03.2. Ghosts [Casey & Demitri]

GHOSTS

La nuit était déjà tombé sur Grayson quand Demitri quitta le Leo’s Deli. Il avait terminé plus tard que prévu, et ce fut sous l’œil circonspect de son patron qu’il avait terminé de nettoyer les tables et de passer la serpillère. Le garçon comprit vite que son attitude songeuse des deux derniers jours n’avaient pas joué en sa faveur aussi s’activa-t-il davantage. Il rangea rapidement son tablier et enfila sa veste avant de lancer un « A demain » dont l’enthousiaste était mort.

Aussi normalement que possible, Demitri se dirigea vers sa vieille camionnette, garée à quelques centaines de mètres plus hauts, et claqua la porte en se hissant dans le véhicule. Il glissa les clés dans le démarreur mais ne les tourna pas. Les mains sur le volant, le garçon demeurait immobile. Il fallait que ses pensées arrêtent de tourner en boucle dans tête et que son cerveau accepte de se mettre sur pause pendant deux minutes pour qu’il puisse prendre une décision. Il ferma les yeux, cherchant à remettre dans l’ordre les quelques pièces du puzzle qu’il possédait. Il avait l’impression que celles qui lui manquaient lui étaient pourtant essentielles pour comprendre l’ensemble du motif. Un coup à la vitre de sa voiture le fit sursauter :

- T’as oublié ton sac.

Fronçant les sourcils à la manière d’un délinquant juvénile, Demitri se ravisa et hocha simplement la tête pour tout signe de gratitude. Il récupéra ses affaires, salua son patron pour la seconde fois de la soirée et démarra enfin. Inutile de rester planter dans la rue du restaurant, cela n’aurait fait qu’éveiller davantage les soupçons des gens sur son attitude. Déjà que sa curiosité ne passait pas aussi inaperçue qu’il l’aurait souhaité.

Il avait déjà entamé le chemin du retour quand un doute émergea subitement. Une peur soudaine, une angoisse paranoïaque et incontrôlée. Injustifiée. Il s’arrêta sur le côté et éteignit ses phares. D’un geste fébrile, il tira petite lampe torche calée entre la portière et le siège et l’alluma. Et s’il avait fouillé dans ses affaires ? Et s’il lui avait pris le carnet de son père ? Cette idée le terrifiait.

Il vida le contenu de son sac sur le siège passager : un paquet de cigarette, un stylo magique encore dans son emballage (accompagné de sa mini lampe UV), son portefeuille, son téléphone portable, sa bouteille de soda, son mp3 et finalement… Le calepin. Demitri le saisit avec soulagement et ouvrit la première page pour vérifier que l’inscription écrite de la main de son paternel s’y trouvait toujours. Il se maudit intérieurement d’avoir été assez bête pour l’emmener avec lui. Cela avait été stupide de sa part de mettre en danger cet objet. On aurait pu le voir, pire, le lui voler ! Et là, il se serait retrouvé, une fois encore, avec rien de plus que de simples hypothèses. Suppositions que les gens de cette ville se plairaient à placer sur le compte de son esprit dérangé ! Foutaise ! Ineptie ! Cette ville avait assassinée son père et la réponse se trouvait là-dedans !

Cela ne faisait que deux jours qu’il était entré en possession du carnet mais il l’avait déjà étudié sous toutes les coutures. Les pages blanches l’emplissaient d’un mélange d’appréhension et d’excitation. Il était intimement convaincu qu’elles n’étaient pas aussi vierges qu’elles le laissaient croire mais n’avait pu se résoudre à tester quoi que ce soit, de peur de les abimer. Peut-être aussi… avait-il eu un peu peur de ce qu’il pouvait découvrir ?

Mais ce soir, il n’y tenait plus. Il ne voulait plus retarder l’échéance au risque de voir s’échapper sa chance de connaître la vérité. Ou tout du moins de s’en approcher.
Il se composa un air déterminé pour ignorer ses doutes et redémarra la voiture. Sa trajectoire avait changée. Il sa gara sur un chemin de terre et coupa le moteur. Ne trouvant pas d’idée lumineuse pour dissimuler sa voiture aux yeux des passants, il espérait qu’il n’y en aurait tout simplement pas. Sa capuche rabattue, il donna un coup d’épaule pour repositionner son sac et s’enfonça dans les bois près de Washington Street.

Il n’avait jamais aimé le bois. Il n’avait jamais aimé cet endroit, il lui filait la chair de poule, et ce encore aujourd’hui, du haut de ses dix sept années. Pour se donner du courage, il alluma une cigarette. Habitude ridicule et cachée qu’il avait pour contester l’autorité maternelle. Sa silhouette ne quitta pas les chemins tracés depuis longtemps. Cela faisait plusieurs années qu’il n’avait pas remis les pieds par ici et il ne pouvait se fier à sa mémoire d’enfant pour retrouver son chemin. Hors de question de se perdre si près du but.

A mesure qu’il avançait, le jeune homme se sentait de plus en plus inquiet. Il était déterminé à retourner sur les lieux de son enfance mais en lui, comme une musique en sourdine, résonnait une vieille angoisse bien ancrée. Une compagne d’un temps passée, revenue le hanter. Comme si, d’ailleurs, elle ne l’avait jamais quittée.

Au bout de quelques minutes de marche, il se retrouva devant son ancienne maison. Devant la grande où son père s’était prétendument pendu. Il devint livide et se tint immobile. La rage et la colère se disputaient la place à l’angoisse et à l’inquiétude. Et puis, là, derrière lui… Un craquement…

Pauvre petit garçon, te croyais-tu donc seul ?

Casey laissait ses pas la diriger sans même songer au chemin qu’elle parcourait. Ses yeux verts étaient braqués sur ses pieds qui allaient et venaient, brisant les branches mortes et délogeant les cailloux de la terre poussiéreuse sur le petit chemin perdu qu’elle arpentait. Pourtant elle n’entendait aucun des bruits provoqués par ses pas, aucuns craquements, aucuns bruissements, pas plus qu’elle ne s’entendait chantonner doucement.
Sous ses longs cheveux châtains pendaient deux fils clairs qui déversaient dans ses oreilles une multitude de notes qui avaient prit possession de la plus part de ses sens.
Si l’adolescente avait été une machine, il n’aurait pas été faux de dire qu’elle était branchée en pilot automatique. Ses yeux avaient beaux être ouverts, ça n’était pourtant pas la nuit tombant sur les bois de Grayson que jeune fille contemplait. Elle était ailleurs, loin, et nulle part en même temps. Elle laissait son esprit vagabonder dans quelques mondes illusoires et irréels, se plaisait à inventer des personnages et les vies qui allaient de paire. Des vies plus intéressantes que la sienne à n’en pas douter. Du moins, Casey préférait nettement penser aux problèmes imaginaires de personnages tout aussi imaginaires qu’aux soucis du présent, de son présent, bien réels ceux-là.

C’était plutôt représentatif de sa manière de réagir d’ailleurs.
Il y a deux jours, son frère était enfin revenu de l’hôpital, pourtant sa jumelle ne s’en était pas sentie soulager. Une étrange emprunte angoissée semblait continuer de parasiter son esprit depuis l’incendie du parc. Ce feu, cette explosion, ça avait été la chose la plus difficile qu’il lui avait été donné de vivre. Pas seulement parce que son frère avait manqué y laisser la vie, et pas seulement parce que d’autres avaient été blessés, pas seulement non plus parce que cette expérience avait été traumatisante en elle-même. Casey avait aussi songé à la mort en règle générale. Juste avant que le feu ne se déclare, Joshua et elle avaient parlé, du moins, elle l’avait fait. On pouvait même dire qu’ils s’étaient disputés, même si avec son jumeau, les choses n’étaient pas aussi simples. Cette nuit-là, il avait vu la mort de près, et Casey s’était sentie terriblement mal de l’imaginer mourir alors que leur dernier échange avait été si théâtral et désagréable. Elle s’en était voulu. Ca n’avait pas été de l’apitoiement, non, elle avait surtout songé à son frère. Son jumeau seul dans cette cabane en feu, sans moyen de sortir, proche de l’asphyxie, avec comme dernier souvenir d’elle des cris et des menaces.

Pourtant maintenant qu’il était revenu à la maison, Casey ne se montrait pas spécialement plus chaleureux. On pouvait même dire qu’il y avait un froid. Léger, presque imperceptible. La jeune fille ignorait d’où ce froid pouvait provenir, mais c’était pourtant bien là, elle sentait que quelque chose avait changé. Seulement elle n’arrivait pas à déterminer si ce changement venait d’elle ou de Joshua.
Alors Casey réagissait comme à chaque fois qu’n problème survenait dans sa vie, comme à chaque fois qu’une remise en question s’imposait : elle s’isolait.
Mais elle était une personne discrète, alors honnêtement, personne ne voyait la différence, surtout pas ses parents qui n’avaient pour l’instant d’yeux que pour son jumeau. Elle ne leur en voulait pas pour ça d’ailleurs, c’était normal. Ca l’arrangeait même, et ça lui donnait surtout le temps de réfléchir, de prendre du recule.

Depuis l’accident donc, la jeune fille saisissait toute les opportunités qu’elle avait d’être seule. Elle prétextait rendre visite à Suzanna et se perdait en chemin, et lorsqu’elle se trouvait avec Suzanna, elle finissait par prétendre devoir rentrer à la ferme, et se perdait nouveau. Lorsqu’ils manquaient de farine ou d’un paquet de riz, Casey se portait volontaire et préférait marcher jusqu’à l’épicerie en prenant son temps. Cette fois-ci, c’était une pile de courrier qu’elle avait été glisser dans la boîte postale pour son père.

Maintenant sur le chemin du retour, les mains enfoncées dans les poches de son petit gilet léger, Casey parcourait les quelques centaines de mètres qu’il lui restait avant d’arriver à la ferme. La tête plongée dans sa musique, l’adolescente mit quelques secondes avant de déterminer que cette tâche plus sombre à sa gauche était en réalité une silhouette humaine. Une silhouette droite et immobile qui l’observait depuis quelques secondes déjà.
L’esprit de la jeune fille fit rapidement le chemin inverse pour revenir dans son corps et reprendre possession de sa conscience. Et cela fait, une montée violente d’adrénaline la prit au cœur et la fit vivement sursauter. Rapidement, d’une main tremblante, la fille du Maire avait arraché ses écouteurs et le silence du sous bois pesait maintenant sur ses tympans où pulsait son cœur affolé.

