais prendre... je sais pas moi... »

« Un carpaccio de boeuf par exemple ou du tartare ! Enfin tu ferais bien de pas prendre de carpaccio parce que je veux définitivement ça et il va falloir que je goute dans ton assiette ! Alors si on prend la même chose, il n'y aura aucun intérêt du tout ! Tu me suis mon amour ? Et puis après je prendrai un plat ! C'est dingue, j'ai jamais si faim à Grayson mais là, depuis qu'on est arrivé, je pense qu'à ça, et de la viande surtout mais pas de poisson ! Je répète pas de poisson. Et j'ai décidé de prendre des cours de cuisine dès qu'on quittera Grayson avant que les filles arrivent. Je vais pas retourner bosser avec des jumeaux dans le ventre et ils ont dit qu'ils me garderaient ma place donc il faut en profiter ! Comme ça plus personne ne pourra dire que je suis mauvaise et j'empêcherai mes filles de devenir obèses comme les filles de Gabrielle dans Desperate Housewives ! Et non je ne prendrai pas de vin, même si j'en meure d'envie ou même de la bière car je suis une femme responsable. »

« De quoi ? Y'a un problème ? Si tu veux parler du fait que je suis super crevée ces jours-ci, je t'assure que je fais tout mon possible pour rester éveillée mais je suis tellement vannée ! Je savais que ça allait me fatiguer mais pas à ce point et pas si tôt. Et je grossis tellement, ça c'est fou, tu dois absolument surveiller ce que je mange parce que si je prends trop de poids et que je perds rien après la naissance, je t'en voudrai tellement ! Et pour revenir à Trisha et Aahron, je suis certaine que quelque chose va se passer, elle est pas venu comme ça avec le petit pour rien et j'ai cru comprendre que c'était pas la joie avec son nouveau mari... c'est quoi son prénom déjà ? Peu importe, y'a ce truc entre eux, je te le dis et t'as vu comme Petey est heureux quand... enfin quand il s'évade pas et que Aidan ne pète pas un plomb. Je crois que j'ai bien fait de lui donner un somnifère, c'était le mieux à faire, tu m'en veux pas, pas vrai ? »

Je soupirai alors qu'elle me déconseillait clairement de prendre un plat aussi simple. Je repris le menu sous les yeux, et parcourais les autres plats. Le menu n'était pas vraiment important ce soir, en fait, j'avais même plus que hâte d'en être au dessert. Je glissai une main dans la poche de ma veste pour vérifier que l'écrin où reposait le cadeau de ma bien-aimée était bien là, et que je ne l'avais pas oublié à l'hôtel. Un sourire m'échappa mais elle ne dût pas s'en rendre compte, trop absorbée à faire la conversation. J'ouvris la bouche plusieurs fois, pour la refermer, ne désirant pas lui couper la parole, mais c'était de plus en plus dur d'en placer une.

« Les cours de cuisine, ça te fera pas de mal de toutes façons. »

dis-je en riant un peu pour me moquer d'elle gentiment.

« J'vais prendre le tartare alors puisque t'as l'air décidé pour le carpaccio, comme ça tu pourras goûter. »

Fronçant une dernière fois les sourcils en survolant la carte d'un bref regard concentré, je la fermai et la posai sur le coin de la table. Elle avait mentionné le travail, ce qui me conduisait naturellement à m'interroger sur nos collègues et amis. J'avais parlé à certains d'entre eux au téléphone, mais depuis ma suspension, j'avais plutôt joué à l'ermite. J'espérais qu'ils ne m'en voulaient pas trop pour ce comportement grossier. Avec la mort de mes parents, mon renvoi temporaire de l'hôpital, je n'avais pas vraiment la tête à discuter de tout et de rien et à faire semblant de m'amuser aux soirées qu'on organisait fréquemment.

