Le soulagement était fameux. Pas de hurlements, pas d’insultes, pas de coups. Logan avait eu le temps de se jouer mille scénarios tous plus ou moins affreux, ou irréalistes, mais finalement, c’était tout ce qui importait au jeune comptable : Pas de cris, d’insultes ou de coups. Ca lui allait très bien et son estomac se détendait enfin, atténuant la nausée qui le menaçait depuis qu’il avait ouvert les yeux. Son cœur aussi se calmait un peu, la tension s’échappait doucement de son corps. Ca lui procurait une sensation d’endormissement, une impression anesthésie étrange, une sorte de flottement qui l’empêchait de se concentrer convenablement mais qui n’était pas si désagréable que ça en fin de compte. Après tout, c’était pour ce genre de sensations qu’il buvait comme un trou, alors il n’allait pas se plaindre.

Merci qui ? Merci Aahron !

Bref.
Il ne fallait pas espérer pour autant la moindre compassion de la part de Nathaniel. Logan lui était déjà terriblement reconnaissant de ne pas avoir eu le même genre de réaction que Patrick. Ca devait venir du fait que Nathaniel avait un cerveau, mais pas son père.
Pourtant même si son cousin s’était montré relativement cool, il n’avait pas l’intention de lui facilité la tâche. Cette putain d’histoire d’interrogatoire se passait maintenant, Logan savait qu’il fallait improviser, rebondir, être efficace, seulement même sobre et en forme, il avait du mal à être aussi vif que son cousin, alors avec une côte cassé et une gueule de bois d’enfer, c’était peine perdue.
Ca n’était pas de la mauvaise volonté, vraiment pas, c’était juste que dans le cas présent, il avait la tête encore plus vide que celle de sa mère, et ce n’était pas peu dire. C’était un fait reconnu, et l’une des seules choses qui mettait Patrick et Logan d’accord : Tracy était vraiment idiote.

Mais là n’était pas la question.
D’ailleurs quel était la question encore ? C’était déjà flou, et impossible de se concentrer, Logan était resté bloqué à l’histoire de l’éléphant qu’il avait mit du temps à comprendre.
Tant d’indécision lui donnait envie de se remettre à chialer, et avoir envie de chialer, il détestait ça. La fatigue, la douleur et toute cette situation mettait ses petits nerfs à rude épreuve. Il était découragé d’avance et chaque fois qu’on lui parlait de l’interrogatoire, tout ce qu’il arrivait à imaginer, c’était le spectacle horrible de lui enfermé seul dans une pièce avec Declan, Grifith et Sallander.
L’horreur…
Cette simple image ajouté au reste le laissait pantois et flageolant. Il avait l’impression d’aller à l’abattoir.

« …je… j’ai cas dire… que j’sais pas qui m’a frappé… je… j’sais pas, j’en sais rien Nath, j’dirais tout c’que tu veux … » bafouilla Logan en remettant lentement sa capuche, plus pour occuper ses mains que par réel besoin.

Il déglutit péniblement et passa ses deux mains sur son visage.

« Pourquoi j’dois y aller ? J’ai rien fais moi ! M’oblige pas à y aller Nath, s’te plait. C’est pas moi cette fois, j’te jure ! Je …. J’ai rien à leur dire, j’veux pas y aller. Grifith va essayer d’me coincer, s’il il est là j’suis foutu, ils vont dire que c’est moi mais c’est pas moi » débita le jeune homme avec panique.

Faire porter le chapeau à son père… ?
Les rouages tournaient lentement dans le cerveau du jeune garagiste.
Ouais… en fait c’était plutôt intelligent comme histoire, et ça tenait relativement bien la route. Du moins pour quelqu’un qui n’était pas un Redd. Dans la famille, tout le monde savait que Patrick évitait toujours de laisser des marques dans le visage. Seulement ça, les trois petits cochons mangeurs de Logan ne le savaient pas.
C’était pas mal comme plan, sauf que ça ne réduisait pas son angoisse. Il avait peur qu’on le perce à jour, qu’on lui pose trop de question sur sa bagarre avec Aidan, ou pire ! Que Clyde ait lâché le morceau et qu’ils soient déjà tous au courant avant même qu’il n’entre dans le bureau du shérif !
Est-ce que Clyde était assez crétin pour en avoir parlé ? Après tout, il avait parlé de porter plainte.
Si jamais Logan arrivait avec son histoire d’escaliers alors que Sallander et les autres avaient déjà eu la vraie version, il était cuit.