Quelques instants encore avant de finalement reconnaître le garçon qui se tenait devant elle. Ses yeux se fermèrent lentement, et soulagée, elle porta une main à sa poitrine encore douloureuse de panique.

« Stupide »

Bon, elle avait reconnu Demitri Brawning, mais ça ne voulait pas dire qu’elle était totalement à l’abri d’un écart. Et pour cet excès de paranoïa, elle pouvait dire merci à l’Université. Depuis qu’elle passait les deux tiers de l’année en ville, elle avait contracté cette affreuse maladie dont elle avait été jusque là totalement protégée : la peur. Avant cela, jamais elle ne se serait inquiétée de croiser un garçon le soir, à Grayson, ce genre de chose n’arrivait pas. Seulement à Kansas City, la chanson était différente. L’aller-retour prenait près de deux heures en voitures lorsqu’elle était chanceuse, du coup, elle n’avait malheureusement pas droit au luxe de rentrer chez elle tous les soirs. Parfois elle trouvait cela génial d’être aussi libre, d’autre fois, en association avec des pensées négatives, comme maintenant, elle trouvait cela bien moins plaisant.
Surtout que le père du garçon qui se trouvait là s’était pendu dans la grange qui se dressaient dans son dos, cette pensée n’avait rien de relaxant, que du contraire…

Seulement maintenant qu’elle avait sursauté en poussant un couinement ridicule, et enlevé ses écouteurs, et surtout maintenant qu’elle le fixait sans se gêner d’un air inquiet depuis vingt bonnes secondes, elle était coincée, elle allait devoir échanger un minimum de parole avec lui.

« … hey Demitri »

Il faisait noir, avec un peu chance il ne la verrait pas rougir. Peut-être même qu’il n’allait pas la reconnaître et qu’elle allait avoir l’air d’une pauvre fille ridicule à savoir qui il était pas et pas le contraire. Puis de toute manière, qu’est-ce qu’il fichait là ?
Casey repensa alors au fameux père pendu, et décida qu’en réalité, elle ne tenait pas franchement à le savoir.

Demitri se tenait immobile en regardant la silhouette approcher. Mauvais plan, très mauvais plan. Il ne fallait pas qu’on sache qu’il était ici. Grayson était une petite ville, presque un village et il s’imaginait déjà que demain, les chuchotements et les rumeurs le définiraient une fois de plus comme une gamin perturbé et étrange. Et cette version du futur était encore la plus sympathique qu’il avait en tête. Son autre hypothèse contenait l’existence des fantômes et finissait indéniablement dans la folie et le sang. C’était stupide mais le garçon avait une imagination très prolixe. Très sombre également, cette caractéristique était d’ailleurs attisé par la situation : des bois, la nuit, la grange où son père s’était pendu, Grayson, cette ville de malheur.

Il fronça les sourcils lorsque la silhouette prononça son prénom après un moment qui lui avait parut infiniment long. Demitri plissa les yeux, peinant à distinguer les traits de l’inconnue, car il s’agissait indéniablement d’une jeune fille à en juger par la voix. Il fit un pas en avant et resta bouche bée :

- Casey ?

Casey… La petite fille avec qui il avait joué ici quand il était petit. Casey, une des filles qui l’avaient le plus impressionné au lycée mais à qui il n’avait jamais réellement eut l’occasion de parler puisque son jumeau était toujours dans les parages. L’angoisse s’envola donc au profit de la surprise.

- Qu’est ce que tu fais là ?

Question idiote, évidemment. Elle allait le prendre pour un crétin. Elle habitait par ici, ce n’était donc pas illogique qu’elle se promène dans les parages. Par contre, lui, il était supposé ne rien avoir à faire ici.
A la surprise, succéda donc la gêne. Il ne savait pas quoi lui dire. Demitri passa donc une main dans sa tignasse brune et tira une longue bouffée sur sa cigarette, juste histoire de gagner du temps. Et aussi peut-être, de se donner une certaines contenance qu’il avait bien du mal à avoir en face de Casey. Il l’avait toujours trouvé incroyable cette fille, fichtrement jolie, intelligente, avec des goûts littéraires d’une qualité indéniable. Et puis, il y avait cette sorte de solitude étrange qui l’entourait, un certain charisme dont il ne parvenait pas à percer le mystère. Sauf que devant elle, il se sentait toujours ridicule. Devant elle, il était toujours le petit garçon rondouillard de Grayson qui avait deux ans de moins.

- Je t’ai pas fait peur au moins ? demanda-t-il avec un sourire timide, pseudo charmant.

Ce n’était interdit d’essayer de changer son image non ?

Peut-être devrait-il aussi lui expliquer ce qu’il faisait là… Il fit un geste du menton en direction de la petite maison et de la grande attenante.

- Personne ne les a reprises ?

Si tel était le cas, il pourrait peut-être se faufiler à l’intérieur et récupérer quelques indices. Non d’ailleurs, même si des inconscients étaient venus vivre dans cette maison de malheur, il s’y introduirait. Une partie du mystère était peut-être caché là-bas.

Demitri avait essayé de prendre un ton aussi détaché que possible. Il n’avait vraiment pas envie qu’elle le voit comme le pauvre gamin dont le père s’était pendu. Il aurait voulu qu’elle le voie différemment. Vu la situation, c’était sans doute raté.

La surprise passée, Casey avait sentit la tension s’évaporer. Maintenant qu’elle était plus proche et le distinguait mieux malgré cette pénombre qui ne cessait de s’épaissir, l’adolescente pouvait constater qu’il n’y avait rien d’agressif chez Demitri.
D’ailleurs, maintenant qu’elle le constatait, elle trouvait cela évident. Demitri n’avait trop fait de vagues. Du moins pas vraiment. Elle se souvenait tout de même qu’à l’époque du lycée, qui lui paraissait loin mais qui ne l’était en fait pas tant que ça, le jeune homme trainait une réputation un peu ombrageuse. Casey savait aussi que les gens avaient toujours besoin d’une tête de turc. Surtout à l’école où tout le monde était si prompte à sauter sur la moindre faiblesse de quelqu’un pour la montrer du doigt. Demitri s’était juste retrouvé du mauvais côté du doigt. Ca n’était jamais vraiment arrivé à Casey à l’époque du lycée, parce qu’elle avait un jumeau qu’il valait mieux ne pas trop provoquer, parce qu’elle avait toujours eut Suzanna quoi qu’il arrive, et parce son géniteur était le Maire de Grayson. Par contre, depuis qu’elle fréquentait L’université, c’était une autre histoire.
Du statut de fille de Maire bien entourée, elle passait à celui de petite campagnarde peu bavarde. Elle n’en souffrait pas tant que ça, et ça lui avait surtout apprit à faire la part des choses sur le sujet.

Du coup, lorsque le jeune homme lui avait demandé s’il lui avait fait peur, Casey avait secoué la tête à la négative. Ca n’était pas faux de toute manière, elle avait été surprise, pas apeurée. C’était surtout l’atmosphère de l’endroit et la nuit tombante qui avait guidé son imagination fertile vers des sentiers inquiétants.

Elle jeta un regard aux bâtisses lugubres qui se dressaient derrière le garçon. La première chose qui lui sauta aux yeux, ce fut surtout qu’il était rare qu’elle les observe. Elle passait devant cet endroit sans arrêt, pourtant elle n’y accordait généralement pas un regard.
C’est qu’à Grayson, s’il fallait accorder un regard à chaque maison un peu glauque, on pouvait vite y laisser sa journée. L’ancienne maison de Demitri n’était pas la seule en ville à faire froid dans le dos une fois la nuit tombée. Celle qu’occupaient les Donnelly faisait partie du lot. Tous les habitants de Grayson et des villes avoisinantes savaient très bien comment étaient morts les Mercer. L’histoire du garçon qui avait monstrueusement exterminé toute sa famille à la hache continuait de faire jaser, encore aujourd’hui. Sans oublier la pire du lot : la Maison des Black. La famille qui vivait là avait déserté Grayson il y a des lustres déjà, bien avant son père et son arrière-grand père. Seulement personne n’avait jamais reprit cette bâtisse et elle continuait de moisir sur pied depuis ce temps-là. Rien de particulier ne s’y était passé, du moins pas à la connaissance de Casey. Pourtant l’aura malsaine qui entourait le bâtiment n’était pas à discuter. Personne ne trainait jamais trop près de cet endroit. Beaucoup affirmaient qu’elle était hantée et qu’on pouvait parfois entendre des hurlements d’agonie s’en échapper lorsque la lune était pleine, ou lorsque soufflait le vent du nord, et ce genre de truc. D’ailleurs, du temps où elle et Demitri étaient encore enfant et camarade de jeu, il leur était souvent arrivé d’aller traîner non loin de là, histoire de se fiche un peu la frousse et de braver les quelques interdits flous qui entouraient cette maison. Comme tous les enfants du coin d’ailleurs.

« Hem, pas vraiment non. Y’a quelques années, on la louait encore aux étranger de passage. Comme la maison des Mercer, tu sais ? Sur East Jefferson. Ce sont les Donnelly qui y vivent maintenant. Mais dans celle-ci, y’a quelques années, le planché de l’étage s’est écroulé. Parait que y’a eu deux morts… »

Une fois de plus, Casey se mit à rougir violemment. C’était vraiment maladroit de parler de mort à ce garçon, surtout lorsqu’il s’agissait de la maison où son père s’était suicidé. Ce qu’elle pouvait être gourde ! C’était décidemment trop grave pour être soigné.

« Enfin bref, depuis, on la loue plus évidemment » conclu-t-elle en détournant ses yeux verts pour les balader sur le décor sans savoir comment enchainer ni comment se tenir.

Elle médita quelques instants, puis fut frapper par le souvenir de la voix de Suzanna qui lui parlait de… de quoi encore ?