« T'as des nouvelles de l'hôpital ? Et des autres ? »

Ça faisait plus d'un mois, et voilà que je m'en souciais enfin. C'est comme si je réalisais à peine dans quelle bulle je m'étais enfermé moi-même sans avoir conscience que le monde avait continué d'avancer. Pas pour rien qu'Allie et moi nous disputions souvent. Mais aujourd'hui c'était fini, j'avais décidé d'aller de l'avant, et c'était ce que nous célébrions. Un serveur s'avança à notre table, et après avoir donné nos commandes, il revînt nous servir les boissons. Je bus quelques gorgées de ma bière tandis que ma fiancée en était restée au non-alcoolisé, ce qui était mieux dans sa condition de femme enceinte. Bientôt deux petites terreurs assise de chaque côté d'une table comme celle-ci.
Allie ne fit pas le lien avec les coups douloureux porté à mon frère, elle n'avait pas l'air en colère. Je baissais les yeux en tentant de ne pas afficher trop clairement mon soulagement.

« Oui tu as bien fait. Il en avait besoin... Et pour revenir sur Aahron et Trisha rapidement, même si ça nous regarde pas vraiment en fait, t'as probablement raison, peut-être qu'il va se passer quelque chose. Mais elle avait l'air assez secouée après ce qui s'est passé à l'épicerie, elle reviendra pas de si tôt... Grayson n'est vraiment pas une destination de vacances... »

dis-je cyniquement, il était sûr que je ne portais pas ce petit village dans mon cœur.

« J'ai envie qu'on s'en aille d'ici très vite aussi. On a plein de choses à faire, et puis c'est pas sûr du tout qu'on trouve les réponses qu'on est venus cherché. Si ça se trouve c'est exactement ce dont ça a l'air d'être, à savoir un accident. »

repris-je même si je n'y croyais pas vraiment.

« En tout cas...Si on part, tous les deux, et que les autres décident de rester ici encore quelques temps, il faudrait convaincre Aidan de nous suivre. Il va finir par vraiment péter un câble... J'ai contacté quelques médecins, et l'un d'eux m'a proposé de venir passer des tests. Ils vont le faire dormir, le brancher, et observer ce qui se passe sur leurs écrans lorsqu'il rêve. Mais je sais pas si c'est une bonne idée...On est pas vraiment les meilleurs amis du monde en ce moment, et je lui en veux toujours pour ce qu'il a dit, j'arrive pas à m'le sortir de la tête, j'arrive pas. »

répétai-je en devenant plus agité, comme si rien que le seul fait d'y penser m'agaçait.

« Le problème c'est que c'est mon frère, et que même si j'le déteste en ce moment, j'peux pas le laisser devenir fou. Tous ces trucs de liens avec maman, et puis ses rêves bizarres, c'est peut-être un signe qu'il commence sérieusement à dérailler...Enfin nan, c'est pas ce que je veux dire, parce que t'as eu des "visions" toi aussi... »

me rattrapai-je en m'écartant un peu de la table pour ne pas m'attirer ses

« Bref »

J'attrapai sa main dans la mienne en rassemblant tout mon courage.

« On a pas besoin d'en parler maintenant, on est en vacances cette semaine. »

Je glissai un sourire à la fin de ma phrase. Je n'avais pas envie d'avoir ce genre de pensées négatives ce soir, alors autant reporter cette discussion qui s'avérait très sérieuse à plus tard. On était là pour s'amuser.

« Alors Debbie va pas super bien, elle s'est encore faite plaquée par son nouveau mec parce qu'elle le trompait avec un autre, comme d'habitude en gros. Tu sais Nicholas, le mec en Réa du 8e et bien elle l'a trompé avec Jonah, le brancardier de la cardio, enfin c'est pas la joie, du coup elle se retrouve toute seule, elle ferait bien de se trouver deux mecs qui serait d'accord avec l'idée de vivre à trois, comme dans Whatever works le film de Woody Allen, on l'avait loué avant de partir ! »

« Alex et Jo se sont remis ensemble et il l'a demandé en mariage y'a quatre jours, je te l'ai pas dit parce que j'y pensais plus sur le coup enfin si j'arrête pas d'y penser parce qu'elle m'a demandé d'être sa demoiselle d'honneur ! J'aurai encore une robe affreuse mais je serai géniale sur les photos. »