De toute manière, maintenant qu’il y pensait et se posait vraiment la question, Logan ignorait pourquoi il était impératif de mentir. Est-ce que leur dire la vérité sur sa bagarre avec Aahron n’aurait pas été une bonne chose ? Ca aurait mit Aahron en faute, surtout qu’Aidan aussi avait démarré une bagarre quelques jours plus tôt avec Nathaniel ! Ca leur donnait une sale image de chercheurs d’embrouilles et ça les faisait passer pour des victimes, alors pourquoi son cousin voulait-il qu’il mente ?

« Pourquoi… pourquoi je dois mentir pour Aahron ? Ca le foutrait dans la merde s’ils savaient… nan ? C’est pas… que j’peux pas le faire. J’peux le faire » assura-t-il avant que son cousin de s’énerve en songeant qu’il remettait en doute son histoire « Mais… c’est juste que… j’comprends pas pourquoi j’dois leur dire que c’est mon père. Ca change quoi ? Je… j’préfère encore leur dire que c’est Aahron qui m’a pété une côte plutôt que d’raconter c’que je faisais avec Colleen. J’peux pas raconter ça si Grifith est là ! Il va vouloir ma mort et s’il veut m’frapper j’pourrai pas me défendre »

Et puis qu’est-ce que Nathaniel voulait dire par « elle en pince toujours pour toi » ? Est-ce qu’il avait déjà couché avec Dakota Sallander ?...
Logan médita sur la question durant quelques instants. Difficile d’oublier une partie de jambe en l’air avec une fille pareille, surtout lorsqu’on voyait la taille de ses seins ! Seulement il était souvent complètement saoul, et il lui arrivait d’avoir de sacré trous de mémoires… alors… oui, peut-être…
Si c’était le cas alors c’était vraiment honteux d’oublier ça…

« J’ai… j’me suis fais Dakota ? » ajouta-t-il en abandonnant son air contrarié qu’il arborait jusque là pour adopter une mine dubitative.

C’était tout de même nécessaire de coucher avec quelqu’un pour jouer avec ses sentiments… non ?

Nathaniel marquait un point avec son explication. Effectivement, résumé de cette manière, il appréhendait un peu mieux pourquoi ne pas parler des Donnelly demeurait plus prudent pour tout le monde – et par ‘tout le monde’, il entendait ‘les Redd’, bien entendu.
Une main toujours plaquée sur son oreille un peu chaude, Logan décida donc de laisser cette partie de l’histoire de côté. De toute manière, qu’il se pose des questions ou pas, il allait faire ce que son cousin lui disait de faire, alors au fond, tergiverser le ne menait à rien et ne lui servait pas à grand-chose.

De toute manière, merde ! Il n’avait rien à se reprocher, ça n’était pas lui cette fois. Bon, la fois dernière, ça n’était pas lui non plus, il avait tendance à l’oublier parfois. Cette histoire et surtout, ses retombées, lui avait causé tellement de problème depuis un mois, qu’il en venait presque à croire lui-même qu’il s’était introduit chez les Donnelly pour peinturlurer leur mur et saccager leur mobilier. S’il se concentrait assez, il pouvait presque se souvenir de l’avoir fait, ou plutôt, s’imaginer entrain de le faire.
Il détestait tellement les Donnelly depuis la bagarre avec Aahron qu’aujourd’hui, c’était presque un fantasme de pénétrer chez eux par effraction pour leur foutre la trouille. Mais il ne le ferait pas bien sûr, sauf si Nathaniel lui disait de le faire, ce qui était fort peu probable.

Il ne répliqua donc pas aux insultes, ni à cette sordide réplique sur un éventuel temps de prison. Sordide car, s’il allait en prison, il allait en mourir. Après tout, ça faisait partie de leur contrat, ils n’avaient pas le droit de s’éloigner de Grayson pour de trop longues périodes.
De toute manière, la prison n’était pas pour toute de suite car, comme dit précédemment, si Grifith se mettait en tête de le cogner, il n’allait pas pouvoir se défendre. Pas parce qu’il était adjoint, ou qu’in inspecteur était présent, mais bel et bien parce qu’il ne POUVAIT pas se défendre. Avec une côte cassée, le simple fait de respirer lui martyrisait la poitrine, alors frapper sur Grifith était un doux rêve totalement inaccessible.