« Oh ! Suz’ m’a dit qu’elle t’avais croisé l’autre jour et que tu avais trouvé un travail ici... j'me trompe pas ? »

Le soulagement était certain, voilà un sujet de conversation tout à fait normal et approprié… non ? Quoi qu’il en soit, les blablatages de sa meilleures amies venaient de lui sauver la vie. Bon, elle exagérait un peu, mais bref. Le souvenir venait de lui sauter au visage. Généralement, quand Suz’ commençait comme ça, Casey ne l’écoutait que d’une oreille, surtout en ce moment. Elle imprimait certains trucs, et laissait s’échapper d’autres. Comme il avait s’agit de Demitri, et qu’elle avait plusieurs très vieux et très bons souvenirs avec lui, Casey avait tout de même noté ce que lui avait raconté la fille du shérif.

Sujet: Re: 03.2. Ghosts [Casey & Demitri] Mer 09 Mar 2011, 17:10

Alors des gens avaient vécu ici après eux ? Même si leurs passages n’avaient été que temporaire, il avait du mal à se faire à l’idée que d’autres personnes aient pu manger dans la salle, jouer dans les escalier, ou même simplement entrer dans la grange. Il avait du mal à concevoir que la vie ait pu poursuivre son chemin ici, après la mort de son père. C’était ridicule, bien sûr, mais pour lui, cet endroit aurait du rester inchangé. Mais le temps avait indéniablement passé et laissé des traces.

Lorsque Casey évoqua l’effondrement du plafond, un rictus se forma sur les lèvres de l’adolescent. Plutôt que de ressentir de la compassion pour ceux qui avaient du souffrir de la perte de deux proches, il n’y voyait que la preuve qu’il avait raison. Cette maison était maudite, tout comme l’était toute la ville. La maison ne voulait pas être habitée et la ville s’arrangeait pour que disparaissent ceux qui osaient braver cet interdit. Logique, non ? Cela lui paraissait en tout cas plus probable que de croire naïvement que la vétusté du plafond était en cause.

Demitri ressentit comme un malaise chez la jeune fille, elle détourna les yeux tout en cherchant clore le sujet. Il émit un petit claquement de langue désapprobateur mais s’abstint de lui rétorquer quoi que ce soit. Le garçon ne se contenait que parce qu’il avait connu Casey et qu’il l’appréciait encore. Il n’aimait pas qu’on le croit en sucre, qu’on le considère comme la pauvre victime dont le père s’était suicidé. Un sujet tabou sur toutes les lèvres, et ce depuis que le drame était arrivé. Mais bordel, il n’était pas en sucre, il n’allait pas s’effondrer et se mettre lamentablement à sangloter sous prétexte qu’on évoquait quoi que ce soit en rapport avec cet événement. Et c’était encore plus frustrant que ce soit Casey qui le voyait ainsi. A croire que cette étiquette de « victime » ou de « dépressif » lui collait à la peau.
Sa main tremblait de colère lorsqu’il porta la cigarette à ses lèvres. Il n’était pas fragile, et il en avait marre qu’on le perçoive comme ça. Décidément, seule Sacha parvenait à comprendre et à ne pas le traiter comme un enfant

Casey changea de sujet en évoquant Suzana. Le garçon haussa les épaules, comme si le fait d’avoir croisé l’adolescente n’était qu’un fait négligeable et sans réelle importance.

- Ouai, je travaille au Leo’s Deli, je l’ai croisé là-bas. Elle ne se souvenait pas du tout que j’ai habité ici d’ailleurs.

Et ça aussi, c’était étrange.

- Enfin c’est plutôt sympa, même si les gens passent un temps incroyable à baver dans le dos des autres en se racontant des potins qu’ils croient de la plus haute importance. Cynique, si peu… En ce moment, leurs sujets de conversations préférés sont justement les Donellys, suivi de près par l’incendie qu’il y a eu. Certains sous-entendent même qu’il y a un rapport entre les deux. Je crois qu’ils voudraient bien qu’ils partent le plus vite possible.

Et l’air de rien, si elle pouvait lui fournir plus d’informations, c’était toujours bon à prendre. Ceci dit, il n’était pas venu ici pour ça.

Demitri jeta un coup d’œil ostensible à son ancienne maison. De toute manière, dans cette ville, les évènements avaient tous un rapport entre eux et les coïncidences n’existaient pas. Voilà pourquoi, il devait à tout prix percer le mystère du carnet de son père et fouiller la maison comme la grange. Et quand ils auraient assez d’indice, il prouverait à tout le monde qu’il n’avait rien du gamin perturbé par la mort de son père.

- Enfin bref, t’as sûrement mieux à faire ce soir que de passer ta soirée dans les bois. J’te raccompagne ?

Ah oui, subtil, très subtil. Surtout que ses yeux avaient clairement fait un va et vient entre la jeune fille et la grange et qu’il passait clairement du coq à l’âne. Il espérait qu’elle n’aurait rien remarqué. Son plan était très simple : il la ramenait chez elle tout en essayant de lui soutirer quelques informations, puis revenait ici pour faire ce qu’il avait à faire. Quoi de plus simple ?

Sujet: Re: 03.2. Ghosts [Casey & Demitri] Dim 20 Mar 2011, 04:04

« Si j’avais quelque chose de mieux à faire de ma soirée, je serai certainement entrain de le faire, tu ne crois pas ? »

« Mais peut-être que c’est toi qui à quelque chose de mieux à faire… »

« J’ai perdu une dent de lait juste ici… tu te souviens ? J’ai pleuré parce que y’avait du sang sur ma robe. On jouait avec ta trottinette et mon frère nous faisait peur avec des vers de terre »

- Casey, attends, lança-t-il dans son dos.

Son cœur manqua un battement lorsqu’elle fit un pas vers la maison. Casey l’avait grillée, elle avait tout compris, c’était forcément ça. Elle savait pourquoi il était ici. Non, enfin comment aurait-elle pu ? Demitri était surpris, ébahi même, et se retrouvait comme deux ronds de flanc. Et il y avait quelque chose d’autre qui s’insinuait en lui, une peur insidieuse qui se creusait un chemin jusqu’à sa tête pour l’empêcher de penser convenablement. C’était ridicule, de quoi avait-il peur ? Qu’elle entre à l’intérieur… Lui souffla une petite voix dans un coin de sa tête.

À son tour, il enjamba les touffes de mauvaises herbes démarquaient le chemin et la rejoignit à grandes enjambées. Il s’arrêta à son niveau et baissa les yeux, cherchant du regard ce qu’elle pouvait bien voir de si important. Une vague de soulagement envahit l’adolescent lorsqu’elle évoqua un souvenir d’enfance, sans s’approcher plus de la maison. Il sourit.

- Ouai, je me rappelle.

C’était flou mais les images du passés lui revenaient souvent par à-coups, comme les séquences d’un film mal assemblé. Demitri avait passé les pires et certains des meilleurs moments de sa vie. Il n’en retenait plus que le pire à présent, comme si les souvenirs joyeux ne pouvaient pas faire le poids face au drame qui s’était déroulé ici. Et puis, s’ils n’avaient pas déménagés, rien ne serait jamais arrivé. C’était à cause de cette ville maudite. Fébrile, le garçons jeta sa cigarette à moitié fini et l’écrasa scrupuleusement. Il n’aurait plus manquer qu’il foute le feu ici par mégarde, et tout espoir de trouver des indices se seraient alors envolés en fumée.

Du coin de l’œil, Demitri observa la jeune fille :

- T’as plus rien d’une gamine en robe à fleur depuis longtemps.

Dans son esprit, cela équivalait à un compliment dissimulé. Et puis, il ne mentait pas. Casey l’impressionnait toujours autant, imprévisible, possédant une assurance qui lui était étrangère. Si elle avait avancé vers la maison, cela ne pouvait être qu’un signe du destin, il pouvait donc lui faire confiance. Elle avait toujours été courageuse, et du courage, il en fallait pour suivre Joshua dans les maisons dîtes hantées de la ville. Elle ne pouvait être qu’une alliée. Que risquait-il à lui dire la vérité ?

- Faut que je te montre un truc, fit-il en faisant basculer son sac devant lui.

L’adolescent fouilla activement à l’intérieur, sentant une pointe d’excitation monter en lui. Il en tira le carnet de son père et le tendit à la jeune fille, lui faisant signe de l’ouvrir.

- Il y a que ça d’écrit, toutes les autres pages son blanche, ou en tout cas en ont l’air. Mais tu vois ça, c’est la preuve qu’il y a truc louche qui s’est passé ! Mon père se serait jamais suicidé ! Et me sors pas que fais de déni, Cas’, parce que pas du tout, je sais que j’ai raison. Jamais il se serait pendu s’il n’y avait pas eu un problème. Et j’suis sûre que ce carnet a un lien avec ce qui s’est passé !

Il avait tout dit d’une traite et reprit sa respiration en se passa la main sur le front. Il évita de lui parler de ce qu’il pensait de la ville, ne voulant pas réduire à néant les chances qu’elle le prenne au sérieux.

- Je pensais… Je croyais que je pourrais trouver des indices ici, et toi aussi tu dois te rappeler des choses, alors p’tetre qu’à deux, on trouvera des preuves.

Demitri la fixait à présent, scrutant ses yeux et les expressions de son visage pour savoir à quelle sauce il allait être mangé.

- Tu me crois hein?

Pendant quelques secondes un peu étranges, Casey eu l’impression qu’elle et Demitri n’avaient pas la même conversation. Ils étaient seuls au milieu de nulle part, avec personne à la ronde, mais pourtant la jeune fille avait eu des doutes. « C’est à moi qu’il parle ? » s’était-elle entendue penser, son petit sourire nostalgique s’évanouissant à mesure que l’incompréhension la gagnait.
Un instant avant ça, elle évoquait quelques souvenirs d’enfance sans grandes importances, ni même très détaillés, un genre de début de conversation en quelque sorte, et maintenant voilà qu’il lui parlait de son père décédé.
Dit comme ça, ça ne paraissait pas très choquant, l’aura du père de Demi planait déjà un peu partout autour d’eux puisqu’ils avaient une histoire commune ici, dans cette maison. Ca n’était donc très étonnant qu’il soit évoqué ce soir. Ce qu’elle avait du mal à saisir par contre, c’était l’association de pensée qu’avait fait le jeune homme et pourquoi il lui sortait ce journal en lui balançant quelques explications vagues et brouillonnes sur le suicide de son père qui n’avaient ni queue ni tête pour l’adolescente.
En quoi ce journal avait-il le moindre poids concernant la mort de père ? En quoi était-il une preuve ? D’où sortait ce carnet de toute manière ? Et pourquoi, de but en blanc, Demitri lui débitait son histoire comme s’il attendait ce moment depuis des heures ? Et puis surtout, surtout ! Quel rapport avec la moindre robe à fleure ?! Il lui évoquait une marmite pleine d’eau prête à déborder tant les bouillons deviennent violent et la chaleur insupportable.

