Dernier arrêt Bean Lake. Paysage sympa, faune qui sort légèrement de l'ordinaire, mais ça n'a été qu'une courte escale. Intéressant mais je me suis vite lassée. J'ai donc décidé de continuer vers le Sud-Ouest, et puis j'ai changé d'avis au bout de quelques kilomètres et pris plein Nord, cap que je tenais encore il y a une quinzaine de minutes, moment à partir duquel j'ai pris plein Ouest. Tout à fait moi, faire n'importe quoi avec les directions. Mais on s'en fout, dans le fond. Ça fait plusieurs mois que je suis sur les routes et je n'arrive toujours pas à me faire à l'idée que je n'ai PAS d'itinéraire. Non pas que j'en ai déjà eu un, même quand j'allais à la boulangerie, mais le concept reste incongru. Je souris à cette idée de totale liberté, replaçant une mèche aussi noire que rebelle derrière mon oreille, et ensuite un grand coup de langue de Sob me sort de mes pensées.
- Ew! T'es dégueu!
Ma remarque ne m'empêche pas de serrer sa grosse tête, qui passe entre les deux sièges avant, contre moi. Je respire son odeur si familière et fronce le nez. Il a bien besoin d'un bain, didonc, après la trempette qu'il s'est accordée dans le lac. Il schlingue. L'étreinte terminée mon chien puant se retourne sur la banquette arrière et colle son museau à la fenêtre, pire qu'un gosse idiot. Mais plus mignon, évidemment. Au moins il n'est pas malade en voiture. Je ne sais même pas pourquoi je pense ça puisque ce doit être la créature la plus facile à vivre du monde.
- Toi aussi le coin te plaît? je demande.
La journée a avancé et la luminosité a un peu décru, mais ce n'est pas seulement l'heure du jour qui a rendu le paysage plus...je ne saurais pas dire. Glauque me semble péjoratif. Mais on est loin du vert lumineux du lac. Je ne saurais trop dire pour quoi mais l'impression est là, tenace. Le décor s'est assombri dans tous les sens du termes. J'aime cette ambiance feutrée et étouffante. On va s'arrêter bientôt. Prochain village sans doute. Sob se retourne vers moi et aboie une fois. Des fois je crois qu'il me comprend...et d'autres fois je me dis que c'est juste un bon acteur.
- Tiens, voilà, Edgerton: 1 mile.
J'indique du menton le panneau, qu'on distingue quand même malgré le couvert végétal ayant entreprit de l'engloutir, au bestiau qui ne m'écoute déjà plus. Et dire que moi je suis ses humeurs! Il y a 7 miles il a catégoriquement refusé de sortir de la voiture à Dearborn. J'ignore pourquoi, mais bon, il est plus têtu qu'une mule alors je n'ai pas insisté. Je n'avais pas flashé sur l'endroit non plus, quoi qu'il en soit. Soupirant, un peu lasse de conduire, j'attends avec autant de patience que j'en suis capable que ma voiture nous mène à bon port, pendant que Sob se couche, tête sur es pattes, à l'arrière, sans doute dans le même état d'esprit que moi.
Un moment plus tard, nous arrivons effectivement à Edgerton. Le décor fait meilleur effet que la ville. Je vais quand même prendre une chambre à l'hôtel, me disant que je peux toujours me balader aux alentours si cette bourgade est aussi peu inspirant qu'elle en a l'air. Numéro 77. Ça ne porte pas malheur, ça? Je pose mon sac de voyage à l'intérieur et regarde l'endroit sans le voir vraiment. Je ne saurais même pas vous décrire la décoration ou les meubles. Terrible esprit sélectif. Sob s'active à tout sentir dans les moindres recoins, en bon chien de chasse qu'il est. Enfin je crois. Quant à moi mes yeux s'arrêtent finalement sur un prospectus posé sur la table de chevet. Un parmi tant d'autres. Esprit sélectif, j'ai dit. Je le saisi et le lis. Cinéma plein air à Grayson, 6.3 miles. C'est assez loin mais Grayson est un mot trop proche de Grayland pour que je ne tilte pas. Et le cinéma c'est cool, quel que soit le film. Il y a toujours un truc à faire là-bas.
- Sob, debout, on repart. Désolée mon gars.
Étonnamment il ne se couche pas par terre en imitation carpette comme je m'y attendais après une si longue route, et au contraire remue la queue, l'air enthousiaste. A-t-il compris ce que j'ai dit? Me voir prendre mon sac en bandoulière, signifiant clairement qu'on se dirige vers de nouvelles aventures, n'entame pas son engouement. Heureuse de son tempérament limite schizophrène qui m'arrange plutôt bien au final, je lui caresse vigoureusement la tête. Je l'aime, cet animal.
- Aller, on est partis!
Je ferme la porte derrière nous puis on remonte dans la voiture dans une chorégraphie huilée depuis le temps. On the road again. J'allume la radio, ce que je fais rarement, et choisis une chaîne pas trop nase, histoire de nous tenir bien éveillés. Il n'est pas si tard mais on déjà pas mal roulé et on va pas arriver au ciné complètement somnolents, ce serait cruchon. A la sortie d'Edgerton, un panneau indique la direction de Grayson. Let's go!
Accueil 
Dernières images 
Dim 20 Déc 2009, 23:41