Pour éviter de s’attirer les foudres de Nathaniel en répliquant quelque chose de creux et d’idiot, Logan préféra donc changer de sujet, du moins, il changea d’optique.

« De toute manière, j’vois pas pourquoi ils nous ont en ligne de mire… après tout… c’est Joshua qu’était dans le cabanon, pas un Donnelly… alors… qu’est-ce que ça a avoir avec nous ? Pourquoi ils convoquent toute la famille… on a … j’crois qu’on n’a pas de problème avec les Ferguson… si ? On… on sait pas qui à fait ça, ni pourquoi… tu… tu sais toi ? » demanda-t-il presque timidement.

Après tout, il n’y avait pas encore accordé la moindre minuscule pensée, mais effectivement, l’incendie avait été criminel, ce qui voulait forcément dire qu’il y avait quelqu’un à incriminer… et il se demandait qui, pour la première fois depuis le soir du 4 juillet. Qui aurait eu intérêt à voir Joshua Ferguson brûler vif ? Quel était le message à faire passer ?
Heureusement que cet incident n’avait pas eu lieu un mois plus tôt, sinon ça aurait été lui à l’intérieur de la cabine, et il était certain qu’il aurait fini rôti à côté du projecteur. Joshua était en vie grâce à son père et d’autres types qui l’avaient sorti de là en risquant plutôt gros.
Par contre, personne ne se serait jeté dans le feu pour venir lui sauver les miches… c’était certains.

Nathaniel avait raison, Logan transpirait, pourtant ça n’avait rien à voir avec la chaleur ou même son pull. C’était clairement des sueurs froides qu’il ressentait. C’est bien simple, il n’était pas sur le point de tourner de l’œil, il était sur le point de vomir.
L’angoisse étreignait son estomac trop fragile avec tellement de force qu’il en avait des nausées. S’il ne s’était pas encore vidé l’estomac, c’est parce que celui-ci était désespérément vide depuis l’avant-veille. Mis à part de l’alcool déjà évacué depuis longtemps, il n’avait rien avalé depuis la bagarre.
Sans oublier que chaque haut le cœur, aussi discret soit-il, était une vraie torture pour sa côte malmenée. Sa respiration en était coupée à chaque fois et la douleur ne l’aidait pas à se détendre.

En même temps, d’affreuses images surgissaient en vagues monstrueuses devant ses yeux pourtant ouverts. Des images qui lui donnaient envie de s’arracher les globes avec les ongles. Il imaginait Grifith embrasser Kathleen, passer ses mains dans ses cheveux, lui enlever sa petite robe fleurie, respirer son parfum et l’allonger sur la tapis pour lui faire l’amour avec fouge. Un peu comme lui-même avait fait avec Colleen le soir de l’incendie.

Evidemment, Logan n’était pas assez con pour croire tout ce que venait de lui raconter Nathaniel. Kathleen savait à peine qu’il existait, alors elle ne risquait pas de pleurer en constatant qu’il se tapait officiellement la fille de la postière. Ca ne voulait pas dire qu’elle allait en penser du bien. Peut-être qu’elle allait trouver ça mal, peut-être qu’elle le trouverait vénal, mais Logan n’était pas assez naïf pour penser qu’elle pourrait en pleurer, ou même être jalouse. L’amour était en effet pur et profond, mais il était à sens unique. Ca avait toujours été le cas, et ça le serait toujours.
Logan savait bien qu’elle finirait par se trouver un petit ami, par se fiancer, puis par se marier, et tout le tralala, seulement, envisager une telle chose avec Grifith lui foutait la nausée.
Pas lui, personne de Grayson d’ailleurs. Pourquoi pas un petit gars d’Edgerton, agent en assurance ou quelque chose de chiant dans le genre. Quelqu’un de correcte, peut-être catho. Mais le plus fiable possible.
Pas un pseudo Cow boy de Grayson qui trompe sa copine et brise le cœur d’une fille tous les trois ans à peu près. Il était passé sur Charlie Doyle, puis sur Colleen, maintenant il avait le champ libre pour s’en taper une troisième. Si cette troisième était Kathleen, il serait obligé de le tuer. Au couteau. Pour le voir crever de plus près.