Durant un instant, sa réaction fut donc à la méfiance. Elle avait eu un imperceptible mouvement de recule lorsqu’il lui avait fourré l’objet dans les mains, et lui avait à peine accordé un regard, continuant de tomber des nues, ses yeux verts braqués avec incompréhension sur le garçon devant elle. Casey avait simplement baissé les yeux quelques microsecondes avant ça et n’avait aperçu que quelques caractères noirs et une multitude de page vierge.

Comme ça, sans introduction, ce dérapage dans la conversation lui jetait un froid, une sorte de malaise. La mort et le suicide de son père étaient des sujets tristes, du moins lorsqu’il faisait jour. Le soir, comme maintenant, c’était surtout flippant. Encore plus lorsqu’on se trouvait à l’endroit du drame : Un endroit délabré et un petit peu malsain. Du coup, Demi lui-même prenait des accents menaçants. La crainte qu’elle avait ressentit en lui tombant dessus par hasard un peu plus tôt refaisait légèrement surface.
Du moins ce fut son ressentit jusqu’à ce qu’il lui dise « Tu me crois, hein ? »

Immédiatement, ses sourcils s’étaient relevés en une expression légèrement attendrie, et ses ressentit négatifs s’étaient reset à zéro. « C’est tellement touchant » s’était-elle entendue penser alors. Avec cette brève phrase, il lui avait semblé percevoir une certaine détresse chez le jeune homme. Elle l’avait sentit perdu. Du coup, elle voyait ce qu’il lui avait confié juste avant sous un tout autre angle. Au lieu de se sentir à côté de la plaque et agressée par des informations non désirées jetées avec rudesse, elle ressentait le besoin de se confier, et peut-être même de s’entendre dire qu’il était dans le bon, car justement, lui-même éprouvait des doutes à ce sujet.

Casey était toute disposé à lui accorder ce qu’il voulait, mais encore fallait-il qu’elle comprenne un peu mieux de quoi il retournait.

« Je… attends un peu, tu vas trop vite Demitri. J’ai pas tout compris. D’où il sort ce carnet ? Depuis quand tu l’as ? » questionna lentement la jeune fille, toujours aussi perdue « Qu’est-ce qui… pourquoi tu pense que c’est en rapport avec… ton père ? » hésita Casey, n’osant pas vraiment prononcer le mot ‘suicide’ aussi facilement que son interlocuteur.

« C’est pas que j’te crois pas » se rattrapa rapidement la jeune fille « C’est juste que… tu sais c’est dangereux là-dedans »

L’attente avait toujours eu un aspect angoissant chez Demitri. Ce moment durant lequel Casey ne dit rien et le regarda déblatérer ses informations n’échappa pas à la règle. Il craignait sa réaction car il n’avait aucun moyen de savoir comment elle serait. Lui rirait-elle au nez ? Le prendrait-elle pour un fou ? Se mettrait-elle en colère pour avoir évoquer un sujet personnel aux allures de drame fantastique ? Tout était possible et Demitri n’excluait aucune de ces possibilités. Pourtant, quelque part, il espérait de tout son cœur qu’elle lui dirait qu’elle le croyait, qu’il n’était pas fou, qu’il avait raison quand il clamait que quelque chose clochait dans cette ville. Avoir ne serait-ce qu’une seule personne sur qui compter dans son enquête, à qui il pourrait simplement parler des avancées qu’il ferait ! Ce serait tellement génial !

Mais là, il s’emballait peut-être un peu trop, et surtout un peu trop vite. D’ailleurs elle lui fit remarquer et Demitri, les lèvres pincées détourna les yeux et eut un geste de recul. Elle me prends pour un dingue, évidemment, pensa-t-il. Cette réflexion du se lire sur son visage car Casey s’empressa de démentir. Il regarda le ciel et inspira profondément. Il fallait qu’il se calme et que ses battements cardiaques retrouvent une fréquence normale. La fin de la phrase de la jeune fille fit naître en lui un sentiment de frustration.

- C’est dangereux ? Non, c’est toute cette putain de ville qui est dangereuse Cas’, siffla-t-il entre ses dents, visiblement contrariés.

Il se rapprocha d’elle, et reprit le carnet entre ses mains. Evidemment, elle ne le croyait pas et trouvait des excuses pour le dissuader d’entrer dans son ancienne maison. L’espoir fugace qu’elle puisse le comprendre venait de d’évanouir, laissant l’adolescent plus amère encore.

Demitri fit volte-face, près à s’en aller, puis se ravisa. Casey lui avait posé des questions, et elle le prenait sans doute déjà pour un fou. Il avait encore une toute petite chance de la faire changer d’avis en lui expliquant consciencieusement les preuves qu’il avait rassemblé tout au long de sa vie.

- Tu sais, mon père se serait jamais suicidé ! Il aimait trop la vie, ils nous aimait trop ma mère et moi pour faire un truc pareil. Ca a surpris tout le monde, mais ils ont pas cherché plus loin. J’ai fais pas mal de recherche sur la ville, il y a eu pleins d’évènements bizarre, tu trouve pas ça étrange.

Il marqua une pause.

- C’est le bibliothécaire, Tomas Owenstruc qui m’a donné ce carnet il y a quelques jours. Tiens, lis l’inscription sur la première page, c’est écrit « A mon fils Demitri Browning, puisse-t-il ne jamais entrer en possession de ce carnet » et c’est signé. Les autres pages ont l’air blanches mais on pourrait avoir écrit à l’encre invisible dessus ou un truc de genre. Je suis sûre que c’est pas parfaitement vierge. Tu trouves pas que ça fait beaucoup de coïncidences ?

Un autre silence.

- Je sais que ça peut avoir l’air fou dis comme ça, mais il y a quand même quelque chose de louche non ? Et je veux savoir ce que c’est. Alors tu fais ce que tu veux, mais moi je vais à l’intérieur, t’es pas forcée de venir, mais je te demanderais juste de pas… De pas parler de tout ça, ok ?

Alors voilà de quoi Grayson avait l’air de l’extérieur ? Une « putain de ville dangereuse » ? Une ville « étrange » ? Avec des habitants tout aussi étranges ? D’abord Aidan et ses frères, maintenant Demitri. Quelle conclusion était-elle sensée en retirer ? Qu’ils avaient raison ? Que les deux garçons avaient raison à propos de leur parents et que leurs morts à Grayson n’avait rien d’accidentel ou de volontaire ? Sérieusement ?! Mais pourquoi n’était-elle pas capable de le sentir ou de vraiment le voir ? Elle habitait cette ville depuis toujours et y vivrait sans doute toute sa vie, comme son père, et comme son grand-père et comme toute sa famille avant elle. Était-ce pour cela qu’elle ne voyait rien ? Pour ça que le doute et le scepticisme continuaient de la hanter ? Est-ce qu’elle se voilait bel et bien la face ou est-ce qu’elle avait juste affaire à deux adolescents bouleversés par la perte ?
Non. Il ne s’agissait pas seulement d’un adolescent du côté des Donnelly. Les quatre frères étaient tous d’accord pour dire que Grayson habitait le tueur de leurs parents. Pouvaient-ils se tromper tous les quatre, en même temps que Demitri ? La coïncidence aurait été énorme… et pourtant Casey n’arrivait toujours pas à se faire à l’idée que son foyer soit également le foyer d’une telle conspiration ! C’était complètement fou ! Pourquoi tuer les parents d’Aidan ? Pourquoi tuer le père de Demitri ! Surtout que ces deux drames n’avaient pas du tout eu lieu en même temps. Demitri avait perdu son père il y a des années de cela et les parents Donnelly étaient morts cette année. Les deux affaires n’avaient pas vraiment l’air reliées entre elles et pourtant il y avait tant de similitudes entre les deux…
Surtout si l’on prenait en compte ce carnet étrange et l’inscription tout aussi étrange que le jeune homme lui avait lue. Peut-être que Demitri interprétait mal ce qu’avait voulu dire son père, peut-être que celui-ci avait simplement rédigé les raisons qui l’avaient poussés à se suicider. Mais alors pourquoi le faire s’il souhaitait que son fils ne le sache jamais ?

Casey cligna des yeux dans l’espoir de dépêtrer son esprit de toutes ces questions qui le mettait à rude épreuve. Son cœur battait la chamade lorsque son imagination s’égarait à penser que les deux garçons avaient raisons.
Et si leurs parents avaient réellement été tués par quelqu’un du village qui sévissait depuis des années… et si Grayson habitait un tueur en série ?...
La jeune fille déglutit péniblement, ses yeux verts rivés sur le carnet presque vierge. Elle ressentait un curieux mélange de peur et d’excitation. C’était en même temps terrible, et en même temps presque attirant. C’était comme dans les histoires qu’elle écrivait à longueur de temps, sauf que c’était la réalité.
Et si Joshua avait découvert quelque chose ? Et si c’était pour ça qu’il se montrait encore plus bizarre que d’habitude ces derniers temps ? Et si l’incendie était lui aussi mêlé à tout ça ?!

La jeune fille releva un regard presque affolé sur Demitri. Sa trop grande rationalité continuait de lui murmurer que c’était des sornettes, que le coup du « mon père nous aimait trop pour faire ça » ressemblait au scénario d’un film tout public où le héro torturé entame un monologue poignant. Cette petite voix lui murmurait aussi qu’elle était bien trop banale pour que quelque chose d’aussi fou lui arrive pour de vrai. Mais tout le reste de son être était déjà convaincue et ne demandait que ça de l’être plus encore.