« Oh mon dieu ! Je suis enceinte de jumelles ! Je vais être hideuse ! Elle veut se marier avant la fin de l'année, je ne peux pas accepter mais j'ai déjà accepté, je dois faire quoi moi hein ? Il faut que je l'appelle, c'est pas possible ! Et tu vas être le témoin d'Alex, je suis pas censée te le dire mais joue le mec surprit quand il t'appellera. Et Sven s'est trouvé un nouveau mec, il dit qu'il est absolument génial avec tous les détails et tout que je te passerai, il est super hot blablabla. Enfin tu le connais. Tu veux savoir quoi sur qui d'autre ? J'ai Norah tous les jours au téléphone ou presque, elle s'ennuie au standard donc voilà, elle t'embrasse et félicite ta vigueur masculine qui a réussi à me faire tomber enceinte de jumelles... et elle voulait devenir scientologue hier matin aussi. »

« Et concernant Aidan... je sais qu'il est pas facile à vivre et on sature tous alors peut-être que le fameux médecin aiderait... on devrait en parler aux garçons non ? Voir ce qu'eux deux pensent et ce que nous, on en pense aussi. Au moins on aura tous les avis ! »

Allie avait l'air très au courant de ce qui se passait à Cleveland, entre autre dans les petites vies de nos amis que nous avions plantés sur place. J'avais été suspendu seulement quelques jours avant que nous décidions de partir pour Grayson, ce qui ne m'avait pas permis de réellement en discuter avec mes amis, mais c'était peut-être mieux ainsi. Lorsqu'on serait de retour, tout rentrerait à nouveau dans l'ordre et tout le monde oubliera ces fâcheuses histoires.
Je ris à l'écoute des aventures de Debbie, elle ne perdait pas son temps elle, ou plutôt si, beaucoup trop. Cela dépendait de la façon dont on voyait les choses. On avait couché ensemble il y a très longtemps, à l'aube de nos internats respectifs à l'hôpital, et on avait gardé contact. Plus tard, lorsqu'Allie et moi nous étions mis officiellement ensemble, il se trouvait qu'elle était aussi l'une des amies proches de ma fiancée. Le monde est petit dit-on...Je ne savais d'ailleurs toujours pas si Allie était au courant ou non de cette relation éphémère passée, mais ce n'est pas de moi qu'elle l'entendra. Certaines choses se devaient de rester scellées, et puis ce n'était pas comme si ça comptait vraiment.
Je bus quelques gorgées de ma boisson, avant de répondre sur le même ton amusé.

« Je te paris tout ce que tu veux qu'elle se casera jamais. Elle aime bien trop sa liberté. Elle a raison d'en profiter, y a rien de mal à mener cette vie là. Même si ça convient pas à tout le monde. N'empêche Jonah...Si c'est bien celui que j'crois, elle aurait pu faire mieux, c'est un vrai con. »

Je haussai les sourcils de surprise lorsqu'elle continua ma mise à jour. Alors Alex et Jo s'étaient finalement expliqués, et avaient décidés de continuer leur chemin ensemble. Ça me faisait vraiment plaisir pour eux, parce qu'après moi et Allie, c'était certainement le deuxième couple le plus fantastique de la planète ! Ils méritaient d'être heureux. Néanmoins, l'idée du mariage m'embêta un petit peu, car nous étions sensés être déjà mariés, et voilà qu'ils allaient finir par y arriver avant nous.
Je voulus répondre, mais Allie m'attrapa frénétiquement la main, emprise d'une crainte certainement infondée.

« Mais non, chérie, t'en fais pas, t'auras une robe sur mesure, et tu seras resplendissante comme d'habitude. Tu donneras la facture à Jo, elle sera ravie de payer. Tu lui as dis au moins que t'étais enceinte de jumelles, parce qu'ils pourraient repousser le mariage sinon ? Et du coup si eux se marient avant la fin de l'année, on se marie quand nous au fait ? »

Je hochai la tête lorsqu'elle me fit promettre d'être surpris à l'annonce de mon futur poste de témoin.