Logan avait beau se dire qu’il s’en faisait pour rien du tout, une stupide moquerie de son cousin, rien de plus, les images torrides qui peuplaient son cerveau semblaient se taper l’incruste pour de bon.
En fait, si jamais il pénétrait dans ce bureau pour l’interrogatoire, ça n’était pas Grifith qui allait le tuer, c’était le contraire s’il continuait de l’imaginer entre lui cuisses de Kathleen.

Bientôt, les nausées, l’angoisse et la détresse laissèrent place à quelque de chose de plus simple qui découlait directement de tout ça : la haine.
Les images de coucheries finirent bel et bien par s’estomper, mais pour laisser place à des images sanglantes où il matraquait Grifith à coup de chaise. La prochaine fois que le propriétaire des lieux avait un petit creux, Logan mettrait Grif’ sur la liste des courses…

« T’as raison » gronda Logan en passant une main tourmentée dans ses cheveux sous sa capuche « T’as raison j’vais rentrer là-dedans et crever cet enfoiré de fils de pute. J’vais lui enfoncer sa putain de matraque à la con dans la gorge. Au moins ils auront une bonne raison pour me casser les couilles et me foutre en taule » persifla-t-il avec une hargne tenace.

Il n’allait bien entendu rien faire du tout un fois à l’intérieur, mais au moins il avait l’impression d’avoir une bonne motivation pour se décider à enfin rentrer dans le bureau du shérif…

Et merde, Nathaniel l’avait cafté au près de Clyde. Logan n’avait pas vraiment songé à cette éventualité. Apparemment, le garagiste n’appréciait pas beaucoup les quelques conseils que lui avait donnés Clyde la veille lorsqu’il s’était présenté chez lui pour se faire rafistoler. Pourtant au fond c’était logique que Nathaniel ne soit pas fan des idées que Clyde lui avait mit dans la tête, Logan avait encore raté une occasion de se taire au lieu d’essayer de se décharger au près de Nathaniel. Il avait balancé ça comme ça, il n’avait même pas pensé à mentir pour couvrir son aîné. Cela dit, le jeune homme ne se laissa pas dévorer par la culpabilité. D’autres sentiments se chargeaient déjà de le dévorer de toute manière.
Tandis que Nath l’agrippait par le bras pour l’obliger à suivre le mouvement, Logan adressa tout de même un petit regard désolé à son autre cousin qui restait prostré sur les marches. Il aurait aimé avoir le temps de baragouiner quelques excuses, mais il n’était pas en position de la ramener lui non plus de toute manière.
Clyde disparu donc bien vite à son regard, au grand regret de Logan qui aurait aimé avoir le temps de squatter devant la porte lui aussi, histoire de rassembler les quelques lambeaux de faux courages qu’il pourrait trouver à l’intérieur de son esprit en travaux.

Il n’eut même pas le temps d’assimiler qu’il était enfin à l’intérieur du bureau du shérif que la voix de Kathleen s’élevait déjà avec horreur quelque part devant lui.
Le temps que son regard flou fasse le point sur son joli visage, celui-ci exprimait déjà l’étonnement et l’inquiétude. Logan tenta de disparaitre au maximum sous sa capuche d’un gris terne, son estomac noué non plus par la nausée mais pas une honte cuisante, comme chaque fois qu’il croisait la réceptionniste de toute manière. Seulement c’était tout de même pire cette fois-ci. C’était un peu la honte ultime qu’il ressentait maintenant. On ne pouvait pas avoir encore plus honte de soi-même et rester sain d’esprit.

Je suis d’accord.

Heureusement, il ne ressentait pas que de la honte. Il ressentait aussi cette pointe habituelle au milieu de la poitrine. C’était presque douloureux pourtant ça n’était pas un sentiment négatif, loin de là. C’était la flèche qu’il s’était prit dans le cœur il y a 15 ans qui le tiraillait à chaque fois qu’il était en présence de Kathleen.