« Je… j’veux bien venir avec toi Demitri mais… tu sais, tu trouveras rien là-dedans. J’y suis déjà retourné plusieurs fois. Enfin pas dans la grange, mais dans la maison oui. Tu sais… pour se faire peur. C’est en ruine, il reste plus grand-chose. Et si tu pense qu’il y a d’autres trucs dans ce carnet alors peut-être c’est ça que tu devrais faire. J’veux bien t’aider si tu veux… on peut… je sais pas moi, on peut aller dans ma grange à moi, et je vais chercher mon ordinateur et puis on fait des recherches sur… beh je sais pas trop… l’encre invisible ? Ou alors peut-être que c’est un code !! La phrase, c’est peut-être un code, peut-être qu’il faut prendre la première lettre de chaque mot et faire un truc avec, j’en sais rien… tu vois c’que je veux dire ? Mais… mais si tu veux vraiment rentrer dans la maison alors, … il faut une lampe torche parce que l’étage s’écroule et qu’il faudrait pas … tu sais… que l’histoire se répète… » dit-elle à demi mot pour ne pas être trop brutale.

Après tout, le père de Demi n’était pas le seul à être mort dans cette maison. Le planché avait tué un couple lorsqu’il s’était effondré.
… ou alors, eux aussi avaient été victime de quelque chose d’autre…

Demitri ne savait pas si elle le croyait mais Casey semblait toute disposée à l’écouter et l’aider. Il ne lui en fallait pas plus pour être soulagé. C’était peu, et il la sentait encore un peu méfiante mais c’était déjà ça. Il y avait quelqu’un qui ne le pensait pas complètement cinglé ! Quelqu’un autre que Sacha, bien sûr. Et ça, c’était juste tellement… Trop.
Elle lui parla ensuite d’aller chez elle et de taper sur google, mais Demitri fit un geste pour lui demander d’attendre. Maintenant qu’il était lancé, rien ne pourrait plus l’arrêter. Et il ne voulait plus attendre, il avait déjà trop attendu. Cela faisait des années qu’il attendait, depuis qu’il avait trouvé le rapport du légiste en fait. Et pour une fois, la vie avait décidé de lui donner un petit coup de pouce et il se sentait à deux doigt de trouver de véritable preuves alors que jusqu’à présent, il n’avait récolté que des indices et des présomptions. Fébrile, presque fiévreux, l’adolescent bascula son sac à dos devant lui et en sortit tour à tour deux objets qu’il agita sous le nez de Casey.

- Ouai je sais, j’ai prévu le coup t’en fais pas. Regarde, j’ai une lampe torche, et j’ai pris ce stylo magique là, il y a une lampe UV avec pour pouvoir lire, je l’ai pas encore fait parce que en fait…

Il s’arrêta, gêné.

- J’avais un peu la trouille. Enfin pas vraiment, c’est pas que j’ai peur, crois pas ça ! Mais ça fait longtemps que j’attends ! Ca fait longtemps que j’ai des soupçons et que je cherche des preuves, alors je veux pas tout gâcher juste en me précipitant. C’est important.

Et puis il avait eu peur de découvrir quelque chose de bien plus gros que lui. Demitri grimaça et passa sa main devant lui, comme pour chasser une mouche et signifier à Casey de laisser tomber ce qu’il venait de dire. Ce n’était pas l’important, l’important, c’était qu’ils allaient entre dans cette maison et découvrir la vérité.

- On y va ? demanda-t-il.

Puis, il se dirigea à grand pas vers la maison. Une fois arrivée devant la porte, il inspira un grand coup, posa sa main sur la poignée et se tourna une nouvelle fois vers Casey.

- Il y a encore l’électricité ou vous l’avez coupée ? T’es pas obligée d’entrer si ça te fait flipper, mais c’est sympa, de m’avoir écouter sans me prendre pour un timbré. J'savais que t'étais pas conne comme fille. Euh... Enfin tu vois ce que je veux dire...

Ca changeait.

« Non ça va, je flippe pas »

« Y’a plus d’électricité depuis longtemps. Je te l’ai dit, c’est totalement en ruine à l’intérieur, l’étage s’est écroulé, il reste plus grand-chose alors… enfin tu verras bien par toi-même »

« Tu cherche quel genre de chose ? est-ce que ton père avait … un bureau à lui ou quelque chose comme ça ? »

Savoir quelque chose et s’en rendre compte par soi-même sont deux choses très différentes. C’est un peu comme les faits divers, on sait qu’on peut se faire renverser par une voiture à tout moment de notre vie, et pourtant quand cela nous arrive, nous sommes toujours surpris. Ce fut à cause de ce mécanisme purement humain du « ça n’arrive qu’aux autres » que la scène devant laquelle Demitri se retrouva lui tordit le ventre. Sa mâchoire se carra et son regard s’assombrit. Casey lui avait pourtant dit que la maison était en ruine. Il savait que d’autres avaient vécu ici après eux, que le plafond s’était écroulé et que depuis les lieux étaient inhabité. La partie raisonnable de son cerveau se doutait bien que la nature aurait repris ses droits. Son côté émotionnel par contre se refusait encore à croire en ce qu’il avait sous les yeux. La cuisine de sa mère, l’endroit où son père leur avait fait des gaufres à se damner et du pain perdu digne de grand chef était en ruine. A la place de l’odeur chaude et sucrée des pâtisseries, celle de la moisissure et de bois mouillée hantait les lieux. Il eut un haut le cœur en constatant les différents tags et dessins plus ou moins obscènes qui avaient couverts la peinture.

Ici, c’était chez lui, et un inconnu était entré et avait tout saccagé. On avait violé ces souvenirs.
L’adolescent peina à déglutir mais ne tarda pas à se reprendre. Il n’était pas une victime et ne jouerait jamais ce rôle. Il n’était pas là pour se lamenter, il était ici pour trouver des réponses. La lumière de la lampe torche vacilla autour de la pièce et Demitri. C’était bien beau d’avoir de grandes idées, mais maintenant qu’il se retrouvait à l’intérieur, il ne savait pas par où commencer. La voix de Casey le ramena à la réalité et il se râcla la gorge avant de répondre.

- Pas vraiment, ma mère s’occupait principalement de la paperasse et lui il passait la plupart de son temps dehors, pour s’occuper du champ et des poules. Je crois que la grange était l’endroit où il passait le plus de temps.

Demitri reporta son attention sur la pièce. Il n’y avait de meubles, ce qui réduisit l’étendu de ses recherches. Il regretta un instant de n’avoir pris qu’une seule lampe torche, si Casey en avait eu une, cela aurait été plus vite. L’adolescent ne savait pas comment s’y prendre, mais il était résolu et ne ferait pas marche arrière. Il hésita à lui demander si elle faisait partie de ses gens qui avaient saccagé la maison mais s’abstint. Non seulement, cela aurait été déplacé, voire même insultant, mais de plus, il ne voulait finalement pas savoir. S’il connaissait le nom des abrutis qui avaient défiguré ce temple au souvenir, il leur ferait mordre la poussière et avaler leurs dents, à ses connards.
Plutôt que de se concentrer sur les types de tortures qu’il aurait pu employer, Demitri préféra se concentrer sur la fouille de la maison. Il passa donc en revu tout les murs de la pièce en n’y découvrant rien. Qu’espérait-il ? Une planque cachée ? Frustré, il reprit la parole :

- On trouvera rien ici. Viens.

Il s’avança donc vers le salon, prenant soin de ne pas distancer Casey. Il éclaira tout d’abord le sol et embrassa du regard l’étendu des dégâts. Un lit à demi défoncé occupait le centre de la pièce, une vieil armoire avait survécu sur le côté ainsi qu’une sorte de commode au fond, dont les tiroirs vide d’étalait ça et là. Des morceaux de poutres et de plafond avaient recouvert le sol et en levant le faisceau de la lampe, Demitri se heurta à un trou béant.

La fouille de cette pièce s’avéra plus difficile, il étudia scrupuleusement l’armoire, délogeant toile d’araignée et poussière tandis qu’il passait sa main l’intérieur à la recherche du moindre indice. Il tomba sur des assiettes et des verres brisés mais ne trouva rien de concluant. L’enquête sur la commode ne donna rien non plus et Demitri commença à se sentir un peu ridicule. Et s’ils ne trouvaient rien du tout ? Cette idée lui semblait atroce et lui retournait l’estomac. Il ne trouva pas même un objet leur appartenant, à lui ou à sa famille. Rien. Comme s’ils n’avaient jamais vécus ici… C’était, d’une certaine façon, plutôt déroutant. Il avait l’impression d’être chez des étrangers.

Ils réussirent à se frayer un chemin jusqu’à l’escalier. Demitri prenant soin de tendre sa main à Casey lorsqu’il y avait un obstacle à franchir et la prévenant lorsque c’était nécessaire. La conversation du jeune homme s’arrêta là tant son esprit était accaparé par la maison. Il avait beau essayé de s’en détacher, une part de lui-même continuait de hurler au scandale. D’autant plus qu’une poutre avait emporté la moitié de l’escalier et rendait l’étage inaccessible.

- Faudra que je revienne une prochaine fois. Avec une corde ou un truc dans le genre.

Et puis, comme venu de nul part:

- Pourquoi t'as décidé de me suivre en fait ? J'veux dire, ça a du te paraître flippant comme théorie non?

Revenir une autre fois ? M’enfin il était désespérant ce garçon. Enfin non, aveugle surtout. Il n’y avait jamais plus aveugle que celui qui ne voulait pas voir les évidences. Il n’y avait rien dans cette maison, strictement rien à voir d’intéressant. C’était triste, glauque, ça lui fichait la chaire de poule et plus les minutes passaient dans cet oppressant silence ou pesaient les souvenirs, plus elle commençait à douter de ce que lui avait dit Demitri. Pas qu’elle songeait qu’il lui ait mentit, elle avait vu le carnet de ses propres yeux et c’est vrai que c’était très troublant. Seulement, est-ce que c’était aussi incriminant qu’il avait l’air de le penser ? Non, pas vraiment. Elle commençait à se sentir un peu idiote à jouer à la chasse au trésor avec ce garçon qu’elle ne connaissait même plus vraiment.
Car si elle devait être totalement honnête avec lui, et surtout avec elle-même, elle s’était décidé à le suivre malgré ses théories flippantes parce qu’il lui avait adressé ce regard perdu qui l’avait tellement attendrie. Elle avait revu l’espace de quelques secondes ce petit garçon qui la suivait partout et a qui elle cédait docilement tous ses cookies à l’heure du goûté. Et si elle lui avait cédé autant de cookies durant leur enfance, c’est justement parce que l’adolescent lui servait ce genre de moue désœuvrée.