« J'ai pas vraiment besoin de faire semblant de toutes façons, j'te rappelle qu'il était sensé être témoin à notre mariage. C'est normal qu'il m'appelle... »

Alex était mon meilleur ami, on se connaissait depuis les bancs de l'école de médecine. On avait partagé une chambre pendant quelques mois, et puis finalement on s'était retrouvés à bosser dans le même hôpital. C'est lui qui me manquait le plus dans cette bande de grands malades, et je me sentais coupable de ne pas avoir retourné ses appels répétés de la semaine dernière. En voyant que je ne répondais pas, il avait dû appeler Allie... Peut-être que des excuses étaient les bienvenus. J'avais fait la paix avec Allie depuis quelques temps maintenant, mais je n'avais pas encore été prêts à parler de mes problèmes à d'autres personnes que ma famille, estimant que ça ne regardait que nous. Si après tout ça, le mec voulait encore que je sois son témoin, ça valait le coup de se rendre ridicule en passant un coup de fil mielleux.
Mon sourire refit surface à la mention de Norah.

« Scientologue ? Ok elle est timbrée ! »

dis-je en riant toujours.

« Tu vois, y a même pas que pour nous qu'on doit rentrer, ils vont s'perdre si on est pas là pour les raisonner ! »

Alors que la discussion revenait sur Aidan, j'acquiesçai d'un simple signe de tête, préférant à présent orienter la discussion sur tout ce qui n'était pas Grayson. Nous avions tellement laissé derrière nous en partant...J'avais plus qu'hâte de rentrer.

« On verra tout ça lorsqu'on sera à Grayson de nouveau. Il faudra de toutes façons en discuter avec Aahron, de ça et de ce qu'on fout ici. Et maintenant, même si c'est pas du champagne dans ton verre, laisse-moi porter un toast. »

Je levai mon verre, bien qu'entamé, mais il fallait trouver le temps de le placer...

« A nous et à nos filles. »

dis-je d'une voix plus douce avec un clin d'oeil pour Allie alors que nos deux verres s'entrechoquaient.

« A nous et à nos filles. »

« Et tu crois que j'ai caché à mes meilleures amies le fait que je sois enceinte de deux filles ? Sérieusement mon amour ! J'ai cru que tu me connaissais mieux que ça, je pense que tout le personnel de l'hopital et les patients sont au courant que les Newton/Donnelly attendent deux beautés métisses d'ici quelques mois. Quant au mariage, je paierai pour ma robe de baleine moi même et on trouvera une excuse pour que je ne sois pas sur les photos. Tu sais du genre, je serai une fois aux toilettes, l'autre fois à m'envoyer contre un mur avec toi. Parce que les mariages c'est aussi fait pour ça... il faut qu'on s'envoie en l'air pendant leur mariage et je lui enverrai un texto le lendemain pour le lui dire, ce sera géant ! »

« Et puis je te signale qu'il est pas obligé de te choisir comme témoin à son propre mariage, c'est pas donnant/donnant ce genre de truc tu vois ? Mais sur ce coup-ci ça l'est j'avoue... Jo pense à un mariage vert et blanc du genre champêtre vu que ce sera cet automne ou début de l'hiver. Ils font tout super vite, à croire qu'ils ont peur de se séparer encore... »

« Et nous on peut se marier l'année prochaine ou l'année d'après. C'est pas comme si on était pressé, on aura déjà deux filles alors c'est pas comme si on faisait les choses dans le bon ordre, c'est même plus vraiment quelque chose de si pressant, on peut le faire dans quelques années au pire. Ca change rien babe. »

Je ne m'étonnerai même pas si ses amies étaient au courant de sa grossesse avant moi. Elle avait bien mis un certain temps à me le dire, il y a quelques semaines. Ça ne faisait rien, je n'étais pas jaloux. C'était des trucs incompréhensibles de filles, dont il ne fallait pas chercher le pourquoi sous peine d'attraper une violente migraine. On était pas fait comme ça en tant qu'homme, et des fois, je m'en sentais soulagé.
Je ne m'étonnerai pas non plus si tout l'hôpital fêtait notre retour en même temps que les félicitations pour les jumelles. Les filles avaient sûrement déjà presque tout préparé, pour que si on décide de rentrer du jour au lendemain, on aurait droit à une sacrée surprise sur le champ. Elles adoraient ça.

« Ou alors, tu peux te mettre derrière moi, et on verra juste ta tête. Jo' voudra avoir des photos, et avec toi dessus, tu le sais très bien. Elle va te faire la gueule au moins une heure sinon, et tu te souviens comme elle est extrêmement chiante quand elle a une dent contre quelqu'un...Alex et moi, on s'en prend plein la tronche tout le temps. »

J'avançai mon verre vers mes lèvres avant de m'arrêter et d'ajouter en haussant une épaule.