La seule chose que Logan retint de la suite de l’échange entre Nathaniel et la jeune femme, c’était qu’il allait devoir poireauter comme un naze sur le banc pendant de longues et invivables minutes.
Être enfermer dans une pièce avec Nathaniel et Kathleen, le tout dans un silence pesant des tonnes, ça avait des petits airs de tortures mentales. Il se sentait fébrile et luttait avec rage pour s’empêcher de céder à ses pulsions de lâcheté qui lui hurlaient de s’enfuir.
Pourtant son cousin avait l’air de trouver la situation carrément désopilante et s’en donnait à cœur joie pour le ridiculiser encore plus.

Logan avait discrètement hoché la tête dans un non silencieux en entendant Nathaniel demander de la nourriture pour lui. Puis quant Kathleen s’était retourné pour lui dégoter de quoi manger, Logan avait adressé un regard insistant et noir à son cousin, suivit d’un soupir douloureux.
Evidemment, Kathleen s’était empressée de lui céder une partie de son propre déjeuner. Elle était décidemment trop gentille pour travailler dans un endroit pareil. L’idée de manger quelque chose qu’elle avait préparé elle-même lui donnait l’eau à la bouche, pourtant le reste de ses turpitudes nouaient son estomac et sa gorge. Il l’avait remercié d’un simple petit regard en biais et d’un hochement de tête et s’était contenté de déposé le morceau de pain à côté de lui sur le banc.
Il était un peu obligé de le manger maintenant, mais peut-être pas tout de suite. A vrai dire, il aurait préféré que Kathleen aille effectivement à l’épicerie et déserte son post pour les quelques minutes qu’ils devraient passer dans le hall à attendre que David sorte de là. Il préférait sa compagnie à celle de Nathaniel, pourtant il n’avait aucune envie qu’elle le voit comme ça, ou qu’elle se mette à lui poser des questions d’un air compatissant.

D’une main tremblante, il dû s’y reprendre à trois fois avant de réussir à ouvrir la bouteille d’eau que venait de lui donner Kathleen. Ses côtes lui pompaient toute sa force et chaque fois qu’il forçait un peu, de violents élancements lui déchiraient le thorax. La gorgée d’eau fraiche qui suivit lui fit tout de même du bien. Clyde lui avait dit qu’il devait s’hydrater ou une connerie du genre, sauf que depuis il s’était contenté de dormir, alors voilà qui était chose faite.

« P’tètre… p’tètre que je pourrai aller fumer une clope dehors en attendant mon tour… » suggéra alors Logan la fraicheur de l’eau lui donnant enfin l’idée d’une échappatoire plausible.

Il amorça donc un mouvement pour se redressé, son regard sombre braqué sur son cousin en quête d’approbation.

Dès que Nathaniel s’était mit à parler, Logan avait capté au ton de sa voix que quelque chose était entrain de déraper. Une vague affolée l’avait saisit à la gorge, l’empêchant d’avaler ce qu’il avait encore dans la bouche. Il s’était contenté de pâlir encore un peu plus, planté sur place, les bras ballants comme un imbécile. S’il avait été valide, peut-être que ce sentiment paniqué aurait été moins fort. C’était même certain au fond puisque la plus grande peur de Logan sur le coup, ça n’était pas le sujet de la conversation, c’était d’avoir mal. Il ne voulait pas que Nathaniel lui tape dessus maintenant, il dégustait déjà assez comme ça et il ne pensait pas pouvoir supporter qu’on lui frappe sur le coin de la tronche une fois de plus. Si seulement il avait au moins eu ses jambes pour courir… seulement en lui cassant une côte, Aahron ne lui avait même pas laissé ça. Il était coincé, physiquement coincé là, devant Nathaniel qui lui crachait sa haine en pleine face. Peut-être que s’il criait assez fort, quelqu’un à l’intérieur du bureau sortirait pour empêcher Nath de le tuer.

Evidemment, Nathaniel avait prit tout son temps avant d’en venir au fait. Il adorait faire ça. Promettre les pires souffrances et les pires châtiments en long en large et en travers avant même d’aborder le sujet qui l’intéressait vraiment. Histoire d’être certain qu’on n’essaye pas de le baratiner. Le jeune homme avait beau se dire que son cousin débitait toutes ces horreurs dans l’unique but de l’intimider au maximum, une part de lui le croyait malheureusement sur parole. Lorsqu’il imaginait Nathaniel le torturer avec une clé à molette, ça ne lui apparaissait pas si impossible et irréalisable que ça. Et dans ce cas-ci, la réalité devenait plus effrayante que la fiction.