Bon, peut-être que pour le coup, c’est elle qui essayait de se voiler la face. Peut-être que c’était elle qui était entrain de s’inventer des excuses pour se défiler. Elle avait peur des conséquences et des éventuels problèmes. Elle avait surtout peur de découvrir que le garçon avait vu juste et qu’il s’agissait bien d’un meurtre.
Un meurtre… c’était totalement fou. Totalement affreux. Et maintenant qu’elle avait eu au moins 10 longues minutes de fouilles infructueuses pour y penser, son petit courage et le goût de l’aventure la délaissaient vicieusement pour ne plus laisser que la peur.

Cela dit, elle ne le sentait pas de révéler tout cela à Demitri. Elle avait plus peur encore qu’il ne la chasse et ne se mette à farfouiller ici tout seul sans personne pour lui venir en aide si quelque chose tournait mal.

« Parce que j’avais que ça à faire ce soir » fit-elle mine de blague, dans un petit rictus et un haussement d’épaule.

Elle détourna ses yeux verts sur la droite et fronça les sourcils.

« T’as pas checké la cave » fit-elle remarquer.

Elle espérait qu’ils n’auraient pas besoin de corde pour y descendre…
Une corde… c’était vraiment totalement fou comme situation ! Il fallait qu’elle le dissuade de jouer à Tarzan dans cet endroit maudit. Il fallait qu’ils terminent cette fouille hasardeuse et qu’ils rentrent chez elle pour se concentrer sur ce carnet. Elle allait l’aider à déchiffrer cette inscription bizarre et il n’aurait plus jamais à revenir ici. Et elle non plus d’ailleurs.
Durant le temps de ses réflexions, Demi s’était déjà approché de la porte et l’avait ouverte, le mouvement soulevant quelques nuages de poussières de plâtre, déchirant les toiles d’araignées qui y étaient agglutinée.

« Tu sais que c’est toujours comme ça que les films d’horreurs commencent j’espère ? » lança-t-elle d’un ton ou perçait un peu de peur tandis qu’elle observait la bouche sombre de la cave s’ouvrir devant eux.

Un air frais et humide remontait du sous sol, et le faisceaux lumineux de la lampe du jeune homme laissa apparaitre un vieille escalier en pierre et une montage de poussière. Demitri et elle échangèrent un regard ou perçaient tout de même un brin d’excitation, et elle s’agrippa instinctivement à son bras pour entamer la descente.
Après quelques marches, elle fut prise de panique lorsque quelque chose lui frôla le visage, mais elle se rendit compte après quelques instants qu’il s’agissait de l’une de ses propres mèches de cheveux et laissa tomber, le cœur battant à tout rompre.

Une fois tout en bas de l’escalier, la jeune femme se permis un regard en arrière. L’étage défoncé par le temps avait presque l’air accueillant comparé à l’ambiance qui flottait ici. Une odeur de renfermé planait paresseusement dans l’air, trimbalée par les courants d’air froid. Casey frissonna et resta au pied de l’escalier tandis que Demi, plus téméraire, s’aventurait déjà en avant.

D’après ce que Casey pouvait voir grâce à la lampe de son ami d’enfance, la pièce n’était pas très grande. Elle n’y avait jamais mit les pieds avant aujourd’hui et découvrait pour la première fois cette partie de la maison. C’était abandonné et délabré, comme le reste, mais pourtant seul le temps semblait responsable cette fois. Apparemment, très peu de personne avaient pénétré cet endroit avant eux, du moins depuis le drame.
La pièce carrée ne comportait pas énormément de meuble.

A leur gauche se dressaient deux vieilles étagères de pin complètement moisies dont certaines planches s’étaient affaissées sur le reste. Quelques vieilles boîtes de conserves et autres bocaux recouverts de poussières s’y trouvaient encore.
Droit devant, un ancien pupitre dont la peinture rouge s’écaillait d’un peu partout trônait contre le mur du fond, il comportait deux tiroirs et quelques vieux tissus vaguement blancs étaient posés en boule sur sa surface.
Sur la gauche se trouvait un établi de travail aux multiples armoires et tiroirs, visiblement encore tout rempli d’outil et autres objets divers, rouillés par le temps et l’humidité ambiante.

Un nouveau frisson la parcourut tandis qu’un nouveau courant d’air venait se frotter à elle. La jeune remarqua la bouche d’aération, à droite du vieux pupitre, et croisa ses bras sur sa poitrine pour se prémunir du froid.
Si quelqu’un voulait cacher quelque chose, cet endroit était idéal. Les cachettes faisaient légions.
La jeune femme reporta son attention sur son compagnon d’investigation.

« Est-ce que ça te rappel quelque chose ? Je reconnai l'établi, ils étaient a vous ces meubles »

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Oui, effectivement, ils étaient à vous ces meubles, et l'indice du jour s'y trouve.
Tu es autorisé à poster des messages courts, voir très courts à partir de maintenant, pour faciliter l'interaction dans ta recherche. Il n'y a donc plus de limite de ligne.
Je t'indiquerai moi-même si tu chauffe ou pas via Casey. Tu peux inventer tout ce que tu veux (babioles, souvenirs), tu peux empocher certains trucs, en casser d'autres, parler, te mettre nu si tu le désire, mais je te signalerai moi-même lorsque tu mettras la main sur l'indice.

Encore faut-il que tu cherche au bon endroit !

Encore un petit effort mon p'tit, le bout du tunnel est encore loin, mais tu peux atteindre le premier check point d'ici peu.
Voici un petit plan pour t'aider à t'y retrouver (au cas où mes explications étaient merdiques, sait-on jamais ! XD)

Lorsqu’ils pénétrèrent dans la cave, ce ne fut ni l’odeur ni la poussière qui lui donnèrent un sentiment d’oppression. Il fit tourner le faisceau de la lampe depuis le milieu de la pièce, le cœur battant. Demitri se souvenait de toutes ces choses et les meubles étaient chargés de souvenirs. Il retint son souffle, les yeux brillants. Il n’avait pas l’impression d’être dans un film d’horreur pas du tout. C’était comme rentrer chez soi après un long voyage. Bien sûr, le temps avait vieilli le bois et fais rouillé le fer mais cela lui semblait sans importance. Il ferma un instant les yeux, se remémora le visage de son père. S’il y avait quelque chose à trouver ce serait ici. Cette découverte lui rendit courage.

- Ouai c’était à nous tout ça. Je faisais mes devoirs sur le pupitre, et quand il faisait beau, mon père le mettait dehors.

Demitri s’en rappelait et une certaine chaleur l’enveloppa. Ce type de souvenir le réchauffait et lui permettait d’être plus serein. Cependant, il ne perdit pas de vu son objectif et indiqua l’établi avec la lampe.

- Ce serait bien qu’on commence par là non ? Tu viens m’aider ? demanda-t-il avec un sourire.

Il entreprit donc d’ouvrir un à un les placards et les tiroirs, et observa attentivement le contenu. Toucher les outils, aussi rongés par la rouille qu’ils soient lui donnait l’impression de se rapprocher de son père. Peut-être que son psy avait raison et que toute cette histoire ne servait qu’à combler un manque. Peut-être qu’il cherchait juste à remplir les blancs, à trouver des réponses à ses questions dans le seul but de se réconcilier avec un père qui les avait abandonnés. Sauf que Jimmy ne les avait pas abandonnés. Demitri ne pouvait pas croire à cette hypothèse.
Il tomba alors sur deux marteaux, l’un de taille normal et l’un beaucoup plus léger et plus petit qu’il prit dans ses mains et montra à Casey.

- J’ai planté mon premier clou avec ce truc. Je m’en souviens parce que je me suis raté et que j’ai du garder un pansement pendant une semaine.

Et en poursuivant ses recherches, il tomba sur autre chose. Sa mère n'avait pas du vouloir toucher à cet établi après la mort de son époux. Et tout y semblait, par certains côté, avoir été laissé intact. Demitri reposa le marteau et en tira deux photographies. La première représentait son père et sa mère, à l'hôpital, le jour de sa naissance. La seconde représentait trois enfants. De gauche à droit: Joshua, Casey et Demitri. Un peu nostalgique, il tendit la seconde photo à Casey.

- Au moins on sera pas venu pour rien, tu veux la garder? Qu'est ce qu'il devient Joshua d'ailleurs?

Retrouver des meubles appartenant vraiment à la famille Browning avait un peu remotivé Casey dans leur recherche. Et l’évocation de quelques souvenirs étaient venu la détendre. Bon, elle n’était pas complètement détendue non plus, mais ça l’avait tout de même momentanément distrait de l’ambiance lourde et pesante qui régnait à l’intérieur de cette maison défigurée.
Ils ne trouvèrent rien de spécialement probant à l’intérieur de l’établi du père de Demitri, si ce n’est ces deux photos vieillies, vestige d’une autre époque.
L’adolescente délaissa l’observation du tiroir à clou dans la quelle elle était plongée pour braquer ses yeux sur le cliché. Un large sourire se dessina sur ses lèvres.

« Mon frère » lança-t-elle d’un ton légèrement railleur mais tout de même léger, scrutant la photo de tout près pour percer l’obscurité ambiante « Ca dépends si tu veux savoir ce qu’il devient en général, ou ce qu’il devient en particulier. En particulier, il se remet doucement de ses terribles blessures de grand brûlé en se nourrissant exclusivement de glace préparée par maman. Et en général c’est encore plus court : rien »

Elle n’avait pas l’habitude d’être aussi directe dans la critique, mais en ce moment, Joshua lui avait trop couru sur le système. Elle détestait l’idée qu’il lui mente, alors elle se défrustrait comme elle le pouvait. L’occasion était idéale.

« J’me souviens de quand cette photo à été prise ! » s’exclama subitement la jeune fille, songeant que son jumeau était un sujet de conversation barbant et qu’il ne méritait pas autant d’attention de leur part « Mon père nous avait emmené pécher tu te souviens ? A Westbridge, au lac. C’était au début du printemps parce que j’ai un pansement sur le genou, et que j’m’étais fais ça juste après notre anniversaire. On doit avoir 8 ans là-dessus et toi 6 ou 7. T’as pas tellement changé en fait » Sourit-elle, attendrie par son souvenir, faisant voyager ses yeux de la photo au garçon très afféré à sa recherche.