« Même si c'est drôle parfois... »

J'avalai quelques gouttes de mon verre avant de le reposer et d'admirer la magnifique femme que j'avais face à moi. J'avais hâte de passer au moment où elle verrait mon cadeau. J'espérais aussi que ça lui fasse plaisir. C'était pour me faire pardonner d'avoir été un imbécile ces dernières semaines, et puis parce que j'en avais envie.

« Bien sûr que c'est donnant/donnant, c'est d'moi et d'Alex qu'on parle là. »

plaçai-je avant qu'elle me donne finalement raison. Je me retins de grimacer à la mention du vert et blanc. Ce n'était pas mon mélange de couleur préféré, pas en tout cas celui que j'aurais choisi pour mon propre mariage. Enfin, j'y connaissais rien après, ça pouvait être grandiose. Je priais pour qu'on soit revenus à tant, je n'aurais manqué ça pour rien au monde.

« Ben un peu qu'ils ont peur de se séparer encore, ça pourrait arriver d'une minute à l'autre. C'est... explosif entre eux. Suffit d'une étincelle pour que l'un ou l'autre pète un câble. J'imagine même pas quand ils seront enfin mariés, les menaces de divorce vont pleuvoir toutes les semaines. Enfin...Malgré tout ça, ils vont très bien ensemble. »

Je ne voulais pas relancer la discussion de notre mariage, mais la remarque avait été plus forte que moi. Je ne savais pas comment lui expliquer que d'une certaine façon, ça m'embêtait vraiment qu'on ne soit pas encore mariés. Pas pour tous les principes, la tradition, le fait que c'est que maman aurait préféré. Peut-être juste parce que j'avais hâte qu'elle soit officiellement ma femme. J'avais envie de la voir s'avancer vers moi dans sa belle robe blanche, de partir en voyage de noces tous les deux, de faire plein de choses folles que font les jeunes mariés. Hélas, tout cela semblait compromis maintenant, même si je ne blâmerais jamais mes filles pour ça, je les aimais déjà bien trop.

« C'est vrai, rien ne se passe comme prévu, alors autant faire pire. »

J'esquissai un faible sourire, tentant encore de me convaincre moi-même.

Les plats arrivèrent sur cette courte pause où le flot de paroles de ma chère et tendre avait ralenti. Ça avait l'air plutôt bon. J'attrapai mes couverts en même temps qu'Allie et entama.

« Hm, t'as bien fait d'm'obliger à prendre ça. »

dis-je en dégustant.

« Avoue que c'est un délice ! »

« Je serai pas capable de supporter qu'on s'engueule tout le temps tu vois ? Du genre qu'on se menace toute la sainte journée de se quitter et de ne jamais revenir. C'est pas moi du tout ! Je sais pas comment ils font, je les admire en quelque sorte. »

« T'as perdu un truc ? Tu me fais le coup de « oh j'ai oublié ma carte de crédit alors tu dois payer » ? Je te rappelle qu'on a un compte commun chéri, alors c'est vraiment voué à l'échec cette excuse ! »

« Oh mon dieu... qu'est-ce que c'est que ce truc ? »

« Tu te souviens qu'on est déjà fiancé ? Je sais que je t'ai dit que je ne voulais plus me marier quand on est arrivé et que j'étais en colère contre toi mais je regrette ! C'était une bêtise ! Bien sûr que je veux devenir une Newton-Donnelly ! »

« C'est quoi ? Une bague ? Un truc irlandais qui signifie que tu m'aimeras même quand j'aurai un ventre flasque et un retour de couche d'un mois suivit d'une dépression post natale ? »

« Si comme je le pense, le choix est juste parfait, alors il est fort probable que tu passes ta nuit tout éveillé à tenter de me rassasier... et pas avec de la nourriture... »

Qui a dit que c'était pour toi ?

Ouvre la

Alors il te plaît ? Tu veux que j'te le mette ?

T'es resplendissante.

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03.1. 'Cause you're stronger and you're better and you're ready for whatever, so wait 'til you see my smile [Allie & Isaac]

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