En résumé, il était coincé comme un rat, sans possibilité de fuir ou d’esquiver la question, et ce sentiment d’être prit au piège faisait pomper son cœur avec force. Sans compter que la gravité de la question n’était pas des moindres. Nathaniel remettait carrément en doute un sujet qui semblait pourtant intouchable et immuable aux yeux Logan.
Il ne parlait pas de ces choses-là. Même avec Nathaniel, son père où les autres. Ils en ‘parlaient’ bien entendu, mais pour Logan, c’était toujours à demi mot. D’ailleurs il n’avait certainement jamais mit de vrais mots sur tout ça de toute sa vie et ne comptait certainement pas déballer ce genre de détails à Kathleen. C’était complètement dingue de penser ça. Et une certaine partie de lui était presque vexée que son cousin éprouve ce genre de doute. Il ne s’attarda pourtant pas du tout sur cette partie, il n’avait pas le temps. Savoir qu’il n’avait rien à se reprocher de ce côté-là ne voulait pas dire qu’il était sortir d’affaire ou qu’il n’y avait rien à se reprocher du tout.
Il était toujours dans la merde et il y avait tout de même une explication très sérieuse à donner. Une explication qu’il allait devoir rendre crédible… et c’était là toute l’horreur du piège…
Nathaniel était malin, vif, et en pleine possession de ses moyens. Il exerçait sur lui une sorte d’aura hypnotisante qui le faisait souvent perdre ses moyens. Et aujourd’hui des moyens il n’en n’avait aucun. Pas l’ombre d’un tout petit moyen dans l’horizon dévasté de son cerveau cirrhosé.

Avant de s’engager sur cette pente dangereuse, Logan prit enfin la peine de déglutir avec difficulté pour débarrasser complètement sa bouche. Il lança de brefs regards à son cousin avant de reporter ses yeux sombres sur quelques touffes d’herbes sèches qui gisaient à leurs pieds.

« C’est… c’est pas c’que tu crois Nath’… faut pas qu’tu t’inquiète, c’est pas ça, j’te jure. J’ai rien dit… rien du tout » débuta-t-il en premier lieu, priant pour que les choses soient bien claires avec son cousin à ce sujet.

Il avait même prit la peine de souligner son affirmation d’un regard vers le visage coléreux du garagiste. Ca n’était pas de ça qu’il s’agissait et il espérait que Nathaniel ne s’accroche pas à cette idée.

« C’est… c’est autre chose » ajouta Logan avant de laisser passer un silence qu’il utilisa pour cogiter.

Mais cogiter à quoi ? Qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir inventer comme histoire plausible pour expliquer le départ de Kathleen ? Qu’est-ce qui les avait vendus de toute manière ? Est-ce que Nathaniel allait vraiment détecter s’il mentait ? Il le connaissait bien, d’accord, mais peut-être valait-il le coup qu’il essaye tout de même ?
Ca ne lui disait pas quoi raconter comme mensonge… qu’elle avait trouvé un petit ami sur New York ? Qu’elle avait posé nue pour lui et avait regretté ? A cause de leur baiser ?
Ou alors la vérité, tout simplement ? Logan pensait que son cousin serait en colère de le découvrir avec la tête comme une pizza, mais il n’avait même pas hurlé. Peut-être qu’il le prendrait bien cette fois-ci aussi ?
Comme savoir ? Comme prévoir avec Nathaniel ? C’était impossible.

« Pour … pour la maison des Donnelly, tu sais… le soir de l’autre projection… p’t’être bien qu’en fait j’étais pas tout seul. Mais avant que… faut que tu me jure que tu vas rien faire Nath, faut pas que t’en parle d’accord ? A personne… ça en vaut pas la peine. C’est pas si grave, j’te jure. J’ai… tout est sous contrôle maintenant, alors y’a pas d’souci à se faire. C’était pas son idée, c’était mon idée et elle était avec moi mais elle à rien fait. On était juste là et c’était mon idée et c’est pas sa faute, c’est quand même moi qui ai… j’ai cassé les trucs et j’ai peint les … c’est tout voilà. C’est rien, tu vois ? Faut pas qu’tu t’énerve, c’est cool » assura Logan sur le ton le plus convainquant qu’il puisse feindre.