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Très afféré en effet.
Demitri, pendant que Casey te raconte sa vie, tu tombe sur une vieille boîte à outil ayant appartenu à ton défunt papa.

Tu observe son contenu et y voit les objets suivants :

Deux marteaux de petites tailles, une tenaille rouillée, une clé de 9, trois tourne visses plats, un petit tourne visse en étoile, une lime avec un manche en bois, deux pinces coupantes, quelques clous éparses, un crayon, les mèches d’une perceuse électrique, trois petites clés, un mètre déroulant, du papier de verre et un couteau suisse marqué des initiales D.B.

Aucun de ces objets ne t’es spécialement familier. Enfant, Demitri n’était pas autorisé à jouer dans les outils de son père, au risque de se faire mal.
Un clou dans le nez est si vite arrivé…

Tu peux faire ce que tu veux avec ces objets pour le moment : Simplement les observer puis passer à autre chose, en garder certains, ou les manger.

Demitri enfonça la photo de sa mère sans sa poche. Leurs relations avaient beau être incroyablement problématiques, elle demeurait sa seule famille proche, et il l’aimait, bien qu’il ne le lui montrât pas vraiment. Il laissa l’autre photo aux soins de Casey, se disant qu’il ne la garderait que si elle n’en voulait pas.

- C’est moche pour ton fère, répondit-il dans un sourire, pour les blessures et aussi pour le fait de ne rien devenir. J’espère que c’est pas trop grave.

La conversation dériva sur la photographie et l’adolescent de rapprocha pour observer plus attentivement le cliche. Casey avait une mémoire impressionnante, lui, ne se souvenait pas de cette journée. Ce ne fut néanmoins pas ce qui attira le plus son attention. Il n’avait pas changé ? Demitri haussa les sourcils en considérant le petit garçon rondouillard et souriant qu’il y avait sur la photo. Il n’avait plus grand chose en commun avec ce gamin. Il s’était affiné, notamment durant sa période d’anorexie et avait perdu l’innocente impression de sécurité qu’il avait à l’époque. Celle-ci s’était envolée à la mort de son père. Et il n’était plus timide, ça non ! Enfin, si, parfois avec les filles mais elle ne craignait plus d’envoyer balader ceux qui se payait sa tête. Il avait appris à se défendre par la force de ses mots, et lorsque ce n’était pas suffisant, avec ses poings.

- Tu rigoles ! J’suis plus comme ça ! Et je pêche plus depuis longtemps, t'façon !

Enfin si, peut-être un peu. Tout au fond de lui, il y avait encore un petit garçon timoré. Mais cet enfant était bien dissimulé derrière des attitudes d’adolescent en colère contre le monde entier, et surtout contre Grayson. Mais ça, il ne voulait même pas y réfléchir. Pour éviter que cela n’arrive, il reprit sa fouille et tomba sur une vieille boîte à outil. Demitri en observa le contenu, les sourcils froncés. Il ne se rappelait pas du tout de ces objets, mais cela n’avait rien d’anormal en soit. La gravure sur le couteau suisse attira par contre son attention : D.B. Etait-ce pour lui ? Est ce que son père avait laissé ça à son attention ?

- Regarde… fit-il pour savoir ce que Casey en pensait. Ca m’était peut-être destiné, aussi. P’tetre qu’il a jamais eu le temps de me le donner.

Peut-être qu’il se plantait complètement, après tout.
Il finit par hausser les épaules et se dirigea vers le pupitre pour une étude approfondie. Un courant d’air passa et il remarqua enfin la grille d’aération en fronçant les sourcils.

La réaction de Demitri l’avait fait rire. C’était une réaction typique de garçon d’ailleurs. Etre comparé au petit garçon qu’il était sur cette photo mettait sûrement sa virilité à rude épreuve et ça n’était pas à son goût. Surtout qu’avec cette tête de boudeur, la ressemblance était plus frappante encore, seulement elle se garda bien de le lui préciser, préférant épargner la petite susceptibilité masculine de son ami.
L’adolescente se rapprocha donc simplement lorsque le jeune homme le lui demanda, et posa ses yeux verts sur le petit couteau que tenait Demitri, éclairé par le faisceau de la lampe torche.
L’objet était vieux, un peu rouillé par endroit, et des petites initiales avaient été pyrogravée dans son bois lisse et tendre.
La vision de ces deux petites lettres effaça progressivement le sourire qui habitait encore les lèvres de la jeune fille, soudainement prise d’un sentiment de nostalgie un peu triste.
Elle resta près de l’établi, plongée dans ses pensées, tandis que Demi de son côté, se détournait déjà pour continuer son exploration des lieux, la laissant dans le noir et l’obligeant à lui faire face pour y voir quelque chose.

« Il a l’air vieux ce pupitre. Du genre plus vieux que nous encore » commenta-t-elle au bout d’un moment « ma mère en avait un dans le même genre quand elle était petite, et c’est sa grand-mère qui le lui avait donné. Le sien avait des tiroirs mais sinon il est pratiquement identique… qu’est-ce que tu trouve ? Y’a quelque chose d’intéressant à l’intérieur ? »

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Peut-être. Peut-être pas.

Le pupitre ne comporte qu’un seul et unique compartiment.
A l’intérieur se trouvent trois livres poussiéreux :

-Un recueil des contes de Grimm
-Un guide de la Sténographie
-Un roman intitulé ‘Seconde Chance’

Demitri tu peux : Observer les livres de plus près, les garder, ou les laisser dans le pupitre avant de passer à autre chose.
La roue tourne, faites vos jeu.

L’adolescent tiqua. Cela ne voulait peut-être rien dire mais il trouvait étrange que deux personnes dans une même ville possèdent le même pupitre. Bon, en soi, ça n’avait rien d’étrange, ça il pouvait le concéder. Mais il s’agissait de GRAYSON, pas de n’importe quel bled paumé ! De Grayson ! Par conséquent, ce n’était pas négligeable et il devait noter ce détail pour s’en souvenir.

- Je me rappelle pas à qui il était ce pupitre. P’tetre à mon père.

Il ne pourrait de toute manière pas avoir de réponse à cette question puisqu’il ne pouvait pas parler de son enquête à sa mère. Frustrant mais tolérable.

Demitri dépoussiéra la couverture et tendit la lampe à Casey pour qu’elle dirige le faisceau vers lui. Dans le même temps, il fit basculer son sac à dos sur le côté et déposa un à un les livres à l’intérieur après avoir consciencieusement lu les titres et inspecté rapidement leurs pages pour vérifier qu’ils ne comportaient aucun messages, marque pages, ou même lettres. Il ne savait pas à qui appartenaient ces livres, mais il y avait fort à parier que cela concernait sa famille étant donné que cette pièce ressemblait plus à un musée Browning qu’à une cave ordinaire.

- Alors on a : les contes de Grimm, un roman à la con. « Seconde chance », ça t’intéresse ? demanda-t-il, taquin, et… Un bouquin de sténographie. C’est genre les messages codés non? Comme le carnet! Approche...

Précipitamment, il ouvrit le libre et tourna les premières pages....

Casey avait étudié les Contes de Grimm en long et en large en cours, elle les avait trouvés glauques mais totalement fascinants. Les retrouver au fond de ce pupitre tout droit sortit d’un autre temps, dans cette cave ou flottaient les souvenirs, lui inspirait plus que jamais ce sentiment d’être à la recherche d’un fabuleux trésor du passé. Un artefact mystérieux qui embaumait l’air frai de la cave d’un parfum aventureux et enivrant.
Elle s’était vivement rapprochée du garçon et s’était saisit de la lampe torche afin de la maintenir, bras levé, sur les pages qui feuilletaient maintenant fébrilement Demitri. Les yeux grands ouverts pour ne rien rater, elle sondait le manuel de sténographie comme si la solution à cette nébuleuse énigme allait lui apparaitre en lettre de feu au détour d’un chapitre.
Le garçon continua de tourner les pages, encore et encore, le temps continuant sa course, tout emprunt de la moiteur avide qu’éprouvaient les deux jeunes gens.

Seulement, ce genre de sentiment s’effritait bien vite, et si au début, le cœur de Casey s’était un peu emballé sous le coup de l’excitation, au bout du 14ème chapitre, elle avait déchanté.
Le bras levé un peu moins haut que précédemment, elle ne put empêcher l’un ou l’autre faible soupir de passer la barrière de ses lèvres.

« J’pense qu’il faudrait prendre le temps de le lire en entier » finit-elle par dire, un peu déçu que la solution ne soit pas plus simple à trouver « Oh non attends ! Reviens en arrière j’ai vu quelque chose » s’exclama soudainement Casey.

Le garçon s’exécuta et revint une page en arrière.
C’était discret, et à la lumière électrique, peu visible, mais quelques mots avaient été surlignés à l’aide d’un marqueur fluo jaune. Il s’agissait du titre du 15ème chapitre.

« Chapitre 15 : L’encre sympathique » lut Casey à haute voix.

C’est tout ce qui était surligné, mais les premières lignes d’introduction au chapitre du manuel étaient pourtant plus explicites encore.

« Ou encore ‘encre Invisible’ » continua la jeune fille, sans pouvoir empêcher un sourire gourmant de se dessiner sur ses lèvres fines « … substance utilisée pour l’écriture blablabla, … utilisée dans l’espionnage et le contre-espionnage » sourit-elle de plus belle « blabla… actions anti-censure, messages codés, billets de banques, encore du blabla. L’exemple le plus connu est l’écriture au jus de citron : le message se révèle en roussissant le papier à l’aide d’une flamme » termina l’adolescente avec la certitude qu’elle venait de lire la phrase qui leur serait le plus utile pour la suite.

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Cela dit ton exploration n’est pas terminée Demitri !

Tu peux : sortir ton briquet et le carnet de ce brave Jimmy ou continuer ta fouille et garder cette étape pour plus tard.

- Ouai, fit-il.

La déception perçait dans le son de sa voix. Casey avait raison, il faudrait sans doute lire ce livre en entier pour que cette trouvaille soit d’une quelconque utilité. Demitri était à deux doigts d’envoyer valser ce stupide bouquin à travers la pièce pour apaiser sa frustration. A chaque fois qu’il avait l’impression de mettre le doigt sur quelque chose, il ne tombait, en réalité, sur rien d’autre qu’une foutue impasse. A la place, il tourna encore plus rapidement les pages mais Casey l’interpella.
Il revint en arrière et son cœur fit un bond. Un indice digne de ce nom, enfin ! Demitri se tourna vers elle !

- Faut qu’on vérifie ça !

A grand geste maladroit, il posa le livre sur le pupitre, extirpa le carnet de son père et son briquet. Il ouvrit le carnet à la deuxième page et approcha son briquet. Brusquement il s’arrêta. Et si ils se plantaient ? Et s’il brûlait le carnet au lieu d’en révéler les secrets ?

La peur… toujours la peur. Il devait combattre ce sentiment et ne pas se laisser paralyser. C’était ridicule ! Il prit quelques secondes pour calmer sa respiration, et ses mains qui tremblaient d’excitation. Enfin, enfin, il se rapprochait du secret de son père, et donc de celui de la ville. Tout obnubilé qu’il était par cette découverte, Demitri ne songeait plus qu’à peine à fouille le reste des lieux. Après tout, ils s’en occuperaient plus tard. Ca, ça ne pouvait pas attendre.
Le moment était important, et il ne voulait pas ton foirer.

Il chercha le regard de Casey dans la pénombre, persuadé que cela le rassurerait et le pousserait à oublier ses craintes.

Il alluma son briquet au bout de la seconde tentative et le rapprocha tout doucement de la page vierge pour la faire roussir sans la brûler. Il entendait les battements de son propres cœur résonner lourdement.

Après avoir échangé un regard à la fois incrédule et excité avec Demitri, Casey retint inconsciemment sa respiration, trop profondément catalysée par le suspense. Le jeune homme à ses côtés venait d’allumer son briquet pour l’approcher de la première page vierge du carnet de son père. La lueur chaude et orangée de la flamme venait nimber les environs directs d’un doux halo mystérieux qui donnait à la scène des allures de vieux tableaux.

De ses fins yeux verts, l’adolescente observa le feu venir lécher la surface lisse et pâle du papier.
Quelques interminables secondes s’écoulèrent, toutes empruntes d’attente, avant que quelque chose ne se passe enfin.
Casey écarquilla les yeux de stupéfaction lorsque lentement, les courbes rousses de quelques lettres apparurent sur la page. C’était totalement fou, mais Demitri avait eut raison depuis le début en affirmant que ce carnet détenait des réponses cachées.

Eclairant le livret du mieux qu’elle pouvait, la jeune fille ne rata pas une miette du spectacle. Quelques mots apparurent, puis bientôt, des phrases entières vinrent se former.

« T’arrive à lire quelque chose ? » questionna Casey avec excitation.

Il était évident que le père de Demitri y avait annoté beaucoup de choses, pourtant ce qui était écrit restait flou et difficilement déchiffrable.

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Demitri, voici la page en question :

Spoiler:

Comme tu peux le constater, les années ont fait des dégâts, le jus de citron utilisé s'est en grande partie évaporé, et très peu des inscriptions de Jimmy restent lisibles aujourd’hui. La seule phrase réellement identifiable est celle que tu peux voir ci-dessus.

Demitri tu peux te remettre à fouiller quand tu le sens mon grand, il n'y a plus rien à tirer du carnet de papa !

- « O Spectacle ! Ainsi meurt ce que les peuples font ! Qu’un tel passé pour l’âme est un gouffre profond !» Le reste s’est effacé, il y a rien d’autre !

L’adolescent était frustré et un peu déçu. Tout ça pour ça ? En quoi ça allait l’aider à prouver que son père avait été assassiné ? Et rien d’autre n’était visible. Le goût amer de l’échec emplissait sa bouche et Demitri resta un instant prostré devant le carnet. Il plissa les yeux pour y voir davantage mais rien. A peine réussit-il à distinguer le mot « cadavre » et « bataille » et encore, peut-être était-ce lui et son imagination qui interprétait l’écriture effacée de cette façon.
Un sentiment d’injustice grondait en lui et cela se ressentait nettement dans son attitude. Il tenta de le faire taire pour réfléchir plus posément et ferma le carnet d’un coup sec avant de l’enfouir à nouveau dans son sac. Il tira vivement sur la fermeture éclair et replaça son sur son dos.

Ce carnet ne tenait pas ses promesses. Et par extension, il ne tenait pas ses promesses envers Casey.

- J’suis pourtant sûr d’avoir raison. Ca a forcément une signification, c’est peut-être un autre message codé. Je regarderais sur internet une fois rentré, parce que vous avez pas internet dans ce bled paumé, évidemment.

Ville pourrie qui lui mettait des bâtons dans les roues. Sa déception se trahissait dans une certaine colère. Il était presque prêt à tourner les talons et à retourner chez lui quand un petit courant d’air lui passa entre les jambes.
Demitri se redressa et jeta un coup d’œil à Casey pour voir si elle avait sentie la même chose. Il avait stupidement besoin qu’elle l’encourage à ne pas baisser les bras si facilement. Il avait l’impression de tomber constamment dans des impasses dans cette enquête, dès qu’il trouvait quelqu’un chose d’intéressant et commençant à creuser, une porte se fermait et il se retrouvait à nouveau devant une impasse, contraint de chercher ailleurs.
Dépité, il alla chercher la petite boîte à outil, laissé sur l’établi et s’approcha de la bouche d’aération. Il avait l’intention de finir de fouiller correctement les lieux mais commençait à perdre espoir quand à trouver un indice vraiment convaincant. L’adolescent s’agenouilla et commença à dévisser la grille d’aération en haut à gauche tout en continuant à parler.

- J’aurais juste bien voulu trouvé un truc. Un truc qui m’aurait prouvé que je me plante pas complètement. Enfin c’est surtout que je sais que j’ai raison mais j’ai aucune preuve !

Il dévissa les vis suivantes en silence

« Oh allons Demitri, c’est pas rien ce qu’on à trouvé »

« C’est pas très explicite mais… mais c’est quand même troublant. Qui sait ce que ton père a bien pu écrire d’autre dans ce carnet ? On peut peut-être pas le lire, mais c’est quand même un indice, ça veut dire qu’il avait des choses à cacher. Puis c’est pas vrai, j’ai une super connexion moi à la maison »

« T’es sûr que tu veux mettre ta main là-dedans ? C’est sûrement plein de bestioles »

La demoiselle à raison Demitri, c’est plein de bestiole là-dedans. Tu plonge ta main à l’intérieur du conduit et sent les toiles d’araignées se briser sur ton passage, et certaines occupantes viennent te ramper sur les doigts.
Tu tâtonne rapidement et rencontre une surface lisse et froide. Tu extirpe de là ta nouvelle trouvaille que voici :

C’est une petite boîte de métal rouillée. Si tu la secoue, tu peux entendre qu’elle contient manifestement quelque chose.
Le problème : elle est fermée par un cadenas qui semble très solide.

A toi de voir comment l’ouvrir avec les objets qui t’entourent.

- Ouai, t’as raison, admit-il en n’y croyant qu’à moitié.

C’était sûrement égoïste mais il aurait souhaité plus. Un mot pour lui, juste quelque chose qui lui aurait rappelé que son père avait tenu à lui. Ou alors une esquisse d’explication ? Même de ça il s’en serait contenté. Là, ce n’était qu’une énigme de plus.

Demitri avait plongé sa main dans le conduit d’aération sans espérer y trouver quoi que ce soit. Il s’acquittait de ce devoir comme une tâche obligatoire qu’il s’était auto-attribuée. Il se fichait bien des toiles visqueuses qui s’accrochaient à ses doigts, tout comme des araignées qui venait lui en chatouiller l’extrémité. Il agita sa main une fois ou deux pour les en déloger. Bien qu’il ne craigne pas ces bestioles, leur présence sur sa peau était un plus dont il se serait bien passé. Il afficha une moue dégouté tandis qu’il faisait glisser sa main contre la paroi. Celle-ci buta contre une surface froide et lisse qui n’avait rien de la rugosité de la pierre. Il s’arrêta net, son cœur manqua un battement et il se tourna vers la jeune fille.

- Cas’ ! Eclaire-moi, s’te plaît !

Machinalement, l’adolescent passa sa langue sur ses lèvres. Il était tout à la fois anxieux et excitée. Cette visite dans son ancienne maison n’était qu’un putain d’ascenseur émotionnel dont il en serait descendu pour rien au monde. C’était complètement dingue.

Il tira vers lui l’objet et le sortit de son antre. Il caressa l’objet du regard comme s’il s’agissait d’un trésor inestimable et la boîte en ferraille tremblait légèrement dans ses mains. Il l’agita et entendit de bruit.

- Il y a des trucs dedans Casey !

La scène semblait être une variante tordue d’un enfant découvrant son cadeau sous le sapin le matin de noël.
Demitri essaya de forcer manuellement le cadenas mais il résista. L’adolescent fronça les sourcils. Ce n’était pas un cadenas qui l’arrêterait maintenant. Il voulait savoir ce que contenait la boîte et il le saurait ! Du plat de la main il la dépoussiéra avant d’aller la poser sur le pupitre.

- Faut qu’on l’ouvre, annonça-t-il comme si son intention n’était pas évidente.

Il exultait, fébrile. Enfin quelque chose ! Et malgré l’amertume de la semi impasse du cahier, le garçon ne parvenait pas à se raisonner. Une partie de lui tentait de le mettre en garde contre une déception à venir mais il ne l’écoutait pas et n’en faisait qu’à sa tête. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il aurait embrassé Casey tant il se sentait soudain invincible. Capable de tout. Proche du but.

Il ramena la petite boîte à outil et considéra ses possibilités : la tenaille, les pinces coupantes qui lui paraissaient trop fragile. Et si jamais rien de tout cela ne fonctionnaire, il chercherait à utiliser la lime puis son couteau suisse pour ouvrir le cadenas sans code ni clé. Et… Dans le pire des cas, il lui resterait toujours les marteaux.

- Qu'est ce que tu crois que pourrais y avoir dedans? Des trucs important non? Sinon ça serait pas cadenassé!

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